With a little help from my friends (+) Siegfried & Mia



Tous les jours qui lui sont donnés en ce bas monde, Mia pense à son petit garçon. Elle croit que ce sera toujours le cas, que la douleur ne s’estompera jamais totalement, que ce terrible goût d’inachevé, d’échec total et de manque cruel lui restera au fond de la gorge pour toujours. Mais bizarrement, elle arrive à avancer, à petits pas, comme un automate au début avec des gestes accomplis plus ou moins mécaniquement, puis un peu moins difficilement au fil des semaines et des mois. Et au fond, elle est plutôt fière des choses qu’elle a accomplies malgré les souffrances endurées. Elle a repris le cabinet du vétérinaire du village parti à la retraite, elle l’a ré-aménagé, elle a repris une grande partie de sa clientèle. Elle s’est aussi occupée du logement à l’étage, elle a re-décoré l’endroit pour qu’il soit à peu près à son goût, elle a déménagé de chez son grand frère. Bien sûr, elle a bénéficié d’une aide inestimable, entourée des membres de sa famille comme de ses amis les plus proches. Sans eux, elle n’y serait sûrement pas arrivée. Mais justement, elle a quand même fait quelque chose et, au fond, c’est sans doute ça qui la sauve. Quelque part, elle a l’impression d’avoir repris sa vie en main. Le cabinet marche plutôt bien, ce qui lui assure des revenus réguliers dont elle n’a pas à se plaindre et surtout, elle prend plaisir à reprendre le travail après plusieurs années d’inactivité. Son escapade en Australie, motivée avant tout par les démarches administratives nécessaires à son divorce, s’est passée aussi bien que possible. Et ici, dans son chez-elle, la jeune femme prend ses marques. Quelques semaines après son emménagement, elle a comme prévu mis à exécution son souhait d’adopter de belles bouilles au refuge où elle donne régulièrement un coup de main. Elle partage donc désormais son quotidien avec deux chiennes de races croisées sans qu’on puisse vraiment déterminer laquelle est dominante, deux soeurs sorties de la rue et remises sur pied. Elle se sent beaucoup moins seule, désormais, ses amies à quatre pattes égayant ses journées encore plus qu’elle ne l’aurait cru.

Après une longue journée de travail, Mia met un peu d’ordre dans son bureau. Elle attend la visite de Siegfried, le frère de sa meilleure amie, qu’elle connaît quasiment depuis toujours. C’est aussi un vétérinaire, mais au zoo de Wellington. Mia a pensé que ce serait une bonne idée de l’inviter à visiter ses locaux, pour qu’il puisse éventuellement lui donner deux ou trois conseils. C’est toujours bien d’avoir l’avis d’un collègue à ses yeux et ils ont finalement réussi à se mettre d’accord sur un créneau. Quand la sonnette retentit, la blonde se lève donc prestement pour aller accueillir le Madsen. Des aboiements retentissent derrière la porte qu’elle s’empresse d’ouvrir. « Salut Sieg ! Merci d’être venu, c’est sympa. » Elle s’écarte pour le laisser passer, mais les deux chiennes ne sont pas décidées à en faire de même. Elles remuent joyeusement la queue, excitées par la possibilité de se faire un nouvel ami. « Je te présente Tigrou et Nala, elles se prennent pour des fauves mais elles sont super accueillantes comme tu peux le constater. » Elle s’efforce de faire en sorte qu’elles lâchent un peu le blond, avant de se redresser. « Comment tu vas ? » Elle lui fait signe de la suivre. « Bienvenue dans ma tanière. T’imagines, vivre juste au-dessus de ton boulot, si j’avais pas adopté ces deux bouilles je mettrais plus beaucoup le nez dehors. Enfin bref, je peux te servir quelque chose à boire ? »


Les deux petites maîtresses des lieux ne semblent pas décidées à se calmer. En plus de leur bonheur d’accueillir un nouveau venu sympathique, elles le sentent frénétiquement, ce qui fait sourire Mia. Il porte assurément les odeurs d’animaux qu’elles ne connaissent pas le moins du monde, ce qui doit définitivement les intriguer. Elle parvient tout de même à les calmer un peu, leur envoyant une balle au loin puisqu’elles puissent jouer - et se la disputer aussi, probablement. « Désolée, je manque encore un peu d’autorité. Les beaux discours pour bien éduquer son chien, c’est facile à sortir, mais quand il s’agit du tien… En plus, ces deux-là ont vécu un bon moment dans la rue, alors j’ai un peu tendance à tout leur passer quand je vois à quel point elles sont heureuses d’avoir leur propre maison. » Elle espère que ça ne fait pas d’elle une mauvaise conseillère, après tout, est-ce qu’il y en a vraiment dans leur métier qui arrivent à appliquer parfaitement les principes qu’ils prêchent ? Repoussant cette pensée pour se concentrer sur l’instant présent, Mia se dirige vers le petit réfrigérateur qu’elle a dans son bureau. « J’ai du jus d’ananas ou du thé glacé au citron, qu’est-ce qui te tente le plus ? » Tout en écoutant la réponse de son invité, elle sort des verres propres et leur sert à boire avant de retourner vers lui. « Tu m’étonnes, moi aussi je suis pressée de voir les beaux jours arriver. On n’en est plus très loin… J’envisage de prendre quelques jours avec ces deux demoiselles pour conduire jusqu’à l’île du Sud et voir de plus près ces fameux lupins. Je rêve d’une petite escapade d’une semaine avec elles dans la nature, mais je suis pas sûre que ce soit très raisonnable par rapport au cabinet. »

Alors qu’elle lui tend son verre, Mia se rend compte qu’il a aussi quelque chose pour elle. Surprise, elle fige son geste. « Oh… Tu as raison, il ne fallait pas… Mais c’est adorable de ta part, vraiment. » Elle pose les verres pour prendre le paquet qu’il lui tend. Elle hésite un peu avant de l’ouvrir, parce qu’elle ne sait pas s’il préfèrerait qu’elle attende plus tard. Mais finalement, elle déballe son paquet, non sans une certaine impatience. Il s’agit d’un vase, classique mais avec de belles couleurs. « C’est très beau. Merci beaucoup pour ta délicate attention, ça me touche. » Elle lui adresse un sourire rayonnant, avant de regarder autour d’elle. La vétérinaire finit par trouver une place qu’elle estime appropriée, où il sera bien visible tout en étant à l’abri des deux canidés qui partagent sa vie. « J’ai plus qu’à prendre ma semaine pour aller chercher ces fameux lupins, hein ? » Finalement, elle lui tend à nouveau son verre, maintenant qu’il a les mains libres. Puis lui faisant signe de la suivre, elle lui montre la salle d’attente de son cabinet, puis son bureau, sans oublier de montrer le matériel spécifique qu’elle a acheté et le tout petit endroit « boutique » qu’elle a monté. « Ta soeur m’a beaucoup aidée à aménager l’espace, il n’y a pas à dire, elle a l’oeil. » Pour l’esthétique, Vilde est définitivement la meilleure. Maintenant, Siegfried, lui, aura sûrement un regard sur les lieux qui sera plus porté vers l’aspect professionnel des choses. « Alors, qu’est-ce que t’en dis ? » Elle attend avec un peu d’appréhension, parce qu’elle a déjà consacré beaucoup de temps et d’argent à ce projet qui au fond est celui d’une vie entière. Mais elle est disposée aussi à recevoir des conseils et à réarranger certaines choses si nécessaire, après tout c’est la raison de sa présence. « Ça me fait penser à quand je te suppliais de lire mes copies avant de les rendre et de m’aider à réviser pour mes examens, tu t’en souviens ? La compétition acharnée, ça me tuait… Et maintenant, bien des années après, je viens encore te demander ce que tu en penses » ajoute-t-elle en plaisant, tandis qu’un ou deux souvenirs, cocasses après coup, lui traversent l’esprit.

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais, hein » soupire Mia en jetant un coup d’oeil aux deux boules de poils qui s’amusent désormais entre elles avec la balle. « Enfin, je te comprends. En avoir chez soi, c’est pas de tout repos. » Mais pour elle, ça combe un certain besoin de compagnie. Elle leur a donné une maison, c’est vrai. Mais elles lui ont donné un foyer et ça, c’est magnifique. Elles lui ont redonné le sourire après tous les malheurs qu’elle a traversés et Mia pense que Siegfried s’en doute, même si elle ne le dira pas à haute voix pour ne pas pourrir complètement l’ambiance. Il est déjà suffisamment gentil avec elle sans qu’elle ait besoin d’en rajouter une couche. « En tout cas, ce que tu dis me rassure. On oublie parfois qu’on ne peut pas toujours appliquer les mêmes choses parce que les chiens ou d’autres animaux peuvent être aussi différents que plusieurs enfants au sein d’une même fratrie. » La jeune femme est à l’aise pour aborder ce genre de sujets avec lui parce que, même si on ne peut pas être d’accord sur tout, elle a au moins l’assurance d’échanger entre professionnels de ce domaine.

Mais bien sûr, la conversation ne peut pas s’arrêter là. Ils prennent des nouvelles l’un de l’autre tandis que Mia sert un thé glacé à son invité de la soirée. Elle évoque notamment des projets de voyage à court terme. « C’est sûr que ces deux-là seraient enchantées. » Son souci se situait plutôt au niveau du cabinet ; après tout, elle l’a repris depuis peu. Mais là encore, le blond se montre rassurant et un sourire éclaire le visage de la propriétaire des lieux. « J’aimerais bien proposer à ta soeur de venir aussi. Ça nous ferait du bien à toutes les deux, c’est sûr. Mais comme elle est en pleine formation pour sa reconversion, je me demande si ce serait possible pour elle… Est-ce que tu sais si c’est très prenant pour elle ? » En plus d’être la soeur de Siegfried, Vilde se reconvertit aussi pour travailler au même endroit que lui, alors il a peut-être une idée plus précise de la question. C’est d’ailleurs grâce à elle qu’ils se sont rencontrés, même s’ils ont aussi fini par tisser un lien d’amitié avec le temps.

Et c’est une des raisons pour lesquelles Mia a demandé à son confrère de venir ce soir. Elle a confiance en ses conseils et justement, elle compte sur ses critiques constructives. Et effectivement, s’il est d’accord avec l’ensemble, il a toujours quelques améliorations à proposer. La blonde est toute ouïe et, en général, elle est d’accord avec ses suggestions. « Tu veux bien m’aider à mieux orienter ce meuble, du coup, s’il te plaît ? J’aurais bien voulu faire partie de ces femmes qui disent qu’elles n’ont pas besoin d’un homme et tout et tout, mais la vérité c’est que je suis pas très costaud » souffle-t-elle en riant. Ils effectuent ensemble quelques modifications, déplaçant quelques objets, mettant de côté d’autre, essayant de construire un tout plus cohérent et plus agréable encore. « Tu as raison, avec le temps j’aurai peut-être envie de changer encore deux ou trois trucs. Mais quoi qu’il en soit, c’est beaucoup mieux comme ça. Pourtant, ce que tu m’as conseillé relève plutôt des détails, mais qui aurait cru que ça pouvait améliorer l’ensemble comme ça ? » Rayonnante, Mia observe son cabinet avec satisfaction. Elle est fière du résultat et elle le doit beaucoup à ceux qui l’ont aidée. « Merci beaucoup, j’apprécie vraiment. » Si à la base il était censé être seulement le grand frère de sa meilleure amie, au fil des années il en a beaucoup fait pour elle, sans doute plus qu’il ne pense. « Il faut cravacher dur pour exercer notre passion, hein » sourit-elle, faisant aussi référence à leurs longues et difficiles années d’études. Il faut vraiment l’avoir dans la peau pour s’accrocher. « Je peux t’offrir à dîner pour te remercier ? Ça me ferait plaisir. » Après tout, il a travaillé toute la journée et, après le chemin du retour, il n’est pas parti se reposer chez lui mais est venu pour lui apporter son concours. C’est normal de lui proposer à manger et, d’ailleurs, elle est toujours contente de passer un petit moment avec lui. « Comme ça on rattraperait aussi un peu le temps perdu. Mais si tu préfères, on peut aussi aller manger quelque part un midi, plutôt » précise-t-elle, un peu gênée, parce qu’elle n’a pas envie qu’il trouve ça bizarre de l’inviter à la nuit tombée.



C’est vrai qu’en tant que vétérinaire, il y a beaucoup de choses qui sont plus faciles quand on a des animaux à la maison. C’est le cas des soins bien entendu, mais aussi de l’éducation d’une manière plus générale. « C’est sûr que c’est un avantage ! Je m’en rends souvent compte dans la vie quotidienne. Du coup, je me fais quand même moins de souci qu’une personne qui n’a aucune expérience en la matière, par exemple. » La spécialisation de Mia, c’était précisément les animaux de compagnie. Maintenant qu’elle y pense, elle n’est même pas sûre de connaître celle choisie par Siegfried dans le cadre de ses études. Mais au quotidien, il n’a bien évidemment pas affaire aux mêmes animaux qu’elle. D’ailleurs, Mia n’est pas certaine de pouvoir exercer le travail du blond, elle est clairement plus craintive que lui. Néanmoins, elle connaît beaucoup de personnes qui bossent au zoo de Wellington et c’est l’occasion de demander un peu de leurs nouvelles dans ce cadre-là. « Ça fait un moment que j’ai pas croisé Alex, elle va bien, avec ses singes ? » Dit comme ça, c’est un peu bizarre, mais c’est le secteur de la brune. Et en pensant à elle, Mia se demande si au zoo, sa relation avec Gus est connue. Mais comme elle ne sait justement pas si c’est le cas, elle préfère ne pas risquer de mettre les pieds dans le plat. « Et mon frère, tu le croises des fois ? » Ça en fait des personnes dont elle est proche et qui se côtoient potentiellement là-bas : son frère, Alex, Sieg, maintenant sa meilleure amie… « Ça marche, je vais voir avec elle si on peut s’organiser un truc. J’espère vraiment que ce sera le cas. »

Maintenant que l’organisation du cabinet a été un peu revue, que l’agencement a été quelque peu modifiée et que les changements semblent entièrement satisfaisants, Siegfried a accompli sa mission. Néanmoins, Mia se voit mal abréger leur entrevue ainsi. C’est donc tout naturellement qu’elle lui propose de rester dîner avec elle. Comme il accepte avec plaisir, visiblement pas du tout gêné par l’idée, elle est toute contente. « Allez, viens, maintenant tu vas voir l’étage. » Elle appelle ses deux boules de poils qui se précipitent en haut avec enthousiasme, suivies par les deux vétérinaires plus posés. « Bienvenue dans mon humble demeure ! C’est carrément pratique d’habiter juste en haut, surtout quand il y a des urgences nocturnes ou dominicales, j’apprécie vraiment. » La blonde allume les lumières, faisant faire un rapide tour à Siegfried des pièces à vivre. « Ce n’est pas très grand, mais avec Vilde on a réussi aussi à bien arranger. Maintenant, il me reste à m’occuper de mieux aménager le jardin, mais j’ai pas encore eu le courage de m’y mettre. » Tout en parlant, Mia se dirige vers le réfrigérateur où différents menus sont affichés. « Je ne fais pas beaucoup la cuisine… Alors voici mon assortiment de restaurants et petites enseignes où je peux commander. Vas-y, fais ton choix, ensuite je vais me décider aussi. Je sais pas encore trop de quoi j’ai envie. » En attendant, elle dresse la table. « Ça me fait plaisir de t’avoir à dîner. Je suis souvent toute seule et… Franchement, pour te remercier pour toutes ces années où tu as été mon référent, que je me suis bien sûr personnellement attitré, je te dois probablement une bonne centaine de dîners » ajoute-t-elle en riant. « Alors, tu sais ce que tu veux manger ? »

« Tu pourras toujours venir chercher ma voiture si tu veux. » Elle répond en riant, mais elle se doute que ça ne doit pas être drôle du tout de se lever au beau milieu de la nuit pour pédaler. En plein hiver, elle ose à peine imaginer ce que ça donne, elle en frissonnerait déjà. « Je l’ai achetée récemment. J’en ai pas spécialement besoin au quotidien, puisque je peux aussi aller faire mes courses à pied… Mais justement, c’est pour les urgences à domicile. Si je dois me déplacer et qu’il s’avère qu’il faut aussi embarquer des animaux, ou un truc dans le genre, je me suis dit que c’était plus pratique. » Ainsi, elle dispose aussi d’une plus grande liberté de mouvement. Ceci dit, après l’achat et la rénovation du cabinet associé au logement, elle n’aurait pas fait l’acquisition de cette voiture si elle n’avait pas reçu de l’argent suite à son divorce. C’est sûr que ça la soulage beaucoup au niveau financier, elle peut donc se permettre d’autres choses qu’elle n’aurait pas envisagées autrement. « Honnêtement, je pense faire appel directement à un paysagiste ou… Enfin, à un professionnel quoi. S’il faut attendre que j’aie le temps et le moral de m’y mettre, je crois que dans un an on en sera encore au même point. » Entre son travail, son bénévolat au refuge et ses chiennes, elle n’a ni le temps ni l’énergie de s’occuper par exemple du ménage ou de la cuisine, raison pour laquelle la jeune femme fait précisément appel à d’autres personnes qu’elle considère un peu comme ses sauveurs.

Mais ce soir, c’est un autre genre de sauveur qui se tient en face d’elle. Et quand il lui dit qu’il l’a toujours un peu considérée comme sa protégée, un sourire éclaire le visage de Mia. « La meilleure amie de la petite soeur, ça devient presque de la famille aussi à force » souffle-t-elle en riant. « Remarque, ça m’a pas empêchée d’avoir le béguin pour toi quand j’étais ado, à l’époque où je rougissais quand tu m’adressais la parole. » Aujourd’hui, elle l’avoue sans détours ni gêne parce que, environ quinze ans après, c’est une anecdote plus rigolote qu’autre chose. « Tu t’en étais rendu compte ou pas ? » Tout en parlant, elle termine de s’affairer autour de la table. Puis elle s’approche à nouveau de lui. Il a fait son choix et elle n’aurait pas pu être plus partante. « Oh, tu lis dans mes pensées. Si je pouvais le faire sans culpabiliser ni devenir obèse, je me nourrirais sans doute de pizzas tous les jours. » Elle lui demande ce qu’il veut précisément et, après avoir entendu sa réponse, elle prend son téléphone pour passer la commande. « Ils ont dit d’ici une vingtaine de minutes » précise-t-elle, tout en se disant que ce sera sûrement un peu plus. « Je peux te servir autre chose à boire en attendant ? J’ai de l’eau pétillante… Du smoothie aux fruits rouges… Et du mojito, industriel, mais ça peut faire l’affaire. »

Les plaisanteries de Siegfried ramènent Mia à de nombreuses années en arrière. Quand elle faisait ses études et qu’elle lui demandait de l’aide, elle était souvent stressée et angoissée. Il arrivait à l’apaiser, non seulement en lui fournissant une aide concrète et pratique, mais aussi en la faisant rire pour la détendre un peu. Pendant longtemps, comme avec quasiment toutes les personnes qu’elle connaissait et même qu’elle aimait à Island Bay, elle n’avait eu aucun contact avec lui. Pendant les trois années qu’avaient duré son mariage, la jeune femme n’avait guère échangé qu’avec ses parents et avec son frère, Nathan limitant vraiment ses appels à l’extérieur. Et quand elle était rentrée, Mia appréhendait beaucoup la réaction de tout ce beau monde. Vilde avait été l’une des personnes qu’elle était le plus impatiente de retrouver et sa meilleure amie depuis tant d’années ne lui en avait voulu. En fait, personne ne l’avait fait, sans doute parce que tout le monde avait plus ou moins compris quel calvaire elle avait traversé. Et après coup, la vétérinaire se rend compte qu’elle a renoué facilement avec ceux dont elle était proche avant. C’était aussi le cas avec le Norvégien, avec qui elle avait l’impression de ne jamais avoir involontairement coupé les ponts. C’était facilement redevenu comme avant - ou presque.

Et tant qu’ils sont sur leur lancée à converser agréablement, Mia fait à Siegfried un aveu qui ne lui coûte plus beaucoup aujourd’hui. Elle voit qu’il a l’air un peu perdu, comme s’il était en pleine réflexion. Ça fait sourire la blonde. « T’es en train de rassembler les éléments du puzzle dans ta tête, c’est ça ? » Il doit certainement se souvenir de certains moments où il l’a trouvée un peu bizarre, surtout quand elle était adolescente. Il avait même dû penser qu’elle était malpolie parfois, quand elle ne répondait pas à certaines de ses questions parce qu’elle se sentait trop gênée face à lui. Maintenant, il comprend sûrement mieux certaines choses, même des années plus tard. « Tu t’en étais jamais douté parce que tu es trop modeste, voilà tout » le taquine-t-elle, affichant à nouveau le menu de la pizzeria du coin sur le réfrigérateur où elle le reprendra sans doute bien assez tôt. Visiblement, elle n’est pas la seule à le faire souvent, puisque le blond semble la comprendre. « Sans alcool, j’ai rien d’autre. J’en ai plus acheté depuis que… Enfin, tu sais, quand j’étais enceinte, j’avais pris l’habitude de ne plus boire et en fait, ça me convient bien comme ça. » Elle leur sert un verre à tous les deux, tandis qu’ils s’assoient autour de la table. En attendant les pizzas, ils continuent à échanger joyeusement. Elle est vraiment contente de passer encore un peu de temps avec lui.