(maxyne) manqué de peu, touché en plein coeur

Lorsque Maxyne lui parla de son sport de prédilection et par extension de son travail, Piotr s’étonna et lui demanda des détails. « Oui, c’est assez physique mais j’adore. Chaque plongée est unique. Ça fait quatre ans que je fais ça. » Expliqua-t-elle. « Je ne pourrai jamais bosser dans un bureau toute la journée sauf quand mon corps ne supportera plus. » La jeune femme vivait à cent à l’heure et brûlait la vie par les deux bouts. Elle avait besoin de bouger, de ne pas rester en place, une vraie pile électrique. Passer sa journée assise devant un ordinateur ou entre quatre murs, ce n’était pas possible. Bien sûr, Maxyne avait parfois besoin de moments d’accalmie comme tout le monde mais ils n’étaient pas nombreux. Emballé, Piotr évoqua son anniversaire sur le ton de l’humour et le souhait de tenter une nouvelle expérience sympa pour l’occasion. Il précisa au passage qu’il ne savait pas très bien nager. La jeune femme acquiesça. « Ça te plairait ? Oui, il faut savoir nager un minimum, mais ça s’apprend. Il y a des débutants qui plongent aussi. L’idéal, c’est de ne pas avoir trop peur de l’eau. » Parfois, des personnes s’inscrivaient pour partir en excursion et réalisaient ensuite qu’elles angoissaient avant de sauter dans l’eau. Maxyne ne forçait personne à s’exécuter et c’était normal pour tout le monde d’avoir une appréhension mais pour les gens qui redoutaient déjà de poser un orteil dans une piscine, ce n’était peut-être pas l’idée du siècle. La jeune femme pianota sur son téléphone et le tendit à Piotr. « Voici les coordonnées du centre nautique. Passe un jour si tu veux. On regardera. » Il pourrait demander après elle. Pas forcément pour plonger de suite. Le centre proposait aussi d’autres activités tels que le surf ou autre. Et s’il voulait apprendre à mieux nager, Max était avant tout nageuse avant d’être monitrice de plongée. Même s’il était arrivé depuis une semaine en Nouvelle-Zélande, il ne semblait pas projeter d’en décoller rapidement, en dehors du fait qu’il devait renouveler son passeport. Il vivait son voyage au jour le jour. Son premier, comme Maxyne l’avait perçu. Il lui expliqua alors en partie ce qui l’avait poussé à quitter la Russie. Des membres de sa famille l’avaient abandonné pour partir voir le monde, il n’avait pas compris pourquoi et s’étaient refusé à le découvrir aussi. Ses mots trouvèrent une résonance en elle. Bien souvent, on ne connaissait l’étendue d’un amour qu’en proportion à la douleur qu’il engendrait. Maxyne entendait dans ses mots combien il avait souffert de perdre sa mère, puis sa sœur. Durant des années, il avait probablement conservé le secret espoir qu’elles reviendraient un jour, pour lui. Et puis, comme tout espoir vain ; tout avait disparu. Il avait senti cette flamme futile disparaitre lentement, jusqu’à s’éteindre, offrant à son cœur une raison supplémentaire de se fermer. Maxyne souffrait de l’absence de son frère, qu’elle n’avait pas revu depuis deux ans et avec qui elle partageait une relation fusionnelle, il lui manquait mais il reviendrait et ils n’avaient pas perdu contact pour la cause. Ce n’était rien en comparaison du sentiment d’abandon que Piotr devait ressentir. Perdre ses repères était douloureux et perturbant. Max, elle, avait connu la situation opposée, l’excès d’affection, étouffée par un homme qui ne jurait plus que par elle, et qui avait fait de sa vie un enfer, par jalousie maladive. Il l’avait détruite, brisée à l’intérieur et à l’extérieur. Être délaissé par un proche ou être étouffé par l’un d’eux : aucune des deux options n’étaient bonnes, ni enviables. Il fallait un juste équilibre. Elle avait devant elle un jeune homme blessé, aux espoirs déçus. Ce voyage s’annonçait un peu comme une façon de se reconstruire, d’écrire une nouvelle page, celle d’avoir franchi un pas qu’il n’avait jamais fait avant : partir. On ne choisissait pas sa famille, mais heureusement il y avait autre chose que les liens de sang. « Je vois. La vie nous réserve des bonnes et des mauvaises surprises. Rien ne remplace ce qu’on perd, encore moins une famille. Mais on peut essayer de se reconstruire et parfois, c’est ailleurs que ça se passe. Le fait d’être parti alors que tu t’y refusais est peut-être une première étape d’un nouveau chapitre de ta vie pour toi aussi. » Elle esquissa un sourire et plongea un instant son regard dans le sien. Maxyne avait compris les sujets sensibles à éviter pour le reste de la journée et pour d’autres fois, pour autant qu’ils se revoyaient vraiment. Loin d’elle l’idée de plomber l’ambiance, mais elle n’était pas une insensible comme elle se plaisait souvent à le prétendre alors forcément, elle avait réagi à ce qu’il lui avait dit. Parce que Piotr lui rappelait que le passé reprenait parfois ses droits sur le présent, prenant au piège ceux qui essayaient de fuir une vie qui les blessait cruellement. Alors, d’une voix plus légère, elle suggéra une meilleure idée puisque la bière et le whisky étaient vides. « On se refait un verre avant de décoller ? Je crois que ce ne sera pas de trop avant de continuer cette journée. »

Piotr saisi la carte que Maxyne lui tendit. Cela s'était fait naturellement et le petit russe se voyait déjà aller lui rendre visite au centre nautique pour prendre des cours de natation avant de plonger. Et effectivement, ça pourrait être quelque chose de pas trop mal pour s'occuper le jour de son anniversaire, non ? Vu qu'il sera tout seul, autant qu'il essaie de passer une bonne journée malgré tout ? D'ailleurs, en lui en racontant un peu plus sur sa vie personnelle, et notamment sur les raisons qui l'ont poussé à partir en voyage, Piotr se surprend à se montrer tel qu'il est. Il n'est pas comme ça avec tout le monde. En Russie par exemple, il n'y a que Maximoff qui ne soit au courant pour Reira. Il n'a pas pour habitude de se plaindre, de parler de lui en long, en large et en travers. Sauf que là, avec Maxyne, il a une sensation assez particulière. Comme un feeling. Comme la sensation qu'elle va devenir une vraie bonne amie, vous voyez ?
La jeune femme lui propose de boire un second verre, avant de décoller du pub. Piotr accepte et les voilà tous les deux partis pour une seconde tournée. Piotr tenait plutôt bien l'alcool. En Russie, pas vraiment ; mais dans les autres pays, il semblait davantage tenir que les autres, ce qui le faisait rire doucement. Les deux jeunes gens se recommandèrent un verre. Par la suite, ils devraient probablement commencer par aller acheter une nouvelle chemise pour Piotr. Ainsi, ses nouvelles égratinures seraient camouflées, et surtout, il n'aurait plus l'impression de porter un bout de chiffon usé sur le dos. Ensuite, il faudrait probablement passer à la pharmacie, pour les médicaments ? Pour finir, aller à l'Ambassade avant que ça ne ferme ? Piotr avait regardé les horaires sur internet, c'était le premier truc qui allait fermer possiblement. Du coup, tandis que leurs seconds verres respectifs arrivèrent à leur table, que Piotr remercia le serveur et qu'il trinqua à nouveau avec la jolie blonde, il fini tout de même par dire « on commence par quoi en sortant ? La chemise, non ? » en tirant sur l'un des bouts de tissu pendant. Piotr commençait depuis tout à l'heure à sentir la douleur liée à son pouce. Progressivement, l'adrénaline de l'accident avait laissé la place à la douleur. Là, il essayait clairement de la diluer dans l'alcool ; mais ce soir, il savait qu'il allait avoir vraiment très mal. Il se souvenait de la douleur après son agression, en Russie. Il sentait qu'une partie de cette douleur revenait. Comme juste endormi dans ses muscles, ses côtes, ses os qui avaient été torturés si longtemps il y a quelques mois de cela, bientôt un an.

Parfois, un événement inattendu donnait lieu à des rencontres improbables. En se réveillant ce matin-là, Max n’aurait pas pu prédire qu’elle toucherait une personne avec sa moto ni même la réaction qu’elle aurait ensuite. Ayant déjà été victime d’un accident, elle avait rapidement culpabilisé et avait voulu venir en aide au jeune homme, d’autant plus qu’il se retrouvait dans un pays étranger, qu’il ne maitrisait pas parfaitement l’anglais, et qu’il avait des ennuis administratifs. Les circonstances avaient grandement contribué à ce qu’elle se décide à passer la journée avec lui, le temps de vérifier que son état de santé n’exigeait pas des soins plus urgents que celui du médecin. Heureusement, plus de peur que de mal. Il ne s’en était pas sorti indemne, notamment avec un pouce cassé (Max le supposait en tout cas, la radio le confirmerait sûrement) mais les conséquences auraient pu être plus dramatiques. Soulagée, elle avait ensuite accepté d’aller boire un verre pour qu’ils se remettent de leurs émotions. S’en était suivi une discussion plus décontractée. Résultat : ils se reverraient après cette journée. Pour l’heure, Piotr proposait d’aller racheter une chemise avant d’enchainer avec le reste. « Oui, ça vaut mieux, ça évitera les regards de travers. » Dans la rue, les gens s’étaient retournés sur Piotr après l’accident et se demandaient sûrement ce qui lui était arrivé. Et puis, une nouvelle chemise serait plus appropriée pour se rendre dans un bâtiment officiel tel que l’ambassade, au risque de se faire refouler à l’entrée. Après la seconde tournée à parler de tout et de rien, et surtout des différences entre la Nouvelle-Zélande et la Russie, ils décollèrent finalement du pub et se dirigèrent dans un magasin de vêtements. Max le laissa choisir ce qu’il voulait et s’habiller dans les cabines, ne lui apportant qu’une nouvelle taille si la chemise ne lui allait pas. Il trouva finalement son bonheur et ils continuèrent ensuite le programme, sur leur lancée. En fin de journée, Maxyne échangea son numéro avec Piotr pour qu’il la tienne au courant s’il avait un problème de santé lié à l’accident qui survenait dans les prochains jours, et puis aussi pour garder le contact. Ils se quittèrent sur cette promesse et elle partit ensuite récupérer sa moto.

Sujet terminé