vengeance (jake)

Les jours se répètent mais ne se ressemblent pas. Depuis quelques temps, tout s’enchaîne dans la vie de Craig, il n’a pas le temps de comprendre une situation qu’une nouvelle difficulté vient s’ajouter au panier, peser sur ses épaules. Comme beaucoup d’habitants d’Island Bay, il a récemment été la victime d’une bande de cambrioleurs. Son appartement a été retourné mais après plusieurs vérifications, rien ne lui a été dérobé. Cette aventure a quand même eu son importance et un impact non négligeable, puisqu’il s’est fait tabasser et a fait un petit séjour à l’hôpital avec quelques côtes cassées. Là-bas, il a retrouvé sa petite amie qui lui a annoncé la nouvelle d’une vie, celle qui chamboule tout : il va être papa. Ce jour-là, il était énervé contre lui-même, énervé contre les policiers, énervé contre Nahla, énervé contre le monde entier. Sa colère n’a pas atteint les seules personnes véritablement coupables de son calvaire : les cambrioleurs. Après son épisode à l’hôpital, il ne s’est pas engagé dans une vendetta personnelle, se disant que ce n’est qu’une perte de temps et qu’il a mieux à faire, maintenant qu’il va devenir père. Comme arranger les difficultés que son couple rencontre, rassurer la mère de son futur enfant et prévoir sa venue. Les cambrioleurs ne sont restés qu’un lointain souvenir, douloureux et énervant. La douleur, il la ressent toujours quand il soulève des charges lourdes : ses côtes ont du mal à se remettre, mais il sait que ça ira mieux avec le temps. L’énervement, lui, il le ressent dès qu’il a mal, dès qu’il se retrouve seul dans son appartement, dès que ce sentiment d’insécurité s’empare de lui. Craig n’est pas quelqu’un qui a peur, ça n’a jamais été dans sa nature. Mais depuis qu’il sait qu’il va devenir l’un des êtres le plus important pour quelqu’un qui n’est pas encore de ce monde, il fait attention. Les sorties et bagarres au bar sont devenues rares, il fume un peu moins, évite de s’emporter quand quelqu’un ne roule pas bien sur la route. Bref, il était à deux doigts de devenir l’homme moderne modèle. C’était sans compter cette discussion dans l’ascenseur, entre deux de ses voisins. Il était adossé à la barrière, proche du miroir de l’élévateur, quand il a entendu cette rumeur qui circule dans les couloirs depuis quelques semaines : l’un des habitants de cet appartement fait parti du groupe de cambrioleurs. Il s’est immiscé dans la conversation de la plus agressive des manières en demandant un nom, l’étage, la porte. Ses envies de se venger se sont finalement manifestées, sans même chercher à savoir si cette rumeur est fondée ou non.

Il se trouve finalement devant cette porte, celle de son pire ennemi dans cette ville. Il a l’impression d’être stupide, comme quand on va à la page des solutions pour les mots croisés, et qu’on se rend compte d’à quel point la réponse était évidente. Ce mec est louche, ce mec a besoin de violence, ce mec a tout du parfait psychopathe, comment a-t-il fait pour ne pas le soupçonner avant ? Il ne s’est pas armé, ni barre de fer, ni couteau, ni quoi que ce soit. Jake voulait le cambrioler, saccager son appartement et le semblant de vie qu’il avait ? Il va faire de même, sans se risquer à retourner à l’hôpital. Le tatoué toque à sa manière : un coup de pied dans la porte. Celle-ci est plus renforcée qu’il l’imaginait, elle ne cède pas sous son poids, mais c’est suffisant pour montrer qu’il est là et prêt à tout foutre en l’air à l’intérieur. Après ce coup qui a sûrement réveillé tout l’étage, le brun ouvre la poignée d’une manière plus conventionnelle et entre dans l’appartement, faisant directement tomber l’intégralité de ce qu’il y a de posé sur la première étagère qu’il rencontre. ▬ Tu voulais jouer, hein ? Finalement, son énervement l’emporte sur sa raison, peut-être qu’il n’aurait pas dû agir impulsivement.

Les agissements de l’Anglais témoignent de son énervement. Les objets autrefois posés sur le meuble de l’entrée de Jake ne sont plus à leur place, ils gisent sur le sol. Et d’autres auraient suivis, si le lutteur ne s’était pas pointé à ce moment-là. Craig était prêt à tout saccager, mais maintenant que son pire ennemi lui fait face, il ne sait pas s’il doit continuer. Il y a le diable et l’ange, sur ses épaules. Le démon lui susurre à l’oreille de continuer, de faire pire, de foutre le feu à cette baraque. L’ange lui demande de se calmer, de s’excuser et de faire demi-tour aussi vite qu’il est arrivé. Qui est-ce qu’il faut écouter ? Sûrement pas la voix de la raison. Le tatoué n’est pas quelqu’un de gentil et il ne se dégonfle pas. C’est pas son truc, il préfère montrer les crocs, grogner et, si ça s’avère nécessaire, mordre. Aujourd’hui, sa proie est facile, son plan est tout tracé. Il ne reculera devant rien. ▬ C’quoi mon problème ? Un rire nerveux s’échappe d’entre les lèvres du barbu, tandis qu’il donne un coup de pied dans les biens de Jake, qu’il a fait tomber il y a quelques secondes. ▬ J’peux peut-être te retourner la question, tu crois pas ? Il se rapproche dangereusement. Il y a un couloir qui sépare les deux hommes, ils sont suffisamment espacés pour ne pas se sauter dessus en deux secondes. ▬ C’qu’il s’est passé chez moi, c’était prémédité, avoue, hein ? J’sais que j’suis loin d’être la seule victime mais avoue qu’t’as kiffé passer tes nerfs sur moi. Il ne s’est rien fait voler, mais quelques unes de ses côtes ont été brisées. Et à cause de lui, il a su qu’il allait être père de la pire des manières. Il a eu la pire des réactions. Tout ça par sa faute. Enfin, c’est ce qu’il croit. Dur comme fer. Comment l’imaginer innocent, quand il a cette gueule de coupable qui le suit partout ? ▬ Tu mériterais que j’te casse la gueule. Et moi j’viens pas avec des potes, j’suis tout seul, comme un grand. Ça t’a pas suffit la dernière fois ? La première fois, le soir où ils se sont rencontrés. Quand Craig a remporté la bataille, il ne pensait pas s’engager dans cette guerre. Il ne pensait pas le retrouver dans un bar et se battre avec lui, jusqu’à finir au poste de police. Il ne pensait pas venir chez lui et le menacer de le tabasser. Il ne pensait pas en arriver là, tout simplement. Il allait de nouveau ouvrir la bouche, de nouveau hurler sur son adversaire, mais une petite bouille s’est pointée derrière le combattant. Une enfant, visiblement très jeune, qui ne comprend pas tous ces cris, qui représente l’innocence en personne. Elle est la pureté entre ces deux hommes qui cherchent à prouver qui est le meilleur, sans cesse. Elle est l’exemple à suivre, alors qu’elle ne connaît rien de la vie. Ça laisse le brun bouche bée pendant quelques secondes, avant qu’il commence à se poser des questions. Qui est-elle, qu’est-ce qu’elle fait ici ? ▬ T’as une gosse toi, maintenant ? Le ton s’est baissé, il ne s’aventurera pas à frapper un homme devant sa fille. Ou sa sœur, ou sa nièce, ou peu importe qui elle est, en fait. Une gamine n’a pas à voir toutes ces choses , ni à entendre toutes les horreurs que deux hommes énervés pourraient se dire.