Quand la vie ne tient qu'à un fil. | Magda

Magdalena m’a fait découvrir l’amour. Grâce à elle, j’ai vécu un mois et demi de bonheur. Enfin… Très souvent, je dois bien avouer que j’ai du mal à la suivre. Selon elle, je ne la comprends pas. Elle croit même que je me moque d’elle parce qu’elle n’est pas tombée enceinte à la suite de notre unique rapport. Comment peut-elle croire une chose aussi stupide ? Jamais je ne me ficherais d’elle. J’espérais qu’elle me connaisse mieux que cela. Je sais que je ne suis pas très mature pour mon âge. Mais pas au point d’être un gamin riant au nez des gens. Je ne l’ai jamais fait. Et ce n’est pas à trente-cinq ans que je vais commencer.

Et ce qui devait arriva… Ma petite amie m’a quitté.  Elle pense qu’on n’a plus rien à faire ensemble. Je l’aime tellement…. Elle m’a brisé le cœur. Je me dois de respecter son choix. Elle préfère que l’on ne soit plus ensemble. Alors je dois réapprendre à vivre sans elle. La soigneuse sait que je l’attendrais aussi longtemps qu’il le faudra. Il n’est pas question que je me tourne vers une autre femme. Que je couche avec une autre. Ou simplement que mes lèvres goûtent celles d’une autre. Non ! Jamais de la vie ! La seule exception à la règle est Elsa : ma meilleure amie et confidente. Elle m’écoute, me conseille, me console. Elle est d’une patience d’ange avec moi. Je ne la remercierais jamais assez pour cela.

Pour surmonter la rupture, j’ai replongé dans les antidépresseurs. Augmentant de moi-même les doses. Et côté de cela, je dois être passé à environ trentaine voir une quarantaine de cigarettes minimum par jour. Sans parler de l’alcool. Mon état de santé se dégrade à vitesse grand V depuis qu’elle m’a quitté. Je ne mange quasiment plus. Malgré les médocs, je n’arrive pas à dormir plus que cela. Un vrai insomniaque. Je passe mon temps à cloper et à tousser. Je sais que je suis en train de tomber malade. J’ai toujours mal à la gorge depuis plusieurs semaines déjà. Comme une angine qui ne me quitte pas. Je n’y fais pas plus attention que cela. En pensant que c’est seulement à cause des allergies et du pollen. Je n’ai jamais été le mec à se plaindre de quoique ce soit pour des petits maux. Ça va passer et puis c’est tout. Les crachats de sang auraient peut-être dû l’interpeller. Dean et Elsa m’avaient tous les deux prévenus. Ils voulaient que j’arrête de fumer. Même Joy m’en avait touché un mot.

Depuis ma rupture je suis stone. Le mélange médocs, alcool et nicotine ne font pas bon ménage. Je suis dans un monde parallèle. Je suis là mais mon esprit est ailleurs. Il est avec mon ex petite amie. Je traverse sans regarder pour me rendre à mon travail. Je ne sais même pas quelle heure il est. Puis… Tout à coup, plus rien !

«  Bonjour, vous êtes bien Magdalena ?...  Désolée j’ignore votre nom de famille. Vous êtes une proche de Monsieur Cooper Spencer ? … Je me présente, je suis le docteur Flint de l’hôpital de Wellington, médecin urgentiste. J’ai eu votre numéro grâce au portable de Monsieur Cooper. Il est actuellement en salle de réveil. Pouvez-vous venir le voir ? Nous aimerions aussi vous parler… D’après les témoins présents sur place, il a fait une tentative de suicide en se jetant sous un bus… »

Le trou noir c’est affreux. Se réveiller avec l’impression affreuse de s’étouffer. Voir deux personnes courir vers soi est impressionnant. Surtout lorsqu’une d’entre elle vous maintien fermement de façon à vous immobiliser pendant que l’autre vous désintube. Sentir cet énorme tuyau atroce être retiré de votre bouche. Avoir cette désagréable sensation de vouloir vomir ses tripes. Mais en même temps de revivre car vous pouvez à nouveau respirer par vous-même… Je n’ai jamais vécu un tel réveil auparavant et espère de tout cœur ne jamais revivre ça. C’est une expérience à éviter ! Je ne comprends pas ce qui m’arrive et ce que je fais là. On m’explique que j’ai eu un accident de la route. Ça me paraissait bizarre car de mémoire j’étais à pieds pour me rendre au Magic Event. Puis on me sort des conneries comme quoi j’ai voulu en finir en me jetant sous un bus. Assis sur mon lit d’hôpital, je tente de parler. Mais je n’y arrive pas. Je m’énerve et me mets à tousser. Une quinte qui n’en finit pas. Des minuscules projections de sang tâchent les draps blancs. Personnellement je ne m’inquiète pas plus que ça. J’en ai pris l’habitude ces derniers temps. C’est juste mon angine qui ne guérit pas. Mais ça finira bien par s’arranger. Je vois une de deux aides-soignantes sortir de ma chambre. L’autre m’indique qu’elle est partie prévenir le médecin qui s’est occupé de moi à mon arrivée dans les urgences. Cette dernière arrive un petit moment plus tard. J’étais seul. J’observais inlassablement ce plâtre à mon bras gauche. En demandant pourquoi il était là. Je n’ai pas mal. Je suis fatigué. La doctoresse me consulte dans un premier temps. Elle va jusqu’à m’obliger à ouvrir en grand la bouche et me colle un bâton sur la langue afin de regarder le fond de ma gorge. Je tousse encore et toujours les mêmes crachats font leur apparition. « Ce n’est rien… Juste… Juste une angine mal soi… » J’ai encore du mal à parler. Satané tuyau ! Tu n’as pas intérêt à recroiser mon chemin sinon je te jette illico dans la benne à ordures ! « Vous vous trompez. Ce n’est pas une angine que vous avez. » Bizarrement, sans que je lui explique quoique ce soit, elle a su me détailler tous les symptômes que j’ai. Que je traine depuis un moment déjà. Je vois à son air que c’est plus sérieux que ça. Elle m’informe qu’elle va procéder à de nouveaux examens. Sans m’en dire davantage. « Pourquoi ce plâtre à mon bras ? Qu’avez-vous fait ? » « Pendant l’accident vous avez heurté de plein fouet un bus. Vous avez eu une fracture ouverte du poignet. Nous avons dû vous opérer pour remettre les os bien en place. On a mis des broches sur le radius et le cubitus pour faciliter la guérison. » Etant gaucher, bien évidemment je m’inquiète. « Je pourrais encore écrire, dessiner et jouer de la musique ? » Si je ne peux plus exercer aucune de mes passions, autant que je me tire une tête en pleine tête tout de suite. « Oui bien entendu. Mais il faudra être un peu patient et surement faire un peu de rééducation aussi. » J’étais soulagé mais pas pour longtemps. « En revanche, interdiction formelle de retoucher à une cigarette et boire de l’alcool. » Elle m’apprend aussi qu’elle m’a fait un lavage d’estomac. Qu’il faille que j’arrête de prendre n’importe quel médicament et qu’il faut que je vois un psy. Mais bien sûr… Elle peut toujours rêver celle-là !

Etant très fatigué, je me rendors rapidement. Je n’ai pas la tête à penser à quoique ce soit. Je me réveille un long moment plus tard. Je sens une main se retirer de la mienne. En émargeant, je vois quelqu’un assis à côté de moi. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je reconnais l’amour de ma vie. Ma belle Magdalena. Un sourire bien bref car je me prends aussitôt une jolie tarte et me fais en plus traiter d’abruti !? Je tousse encore. Ayant un mouchoir, j’essuis ma bouche. Cachant ainsi le sang à mon ex. Avec un peu de chance elle ne l’aura pas remarqué… « Mais je…. Je n’ai rien fait ! Pourquoi tu me frappes ? » Puis je réalise qu’on a dû lui sortir les mêmes conneries qu’on m’a dites quelques heures plus tôt. « C’était un banal accident… Je… Je ne l’ai pas vu arriver. »

Je tente d’expliquer à ma belle que c’était qu’un simple accident. Que je n’avais tout simplement pas fait attention. Mais comme je m’y attendais, elle ne me croit pas. Elle m’insulte encore. Je ne riposte pas. Je dois le mériter. Je baisse simplement les yeux vers mon plâtre. Elle avait raison. Il faut vraiment que je sois stupide pour ne pas l’avoir vu arriver ce bus. Comment peut-elle encore m’aimer après cette bêtise-là ? Jamais elle ne voudra qu’on se remettre ensemble. Ça me fait mal. Je l’ai perdu à jamais.

Soudain je sens sa main glisser sur la mienne. Celle qui est encore valide. Ses mains entrelacent les miens. Je lève les yeux vers elle. Une lueur d’espoir est en train de naître en moi. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Elle s’excuse pour la gifle. Je secoue la tête. Elle n’a pas à me demander pardon. Je ne peux feindre la douleur de notre rupture. Elle me connait peut-être mieux que je ne le pense en fait. En même temps, on peut lire en moi comme dans un livre ouvert. Je ne suis pas du genre à cacher mes sentiments. Et surtout pas à la soigneuse. Elle croit toujours que j’ai voulu mettre fin à mes jours. Je soupire à cela. Ça m’agace qu’elle croie une bêtise pareille. Elle ne me croit pas moi. Privilégiant les conneries d’un pur inconnu.

Je sens qu’elle n’est pas si bien que cela. Elle doit se sentir coupable de l’accident puisqu’elle pense à une tentative de suicide. Je veux lui caresser la joue, la consoler. Mais mon plâtre m’en empêche. Je me contente de lui sourire. Je veux l’embrasser. Goûter à ses lèvres me manque atrocement. On est soudainement interrompu par le médecin. « Madame, vous pouvez me suivre deux minutes ? » Magdalena s’exécute. « Vous êtes la compagne de monsieur Cooper. Vu mon état psychologique, je me dois de vous demander votre avis. » Il marque un temps d’arrêt. Puis poursuit. « Il est dépressif. Saviez-vous qu’il prend des anxiolytiques en surdose ? D’après les résultats de ses analyses de sang, ça fait un moment que cela dure. »

De la chambre, depuis mon lit, je les vois parler dans le couloir. Mais je ne comprends pas ce qu’ils se disent.

Le docteur poursuit sa conversation avec Magdalena. « J’ignore si l’accident a été volontaire ou non. Je peux juste vous dire que vu tout le mélange qu’on a trouvé en lui faisant un lavage d’estomac, Spencer ne devait pas être bien conscient de ce qu’il se passait autour de lui à ce moment-là. Alcool et médicaments ne font pas bon ménage. » Il me regarde. Putain j’aimerai être une petite souris pour me rapprocher incognito d’eux et entendre tout ce qu’ils se disent. « Est-ce qu’il s’est déjà plaint de maux de gorge ? Tousse -t-il souvent ? » Le verdict tombe et c’est mon ex qui l’apprend. « Il est malade et doit se soigner au plus vite. On a trouvé une tumeur maligne au niveau de son pharynx. Il doit subir un traitement lourd. Pensez-vous qu’il supportera la nouvelle ? Il a bien entendu interdiction stricte de boire de l’alcool et de fumer. »

Je ne suis pas bien. Je suis fatigué. Et ma toux reprend. Ma quinte m’épuise. Le sang ne m’inquiète toujours pas. Je ferme les yeux en attendant le retour de ma belle.

Lorsque mon ex petite amie part avec le docteur, j’entends ce dernier croire qu’elle est ma compagne. A ma grande surprise, malgré notre récente rupture, Magdalena ne dément pas. Est-ce que cela voulait dire qu’elle m’aime encore ? Je me plais à croire que la réponse est oui. Mais dans ce cas-là, pourquoi m’a-t-elle quitté ? Je sais que je ne suis pas facile à vivre. Que je peux manquer atrocement de maturité quand je m’y mets. Mais était-ce une raison suffisante pour tirer un trait sur notre couple ? Visiblement du point de vue de la soigneuse, oui. Je m’en veux tellement de ne pas être assez à son écoute. A cause de ma bêtise, je l’ai probablement perdue à jamais.

Ils sont dans le couloir. Magdalena me regarde soudainement avec un air de reproche. Pourquoi ? Qu’ai-je encore fait comme bêtise ? Ma toux m’épuise. Je ferme les yeux un instant. Quand je les rouvre, elle est de retour dans la chambre. Son air est triste. Ses yeux sont rougis. Je m’inquiète. « Qu’est-ce qui se… ? » Elle me sourit. Elle se rapproche dangereusement de moi. Sans que je ne comprenne ce qui se passe, elle m’embrasse. Je ferme les yeux en répondant à son baiser. Je veux profiter un max de cet instant. Les lèvres de Mag quittent déjà les miennes. A mon grand regret. Elle me réclame mes cigarettes. Je lui montre du doigt où elles sont. « Tu n’as pas le droit de fumer dans la chambre tu sais. » Elle le jette à la poubelle. Evidemment je proteste. « Mais qu’est ce qui te prend ? » Je me redresse légèrement dans mon lit d’hôpital afin de mieux m’asseoir. Mon bras me fait mal. Je le tiens par le plâtre. « Si tu voulais que j’arrête de boire et fumer, il suffisait simplement de me le demander. Pour toi je l’aurai fait sans… » Elle m’interrompt en me répétant ce que le toubib lui a dit. Je reste sans voix. J’observe ma belle. Je vois à son air qu’elle est sérieuse. Et bizarrement, je ne suis pas étonné par la nouvelle. Le sang dans ma toux était surement un signe de mise en garde.

Je me perds dans mes pensées et Magdalena m’en sort avec une question qui me surprend un peu. « Comment tu… ? » Je suis bête ! Evidemment c’est ce docteur qui lui en a touché un mot. Elle n’a pu le savoir que comme ça. Je la regarde un instant. « La réponse est évidente pourtant… » Je baisse les yeux et fixe mon bras plâtré. « Je t’aime. » Je ravale ma salive. « La vie n’a aucun sens sans toi… » Je la regarde à nouveau. « Je n’ai pas tenté de me tuer. Je te le jure mon amour. Je… Je veux seulement oublier combien ça fait mal d’être loin de toi. » Je secoue la tête lorsqu’elle veut s’approcher. « Je ne veux pas que tu aies pitié de moi. J’ai fichu en l’air notre relation et j’en suis désolé tu ne peux pas savoir à quel point je le suis… » Je me sens terriblement stupide de lui avouer tout cela.

Les baisers de Magdalena m’ont tellement manqué. Cela ne faisait pas si longtemps que cela que nous étions séparés pourtant. Cela n’empêche pas que sentir ses lèvres contre les miennes dans cette chambre d’hôpital me fait le plus grand bien. Mais pourquoi fait-elle cela ? Je croyais que nous n’étions plus ensemble. Elle m’apprend que je suis malade. Une tumeur. Ce n’est pas rien. Non. C’est même quelque chose de sérieux. Je comprends que je peux y rester. J’ai déjà perdu Magdalena une première fois. Si nous retournions ensemble, c’est la mort qui risque de nous séparer. Ai-je le droit de lui faire cela ? La réponse est simple : non ! La soigneuse mérite d’être heureuse. Je ne suis qu’un boulet attaché à sa cheville. Je ne peux pas la trainer dans ma chute aux enfers. Surtout que mon cancer est uniquement de ma faute. Personne ne m’a forcé à fumer et à boire. «  Ce n’est pas de ta faute si j’ai merdé dans notre relation. » Miss Lovelock sait à quel point notre rupture me fait souffrir. Elle semble revenir vers moi. Et insiste même pour rester à mes côtés. «  Je n’ai pas le droit de t’imposer ça. » Je parle bien évidemment de la maladie. Je refuse qu’elle revienne vers moi à cause de cette raison. Non il n’en est pas question ! Même si elle dit que ce n’est pas de la pitié, j’ai des doutes. Je veux que notre couple se forme sur des basses solides. Je ne dis pas que Magdalena me ment. Je crois tout ce qu’elle me dit au contraire. Mais ma tumeur est une faille. Un défaut dans les fondations de notre histoire. Peut-être que l’on peut simplement rester amis. Mais j’ai des doutes que notre relation fonctionne. Si la miss veut qu’on se remette ensemble, peut-être que je devrais la suivre. Je n’en sais rien. «  Ne te sens pas obligée de faire quoique ce soit pour moi Mag. » Je me sens fatigué. Mon bras me fait mal. J’ai envie de fumer ce qui n’arrange rien. Je regarde mon paquet de clopes dans la poubelle. Quand la soigneuse sera partie, je pourrai très bien le récupérer et m’en griller une. Mais je sais que je ne le ferais pas. Parce que j’ai donné ma parole à mon ex petite amie. Pour elle, je vais cesser tous les excès. Parce que je veux me montrer fort. Parce que je l’aime toujours. Et puis si je guéris, que je m’en sors, peut-être que nous formerons de nouveau un couple. Que nous fonderons cette famille que nous voulons tant. Sur ces songes je m’endors sans même m’en rendre compte. Que des projets que nous pourrions faire si je traverse cette épreuve.