unexpected urbex (lou)

Le temps un peu maussade, presque surprenant pour la saison, ne décourage ni Piotr ni Lou de pointer le bout du nez dehors. C’est d’ailleurs un plan qui s’est décidé un peu à la dernière minute. Finn étant parti en Islande avec Lara, Lou se retrouve toute seule à l’appartement. Enfin, elle n’est jamais vraiment seule, puisqu’elle a Nana. En l’absence de son colocataire, Lou s’occupe de sa chienne avec grand plaisir. D’ailleurs, elle s’est sentie un peu coupable de la laisser chez eux ce soir, même si Nana a bien évidemment l’habitude qu’ils sortent. Alors elle lui a fait plein de papouilles et lui a promis de lui ramener une surprise - elle ne sait pas encore quoi, mais elle va trouver. Et elle a rejoint Piotr, parce qu’elle ressent vite le besoin d’avoir de la compagnie humaine. La solitude, très peu pour elle. C’est peut-être la raison pour laquelle la jeune fille n’a jamais vécu seule, passant directement de chez maman à la colocation avec son meilleur ami. Une vie plus indépendante qu’elle apprécie beaucoup malgré les responsabilités et les charges propres aux jeunes adultes, notamment parce qu’elle dispose par exemple d’une liberté de mouvement plus conséquente. Elle peut sortir ou accepter une invitation de manière très spontanée, comme ce soir. Ce soir, c’est dîner à Wellington. Lou a profité de l’envie de bouger de Piotr pour lui proposer un restaurant qu’elle avait envie de tester depuis un moment déjà - un restaurant proposant une cuisine qui pourra les satisfaire tous les deux. Et effectivement, satisfaits, ils le sont après le repas. Et la météo défavorable ne les empêche pas de se balader un peu dans les rues. Ce n’est pas une pluie aussi froide que celles du mois d’août. Clairement, les vrais beaux jours arrivent, même s’ils se font encore un peu désirer. « J’ai trop mangé » souffle la brune en posant une main sur son ventre comme si elle était enceinte. Mais son nouvel ami ne l’écoute pas, visiblement intéressée par une porte en bois pourrie. Surprise, Lou lui jette un regard dubitatif. « Euh… Si. Par contre, je te déconseille… » Trop tard. La planche est déjà tombée. « D’y toucher. » Il prend quelques secondes pour essayer vainement de réparer sa bêtise, avant de retrouver son air intéressé. « Non merci, j’ai pas envie de voir… » Mais le Russe est déjà entré. Regardant autour d’elle comme si elle avait peur de se faire gronder, Lou pousse un profond soupir avant de lui emboîter le pas. « J’sais pas si on devrait être là… » Elle active la lampe-torche de son téléphone pour regarder autour d’elle avant de pousser un cri de frayeur. Elle a fait un bond, cognant Piotr par la même occasion. « Désolée. » Elle s’est retrouvée quasiment nez-à-nez avec un visage. Une photo. Non, pas exactement… « Ce sont des affiches de vieux films… Comme si c’était un cinéma abandonné… »


Son cri à la fois spontané et effrayé laisse place à un immense soulagement, ce qui fait que Lou se met à rire. « Désolée » répète-t-elle, comprenant vaguement au ton de sa voix que Piotr murmure des jurons dans sa langue maternelle. La jeune femme se tourne alors vers lui, légèrement amusée. « Avec ce décor et le russe, on se croirait dans un bon vieux film d’espionnage. » Et pour le coup, il est approprié de parler de films. Tandis que le jeune homme se met à explorer les environs, Lou reste concentrée sur l’affiche qu’elle a devant elle. Puis petit à petit, elle se met à son tour à se déplacer en éclairant les différents panneaux. Elle essaye de déchiffrer les titres, mais la couche de poussière est trop épaisse. « Aïe. » La brune s’est cogné le pied contre une caisse en bois humide qui a l’air plutôt lourde. Elle comprend donc qu’elle doit faire attention à l’endroit où elle met les pieds. Détachant finalement le regard de ses affiches, elle balaye les environs de la faible lumière de son téléphone portable pour mieux voir ce qu’il y a autour. Piotr, lui, est déjà à fond dans l’exploration. Esquissant une grimace, Lou se rend compte que l’endroit dans lequel ils se trouvent serait parfait pour tourner une scène de suspense. Elle en est encore à détailler les lieux du regard quand Piotr l’appelle pour lui dire qu’il a trouvé des bobines des films. « Nooon, des vraies bobines, à l’ancienne ? » Définitivement intriguée, Lou s’approche tout en veillant à ne pas se prendre les pieds dans quelque chose. « Waow, t’as raison. » Elle commence à y toucher et à farfouiller, tout en craignant d’abîmer quelque chose. En même temps, plus personne ne s’en sert, non ? S’efforçant quand même de manipuler les bobines avec délicatesse, Lou en attrape une au hasard. Mais c’est inutile, parce qu’on ne voit quasiment rien. Un peu déçue, elle la repose avant de suivre à nouveau Piotr. Ses craintes quelque peu dissipée, l’agent de bibliothèque commence à se sentir plus enthousiaste. Mais elle ne s’attendait certainement pas à ça. Bouche bée, elle observe les alentours silencieusement pendant quelques secondes. « C’est trop beau » finit-elle par souffler. Elle s’avance à travers les sièges et finit par se laisser tomber dans l’un d’eux. « T’as découvert un genre de trésor oublié. Maintenant, ce sera notre endroit à nous. » Elle se laisse pénétrer par le côté majestueux des lieux. « Bon, vas-y. Dans l’ambiance, t’es obligé de me raconter quelque chose de personnel que tu ne dirais pas à tout le monde. »

Les deux jeunes gens étaient comme des enfants venant de tomber sur un véritable trésor. Il fallait qu'ils regardent tout, qu'ils posent leurs mains sur les objets prit dans la poussière, que les pieds foulent chaque centimètre de ce lieu, que leur regard aiguisé se pose sur chaque détails. Comme si une fois que tout sera bien cerné, il leur serait plus évident de réaliser ce qu'ils venaient de trouver. Les bobines, les affiches, le vieux projecteur... il n'y avait aucun doute, il s'agissait bien d'un local cinématographique, mais pour l'heure, les deux amis ignoraient qu'il s'agissait d'un cinéma entier. Quand Piotr passa la porte, il tomba sur un hall majestueux. Il y avait le guichet d'entrée, la moquette rouge ravagée par le temps, les moulures au plafond, dominant un gigantesque escalier. Mais Lou elle, s'était déjà approchée d'une nouvelle porte et c'est ainsi qu'elle découvrit une vraie salle de cinéma. Les fauteuils alignés, rouges, les allées avec les petites marches, la scène gigantesque où se trouvait un écran gigantesque, mais abîmé lui aussi par le temps. « Waouw » s'étonna t-il en observant tout. Son amie avait déjà prit place sur un siège, n'en revenant pas de cette découverte. « On a découvert ! » réctifia t-il en s'engouffrant dans une allée à son tour. La poussière s'envolait devant lui, créant presque une atmosphère magique. Il couru dans l'allée, frappant son poing sur le tissu matelassé des fauteuils, afin d'en extraire la fumée. Il toussa, bien sûr, mais ça le fit rire. Finalement, alors qu'il quittait l'allée par l'autre bout, il s'approcha de la scène, tandis que Lou, lui posa une question. Piotr ne s'attendait pas à cette question, ou une du genre. Alors qu'il venait de se hisser sur la scène, son regard chercha celui de son amie, bien plus loin à présent. Il s'interrogeait. Avait-elle des soupçons ? Avait-elle des doutes quant à son orientation sexuelle ? Etait-ce un piège ? Là, sous le coup, Piotr commença à paniquer, à se demander s'il n'allait pas être découvert, et de ce fait, si des gars n'allaient pas venir le tabasser quelque part ? Peut-être même ici ? Piotr observa les lieux et lança « comment ça ? » essayant de gagner du temps, ou bien peut-être qu'elle lui avoue ce qu'elle savait ? Après la réponse de son amie, Piotr comprit que non, Lou n'avait rien trouvé comme indice, qui pourrait indiquer qu'elle savait quelque chose. Se sentant tout de même sur la défensive, comme pris au piège, Piotr lança alors « j't'ai pas dit, mais j'ai rencontré une fille ». Ouais, il fallait qu'il lui parle d'Aela, de sa couverture, de ce qu'il utilisait pour camoufler ce qu'il était au fond de lui, réellement.

C’est poussiéreux et ça sent le renfermé, c’est sûr. Mais pour l’instant, ça n’a pas d’importance. Lou est trop émerveillée par leur découverte. Elle a presque l’impression de fouler un sol ancien, aussi ridicule que ça puisse paraître. Des gens étaient rassemblés ici, mais c’était il y a longtemps. Et maintenant, c’est une toute autre ambiance. L’obscurité rajoute au côté mystérieux des lieux et Lou ne peut s’empêcher de se demander depuis quand ce bâtiment a été abandonné. En tout cas, elle n’a aucun souvenir d’être déjà venue ici. Et à l’heure actuelle, ils n’ont probablement pas le droit d’être là. Mais pour l’instant, la jeune femme n’y pense plus. La curiosité l’a emporté et, au final, elle est conquise par la beauté de l’endroit. Ça n’a rien de glauque, ici, bien au contraire. Assise dans un siège comme si elle attendait le lancement d’un film, elle a soudain envie de partager un peu plus avec son ami. Ici, isolés du monde, presque dans une autre dimension, c’est un peu l’endroit et le moment idéals pour mieux se connaître. Pendant quelques secondes, suite à sa demande, Piotr reste silencieux. « Pas forcément un truc indiscret, hein » se hâte-t-elle de préciser, craignant de s’être mal exprimée. C’est plus un truc de filles de vouloir se confier, c’est sûr. Mais finalement, le jeune homme accepte de se prêter au jeu. « Sérieux ? » Soudain intéressée, Lou se redresse sur son fauteuil. Elle fixe Piotr ou, du moins, elle regarde dans la direction où elle pense qu’il se trouve. Elle distingue plus des formes qu’autre chose. « T’es rapide en besogne, dis donc. » Un rire s’échappe de ses lèvres. « Du coup, maintenant, t’es obligé de tout me dire… Comment elle s’appelle ? Tu l’as rencontrée où ? Elle est belle ? » Ça fait beaucoup de questions d’un coup, un truc typiquement féminin. Lou se sent alors obligée de préciser qu’elle acceptera aussi volontiers de se prêter au jeu s’il lui retourne la question. « Et bien entendu, après, tu pourras aussi me demander ce que tu veux. » De toute façon, elle ne prend pas beaucoup de risques. Ce n’est pas comme si elle avait grand-chose à cacher, ni même d’anecdotes croustillantes à raconter.

Il avait lâché la bombe. A partir de ce moment-là, il allait devoir tout raconter à son amie, il le savait bien. Bon, elle avait déjà entendu parler d'elle, c'était pas une totale inconnue dans le sillon du garçon. Mais en parlant d'Aela, en parlant de cette relation qu'il avait basé sur le mensonge, il s'enfonçait davantage dedans. Là, Piotr faisait le choix de mentir à ses proches, de cacher la vérité. Il avait embrassé Aela pour pouvoir se cacher derrière cette histoire, derrière ce couple qu'ils représentaient à deux. Mais dans le fond, il n'y avait pas de couple. Il ne l'aimait pas, il la trouvait jolie et adorable, c'était son amie, mais c'était tout. Et il lui mentait à elle aussi, il lui faisait croire qu'ils avaient une chance. Quel connard. Pourtant, il était incapable de faire autrement, incapable de dire aux gens qu'il était gay, comme si c'était pire que tout. Mais Piotr vient d'un pays où justement, c'est pire que tout. C'est la pire des malédictions, des maladies, des échecs, des hontes, et ça peut vous coûter la vie. Piotr est né dans un pays où son appartenance sexuelle peut lui coûter la vie. Il n'a pas le luxe, ni le privilège d'avoir vécu dans un pays libre de droits, libre à tous les niveaux. Ces pays là sont chanceux, leur peuple le sont également. Lui, il était né dans un pays différent, où culturellement parlant, l'homme a une place importante, il occupe une place de chef de famille, de réseaux, de réussite, de grandeur. Et ça ne colle pas du tout avec l'image gay. Et puis même lui, il ne s'imagine pas gay. Pour lui, les homosexuels sont des folles, des mecs qui veulent être des femmes, qui veulent s'habiller ou devenir comme elles. Lui, il n'a pas une voix féminine, il n'a pas de gestes ou de postures féminines, il n'a pas envie de devenir une femme. Imrân non plus n'est pas comme ça, et pourtant, ils s'aiment. Alors, sont-ils vraiment gay comme dans les stéréotypes qu'on lui a apprit ? Il n'en sait rien en fait. Mais le mensonge est sa seule défense, parce que c'est tout ce qui peut lui sauver la vie, l'empêcher de se sentir comme dans cette ruelle sombre, froide, où il entendait simplement les coups qu'Imrân encaissait et qui lui avait fait perdre connaissance. Il ferma les yeux, grimaça, les souvenirs de cette nuit ne le lâchaient pas. Et il n'en avait jamais parlé à personne, hormis son père, qui ignorait la raison de cette attaque. « C'est Aela, la fille du producteur de musique pour qui j'ai bossé quand j'suis arrivé ici, tu te souviens ? » ouais, elle devait se souvenir du producteur Roméo, pour qui il avait bossé quelques semaines. Mais sa fille, elle ne l'avait jamais rencontré. Pas encore du moins. Il haussa les épaules « beh on s'est embrassé et on s'entend bien, c'est cool » sourit-il. Il se forçait, il se forçait à essayer de se montrer amoureux, touché par tout ça, alors que ça ne lui faisait rien. Il avait tellement envie d'en parler à quelqu'un, d'être honnête, de dire la vérité. Qu'il aime comme un dingue une personne oui, mais que c'est un homme, qu'il vit loin et qu'il est sûrement en train de perdre. Mais d'ailleurs, Maximoff lui avait dit qu'il allait venir ici, le rejoindre. Pour le moment, il n'y avait rien de fait encore, mais il en parlait enfin, ça y'est. Quand Piotr avait décidé de venir ici, il lui avait proposé, mais Max avait refusé. Aujourd'hui, il allait venir et ça le rendait heureux, autant que ça le terrifiait. « Y'a mon meilleur pote qui va venir aussi » lança t-il, bien plus heureux. Parce que ça, c'était la vérité. Maximoff était son amant, son meilleur ami, sa moitié. Et il ne pouvait pas entièrement cacher à tous, l'effet que ça lui faisait. Malgré la peur, il avait hâte de le revoir putain. Son amie, toujours enfoncée dans un siège, lui annonça qu'il pouvait lui poser une question lui aussi. Marchant sur la scène, presque comme s'il faisait une marelle, il réfléchissait. Il y avait plein de questions qui lui venaient, il avait envie de lui demander plein de choses. « Hum... » il réfléchit encore avant de finalement s'arrêter, essayer de croiser le regard de son amie d'aussi loin et demanda « est-ce que tu penses qu'on peut tout pardonner en amour ? » avec son accent russe. Mais par amour, il comprenait aussi l'amitié. Est-ce qu'elle lui en voudra le jour où elle apprendra qu'il lui a menti ? Qu'il lui a caché son homosexualité ? Qu'il s'est fait passer pour un mec ordinaire ?


Un peu décontenancée, Lou fronce légèrement les sourcils. Mais bien sûr, Piotr ne peut pas lire l’expression de son visage. « Oui, bien sûr, je m’en souviens… » Comment aurait-elle pu l’oublier ? « Je t’ai jamais dit que je connaissais Aela ? » Pour le coup, la jeune femme est surprise. Mais il faut dire que quand elle connaît quelqu’un, elle peut se montrer très bavarde. Elle a peut-être noyé son ami sous une telle masse d’informations et autres détails qu’il a zappé cette information. « Je suis même très proche d’elle. » Pour ne pas dire que c’est sa meilleure amie, même si c’est la vérité. « Donc, si je suis bien l’histoire, vous vous êtes embrassés et tu penses qu’il y aura plus ? » Il faut dire que ça fait un petit moment que Lou n’a pas vu Aela. Mais cette dernière lui a bien envoyé un message récemment pour lui dire qu’elle avait quelque chose à lui dire et, suite à ça, les deux filles avaient prévu une sorte de soirée pyjama en version plus élaborée comme les jeunes adultes qu’elles sont censées être. Du coup, Lou se dit qu’Aela va sûrement lui parler de Piotr et ça lui fait tout drôle de poser d’abord la question au garçon en question. « Aela est une fille absolument géniale, ça ne m’étonne pas que vous vous entendiez bien. » Cette histoire l’intrigue définitivement et elle brûle d’envie de lui poser d’autres questions, mais cette fois, elle se retient. Elle a déjà l’impression de l’avoir mis suffisamment mal à l’aise un peu plus tôt, alors elle ne veut pas en rajouter une couche. Elle gardera toute sa curiosité ainsi que son interrogatoire pour la Walsh, qu’elle a sérieusement envie d’appeler pour lui demander si c’est possible d’avancer leur petite session de mise à jour. Mais pour l’instant, elle se concentre sur ce que le jeune homme lui dit. « Oh, il va venir de Russie alors ? En voyage ou pour un bon moment ? » Si elle a bien suivi toute l’histoire, en tout cas… « Tu le connais depuis combien de temps ? » Elle imagine ce que ça peut représenter pour lui. Mais pour l’heure, c’est à son tour d’être interrogée. Et il est gentil, posant une question qui mérite surtout réflexion. « Eh bien… Je ne sais pas trop. Je suis une incorrigible romantique, alors j’aimerais pouvoir dire oui sans hésiter. Je pense qu’on peut pardonner des choses aussi blessantes que l’adultère, par exemple. » Elle n’y a jamais vraiment réfléchi, parce qu’elle n’a pas connu le véritable amour. Mais certaines choses lui paraissent logiques a priori, même si elle se doute que dans la réalité ça peut vite changer. « Mais certaines choses plus graves… Comme une manipulation importante pendant des années, ou… Faire du mal à ses enfants… Non, je pense pas. »

Elles se connaissent ? Quand il réalise cela, le jeune homme ne manque pas de perdre un peu le fil de son équilibre, ainsi que de la conversation. Dans son esprit, ça fuse. Les filles sont amies, cela veut dire que lorsqu'ils se sépareront pour une raison lambda ou bien qu'il osera lui dire la vérité... ça va créer des tensions. Est-ce que l'une comme l'autre elles arriveront à comprendre ce qui l'a poussé à agir de la sorte ? Qu'il a peur de « vivre » gay. Parce que pour lui, il a été élevé dans un pays où la majorité pense que l'homosexualité est une maladie, qu'il faut se soigner, se faire violence. Lui, il essayait, de rentrer dans le moule qu'on lui tendait. Il ne voulait pas être gay, il ne voulait pas être en danger de mort juste pour ça, il ne voulait plus se faire agresser, insulter, frapper à cause de ça. Il n'avait rien fait de mal, ou alors peut-être que si ? Et que les gens comprendront pourquoi il a fait ça ? Peut-être qu'Aela ne lui en voudra pas ? Peut-être que Lou ne lui en voudra pas. Mais là, sur cette scène, alors qu'il écoute par la suite Lou lui parler de l'amour et du pardon... il se dit que leur amitié aura une fin. Lou cessera d'être son amie quand elle apprendra la vérité, parce qu'aux yeux du Russe, ce qu'il fait, c'est de la manipulation. Mais dans sa tête, c'est lui ou eux. Et ça, personne hormis Max ne pourrait le comprendre. « J'sais pas si y'aura plus » avoua t-il en haussant les épaules. Ouais parce que le plus, ça signifie quoi ? Coucher avec elle ? Non, il n'en sera jamais capable, elle ne l'excite pas, il n'arriverait pas à bander. Lui, il n'a couché qu'avec une seule et une unique personne : Maximoff. Il n'y a jamais eu que lui et là, ce petit jeu sous couverture, où il doit jouer l'hétéro de base... il le fait, mais il a ses limites et à un moment forcément, ça va coincer. Il esquissa un sourire, mal à l'aise. Il n'avait pas envie de mentir, de raconter de la merde, alors il allait tout faire pour changer de sujet. Lui, il n'avait pas pour habitude de parler de lui, de sa vie, de ses états d'âme et là, quelque part, c'était ce qu'il faisait. Sauf qu'il ne racontait pas toute la vérité et rien que pour ça, il ne se sentait pas honnête envers son amie. Il hocha la tête quand elle parla d'adultère. Il était la preuve que oui, on peut essayer de pardonner mais que non, on n'y arrive pas toujours. Son père était un infidèle, un menteur et apparemment, ils avaient ça dans le sang chez les Tsvetkov. Piotr répondit après son amie « oui normal » car faire souffrir des enfants, ce n'est pas pardonnable et il y a bien d'autres points de ce gabarit, qui moralement, ont l'air de mettre tout le monde d'accord. Marchant sur le bois de cette scène abandonnée, il collait son talons de pied, au bout de sa chaussure suivante, marchant sur une sorte de ligne droite imaginaire tout en tendant de rester bien droit en équilibre. « Ca serait quoi pour toi, la pire des trahisons ? » demanda t-il à nouveau. Peut-être que c'était au tour de Lou de poser une question, mais celle-ci, il avait envie de la lui poser quand même. Parce que Piotr savait que l'amour ne suffisait pas à tout et que parfois, même si on a beau vouloir pardonner, on n'y arrive pas. Finalement, pour en revenir à Maximoff, il sourit légèrement. L'imaginer ici, près de lui, dans les rues de cette île... il en crevait d'envie. « Ouais, il vient de Russie et normalement, c'est pour s'installer là aussi » ajouta le petit russe en souriant sincèrement cette fois. « Il va voir pour reprendre ses cours d'architecture à la fac » et c'était un beau projet. Maximoff avait mis le temps pour le rejoindre, mais il avait fait ça bien. Et ça Piotr, il en avait été toujours convaincu. « On s'connaît depuis... » il leva les yeux, réfléchi une seconde ou deux « j'crois que ça fait cinq ans en fait ». Il se rendit compte que ça commençait à faire longtemps. Qu'ils étaient des amis, mais aussi des amants. Des âmes sœurs. Le coup de foudre avait été immédiat entre eux. A l'époque, Piotr avait quinze ans, il n'était qu'un jeune adolescent et maintenant, le voilà sur le chemin pour être adulte. Ils avaient grandit ensemble, quelque part, et ça évoqua plein de souvenirs dans sa mémoire, des souvenirs qui le firent sourire. « Il arrive la semaine prochaine » précisa t-il alors, impatient.


Si Piotr n’a pas l’air d’avoir envie d’entrer dans les détails d’une éventuelle histoire avec Aela, c’est sûr que Lou, elle, aurait bien voulu satisfaire un peu sa curiosité. Mais elle comprend qu’il est inutile de continuer à en parler, elle ne veut pas se montrer trop indiscrète non plus. Elle attendra de pouvoir cuisiner sa meilleure amie, parce que pour le coup, elle n’a pas peur de poser trop de questions à Aela. Elles ne se cachent rien ou alors, pas grand-chose et ce depuis de nombreuses années. Alors elle n’aura sûrement qu’à patienter un peu pour en apprendre un peu plus et, en attendant, elle se contentera d’espérer que tout se passera bien pour eux. « D’accord » se contente-t-elle de répondre, signifiant que la conversation s’arrêtera là. Alors maintenant, ils continuent avec d’autres questions, d’autres sujets un peu personnels. Et quand il lui demande quelle serait la pire trahison à ses yeux, Lou prend à nouveau le temps de la réflexion. « Ça aussi, c’est une grande question ! Là, tout de suite… Si on reste dans les trahisons classiques, si on peut dire… Je dirais me tromper avec l’une de mes soeurs. Non, pire, avec l’un de mes frères, j’aurais tellement l’impression de pas suffire » souffle-t-elle en frissonnant rien qu’à cette idée. Non qu’elle pense que ça puisse se passer un jour, mais elle répond simplement à la question. « Après, y’a pire, c’est sûr, mais plus des trucs comme on voit dans les films, des histoires de manipulation comme je te disais… Par exemple, quelqu’un qui se sert de toi pour x ou y raison et à qui tu es marié pendant des décennies avant de te rendre compte qu’il n’y avait rien de sincère. Je sais pas si je m’exprime très bien, j’avais déjà lu un livre dont c’était un peu la trame et c’était affreux » précise-t-elle, dégoûtée. Encore une fois, il y a pire, mais elle ne veut pas revenir sur le sujet des enfants, c’est déjà trop horrible à évoquer. « Jusqu’où tu serais prêt à aller en amour ? » Ça aussi, c’est sûrement une vaste question. Et tandis qu’ils évoquent ce genre de choses, Piotr parle aussi de l’arrivée de son meilleur pote au pays. « Oh, tu dois être tellement content qu’il s’installe à son tour ici ! Tu vas l’accueillir dans ta coloc aussi ? » Elle se déplace un peu sur son siège, faisant voler un peu de poussière par la même occasion. « Tu parles très bien anglais et j’imagine que lui aussi s’il veut aller à la fac ici, vous avez appris à l’école ? J’ai essayé avec l’espagnol, mais je trouve ça tellement plus compliqué que l’anglais, les conjugaisons par exemple, ou ne serait-ce que le genre des mots… »

Piotr rejoignait l'avis de son amie, mais il était tout de même plus souple, par expérience. Son père était un homme infidèle, leur vie avait été bercée de mensonges, de départ, d'abandon, de larmes. Mais il connaissait aussi son père en tant que personne, et il n'avait pas l'intention de faire du mal à qui ce soit. Ses intentions avaient toujours été pour préserver ses enfants, malgré ce qu'il avait fait. Mais Piotr fut vite ramené à la réalité à la question de son amie Lou. Il releva la tête précipitamment et chercha le regard de son amie à travers les rangées de fauteuils. Jusqu'où pourrait-il aller par amour ? C'était si vaste, si profond, si intense. Déjà, il savait ce qu'il avait déjà été capable de faire par amour. Il avait pardonné son père, il avait essayé de se faire du mal, de se détruire, en pensant avoir perdu sa sœur ; il avait presque failli mourir pour son amour pour Maximoff. Il avait apprit ce que c'était que le mensonge pour protéger Maximoff. S'ils vivaient leur amour au plein jour, ils seraient fragilisés par le poids des regards, des insultes, des murmures, des moqueries et aussi, de d'autres agressions encore et encore. Alors pour le protéger lui, leur relation était cachée et même, il avait été prêt à s'en éloigner pour s'empêcher de la vivre. Alors s'il était à ce point prêt à ne pas se connaître lui-même, à ne pas s'assumer, à taire ses angoisses, ses sentiments, sa raison de vivre... c'était qu'il était prêt à tout. Ces trois raisons, ces trois expériences, ces trois souvenirs, étaient réels et vrais. Il s'était imaginé, par le passé, perdre l'une de ces trois personnes. La douleur serait propre et personnelle à chacune de ces relations, pourtant, il y avait quelque chose qu'elles avaient en commun, Piotr pouvait en perdre la vie. Elles étaient si fortes, si intenses émotionnellement, que ouais, elles le déstabilisaient complètement. Alors après de longues secondes de réflexion, il lança « j'crois que je s'rai prêt à tout » avec son accent russe. Et dit de cette façon, avec ce visage, cette voix et ce décors, ça aurait presque pu faire peur étant donné le réalisme de ces paroles. Pourtant, même si certains penseraient qu'il ne serait jamais capable d'aller jusqu'au bout, Piotr lui, savait. Il n'avait besoin de rien prouver à qui que ce soit en ce monde. Simplement, il savait qu'il était désormais prêt à tout pour ces rares personnes et davantage pour Maximoff. Après cette année passée sans lui, il n'y avait aucun doute et pourtant, il n'osait toujours pas s'assumer pleinement, pour quelle raison ? « Et toi ? » demanda t-il curieux. D'ailleurs, quand ils parlèrent de Max, Piotr ne tarda pas à répondre à la question de son amie « non, y'a pas assez de place à la coloc » avant de compléter « et puis en plus il va rester longtemps » haussant les épaules. En fait, même s'il aimait bien ses colocs et l'ambiance à l'appart', Piotr ne se sentait pas encore à sa place, il ne parvenait pas vraiment à la trouver en tous cas. Alors de ce fait, il ne voulait pas ramener Imrân dans cet univers, surtout que bon... ils ne pourraient pas être tranquille pour vivre leur amour comme il se le doit. « Il va aller à l'hôtel d'abord et puis après j'pense qu'il va chercher un truc pour s'installer... » peut-être qu'ils habiteraient ensemble ? Après tout, ils en auraient le droit... cette idée, à laquelle il n'avait pas encore pensé, commençait à le faire sourire. Piotr rigola ensuite à ce que disait son amie, avant de lui répondre « pourtant j'suis si nul » avant de rire. « Maximoff est bien meilleur que moi tu verras, il parle plein de langues » vanta t-il. « Moi j'ai surtout appris en Australie » avoua t-il. Lou était bien évidemment au courant de son séjour dans l'ancienne colonie britannique. Piotr avait vécu là-bas six mois avant de débarquer en Nouvelle-Zélande.

Prêt à tout. Lou se contente de hocher la tête en signe d’assentiment, oubliant qu’il ne peut pas vraiment la voir. Mais c’est un signe qu’elle comprend ce qu’il veut dire. Néanmoins, une fois que la question lui est retournée, elle reste silencieuse pendant quelques instants. Elle réalise qu’effectivement, il est difficile d’y répondre. « J’ai jamais vraiment été amoureuse, donc dans les faits, j’en sais rien… Mais je suis une incorrigible romantique, alors j’aimerais bien répondre la même chose que toi. Dire que je pourrais décrocher la lune. » Et assurément, elle sait qu’elle pourrait faire beaucoup d’efforts pour la personne aimée. Mais elle pense aussi qu’il y a des choses qu’elle ne pourrait ni accepter ni tolérer. « Sauf arrêter de voir ma famille s’il les aimait pas ou quelque chose dans le genre. Je pourrais pas faire ça. » Encore une fois, elle va un peu dans les extrêmes. Mais elle imagine que c’est aussi un peu le but de ce genre de questions. Et finalement, ils passent de questions personnelles à des sujets plus légers. « Oui, c’est vrai que vous êtes déjà nombreux chez vous. Nous, on est deux et c’est déjà bien, pour moi en tout cas. Enfin, je pense pas qu’il aura trop de difficultés à trouver quelque chose dans le coin. Beaucoup de jeunes veulent des colocataires pour réduire les frais. » Mais c’est toujours la même histoire, il faut bien tomber. Lou n’aurait pas emménagé avec un inconnu, elle est bien heureuse de pouvoir cohabiter avec son meilleur ami, lui aussi venu de l’étranger. D’ailleurs, la brune est admirative de leurs capacités d’adaptation et d’apprentissage. « T’es pas nul. On arrive à tenir une conversation normale, sans que tu cherches tes mots, alors c’est déjà super. Ceci dit, je suis contente que tu n’aies pas attrapé l’accent australien » ajoute-t-elle pour le taquiner. « En tout cas, Maximoff doit être vraiment doué, alors. Je sais pas comment on fait pour apprendre plusieurs langues. Je sais que c’est vraiment un défaut chez les anglophones, la nôtre est tellement comprise dans le monde entier qu’on fait pas beaucoup d’efforts pour en apprendre d’autres. » Elle a à peine fini sa phrase qu’elle commence à éternuer. C’est mauvais signe, et elle sait à quoi c’est dû. « J’aime bien l’ambiance et tout, mais… Visiblement, mon nez, lui n’apprécie pas la poussière. On ferait peut-être mieux d’y aller ? Et on retiendra cette location. Je te propose qu’on continue à l’explorer ensemble petit à petit, je suis sûre que ce sera marrant. »

Lou n'avait jamais été amoureuse ? En entendant cela, Piotr se sentit triste pour son amie. Oui, triste. Non pas qu'il faille absolument être amoureux pour connaître les grands mystères de la vie, mais simplement... ce que l'on ressent et comment on se sent tout simplement lorsqu'on est amoureux... c'est juste extraordinaire aux yeux de Piotr. La preuve étant qu'il serait prêt à tout pour préserver cela. Quand elle exprima à nouveau ses réserves sur des possibles mauvais rapports avec sa famille par exemple, il hocha la tête. Ouais, il ne voulait pas non plus ce genre de connerie. Par exemple, la famille de Max l'aime bien, mais ignore la vérité à leur sujet. Et si le jour où Max et Piotr avouent la vérité aux Maximoff, ces derniers les rejettent ? Piotr s'était beaucoup demandé ce qu'il ferait, et il en était arrivé à la conclusion qu'il ne pourrait pas voler Max de sa famille. Qu'il en était hors de question. Quand à sa propre famille à lui, elle était éclatée. Il y avait son père et Reira, chacun de leur côté... Piotr se dit que Maximoff trouverait forcément sa place à un extrême, ou à un autre ? Et si jamais ils ne veulent pas d'homosexuels dans leur famille... et bien...
Piotr avait longtemps pensé à tout ça, à ce qu'il voulait et ce qu'il pourrait faire. Il ne s'agissait que de réflexions avec lui même. Piotr sourit, quand son amie évoqua son niveau de langue. A dire vrai, il avait fait beaucoup d'efforts, parce que lors de sa première rencontre avec Maxyne, c'était autre chose. Il avait carrément utilisé son traducteur sur son portable. Aujourd'hui, il avait plus de vocabulaire, plus de facilité, il avait également plus d'amis avec qui discuter. Alors forcément, ça allait vite. Au café où il bossait, il n'avait pas le choix, si bien que d'un côté comme de l'autre, ça rentrait. Gêné, mais content de savoir qu'il s'était amélioré, il sourit, un peu mal à l'aise et puis fini par rire à ce que disait Lou. Ouais, les gens anglophones pensent sincèrement que le monde leur appartient. C'est une mentalité de roi du monde qu'il ne comprend pas. En russie, ce n'est pas ça, ou alors peut-être bien que si, mais que c'est différent ?
Pas le temps d'épiloguer sur cela, la jeune femme annonce clairement qu'il est sans doute l'heure de rentrer. Instinctivement, Piotr regarde l'heure sur son portable, il leur reste encore des bus, c'est parfait. « Ouais t'as raison, faudrait pas qu'on rentre trop tard » ah non, lui, il évite au maximum de rentrer quand il fait nuit, depuis son agression. Le russe fini par rejoindre le bord de la scène et finalement, saute dans le vide pour rejoindre les allées de fauteuils, dans un nuage de poussière qui le fait tousser. Il retrouve son amie et une fois à ses côtés il lui dit « en vrai, on a eu de la chance de tomber sur ce vieux cinéma, c'est assez incroyable » rigole t-il en prenant quelque photos. « J'espère que ça sera encore ouvert quand on reviendra alors » lance t-il à son amie. Finalement, les deux jeunes gens s'extirpèrent du lieu qu'ils venaient d'explorer. Piotr avait passé une bonne soirée, il aimait la compagnie douce et vive de Lou. Il était content d'avoir pu passer du temps avec elle. Il ne tarda pas à passer son bras autour des épaules de la jeune femme et lui lança, tandis qu'ils rejoignaient l'arrêt de bus « j'suis content d'avoir passé la journée avec toi ».

FIN.