l'histoire de ma vie
Even surgery can not repair a broken heart
Noah est le deuxième fils, cela n'a jamais été facile de tenir ce rôle, son frère, bien que son modèle était toujours le meilleur dans tout ce qu'il faisait autant au niveau sportif qu'au niveau des études. Un an, ce n'est rien un an mais selon lui, il fallait qu'il soit le premier, et, bien que Colton lui ait à maintes reprises dit que la rivalité qu'il leur imposait n’avait aucun sens, c'était plus fort que Noah, il fallait qu'il y arrive. Très jeune, il devait avoir treize ans, il s'est mis à étudier d’arrache-pied, voulant exceller dans toutes les matières, rendant ses parents fiers de lui, mais pour lui, ce n'était jamais assez.
Un été, ils avaient 16 et 17 ans, tout bascula pourtant. Un dimanche comme tous les autres, les garçons et leurs amis étaient à la plage. Un pari, complètement stupide, comme ceux que des gamins immatures se lancent. Noah mis donc Colton au défi : plonger du haut de l’une des falaises. Colton refusa, disant que cela était bien trop dangereux car il y avait trop de vent, que l’océan était beaucoup trop déchaîné et que c’était prendre bien trop de risques pour pas grand-chose. Noah n’en démordait pas, et surtout, il avait une autre raison, celle-ci bien cachée, dont il n’avait jamais parlé à personne : Briséïs. Oui, bien plus encore que pour le goût du risque, du défi, d’enfin battre son frère, il voulait qu’elle le regarde, lui, seulement lui. La raison de mettre ainsi sa vie en jeu ? Le jeune homme était fou amoureux d’elle mais n’avait pour l’instant encore rien dit, attendant le bon moment. Il prit Colton par surprise et se jeta dans le vide avant que son frère ne puisse l’en empêcher. Soudain, une vague, énorme, bien trop forte pour lui le fit se fracasser contre l’un des rochers qui était sous le promontoire, il coula à pic. Terrifiés, les adolescents le virent disparaître sous l’écume. Noah était en train de se noyer et dû uniquement d’avoir la vie sauve au sauvetage de son frère. Il se réveilla tard dans la nuit dans le service de traumatologie. Au début, il ne comprit pas vraiment pourquoi il était là, pourquoi son père et son frère avaient l’air si sombres, pourquoi sa mère ne cessait de répéter « mon pauvre petit ». Il essaya de se redresser, de bouger ses jambes et c’est là qu’il comprit, il ne pouvait pas bouger son bassin ni sa jambe gauche. Quand il souleva le drap qui recouvrait sa jambe, il fut horrifié par ce qu’il vit, à savoir quatre imposantes tiges de métal qui le transperçaient de part en part, il comprit vaguement d’après ce que lui dit le médecin qui avait été appelé en urgence suite à son réveil que cela s’avérait être du matériel d’ostéosynthèse, que sa jambe avait été broyée par les multiples fois où il avait été projeté contre le rocher et que c’était quasiment miraculeux qu’on ait pu conserver son membre tellement il était abîmé, le bassin était quant à lui fracturé. Il crut d’abord qu’il était paralysé car il ne sentait rien en dessous du bas ventre, mais le médecin le rassura en lui indiquant que c’était les effets de la péridurale et que d’ici quelques heures il aurait récupéré toute sa sensibilité.
Des excuses. Il avait fait des excuses à ses parents, mais surtout, à son frère. Cet accident lui avait fait comprendre qu’il avait mis sa vie en danger pour rien, qu’il leur avait fait de la peine pour une stupidité, pour une dualité qui, au bout du compte, n’avait pas lieu d’être et qu’il avait failli perdre la vie. Il avait fait souffrir sa famille, il avait honte et n’osait plus regarder son frère, celui même qu’il s’était presque mis à détester et qui n’avait pas hésité à plonger à sa suite pour le sauver.
De ce jour-là, toute velléité le quitta, et surtout, il n’avait plus le temps de réfléchir à ces futilités : il devait avant tout guérir et selon son orthopédiste cela prendrait des mois. La rééducation fut longue et difficile, le tenant éloigné du lycée, ne voyant pas assez ses amis, il avait peur que l’une d’elle en particulier ne l’oublie, sa Briséïs, celle pour qui son cœur battait au point où parfois cela le réveillait en sursaut la nuit, un petit sourire au coin des lèvres à la suite de l’un de ces rêves qui semblaient tellement réels. Pour tromper l’ennui, il discutait avec les médecins, ses kinésithérapeutes, tous les soignants, s’intéressant chaque jour un peu plus. L’un d’eux lui laissait emprunter des livres de médecine qu’il dévorait. Il devint rapidement passionné par le sujet et compris que c’était ce qu’il voulait faire de sa vie : il serait un jour le Docteur Noah Williams et sauverait lui aussi des vies.
La nouvelle est un jour tombée, Colton avait une petite amie et pas des moindres, Briséïs. Noah était atterré, il eut du mal à encaisser le coup, jamais il n’aurait pu imaginer cela possible. Il avait le cœur brisé et aurait pu tout casser si cela avait pu lui retirer cette douleur sourde qui le terrassait. Il y avait un sac de frappe dans la salle des éducateurs sportifs du centre de rééducation, il passait ses nerfs dessus jusqu’à s’en faire saigner les jointures. Il ne dit pourtant rien, aimant pourtant la jeune fille à s’en damner, il supportait et gardait alors ses sentiments pour lui, il ne lui dirait jamais rien, c’était son frère qu’elle aimait et il ne pourrait jamais lui avouer qu’il l’aimait.
Les années passèrent, Noah avait 24 ans, il était interne dans le service de chirurgie, voulait se spécialiser en cardiologie thoracique. Il aimait sa vie, travaillait beaucoup, la médecine le passionnant. Bien sûr, il fallait une ombre au tableau, une faille, un petit quelque chose qui clochait dans cette vie que l’on aurait pu croire si parfaite. C’est le soir de son anniversaire, alors que leur groupe d’ami était réuni que son monde s’écroula, cette fois ci pour de bon : Colton et Briséïs allaient se marier. Son cœur faillit cesser de battre à l’entente de cette nouvelle, il garda un sourire de circonstance…ne rien montrer…surtout pas…d’autant plus que son frère ne se doutant de rien lui avait demandé d’être son témoin. Il avait bien entendu accepté ; comment aurait-il pu en faire autrement ? Colton n’aurait pas compris pourquoi son propre frère, celui dont il était à présent si proche vu que leurs anciennes querelles faisaient partie du passé ne pouvait que lui dire oui.
Les préparatifs du mariage, Noah les suivit de loin, fuyant les repas de famille, prétextant toujours plus de travail à l’hôpital. Puis, le jour fatidique arriva. Il dû se tenir aux côtés de son frère, un sourire de circonstance figeant son expression, alors que l’amour de sa vie remontait l’allée au bras de son père. Ces yeux qui brillaient, remplis de larmes de joie, l’émotion qui se lisait sur le visage de la jeune femme, tout cela était pour Colton et non pour lui. Il resta digne, recevant le « Je le veux » de la belle comme un coup de poignard en plein cœur. Ce soir-là lors de la réception, il but beaucoup, trop d’ailleurs, il se réveilla dans la chambre d’hôtel d’une des invitées, il fit comme à son habitude et pris la fuite sans demander son reste.
Il apprit ses intentions à ses proches, ses parents et les nouveaux époux, au cours du brunch du lendemain. Il allait partir avec une organisation humanitaire qui s’occupait d’enfants malades dans des pays défavorisés, l’ONG prenant en charge les interventions pour ces petits cardiaques qui ne pouvaient avoir accès aux soins. Tous l’encouragèrent, il partit une semaine plus tard. Il fuyait, il en avait besoin, pour ne pas devenir fou, pour ne pas les haïr, il les aimait trop pour cela.
Noah travailla huit mois dans cette organisation puis se rendit en Australie pour finir son internat et sa spécialisation. Il s’était fait engager dans l’un des hôpitaux de Sydney où il commençait à avoir une bonne réputation, il pensait y rester et s’y fixer, il aimait sa vie, se sentait en paix avec lui-même.
Il était toujours célibataire, l’amour, il avait décidé que ce n’était pas pour lui, c’était devenu une chose qu’il avait oublié deux ans plus tôt.
Un dimanche matin, le téléphone sonna alors qu’il rentrait à peine à la maison suite à une longue nuit à l’hôpital. Il faillit ne pas répondre mais quand il vit qui l’appelait, il répondit aussitôt.
C’était sa belle-sœur, elle était en larme, il ne comprit pas immédiatement, il entendit juste les mots « accident de voiture » puis « il est mort ».
Le lendemain, il était de retour à Island Bay. Colton était mort dans un terrible accident, sa mère et son épouse étaient dévastées. Il avait suivi le cercueil, soutenant Briséïs dans son chagrin du mieux qu’il le put, tous deux pleurant cet homme qu’ils aimaient plus que tout. Ce furent des jours très durs pour la famille mais surtout pour la jeune éditrice. Il repartit non sans mal vers sa vie en Australie quelques semaines plus tard après avoir mis en ordre la succession de son frère qui l’avait nommé exécuteur testamentaire, il était pressé de quitter la Nouvelle Zélande car ses sentiments pour la veuve de son frère n’avaient pas changé et il était hors de question qu’il les laisse s’extérioriser.
Cet accident tragique, c’était il y a deux ans. Noah était à présent de retour à Island Bay, l’un des hôpitaux de la ville lui avait proposé de devenir le chef de service de son unité de chirurgie cardiologique et thoracique, ce dont il avait toujours rêvé depuis son entrée en médecine. Il s’est cependant jeté à corps perdu dans sa vie professionnelle, mettant de côté sa famille, ses amis d’enfance et…elle. C’était volontaire, il ne voulait pas se laisser d’espoir, ne voulant pas trahir la mémoire de son frère en désirant conquérir sa femme à présent que son rival était décédé.
Il avait repris contact avec ses parents, sa mère l’avait sermonné comme elle l’avait toujours fait, lui disant qu’il était resté trop longtemps loin d’eux et de la pauvre Briséïs. Il fit amende honorable, prétextant avoir trop de travail à Sydney, ne pouvant lui avouer que c’était une fuite nécessaire pour sa survie. Deux jours plus tard, il se retrouvait devant la porte de la jeune femme, ne sachant trop comment l’aborder, comment expliquer pourquoi il s’était tenu à l’écart, lui qui avait toujours été présent pour elle. La seule chose qu’il savait c’était qu’il l’aimait, toujours, éperdument. L’autre chose qu’il savait c’était qu’une petite voix, insidieuse, lui intimait l’ordre de tout lui dire, d’oser, car à présent plus rien ne pouvait le retenir. Mais cela n’était pas simple, il ne voulait pas la perdre à tout jamais…ce serait long, sûrement difficile…mais le jeu en valait la chandelle : cette fois ci il allait tenter de la conquérir et lui avouerait ses sentiments.