Je ne fais que passer

Joséphine attrape la laisse de Kayla, prête à l'emmener se promener en cette fin d'après-midi. Le temps est idéal pour la chienne, d'autant plus que la rousse n'a pas encore eu le temps de la sortir aujourd'hui. Elle avait du tri à faire dans ses vêtements estivaux, histoire d'en emporter quelques uns lorsqu'elle reprendra la route vers Palmerston North dans quelques jours. Elle réfléchit de plus en plus à se trouver quelque chose de plus grand pour l'accueillir chez elle, mais cela voudrait dire rentrer encore moins souvent à Island Bay, auprès de son mari, et c'est hors de question pour Joey. Elle a déjà, plusieurs fois, pensé à la possibilité de lui proposer de carrément déménager avec elle et venir s'installer à Palmerston North pour établir leur tout nouveau nid douillet, mais ce serait bien trop de concessions pour Nathan. "Allez, viens ma belle !" lance Joséphine en ouvrant la porte, à la chienne qui se trouve encore dans son énorme panier dans le salon. Elle devait dormir à poings fermés car d'habitude, quand la rousse attrape la laisse, Kayla débarque en courant et en jappant. "Oui, on y va..." murmure-t-elle quand l'animal est arrivé à ses côtés et qu'il a commencé à lui faire la fête.

La porte de la maison fermée, Joséphine décide de faire son tour habituel du quartier. Elle est partie pour une vingtaine de minutes à marcher avec sa chienne. Le soleil ne va pas tarder à se coucher, l'ambiance est vraiment parfaite. Cette balade est définitivement la clou de sa journée en solitaire, juste avant que Nathan ne rentre à la maison. Joséphine a l'habitude de croiser quelques voisins lorsqu'elle promène Kayla, voisins qui d'ailleurs n'hésitent jamais à lui faire une caresse, sachant pertinemment que Kayla n'a rien d'agressif. L'un de ses voisins qui vit deux rues au-dessus passe devant Joey, en tenue de sport. Elle répond sobrement à son signe de tête et laisse un peu de mou à la laisse de sa chienne pour lui permettre de se défouler à son aise.

Arrivée à un carrefour, la rouquine doit cependant resserrer son étreinte autour de la laisse car un maître arrive depuis la rue d'en face, avec un chien lâché. Ce dernier fonce vers Kayla, n'écoutant aucunement son propriétaire, dès qu'il la voit. Joueuse comme tout, la chienne de Joséphine jappe et tire sur sa laisse pour rejoindre l'autre animal, sauf que celui-ci n'est pas aussi tendre qu'elle et cherche plutôt à l'agresser. Se contrôlant pour ne pas être agressive pour un sou, Joséphine tire simplement sur la laisse de Kayla pour la rappeler et la mettre derrière elle. Elle a beau être plus lourde que sa maîtresse, Kayla ne se fait pas prier et revient vers elle, pour se cacher derrière ses jambes. L'autre maître parvient enfin à se faire écouter de son animal qui revient vers lui, accompagné par un soupir de la rousse. Il s'excuse auprès de cette dernière, qui lève simplement la main comme pour signifier qu'il n'y a pas mort d'hommes. Elle reprend sa balade et se faire interpeller quelques secondes après par une voix qu'elle ne connaît pas. C'est le jogger que Joséphine a croisé un peu plus tôt, qui lui lance que certaines personnes ne font attention à rien. La rouquine hoche la tête mais ne s'arrête pas pour autant. Son voisin reprend en lui disant qu'elle au moins, elle promène son chien en laisse. "Je ne suis même pas obligée, mais j'aime bien laisser ma chienne me diriger pour la balade, c'est elle qui décide." Joséphine tourne un peu son visage vers lui et lui sourit légèrement. "Vous habitez dans la rue qui monte après le banc un peu plus haut c'est ça ? La grande villa ?" demande Joséphine en montrant d'un mouvement du bras la direction dont elle parle.

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"A la différence de ce monsieur, j'ai assez éduqué ma chienne pour qu'elle m'obéisse au doigt et à l'oeil..." précise Joséphine devant l'air peu confiant de son voisin. Elle n'a encore jamais rencontré une telle mésaventure en promenant Kayla de façon plus libre. Et de toute façon, ça étonnerait beaucoup Joey que sa chienne se permette d'aller voir un autre chien sans qu'elle lui en donne l'autorisation. En général, Kayla se contente de gémir doucement, en restant bien à côté des jambes de sa maîtresse. Joséphine est très fière d'avoir réussi à la maintenir de la sorte. Lorsqu'elle était toute jeune, c'était mission impossible, mais par la suite et avec l'entraînement, Kayla a de moins en moins cherché à aller à la rencontre des autres chiens.

Joséphine ne s'était visiblement pas trompée en demandant à son supposé voisin si sa maison était bien la grande villa à deux rues plus haut. Il a d'ailleurs l'air assez fier de lui, en lui répondant, ce qui ne manque pas de faire hausser un sourcil à la rousse. Encore plus lorsqu'il lui demande s'il ne l'a jamais invitée à une de ses fêtes. "Non, je ne crois pas ! Mon mari et moi n'avons jamais eu l'occasion de recevoir une invitation de votre part... Mais je vous comprends, ce n'est pas commun d'inviter les voisins sans les connaître au préalable," dit-elle en souriant. "Ce serait avec plaisir, pour y remédier. Je m'appelle Joséphine, et voici Kayla," lance la rousse en montrant d'abord sa chienne assise à ses pieds, puis en tendant sa main à son voisin. "Ça fait longtemps que vous vivez dans le quartier ?" se permet-elle ensuite de questionner après avoir récupéré sa main.

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Joey hausse les épaules avec un léger sourire. Oui, l'instinct animal ne se contrôle parfois pas, mais ce n'est pas le cas de Kayla. Heureusement pour Joséphine, d'ailleurs. Elle se dit parfois qu'un enfant ne lui aurait pas tant obéi qu'elle. La rousse apprend dans la foulée que son voisin a tendance à faire pas mal de fêtes, et elle lui confirme qu'elle et Nathan n'ont jamais reçu aucune invitation. Elle laisse échapper un rire léger quand il lui dit que dans certains endroits ça peut se faire, d'inviter tout le quartier au moins une fois. "C'est sûr qu'ici vous n'aurez pas de soucis, je pense que tout le monde est apte à faire la fête en tout bien tout honneur !" répond-elle en hochant la tête. Elle a eu l'occasion de participer à plusieurs barbecues de quartier, mais Joey est certaine que si une énorme fête se mettait en place avec tout le voisinage, tout le monde serait ravi d'y aller. La politesse avant tout, Joséphine n'oublie pas de se présenter, et apprend que son voisin se prénomme Jimmy. "Enchantée Jimmy," fait-elle avec un sourire. Elle lui demande s'il vit depuis longtemps dans le quartier, ne l'ayant pas croisé beaucoup de fois non plus. "Ah oui, tout de même ! Quelques années aussi, pour nous. Je dirais une vingtaine..." Joséphine s'étonne elle-même de cette réponse. Elle a tendance à oublier l'âge qu'elle a, et le fait qu'elle est mariée à Nathan depuis le début de sa vie d'adulte. L'homme qu'elle a en face d'elle ne doit pas avoir plus de trente ans. Joey grimace légèrement. Voilà, elle passe pour une vieille peau. "Oui, c'est vrai qu'on est bien ici... Vous venez d'où, si vous avez emménagé ici il y a quatre ou cinq ans ?" se permet-elle de questionner. Ça ne lui fera pas de mal d'en savoir un peu plus sur l'un de ses voisins, après tout, même si elle ne veut pas le retenir trop longtemps et l'empêcher de faire son jogging.

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Joséphine hausse un sourcil, d'un air amusé. "Vous avez l'air de vous y connaître en organisation... C'est plutôt déjanté, alors, par chez vous ?" demande-t-elle, en espérant que ce jeune homme n'organise pas de vraies orgies chez lui, ou tout du moins des soirées qui ressemblent à cela. Joséphine a beau adorer faire la fête, elle sait que dans ce genre d'ambiance elle ne se sentirait pas du tout à l'aise. Si c'est trop déluré, elle passera à coup sûr son chemin.

La rousse ne peut pas s'empêcher de rire quand le dénommé Jimmy lui donne vingt ans, ce qui fait réagir Kayla à ses pieds. La chienne se relève, s'agite un peu, puis se laisse tomber à nouveau sur l'asphalte tiédi par la belle journée qui vient de passer. "Flatteur !" répond-elle entre deux éclats de rire. "J'aimerais beaucoup que ça soit vrai, en tout cas." Elle apprend par la suite que son voisin vient de la capitale, et qu'il aime aussi vivre tranquille dans son coin. "C'est quand même un peu plus paradisiaque par-ici..." rappelle-t-elle, sans avoir besoin d'évoquer les belles plages qui bordent Island Bay étant donné que Jimmy vient de le faire. La chienne de Joséphine se relève à nouveau, et sa maîtresse comprend qu'elle est attirée par un chat qui passe entre deux jardins, non loin d'eux. Elle doit en avoir marre de rester immobile alors qu'elle est censée se défouler... "Il faut que je termine de la promener... Vous voulez nous accompagner sur un petit bout de chemin ?" demande Joséphine pour s'excuser d'être obligée de se remettre en mouvement et de possiblement couper la conversation avec son voisin.

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- Je vois, fait Joséphine en souriant.

Elle finira bien par voir d'elle-même à quoi ressemblent les soirées de ce dénommé Jimmy, si elle y est invitée un jour ! Elle n'a pas fait la fête comme une adolescente depuis longtemps. La soirée du nouvel an y a fort ressemblé, mais il n'est pas souvent donné à Joey de se lâcher comme elle en avait l'habitude étant plus jeune. L'âge adulte l'a beaucoup calmée, à ce niveau. Le mariage, aussi, certainement.

Son voisin n'hésite pas à la flatter, ce qui la fait beaucoup rire. Il lui demande si elle trouve faire son âge, ce à quoi elle hausse les épaules en maîtrisant l'éclat de rire qui lui vient à nouveau.

- Je ne suis pas à plaindre, mais je suis bien loin de ma vingtaine tout de même...

Joséphine hoche la tête. Elle aime beaucoup l'endroit où elle vit, même si elle a complètement craqué sur Island Bay, elle admet que Wellington regorge aussi de merveilles, malgré son côté plus urbain.
Au bout d'un moment, Kayla fait sentir qu'elle a envie de terminer sa promenade, ce qui force sa maîtresse à couper court à la conversation. Elle propose toutefois à son voisin de l'accompagner sur quelques mètres, par politesse d'abord et parce que la discussion n'est pas des plus désagréables.

- Ça me va ! répond-elle en souriant.

Ils se mettent tous deux en marche et Jimmy s'excuse pour son allure du jour. Joséphine rit légèrement. Elle non plus, n'est pas des plus présentables, après avoir passé la journée à faire le tri dans ses vêtements...

- Je me doute que vous n'allez pas mettre un costume pour faire un jogging... Au fait, que faites-vous dans la vie ? Pour avoir une si belle villa ! précise-t-elle dans un sourire amusé.

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Joséphine trouve que son voisin est un petit flatteur. Pour se faire bien voir ou dans une démarche sincère, elle n'en sait rien mais elle prend le compliment comme il vient et rit une nouvelle fois. "Ça ira, merci en tout cas pour le compliment !" lâche-t-elle. Il est temps pour elle et Kayla de reprendre leur balade, et par politesse Joey propose au dénommé Jimmy de les accompagner sur quelques mètres, ce qu'il accepte. Ils peuvent ainsi continuer de discuter, entre voisins rien de plus normal ! La rousse demande au jeune homme ce qu'il fait dans la vie, elle suppose qu'il doit avoir un poste important dans une grande entreprise, peut-être en lien avec ses parents, pour habiter dans un tel quartier à son âge. Un petit sourire en coin étire la commissure de ses lèvres quand Jimmy lui confirme ce qu'elle pensait. "Je vois ! Ça a l'air passionnant," commente-t-elle, se retenant clairement de lui demander s'il avait vraiment envie d'une telle carrière, ou s'il a simplement suivi son paternel par mimétisme. Loin d'être assez à l'aise à ses côtés pour se permettre ce genre de réflexions des plus honnêtes, Joséphine se contente de répondre : "Je dirige deux maisons d'éditions, une à Wellington et l'autre à Palmerston North, qui se trouve en être une annexe. Ça fait étrange à dire, j'ai tellement perdu l'habitude de rencontrer de nouvelles personnes avec mes occupations ! J'ai rarement l'occasion de sortir, j'ai surtout beaucoup de travail..." explique-t-elle, lèvre inférieure mordue. "Ce n'est pas la carrière à laquelle je me destinais, mais ça me plaît de diriger les autres !" ajoute-t-elle dans un rire léger. "On ne va pas tarder à arriver devant chez moi !" finit par lâcher Joey une fois qu'ils ne sont plus très loin de sa destination.

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"Ça ne m'emballe pas parce que ce n'est pas du tout mon domaine, répond Joséphine en souriant avant d'enchaîner sur son propre métier, afin de faire un parallèle avec celui du dénommé Jimmy. Ce n'est pas à celui qui exercera le plus prestigieux, bien au contraire. Joey renseigne son vis-à-vis sur le nom de la maison d'édition qu'elle dirige, puis hoche la tête. "Oui, pas mal. On donne aussi beaucoup leur chance aux nouveaux auteurs, aux inconnus. On a fait découvrir pas mal de noms désormais connus nationalement..." confie la rousse, en souriant. Elle est fière de ce qu'elle a accompli depuis une vingtaine d'années, et n'échangerait sa carrière pour rien au monde contre une autre. Peut-être contre une autre, finalement, si... Une qui lui permettrait de voir Nathan un peu plus. Ou de travailler en sa compagnie. "Oh ce n'est plus moi qui m'occupe de ça ! J'ai des employés pour le faire... Je me contente d'approuver, et surtout de faire confiance à mes assistants," répond-elle en riant quelque peu. Ce n'est plus de son ressort de lire des manuscrits entiers. Désormais, elle se contente des résumés que Caleb peut lui faire, entre autres. Joséphine hausse un sourcil à la remarque de Jimmy, puis finit par sourire une nouvelle fois. "Je m'occuperai moi-même de lire votre manuscrit, dans ce cas," propose-t-elle. Enfin, si ça parle d'économie, elle ne s'en embarrassera peut-être pas... Une fois devant chez elle, Joséphine se plante devant son portillon et lâche Kayla à l'intérieur du jardin. "Eh bien, nos chemins se séparent ici. J'ai été enchantée de vous rencontrer, et si vous avez besoin d'un éditeur ou d'invités supplémentaires pour une de vos fêtes, vous savez où frapper..." fait Joey en souriant, avant d'ouvrir à nouveau son portillon et de se glisser dans son jardin. "A bientôt, voisin !" conclut-elle en agitant la main dans un sourire.

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