i'm still standing - romeo

Romeo Walsh

let people say what they think they know.

les informations en vrac

la partie anecdotes ○ {1} t'es le contraire de l'archétype du bassiste. On t'a d'ailleurs souvent dit que t'avais pas l'air d'un bassiste; t'es avenant, tu détestais pas qu'on te mette en avant de la scène et t'es pas le genre ours. En revanche, t'as pas ta langue dans ta poche. A vrai dire, t'es pas que bassiste. Tu joues de tout ce qui peut se jouer, et ça depuis ton adolescence. T'as commencé avec la guitare sèche, puis électrique quand la periode des fêtes est arrivée. Tes instruments, tu les avais en cadeau, chaque année, c'était la seule chose que tu voulais. T'as commencé à jouer assez tard de la basse, mais ça te plaisait. Tu t'éclatais sur les cordes, les différentes techniques, le slap, les accords. La basse, c'était fait pour toi.  {2} t'as beaucoup composé, gamin. Puis plus tard, t'as beaucoup composé, pour le groupe. C'est toi qui écrivais les chansons que vous faisiez, et tu lançais la mélodie. Ensuite, il y avait un travail de groupe, et vous amélioriez le tout ensemble. T'étais pas expérimenté comme tu l'es aujourd'hui. Alors c'est normal qu'aujourd'hui tu t'occupe de composer certaines chansons dans les albums que tu produits. T'obliges pas tes protégés à les jouer en revanche, ce serait bête qu'ils mettent dans leur album une chanson qu'ils n'aiment pas. {3} au départ, les Giant Walk n'étaient qu'un groupe pour vous éclater, avec tes potes de lycée. C'était un moyen pour vous de vous défouler, dans votre petite campagne. Le succès ? Vous ne l'avez pas vu venir. {4} T'es un mordu des fruits rouges. T'adores ça, et tu pourrais les manger à toutes les sauces.  {5} t'as décidé de construire un potager au fond de ton jardin, alors quand tu peux, tu manges ce que tu produis. Mais ça n'a pas été facile vu la localisation de ta maison en bord de mer : il a fallut creuser et remplacer la terre qui devenait très vite du sable. Mais aujourd'hui, t'es plutôt fier de ce que t'as réalisé.  {6} t'es pas tendre avec les artistes du label; tu les pousse dans leurs retranchements. Tu veux qu'ils donnent le meilleur d'eux-même, et il n'y a que comme ça que ça marche. Alors parfois, tu les pousse à bout, quitte à les blesser. C'est ce qui t'a valut ta réputation de tyran auprès des médias, avec les quelques artistes qu'ont rompu contrat avec toi en voyant ta manière de faire. Alors quand t'as vu cette réputation t'être attribuée, tu as commencé à aimer; maintenant, tu joues ce rôle qu'on t'a attribué et qui te permet de vivre tranquillement à Island Bay, au grand damne de tes enfants.  {7} t'es d'ailleurs un homme qui vit simplement; t'as une grande maison, qui n'est grande que parce que tu vis seul maintenant : lorsque vous étiez encore cinq (ou six avec ton ex-femme), la maison était bien remplie.  {8} t'es très proche de tes enfants, t'as toujours essayé de tout faire pour eux, même si la situation dans laquelle vous étiez avec ton ex-femme n'était pas la plus saine pour des jeunes enfants : heureusement, la vie de bohème n'aura duré qu'une dizaine d'années. Tu les a toujours laissé réaliser leurs rêves, tu les y poussais même. Tu les aides dès qu'ils ont besoin de toi, mais t'as l'impression de pas avoir fait assez, ces derniers mois, alors tu t'en veux. {9} tu donnes près de la moitié de ta fortune à des associations depuis bientôt dix ans. Tu considères que tu n'as pas besoin de tout ce que tu gagnes, entre les droits sur les chansons de ton vieux groupe et ton salaire au label, la moitié te suffit largement. Mais tu fais en sorte qu'on ne sache pas que tu es le donateur, alors tu donnes sous un faux nom, ou tu demande à ce que ça ne s'ébruite pas. Ça fait parti de ce jeu, que tu mène avec les médias. {10} t'as en revanche une passion plutôt exubérante : les motos. Mais particulièrement les vintage. Parmi celles que tu utilises le plus, il y a une Yamaha Roadstar Chopper et une Harley Davidson FatBoy qui est ta dernière acquisition. {11} tu fais du ju-jitsu depuis une dizaine d'années. En fait, c'est ton divorce qui t'a fais reprendre le sport. T'étais pas mal dans ta peau, mais tu n'avais plus un corps de trente ans. Alors tu t'es mis aux arts-martiaux spécialisés dans la défense. Depuis deux ans, depuis ton accident, tu fais du Yoga. Ça te permet de souffler, de contrôler ton corps et maintenant tu ne peux plus t'en passer. {12} t'as un grenier aménagé que tu as isolé. Aujourd'hui, c'est un mini-studio d'enregistrement; il y a une colonne de CD remplie d'EP que tu as fais seul, sur lesquels tu chantes. Mais c'est pour ton plaisir personnel, t'as aucune envie qu'un jour ils soient dévoilés au grand jour. Dessus il y a des chansons que tu as écrite pour tes enfants. Pour ton ex-femme; pour ton père. {13} d'ailleurs ton père n'a jamais été très présent dans ta vie. C'est comme si pendant toute ton enfance, il t'avait renié parce que tu préférais composer que reprendre l'entreprise familiale. {14} t'es pas un homme à femme. T'es même plutôt gentleman. T'es un homme romantique, et tu ne t'en est jamais caché auprès des quelques femmes que tu as pu rencontrer avant la mère de tes enfants. Depuis ton divorce, tu n'as pas retrouvé l'amour : t'es trop vieux pour ces conneries d'une soirée. Si tu dois ramener une femme dans ton lit, c'est qu'elle y restera quelques années. Tu compares ça a ton label, parfois. Si tu dois choisir un artiste, c'est pour qu'il reste avec toi, pas qu'il fui dès le premier désaccord. Certains disent que c'est vieux jeu, toi, c'est dans tes principes. {15} tes artistes, tu les chouchoute. Tu vas passer du temps avec eux, sur leurs projets, et tout faire pour les faire monter le plus haut possible dès leur débuts. Mais beaucoup finissent par ne voir que des billets à la place de la musique, alors ils changent de label. C'est pas toi qui leur fera faire du commercial. {16} t'es du coup forcément passionné de musique. Le rock, la pop, les chansons d'auteurs comme le rap en passant par le classique et le métal. Ta maison est équipée d'enceintes dernières génération avec lesquelles tu peux mettre de la musique, de n'importe où, n'importe quand, depuis ton téléphone. Tu peux difficilement passer un moment sans musique, sauf quand tu composes, justement. {17} tu ne portes des lunettes que depuis quelques années, quand tu travailles ou doit lire quelque chose. Pas d'exception quand tu dois sortir ton téléphone juste pour lire un texto. Ça ne te gêne pas réellement, sauf quand tu oublis tes lunettes quelques part. Alors t'en laisse une chez toi et une au label, mais ça t'es déjà arrivé de repartir du label avec les lunettes sur le nez. Tu ne t'en sort jamais. {18} t'as plusieurs tatouages sur le corps, entre les bras, les mains, le torse, les mollets... Les prénoms de tes gosses sont marqués à vie sur ton corps; y'a aussi des référence au groupe, et des dessins encrés seulement parce que t'avais envie: tu n'en regrette aucun. Mais le prochain, lui, ne devra pas être raté. {19} suite à une opération il y a deux ans, t'as une cicatrice sur la poitrine. t'aimerais la faire recouvrir, mais les derniers événements font que t'as une autre priorité pour l'instant. {20} tu vis pour ton travail, tu vis pour la musique et tu vis pour le label. La plupart de ton temps tu le passe à travailler sur un album ou à chercher de nouveaux talents à recruter. T'as déjà dû essuyer des refus, t'en a pris pour ton ego d'ailleurs. Quand tu sens un potentiel, t'as du mal à accepter le "non" qu'on t'offre, même si la plupart du temps ce sont des raisons que tu ne peux que comprendre.

les indiscrétions sur le joueur

 

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<pris>○ jeffrey dean morgan</pris> romeo walsh

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l'histoire de ma vie

don't stay awake for too long

2020.
« Arielle, c’est papa. Tu ne me réponds pas, j’aimerais savoir comment ça se passe. J’ai pas envie d’avoir à utiliser le double des clés que j’ai, alors s’il te plaît, rappelles moi. » Tu raccroches. Tu lui avais déjà envoyé une dizaine de messages, sans réponse. Elle a déménagé depuis une semaine, et t’as du mal à la laisser partir. Tu t’inquiète trop, et bien plus pour elle que pour les trois autres. Eux, ils peuvent se débrouiller seuls, ils te l’ont toujours montré. Mais Arielle, c’est différent. Arielle, elle avait toujours eu besoin de toi, toujours eu besoin d’un cadre, d’un pilier. T’étais ce pilier, depuis dix ans maintenant, depuis que ça n’allait pas. Elle voulait de l’indépendance, tu lui avais permis. Mais cette indépendance te faisait peur. Tu patientais depuis des heures, et ta patience avait des limites. Alors, même si tu lui as dis que tu la laissais te rappeler, t’as du mal à tenir parole. Parce que t’as un mauvais pressentiment. Tu récupères les clés de ta moto pour sortir. Elle n’habite pas loin, de toutes manières. Mais tu iras plus vite. Tu seras rassuré, plus vite…
Tu arrives chez elle en cinq minutes, tu montes les escaliers assez rapidement en préparant la clé de l’appartement. Tu t’arrêtes devant chez elle, commences à toquer, pour ne pas entrer dans son intimité trop brusquement. Pas de réponses. Trois nouveaux coups sur la porte. Un voisin sort de chez lui. « Bonjour, excusez moi, je cherche Arielle Walsh, elle habite juste ici depuis une semaine. Je suis son père. » L’homme te dévisage un peu. Tu ne relèves pas. Il secoue la tête en s’excusant et s’en va. Tu insères alors la clé dans la serrure.

2005.
Tu observes la femme qui se trouve en face de toi en reposant le livre que tu étais en train de lire. « Comment ça ? » Tu fronces les sourcils, tu te demandes si tu comprends bien ce qu’elle veut te dire. « Romeo, tu sais que j’ai longtemps mis ma carrière de côté, que je n’ai pas saisi toutes les opportunités qui se présentaient à moi. Tout ça, pour les enfants. Je les aime, je les aimerais toujours. Mais je ne peux plus vivre en Nouvelle-Zélande avec vous. C’est trop compliqué. » Tu te perds dans les yeux de la femme qui est la tienne depuis bientôt quinze ans. Elle n’ose même pas te regarder dans les yeux. « Donc qu’est-ce que tu veux faire ? Qu’on déménage tous ? » elle ouvre la bouche avant de la refermer, muette. « Non… Je ne peux pas vous demander ça. Notre décision il y a cinq ans était la bonne, les enfants ne peuvent plus repartir sur les routes, et même si on trouve une maison là-bas, ça serait le cas… Mais la vie des enfants est ici. Aela est encore une ado, elle a ses amis ici, elle a presque toujours vécu ici. » Tu fronces les sourcils. « Alors quoi ? » Tu te demande ce que votre couple va devenir, à vivre si loin l’un de l’autre. Ce que votre famille va devenir. T’as déjà vécu l’éloignement d’un parent, son absence. Tu ne veux pas que tes enfants vivent la même chose.

1979.
« Où est papa ? » tu demandes à ta mère. La femme se tourne vers toi et essuie ses mains sur son tablier bleu. Elle te regarde, un sourire qui se veut réconfortant dessiné sur les lèvres. « Il est en voyage pour l’entreprise. Il ne reviendra pas ce soir. » Tu baisses les yeux. « Mais demain c’est mon anniversaire… » Ta mère se retourne pour reprendre la vaisselle qu’elle était en train de faire. « Je sais mon cœur, mais il pensera à toi, même s’il n’est pas avec nous demain. » elle se tait. Toi aussi. Alors tu tournes les talons pour retourner dans ta chambre. Tu t’allonges sur ton lit, quelques larmes coulent de tes yeux pour se loger au creux de ta mâchoire.

2008.
« Je veux divorcer. » Tu clignes des yeux, elle ne peut pas te voir à travers le téléphone. Elle veut divorcer ? Tu subis depuis trois ans l’éloignement avec ta femme. Tu subis depuis trois ans les engueulades concernant ses retours, trop peu nombreux. Son absence pendant quelques anniversaires. Quelques fêtes censées être de famille, que vous ne passez que tous les cinq. Tu lui reproche toujours un peu, tu lui explique que les enfants en sont blessés, qu’elle leur manque. Mais elle ne veut jamais rien savoir, et aujourd’hui, c’est elle qui veut divorcer ? Tu ne réponds pas, elle continue après quelques minutes de silence. « On ne peut pas continuer comme ça Romeo. On ne se voit jamais… » « Et pourquoi on ne se voit jamais ? Laurena, tu enchaînes les tournages, tu ne rentres jamais ! » « Je t’ai dit que j’avais besoin de profiter de ma carrière ! Je n’ai jamais été aussi demandée, je jongle entre plusieurs scripts, plusieurs tournages, comment veux tu que je rentre ? » Tu te tais. Comment tu veux qu’elle puisse prendre du temps pour sa famille ? Tu aimes cette femme depuis le premier soir où tu l'a vu, et elle t'a donné quatre merveilleux enfants. Mais aujourd'hui, tu ne la comprend plus, ou c'est peut-être elle qui ne comprend pas ce que tu lui demandes. Ses enfants avaient besoin d'elle, mais elle ne se rendait pas disponible pour eux. Tu réussis finalement à rajouter, la gorge nouée « Tu as raison, on devrait divorcer. »

1982.
« Qu’est-ce que tu fais encore Romeo ? » tu lèves la tête et retires ton casque audio, branché au synthé. « Papa ! je suis en train d’écrire une nouve- » « tu te fout de moi ? Il serait temps que tu te réveilles, la musique ne fera pas partie de ton avenir, crois-moi. » Sa voix est sèche, dure. Il te regarde avec des yeux perçants. La moue sur son visage donne presque l’impression que tu le dégoûte. D’un air dédaigneux, alors que tu ne savais pas quoi répondre, il continue « Tu sais Romeo, je pensais que tu finirais par venir avec moi à l’entreprise. On a reçu de nouvelles motos, je voulais te montrer leur mécanique. Pour te sortir de tes instruments à la con pour une fois. Mais je vois que tu n’as pas mûrit. Tu restes cloîtré entre ces murs pour réaliser quelque chose d’impossible. » « Maman pense que c’est possible… » tu murmures. Son regard change alors, il se met à rire aux éclats. «Mais mon pauvre fils, ta mère est aussi conne que tu es naïf. J'en ai assez, je venais te dire que je partais. » Tu redresses la tête « Tu vas où ? » Il s’apprêtait à quitter la pièce mais se retourne. « Je m’en vais. Si tu veux venir, j’ai encore des cartons à récupérer. Mais c’est sans tes instruments. » Tu regardes tes doigts encore en train d’effleurer ton piano. Il sort de la pièce en laissant ta porte entrouverte. Tu te lèves pour aller regarder à la fenêtre : sa voiture était là, remplie de cartons. Ta mère, sur le porche, un mouchoir à la main. Ton père finit par arriver avec un nouveau carton dans les bras et elle se met à le suivre. Tu n’entends pas ce qu’elle lui dit, mais tu la vois pleurer, tu devines ses supplications. Il s’en va.

2018.
Tu ouvres les yeux. Autours de toi, tout est trouble pendant de longues secondes. La luminosité de la pièce t’empêche d’ouvrir complètement les yeux. Tu réussis à distinguer une silhouette féminine en face de toi. « Je suis où ? » tu peines à articuler. La silhouette se presse de venir plus près de toi. « Papa ! tu m’as fait une de ces peurs… Tu t’es écroulé. J’ai appelé les pompiers et… t’es à l’hôpital. » Tu reconnais la voix de ta cadette. « Ma poupée… Qu’est-ce que j’ai eu ? » t’entends Aela déglutir. « Allez, racontes à ton vieux père. » Tu sens qu’elle te met un petit coup sur le bras. Tu sais qu’elle n’aime pas que tu dises que t’es vieux, mais tu ne peux pas t’en empêcher quand tu veux lui tirer les vers du nez. La situation n’avait pas l’air très joyeuse, alors tu devais remettre un peu d’humour entre vous. « T’as fait un infarctus vieux crouton. » elle marmonne. Tu ris un peu, et lui prend la main « Mais je vais bien. » elle te regarde avant de grimacer. « Le docteur à dit que tu aurais une opération, on va te poser un stent, tes artères sont obstruées. » Tu hausses les épaules. Après tout, t’as cinquante-deux ans, et t’as déjà eu une vie plutôt remplie. Alors qu’on t’opère ou non, tant que tu peux continuer à voir tes enfants, que tu peux continuer la musique… Le principal, c’est que tu tiennes le plus possible.

1999.
Tu regardes les quatre amis qui ont partagé ta vie ces dernières années. T’as les bras croisés sur ton torse, eux sont tous assis sur les canapés du studio d’enregistrement. Le silence règne dans la pièce. « J’en suis pas. » t’es catégorique, tu continueras pas si ça se joue de cette manière. Ils le savaient, tous autant qu’ils sont. Même votre manager, le savait. T’avais jamais été d’accord pour faire ce genre de musique, et ce n’était pas la première fois qu’on vous le proposait. Mais t’avais toujours refusé, et eux, ils te suivaient. Mais cette fois, c’était le groupe qui était en jeu. Vous avez eu votre période de succès ; les années 2000 arrivaient et c’était une nouvelle ère pour la musique. Le R&B commençait à prendre une place importante, le rock n’attirait plus les jeunes. Alors il fallait vous renouveler. Faire de la musique « plus commerciale », qu’ils disaient. Mais la musique c’est avant tout une passion, alors t’acceptais pas qu’on t’impose la musique que tu devais jouer. « Les gars, si pour continuer à exister on doit changer de registre, je préfère m’arrêter là. On gagnera peut-être quelques centaines, peut-être milliers de fans. On vendra des disques à un autre public ; mais notre vrai public, celui qui est là depuis le début… ils resterons pas eux. » Certains hochent la tête. Vous vous connaissez depuis des années. Etiez potes, déjà, au lycée. Vous avez commencé la musique seulement pour l’éclate. Seulement pour vous. Mais vous avez grandis. Vous avez vécu votre vie. Profité de vos tournées, peut-être trop nombreuses… « De toutes manières, j’aurais pas continué pendant des années. J’ai quatre gosses, les gars. Ça fait dix ans qu’on vit comme ça, dans un bus. Je veux qu’ils aient une baraque, une vraie maison, où poser leurs valises. J’veux qu’ils aillent à l’école, plutôt que d’avoir cours et que deux heures après ils se retrouvent au concert. C’est pas une vie pour des gamins. » Quitter le groupe aurait été la plus dure des décisions que t’aurais eu à prendre, si la situation n’avait pas été celle qu’elle est. Mais finalement, s’il est voué à couler… « On a commencé tous ensemble. Si on coule, c’est tous ensemble. Mais vous connaissez mon point de vu. »

2016.
Tu tiens la main de ta fille, allongée sur le lit d’hôpital.  Sa peau est encore froide, mais le bip sonore régulier de l’électrocardiogramme te rassure. T’approches ton front du lit pour te reposer un peu. T’es là depuis six heures du matin, depuis que t’as appelé les pompiers pour qu’ils viennent récupérer Arielle. Elle a fait une overdose d’héroïne, avait passé la nuit à se perdre dans les bras de la drogue. T’avais passé la nuit au label, tu devais finir le montage audio d’une musique pour uns de tes poulains. Quand t’es rentré, t’es allé voir dans sa chambre, vérifier qu’elle dormait bien, paisiblement. Elle était rentrée depuis deux semaines de sa cure. Alors quand tu l’a vue étalée sur son tapis de chambre, les yeux à moitié ouverts, t’as pris ton téléphone et t’as composé le numéro d’urgence. C’était sa première overdose.

2020.
Tu la cherche dans tout l’appartement, elle n’est pas dans sa chambre ou dans le salon. Il ne reste que la salle de bain, fermée à clé. Tu lui hurle de t’ouvrir, tu frappes à la porte. T’as qu’une peur, que ça recommence, qu’elle ait craqué. Elle allait bien, pourtant. Elle te le disait. Elle vous avait tous rassuré, en sortant de sa dernière cure : c’était finit, elle avait compris. Ça faisait trois mois qu’elle était clean. Trois mois. Ces cinq dernières années, Arielle avait alterné entre les cures de désintoxication, l’hôpital et la maison. On l’avait déjà retrouvée plusieurs fois à moitié morte dans les rues de Wellington ou d’Island Bay. Tu voulais pas l’envoyer en hôpital psychiatrique ou en hôpital de jour. Alors tu lui payais les cures. Toutes celles dont elle a pu avoir besoin. Peut-être trop. T’y croyais, il y a trois mois, quand elle avait dit vouloir changé. Elle avait trouvé un travail, elle était serveuse dans un bar. Elle ne répond toujours pas, n’ouvre toujours pas la porte. Alors tu prends de l’élan et en deux coups d’épaules tu réussis à défoncer la porte pour entrer. Tu t’agenouilles, les larmes te montent aux yeux et sans attendre dévalent sur tes joues. La douleur que tu ressentais à l’épaule était à peine perceptible. Tu ne voyais qu’Arielle et sa peau blanche, baignant dans son propre vomi, la bouche et les yeux grands ouverts.