l'histoire de ma vie
"When you feel my heat, look into my eyes. It's where my demons hide"
/!\ HISTOIRE VIOLENTE /!\ Je n'ai pas détaillé pour ne pas choquer, mais certains passages peuvent tout de même heurter la sensibilité de certain.e.s. Il est question notamment de meurtre d'enfants. Si vous êtes sensibles ne lisez pas l'histoire, les anecdotes résument la vie d'Ekat suffisamment bien pour se passer de l'histoire.La violence a toujours fait partie de ma vie. Les coups qui pleuvent, la douleur, les larmes, je connais. L'amour ? Vachement moins. J'ai grandit dans une famille où les femmes étaient soumises, où mon père commandait. Il commandait, nous obéissions. Nous ? Ma mère, ma tante et moi. D'après ce que j'avais compris, ma mère Zenya et sa sœur, Mara, ont grandi sous l'égide d'un père violent, elles aussi. C'est peut-être pour ça que ma mère ne s'est jamais rebellée. Elle était déjà brisée.
Bref, je suis née dans ce contexte familial pour le moins instable, c'est sans doute ce qui m'a épargné la peine maximale. J'avais dix ans et déjà une bonne habitude des coups quand ma tante s'est enfuie. Elle m'a proposé, supplié même de la suivre, mais mes sœurs venaient à peine de naître et je les aimais déjà plus que moi-même. Et comme nous ne pouvions pas nous encombrer de deux jumelles nouvelles-nées, elles devaient rester là. Alors je suis restée aussi.
Rapidement, mes sœurs, Lory et Mary, sont devenues rapidement les êtres les plus chers, pour qui je donnerais ma vie. Elles ont grandi, deux petits anges blondes aux yeux bleus, et ont apporté la lumière qui manquait à ma vie jusque là terne et sans importance. J'avais une raison de vivre, à présent.
A treize ans, j'ai commencé à travailler illégalement pour ramener de l'argent à la maison. Initialement, c'était pour payer les soins dont mes sœurs, allergiques au soleil à un moindre degré, avaient besoin, mais je me suis vite rendue compte que les billets que je ramenaient servaient plus à payer la bière de mon paternel que les rendez-vous chez le médecins, qui se sont de plus en plus espacés. Je haïssais mon père pour ça, mais je n'osais rien dire, par peur des représailles. Jusqu'à présent, j'avais toujours réussi à protéger mes sœurs, en prenant les coups à leur place, mais j'appréhendais le jour où mon paternel se rendrait compte que je le provoquais uniquement pour qu'il dirige ses coups sur moi et pas sur les jumelles.
Petit à petit, j'ai grandi, en âge et en beauté, et mon père a commencé à voir ce que je pourrais lui rapporter. Le jour de mes quinze ans, il a réuni ses amis et a mis ma virginité aux enchères. Ce genre de réunions a eu lieu, ensuite, quasiment toutes les semaines, et j'endurais ça en me disant que mes sœurs étaient sauves.
Jusqu'à mes dix huit ans, j'ai enduré, j'ai répondu juste ce qu'il fallait pour qu'il se concentre sur moi, et j'ai protéger les jumelles envers et contre tout. Mais bien sûr, ça ne pouvait pas durer.
J'étais en dernière année de lycée cette année-là, et mes sœurs en primaire. J'avais pour habitude d'aller les chercher à la sortie des cours, afin de les ramener chez nous en passant le plus de temps que possible dehors. Mais ce jour-là, quand je me suis présentée à l'accueil de leur école, la maîtresse m'a dit qu'elles étaient déjà parties. Le sang s'est retiré de mon visage et j'ai blêmi. Je me suis ruée vers la maison, pressentant le pire.
Quand je suis entrée dans le petit appartement, la première chose que j'ai vue a été la mare de sang couvrant le sol du salon. Puis, mon regard est remonté sur le corps de mes sœurs, cloués sur le mur, ruisselant de sang, de
leur sang. Le corps sans vie de ma mère était étendu sur le sol près des jumelles et mon père, debout au milieu du carnage, riait.
Le reste s'est passé dans un nuage flou. Je me souviens à peine m'être dirigée, calmement, vers la cuisine, avoir saisi un couteau et être revenue au salon. Je me souviens à peine m'être jetée sur mon paternel pour le poignarder à de multiples reprises.
Je me souviens juste du jugement, dans la salle quasiment vide, les juges assis royalement sur leurs fauteuils de cuir, m'observant d'un air condescendant. Je n'ai rien dit ce jour-là, je n'ai pas ouvert la bouche quand on m'a condamnée à dix ans de prison pour homicide volontaire.
Les dix ans se sont passés comme dans un rêve, un cauchemar plutôt. J'ai été sage, je ne me suis jamais faite remarquée. Je restais le plus à distance possible de mes co-détenues et effectuais le travail qu'on me donnait. Pendant ces dix ans, seule ma tante est venue me voir. Les pseudo-amis du lycée sont restés cois, et je n'avais plus de famille. Ma tante m'a encouragé à apprendre l'anglais, me disant qu'elle s'était installée dans une petite ville en Nouvelle-Zélande qui me permettrait de recommencer ma vie, loin de la Russie et des mauvais souvenirs.
En dix ans, je suis parvenue à apprendre suffisamment bien la langue anglaise pour pouvoir m'en sortir en Nouvelle-Zélande. J'avais toujours un accent russe à coupe au couteau mais on me comprenait et c'était l'essentiel à mes yeux. Une fois ma peine expiée, je suis partie.
A Island Bay j'ai trouvé un petit travail, ma tante m'a proposé de reprendre des études mais je préférais ramener de l'argent pour commencer. Je ne voulais pas être un fardeau pour elle.
Cela va faire six mois que je suis là, et jusqu'à présent personne n'a encore découvert mon passé. Il faut dire que je n'ai pas été très loquace, je restais le plus distante possible des autres.