a chocolate eclair for my son, please (liam)

Le front plissé en signe de concentration, Liam finit de vider la poche à douille. Puis il se redresse et regarde le résultat : ça a l’air satisfaisant. Content, il jette un coup d’oeil autour de lui. Pour aujourd’hui, son travail de pâtisserie est terminé. Il a aussi commencé des préparations pour demain. Du coup, il peut se concentrer sur les autres choses à faire. Il commencer par emmener en vitrine les toutes dernières créations, puis il revient dans la cuisine pour faire la vaisselle et nettoyer un peu. Forcément, la plonge fait partie du travail et il y en a toujours beaucoup. Une fois qu’il s’en est débarrassé, le jeune homme se dirige vers les toilettes pour se débarbouiller un peu. Puis il échange quelques mots avec Luana et, maintenant, c’est à son tour de tenir la caisse. Ce n’est pas le plus difficile, même si au début Liam avait peur de faire des erreurs bêtes qu’il devrait rembourser de sa poche. Mais maintenant, il a l’habitude et il s’est même plutôt bien adapté à son nouveau travail. Il l’apprécie plus que celui qu’il avait avant, peut-être parce que la cuisine d’un grand restaurant est toujours un endroit stressant, peut-être aussi parce qu’ici il a l’occasion de faire des expériences qui s’accordent avec ses principes en termes de régime alimentaire. Quoi qu’il en soit, c’est sans problème que, derrière la vitrine, il arbore le sourire qu’il faut toujours quand on accueille des clients.

Mais son sourire a bientôt la possibilité de s’élargir encore plus. Quoique, d’abord, c’est la surprise qui se peint sur les traits du pâtissier. Un visage familier, mais qu’il n’a pas vu depuis longtemps, se dessine dans l’entrée. « Trey ?! » Celui-ci l’avait prévenu qu’il rentrerait à Island Bay dans la semaine, mais sans être plus précis. Liam est quand même donc un peu surpris de le voir débarquer dans la pâtisserie, mais surtout, il sent son coeur faire un bond d’allégresse à l’intérieur de lui-même. Il en reste sans voix pendant quelques instants. « Oui bien sûr, tout de suite. » Il sert Trey et, quand il lui tend les pâtisseries, ses yeux se posent sur la poussette. « Oh mais c’est le petit Arun ! » C’est la première fois qu’il le voit en vrai. Il a vu des photos, envoyées par Trey ou montrées par Maxyne, mais ce n’est pas la même chose. Enfin, il aimerait bien le voir d’un peu plus près, quand même. « Le jeune marié va super bien ! Et vous, alors, le voyage s’est bien passé ? » Mais échanger d’un côté et de l’autre d’une vitrine n’est pas très pratique et, tandis que Trey et son fils s’installe à une table, le Millstone va demander à Luana s’il peut prendre sa pause maintenant. Il les rejoint donc aussitôt l’autorisation accordée et, après une accolade virile avec Trey, il se penche immédiatement sur la poussette. « Salut, petit mec… T’as de super beaux yeux, dis donc ! Et très ouverts aussi… Ce sont les douceurs qui t’intéressent, c’est ça ? »

Un mélange d’émotions envahit Liam, entre la surprise et la joie. C’est pour ça qu’il s’arrange pour pouvoir être auprès d’eux, sa patronne étant accommodante et lui-même n’ayant pas encore pris le temps de déjeuner. Ceci dit, ce ne sera peut-être pas nécessaire, vu qu’il a une nette tendance à s’empiffrer des restes et des ratés qu’il peut y avoir en cuisine. De toute façon, ce n’est pas la nourriture qui le préoccupe pour l’instant. Il est absolument enchanté de revoir Trey et plus encore, si c’est possible, de faire la connaissance de son petit bonhomme. Il détaille les traits de son visage poupin, cherchant une ressemblance avec son père, se rendant vite compte que ce n’est pas très difficile à trouver. « Je suis pas du genre à trouver tous les bébés beaux, mais celui-là… Il est réussi, tu as fait du bon travail » lance-t-il à Trey d’un air taquin. C’est sa façon à lui de dire qu’il trouve Arun mignon. « Hein, tu vas faire des ravages quand tu seras plus grand, surtout si tes yeux gardent cette belle couleur… » Il s’est efforcé de ne pas prendre cette voix stupide que les adultes ont généralement quand ils s’adressent à des enfants, mais il est obligé d’avouer que ce n’est pas facile. Comme Arun est en train de manger, Liam n’ose ni le chatouiller, ni lui pincer la joue, de peur de déclencher une catastrophe explosive. Mais il a hâte de pouvoir le prendre dans ses bras. C’est drôle, parce qu’il est généralement assez mal à l’aise avec les enfants, craignant toujours de faire quelque chose qu’il ne faut pas ou encore de se faire gronder par les parents. Mais quand il s’agit des enfants de ses amis, c’est différent. En plus de s’y intéresser, il a aussi envie d’essayer de s’en occuper.

Souriant quand le petit garçon se met de la crème partout, Liam se redresse pour laisser de la place à Trey. Il positionne néanmoins sa chaise près de la poussette, avant de se tourner à nouveau vers son ami. « Je suis tellement content de te revoir ! Vous êtes arrivés quand ? Tu as pu voir Max ? Non, je pense qu’elle m’aurait aussitôt envoyé un texto avec son neveu si ç’avait été le cas. » Il reprend enfin son souffle, laissant l’occasion à Trey de s’exprimer. Le Millstone est rarement volubile, mais c’est le cas quand il est particulièrement enthousiaste. Et visiblement, il n’est pas le seul à l’être. Arun s’en donne à coeur joie avec son éclair au chocolat, ce qui fait sourire Liam. « Ça, oui, c’est moi… J’ai travaillé un petit bout de temps sur cette recette, pas tellement pour le goût c’était facile, mais plus pour trouver les textures idéales. Le beignet aux pommes, non, c’est celui de ma patronne. Elle en fait depuis des années, je voudrais pas foirer ça. » Se désintéressant des pâtisseries, il donne à nouveau une tape amicale dans le dos du brun. « Alors, raconte… Tu es content d’être rentré au bercail ? »


« Oui et tu repenseras à tes parents en te demandant comment ils ont bien pu faire pour se débrouiller avec toi… » Bien entendu, c’est aussi une plaisanterie. Liam a beau être plus jeune, il est à peu près certain que Trey n’a pas été un adolescent particulièrement difficile. Mais il faut dire que ça remonte à loin, tout ça, il traînait surtout avec Maxyne et il a fait en même temps la connaissance de ses proches. Qui aurait cru que, plus de dix ans plus tard, il s’entendrait toujours aussi bien avec tous les Oakley ? Comme tout leur entourage, il est également enchanté de rencontrer le dernier membre de la famille. Il ne s’attendait néanmoins pas à ce que la question lui soit retournée et son étonnement le ferait presque rire. Il devrait avoir pris l’habitude, maintenant, pourtant ce n’est toujours pas le cas. « Je crois que c’est la question la plus commune depuis qu’on s’est mariés. » Il dit ça en riant, parce que ça ne le dérange pas. Enfin, quand il est tout seul, en tout cas… Parce que quand il est avec sa femme, il a toujours un peu l’impression qu’ils mettent les pieds dans le plat et il a peur qu’elle soit plus ou moins triste. « Lily aimerait bien… Mais je suis pas sûr d’être prêt. Oui, je sais, on n’est jamais tout à fait prêt… Enfin, j’imagine. Mais à long terme, ça viendra. » Il en est certain. Parce qu’il veut fonder une famille avec Lily et qu’il sait que c’est aussi ce qu’elle désire depuis longtemps. C’est juste que dans l’immédiat, il a encore l’impression que c’est une responsabilité trop importante pour lui. « Elle va bien. Elle travaille à Wellington, dans le stylisme. C’est toujours sa passion et c’est une chance, je voudrais pas avoir à me demander comment je dois m’habiller chaque matin pour ne pas avoir l’air trop empoté. » Quoique, ça n’aide pas forcément beaucoup, mais c’est un autre débat, probablement aussi inutile qu’inintéressant. Ce qui intéresse Liam, pour l’instant, c’est son interlocuteur. « Elle sera contente quand je lui dirai qu’on s’est vus. Il faudra que vous veniez manger à la maison, un de ces quatre, avec Max aussi. » Il est inutile de préciser qu’il fera la cuisine, c’est à peu près toujours son rôle. Il aime partager de cette façon. Et en attendant, il écoute Trey lui parler de son retour. « Tu as carrément acheté ou c’est en bonne voie ? C’est trop cool ! » C’est son objectif aussi, mais à long terme. Il est rentré depuis plus longtemps, mais un mariage n’est clairement pas gratuit. « Oui… J’ai beaucoup aimé Londres et l’Europe en général, même si je n’étais pas considéré comme un géant contrairement à toi au Japon, dommage… Mais j’étais content d’être rentré à la maison, auprès des miens. » Alors qu’il parle encore, une phrase prononcé un peu plus tôt par Trey fait son chemin dans le cerveau du pâtissier. Il s’interrompt, ça lui paraît presque trop beau pour être vrai. « Attends… Tu as bien dit son parrain ? » Son ton est incrédule. Et son regard passe de Trey à Arun, puis d’Arun à Trey. « Tu… Tu me fais marcher, ou tu es sérieux ? »


Mis devant le fait accompli, on se force et on finit par être prêt. Liam médite quelques instants sur cette phrase, avant de hocher la tête en signe d’assentiment. « Oui, j’imagine qu’au bout du compte, on apprend sur le tas. » Il a bien des raisons d’appréhender ce rôle, notamment parce qu’après le déchirement de sa famille par le deuil, il sait parfaitement que le pire peut arriver et qu’on expose forcément ses enfants à l’imperfection de ce monde dans toute sa splendeur. Mais le jeune homme préfère ne pas aller dans les détails de ses craintes, notamment parce que ça pourrirait forcément l’ambiance. Parler de son frère et de sa nièce, partis à tout jamais, c’était prendre le risque de s’attirer la pitié aussi. Pour l’instant, Liam a seulement envie de profiter de la joie de leurs retrouvailles et de celle de sa rencontre avec Arun. Il songe déjà à organiser un repas avec eux, sans oublier Maxyne. Il faudra qu’il en parle à Lily pour qu’ils se mettent d’accord sur les détails, il le fera probablement le soir-même, en racontant ce moment passé au café. Il est sûr qu’elle sera déçue de ne pas avoir été là, elle qui aime tellement les enfants. Heureusement, Trey accepte la proposition du Millstone avec plaisir, ce sera donc l’occasion pour elle de se rattraper.

Et en attendant, ils rattrapent un peu le temps perdu tous les deux. Trey explique qu’il est en bonne voie d’acheter la maison dans laquelle il a déjà emménagé. « J’ai hâte de la visiter alors. Surtout, tu m’invites quand tu veux… Et n’hésite pas à demander à ta soeur un coup de main pour la décoration, sinon, sans vouloir te vexer, je crains un peu le pire. S’il n’y avait pas eu Lily, la mienne aurait été totalement sans âme, je pense. » Il n’est pas sûr d’avoir trouvé le mot juste, mais il se comprend et ceux qui le connaissent bien ont d’ailleurs l’habitude de ce genre de choses chez lui. Ils ont aussi l’habitude qu’il soit un peu long à la détente dès que ça ne concerne pas la cuisine. Alors qu’il avait froncé les sourcils, son visage s’éclaire aussitôt qu’il comprend que Trey lui fait une proposition aussi sérieuse que touchante. « Oh, je… » L’émotion lui fait un peu perdre ses mots. Il faut dire que c’est une sacrée preuve de confiance et aussi d’amour. « Bien sûr, avec grand plaisir… Je serais très honoré d’être son parrain. Merci beaucoup, ça me touche et je vais faire des efforts pour être à la hauteur de ce rôle. » Comme pour contrebalancer ce moment sentimental, il donne une tape virile dans le dos du brun, puis il se penche aussitôt vers Arun. « Tu entends, p’tit gars ? C’est moi ton parrain ! » Le bébé n’a aucune idée de ce que ça veut dire, mais Liam s’en fiche, il est trop heureux. « Je pourrais sûrement pas t’apprendre à draguer, parce que je suis pas le mieux placé pour ça, mais… On va faire plein de trucs cool ensemble, tu verras. »  

La marque de confiance de Trey, peut-être l’une des plus importantes qui soient, va droit au coeur de Liam. Il se demande s’il peut exister un plus beau cadeau de sa part. Car ce n’est pas une simple requête, c’est forcément lourd de sens, avec une signification tout aussi symbolique. Dans l’immédiat, le jeune homme a un peu de mal à réaliser ce que ça peut implique précisément, mais il sait seulement qu’il ressent beaucoup d’affection et de reconnaissance. Il ne fera pas seulement partie de la vie d’Arun, il sera comme un membre de sa famille à part entière. Il a hâte de raconter ça à Lily qui, il en est sûr, sera tout aussi excitée que lui. Elle voudra probablement s’occuper du petit garçon régulièrement, elle à qui ça fait tellement plaisir de tenir un bout de chou dans les bras. Et lui aussi en aura envie, bien entendu. Cette requête, ce rôle, c’est comme une nouvelle promesse entre le papa, le filleul, la marraine et le parrain, une de celles qui les lient à jamais. Pour lui, ça veut aussi dire que c’est une responsabilité, bien sûr, il en est conscient. Mais le coach sportif le rassure, tout en l’exhortant à prendre confiance en lui. Les lippes de Liam s’étirent en un sourire, ça c’est toute une histoire, mais Trey a au moins raison de souligner que Lily sera toujours là pour l’aider. Ça, c’est tout de suite apaisant.

Mais quand le trentenaire reprend la parole, c’est pour s’adresser à son fils en évoquant sa mère. Le pâtissier sent son coeur se serrer un peu. Il ne connaît pas vraiment l’histoire et il est encore moins capable d’en évoquer les détails, mais il pense avoir saisi l’idée générale. Ils sont tous les deux là, sans elle, ce n’est pas bon signe. C’est forcément une situation plus compliquée, plus difficile aux yeux de Liam qui n’a jamais vraiment été séparé maman avant de prendre son envol à l’âge de dix-neuf ans. Il se dit que le petit garçon aura d’autant plus besoin d’être entouré et choyé, par Maxime et Lily aussi comme Trey ne manque pas de le souligner. Il aura besoin d’une présence féminine - et d’affection et de tendresse, comme tous les enfants, simplement. Liam est bien décidé à se montrer à la hauteur. « Oui, on loue une maison à North Bay. Rien de luxueux, mais c’est quand même notre petit coin de paradis.  Et c’est encore mieux si vous êtes nos voisins ! » Cette idée le rend joyeux, ce sera tellement pratique pour se voir. « Vous n’avez qu’à venir ce week-end, le dimanche c’est mieux… Et le week-end prochain, ce sera à notre tour de venir vous rendre visite, si ça te va ? » Il jette un coup d’oeil vers le comptoir et comprend qu’il ne pourra pas poursuivre cette conversation plus longtemps. « Il faut que je reprenne mon service. Mais on se revoit très vite. » Il donne une nouvelle accolade à Trey, avant de se pencher sur la poussette pour un au revoir plus affectueux. Quand il retourne travailler, c’est avec le baume au coeur.