slow down your neighbours → rafa

Bien qu’elle ait un jour été à deux doigts de se marier, Vesper n’a encore jamais vécu avec une autre personne. Avec plusieurs, oui – sa famille, les hippies -, mais avec une seule autre personne – autrement dit vivre en couple -, ça non. Alors quand Rafa le lui avait proposé, ç’avait été un big deal comme on dit chez elle. Et ça devenait de plus en plus concret étant donné qu’aujourd’hui, ils ont décidé de faire quelques visites après avoir fait l’une ou l’autre sélection auprès d’un agent immobilier. Pas que la blonde ne veuille pas s’installer dans la maison de son petit ami, non, en fait on peut même dire qu’elle l’aime beaucoup, cette maison, mais ça serait quand même dommage de ne pas donner sa chance à d’autres. Qui sait ? Peut-être que l’une d’entre elles leur tapera carrément dans l’œil. Ils ont donc rendez-vous à une heure précise pour commencer les visites. Mais Vesper est au studio. Elle voit le temps passer mais elle ne voit en revanche pas la fin du tournage arriver. Merde, s’ils continuent avec leurs conneries, elle va finir par être en retard. Non, par chance, celui-ci touche à sa fin mais elle n’a même pas le temps de se faire un brin de toilette avant de prendre le bus. Tant pis.

En route, elle envoie un message à Rafa pour le prévenir qu’elle aura peut-être quelques minutes de retard mais qu’elle est en route. Ignorant les gens qui la dévisagent parce qu’elle est encore couverte de faux sang. Ça pourrait faire mauvais genre devant l’agent immobilier mais elle expliquerait que c’était son métier et surtout que ce n’était jamais que du maquillage, elle n’avait égorgé personne avant de venir. Une autre chance, si tout le monde la regarde, visiblement inquiet, personne ne vient lui poser de question. Inquiets mais pas trop. Soit, la texane arrive alors à destination et court jusqu’à Rafa qu’elle embrasse tout en prenant soin de ne pas lui coller de faux sang partout même s’il doit être sec, maintenant.

« Hé, mon ange ! J’espère que je suis pas trop en retard, j’avais l’impression que cette journée n’en finissait pas. »

Avant de se tourner vers l’agent qui la regarde d’un air soupçonneux et c’est bien normal.

« Vous travaillez dans une boucherie ? »

Un sourire aux lèvres elle rétorque :

« Dans les cascades mais c’est un peu ça. On commence ? »

Ils se tiennent tous les trois devant la façade d’une espèce de chalet, pas si isolé que ça puisqu’il s’agit d’un chalet mitoyen – chose que Vesper n’a encore jamais vu -, en bordure de forêt.

Il n'a jamais vraiment pensé à déménager de son actuelle maison, après tout, il se sent bien là-bas, les voisins sont plutôt éloignés, assez pour avoir un minimum d'intimité, pouvoir regarder le coucher du soleil sur le balcon à l'arrière de sa maison dont la vue qui donne sur la plage, ainsi que l'océan. Il avait même aménagé une pièce pour pouvoir jouer de la guitare et même enregistrer quelques morceaux, ce qu'il n'a pas vraiment eu le temps de faire depuis qu'il a terminé la pièce. Quoi qu'il en soit, les choses évoluent entre Vesper et lui, puisqu'à la Saint-Valentin, il a décidé de sauter le pas, en lui demandant de vivre ensemble. Maintenant, ils sont à la recherche d'une autre maison, mais ils ignorent où encore, il est moins fan du centre-ville, car il préfère vachement avoir un voisinage peu présent, mais ils n'ont pas encore fait de choix jusqu'à ici.Il n'a pas beaucoup d'exigences, une pièce pour pouvoir jouer, avec un voisinage plutôt tranquille, une piscine pourquoi pas, une vue qui ne tombe pas sur une ruelle avec des déchets ou sur un sentier en construction. Rafael avait laissé Vesper choisir l'agent immobilier, ce n'est pas vraiment sa tasse de thé, disons qu'il fait dans le cliché, il les trouve pas mal toutes louches avec leur sourire Colgate et leur façon de tenter de vous apprivoiser avec leurs biscuits aux pépites de chocolat.

Il attend patiemment Vesper, il sourit légèrement à l'agent, toujours avec un sourire que l'on voit dans les publicités. Il lève la tête, elle débarque enfin, pas nécessairement vêtu de sa plus belle tenue, c'est-à-dire rien qui ressemble à une tenue casual. Il lui sourit. « Ça va mon amour.. on peut commencer. » Il se penche vers Vesper. « Tu voulais faire flipper l'agent immobilier pour qu'il baisse les prix ? » Qu'il dit dans un murmure, mais surtout pour plaisanter. Il regarde le chalet, enfin, c'est joli, mais est-ce qu'il se voit vivre dans un tel endroit ? C'est un peu isolé, pas non plus dans les montagnes, mais il y a au moins un bon point, pas vraiment de voisin. Ils entrent à l'intérieur. « Ça fait beaucoup de bois.. » Peut-être un peu trop à son goût ? Ils commencent à visiter les pièces. Donc, c'était un chalet mitoyen qui se louait surtout durant la période touristique, d'après l'agent.

A la remarque de Rafa concernant sa tenue, Vesper ne peut que sourire. Qu’est-ce qu’elle aimerait avoir pensé à ça ! Ça lui donnerait un petit côté machiavélique qui trancherait nettement avec sa blondeur et la stupidité qui allait généralement avec. Mais il n’en est rien, hélas ! Malheureux concours de circonstances si elle en est là, maculée de faux sang, à faire des sourires tout aussi factices à l’agent immobilier qui lui fait face et qui, en dépit de son explication, continue de la regarder d’un drôle d’air.

« Même pas, mais si ça fonctionne, et on dirait bien que oui, on aurait tort de pas en profiter, pas vrai ? »

Enfin, à condition que ça soit bien dosé seulement parce qu’ils seraient vraiment dans de beaux draps si jamais l’agent en venait à appeler les flics pour leur signaler la position d’une criminelle en fuite. Néanmoins, et bien que la texane le garde à l’œil, l’agent ne montre aucun autre signe d’inquiétude que les différents coups d’œil à la dérobée qu’il lui lance de temps à autre. Ils peuvent donc entrer dans le vif du sujet ainsi que dans le chalet qui se dresse fièrement devant eux.

Un chalet qu’on loue habituellement pendant les vacances… Mouais, ça fait quand même pas très maison résidentielle, tout ça. Cependant, ça n’a pas que des inconvénients parce que ça signifie que leurs voisins très directs n’occuperaient pas les lieux toute l’année. Vesper pouffe à l’exclamation de son petit ami.

« Heureusement qu’on fume pas, sinon… pfiou. »

Là-dessus, elle lance un clin d’œil discret à Rafa parce que ça leur arrive de fumer parfois mais ça, personne n’a besoin de le savoir. Toujours est-il que ça serait malheureux que cet endroit parte en fumée. Reprenant un ton un peu plus sérieux, elle commente :

« Notre chat s’amuserait bien ici, y a pas à dire. »

A chasser les mulots pour les leur apporter encore tiède sur le pas de la porte au petit matin. C’est alors qu’un éclat de voix provenant de la terrasse donnant sur la forêt attire son attention en guise de cadeau. Il faut croire que c’est une des périodes de l’année où le chalet voisin est occupé puisqu’un petit groupe rassemblé autour d’un fût de bière a manifestement organisé ce qui ressemble à un combat entre deux mecs complètement bourrés sur leur propre terrasse.

« C’est toujours comme ça ? »

Parce que si oui, alors ils passeraient leur chemin. Ce qu’elle aimait quand elle rentrait après une bonne journée de boulot éreintant, c’était retrouver Rafa. Pas une bande d’alcooliques qui se fout de torgnoles à tour de rôle.

Ce n'est pas illégal de tenter d'escroquer un agent immobilier en inventant une histoire avec quelques menaces ? Quoi que finalement quand on y pense bien, c'est un peu ce qu'ils font, avec les menaces en moins. Bref, il a compris pourquoi elle était l'air d'avoir pris le seau de sang à la place de Carrie, enfin lui, il comprenait, mais le type, il n'en est pas certain. Ils passent donc à leur première visite de la journée, dormir dans une cabane dans les bois aurait été pareil si vous voulez mon avis. Un chalet où tout le monde a pu faire sa petite affaire, certes, on pourrait dire la même chose d'une quelconque maison, excepté si elle a été faite sur mesure et que vous êtes le premier à y mettre les pieds, mais là, un chalet, c'est assez différent. Il aimerait bien faire une comparaison, mais cela risquerait de paraître vulgaire. Bref, un lieu pour le tourisme, cela ne lui donne pas envie et le fait c'est un lieu facile à incendier, encore moins, surtout avec des inconscients à proximité. Il y a une caserne pas loin d'ici au moins ? S'il avait envie d'être rassuré et s'il était vraiment intéressé, il poserait toutes les questions de base, mais honnêtement, il doute que ça soit le terrain idéal pour eux. Il n'y a peut-être que le chat qui arriverait à prendre ses aises à se plaire ici, sur ce point, il est bien d'accord. Rafael lève la tête, c'était décidément un endroit pour les touristes et là, ils ne sont que le jour, il n'imagine pas le soir et la nuit, quand ils font la fête à trois heures du matin à déranger tout le monde. Il secoue la tête, l'agent immobilier tente de leur montrer d'autres avantages, très peu pour le Colombien. « Je ne sais pas pour toi, mais si on passait à la suivante ? Vous avez quelque chose d'autre à nous montrer ? Qui n'est pas entièrement fait de bois, entourés de bois et encerclé par des fêtards ? » Une fois la décision prise, ils passent à la suivante, qui est plus éloignée, mais dans une banlieue qui ressemble à la Desperate Housewives, le genre un peu trop parfait qui cache des choses. En tout cas, l'endroit semble plutôt charmant, il descend de la voiture et il regarde vite fait les lieux, des maisons qui se ressemblent un peu toutes, sûrement avec une piscine à l'arrière de la maison. « Il y a des secrets que l'on doit savoir si jamais on s'installe ici ? » Il voit de loin, une vieille femme qui espionne à travers la fenêtre de son salon et qui referme aussitôt le rideau une fois qu'elle ait croisé le regard de Rafael. Soit c'est une femme pas commode, soit ils sont tombés dans un quartier pour personnes âgées.

A la tête que lui offre l’agent pour toute réponse à sa question, Vesper se doute que oui, c’est souvent comme ça, c’est comme ça tout le temps, c’est même possiblement pire d’habitude. Ah ben super. Okay, ils ne font certes pas encore partie du club des seniors et peuvent tolérer un peu de bruit. Un chien qui aboie, un bébé qui pleure, une chaise qu’on traîne sur le plancher, quelques travaux, ce genre de trucs. Parce que c’est la vie et que si on ne veut avoir à supporter aucun de ces bruits, autant aller se terrer au fin fond des bois. Encore que, on a tendance à croire que c’est extrêmement silencieux mais il y aurait quand même tous les bruits de la forêt environnante, le bois qui craque, les animaux et les oiseaux de jour comme de nuit. Autre ambiance, certes, mais nuisance sonore quand même. Enfin bref, la texane acquiesce quand Rafa suggère de passer à la visite d’une autre maison et ça a tout l’air de tomber à pic étant donné que les fêtards viennent de foutre le feu en essayant d’allumer le barbecue de leur jardin. Ils sont tellement éméchés que ça ne l’étonnerait même pas que ce chalet parte en fumée en moins de deux. Avant de quitter, Vesper envoie quand même un petit message d’urgence aux pompiers, au cas où.

Et c’est bon, ils peuvent se remettre en route. La blonde n’a jamais vu un seul épisode de Desperate Housewives de sa vie, mais ces façades blanches qui se ressemblent toutes, ces glycines grimpant tout du long, ces petits jardins à la pelouse si impeccablement tondues que c’est quand même ce que ça lui évoque. Tant et si bien que son petit ami n’est pas dupe et qu’il pose la question qui lui brûle les lèvres : quel sombre secret cet endroit cache-t-il ?

« On a retrouvé un cadavre dans la cave. Découpé à la hache… Non, je plaisante ! Enfin, on a vraiment retrouvé un cadavre à la cave mais c’était celui d’un vieil homme qui a très certainement raté la marche. »

Très certainement, Vesper en conclut donc que personne n’est sûr. Si ça se trouve, c’est la voisine espionne qui l’a assassiné puis maquillé ça en accident ? Elle échange un regard complice avec Rafa avant de suivre l’agent à l’intérieur. C’est beau, c’est propre, c’est brillant. C’est très, très blanc. Tellement qu’il ne faut pas regarder les murs trop longuement à moins de vouloir finir aveugle. Décidément, ça a vraiment l’air de cacher quelque chose.

Ce n'était que la première maison et c'est donc assez normal que cela ne soit pas un gros coup de cœur, du moins ce n'est pas le cas de Rafael et cela ne semble pas l'être non plus pour Vesper. Il regretterait vite ce choix, déjà avec tous ses jeunes inconscients, dont on vient d'avoir la preuve en personne, définitivement, il vaut mieux passer à la suivante. On sait tous que vaut mieux rester loin d'un barbecue après avoir trop bu, mais passons, ce n'est pas vraiment son problème, bien qu'inquiet pour les prochains propriétaires de ce terrain. Ils arrivent dans une banlieue qui lui semble un peu trop parfaite, mais hey, on ne juge pas à la première impression, si ? Ce n'est pas vraiment son genre, mais il n'est pas stupide non plus, il y a sûrement un truc qui se trame, peut-être même qu'ils sont tombés dans une banlieue que pour les personnes âgées, ça serait vraiment insultant quand même. Rafael demande sous une blague si l'endroit ne cache donc pas quelques secrets, sait-on jamais, ce dernier mentionne tout à bord qu'une personne a été décapité à la hache, ce qui fige légèrement le militaire, bien que cela ne soit pas vrai, un cadavre a bel et bien été retrouvé, celui d'un vieil homme et il se voit déjà plaisanter avec Vesper sur les bruits étranges qui proviennent de la cave. Cela reste tout de même un peu glauque, même si on n'y passe tous un jour ou l'autre. Rafael sourit légèrement, le blanc c'est joli, mais peut-être un peu trop blanc ? La peinture semble récente, non pas qu'il soit expert en cela, mais aucun signe d'usure ou alors, ils ont tout refait avant de la mettre en vendre, qui sait. Par contre, la piscine, c'est déjà un peu plus, après les murs ça se repeint. « C'est plutôt spacieux comme cour. Tu en penses quoi de cette maison ? Je ne mets pas les pieds dans la cave. » C'est un ancien soldat qui en a vu quand même, mais ce n'est pas pour autant qu'il ait hâte à la prochaine découvre d'un cadavre.

Qu’est-ce que ça lui fait de savoir qu’on a retrouvé un cadavre dans cette maison ? Pas grand-chose en vérité. D’une part parce que, s’ils existent, Vesper n’a jamais assisté à un évènement paranormal quel qu’il soit en dehors des prédictions de sa voyante et d’une autre part parce que, soyons honnêtes, à moins de faire construire un bâtiment tout neuf – sur un terrain où des gens serons forcément morts à un moment ou à un autre de l’histoire et donc possiblement hanté par la force des choses -, c’est sans doute le cas de n’importe quelle habitation. Ce sont des choses sur lesquelles il ne vaut mieux pas s’attarder et on en dort très bien la nuit. D’ailleurs, la question que lui pose Rafa, une fois à l’intérieur et après avoir fait le tour du rez-de-chaussée, n’a aucun rapport.

« J’aime bien la piscine. »

Croyez-le ou non mais s’ils finissaient par acquérir une maison avec piscine, ça serait sa toute première. Alors certes, elle est la preuve vivante qu’on peut très bien s’en passer mais d’un autre côté, elle aimerait quand même bien en avoir une à elle une fois dans sa vie.

« Mais sinon, je trouve que c’est trop propre. Trop… bien rangé. Ou trop parfait pour nous, t'es pas d'accord ? »

Attention, ça ne veut pas dire qu’ils sont sales et bordéliques pour autant ou encore que leurs maisons actuelles sont de véritables porcheries mais ce genre de maisons trop parfaites donnent un petit côté aseptisé, sans vie, sans personnalité, sortant tout droit d’une page d’un magazine de déco. C’est joli, oui, mais ça ne fait pas vivant. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que quelqu’un y est mort. Et ça ne vient pas que de la maison, ça, ils pourraient en faire ce qu’ils voudraient une fois qu’ils auraient emménagés mais également du quartier. En passant dans la cuisine, la texane regarde par la fenêtre pour voir des haies impeccablement taillées à une certaine hauteur. La même pour tout le monde on dirait. Et de l’autre côté de celle de la maison, une mamie en déambulateur est en train de faire ses exercices, accompagnée de son kiné. Celle-ci la remarque et lui adresse un petit signe de la main auquel elle s’empresse de répondre.

« Puis regarde ça, si on décide de faire un barbecue avec nos amis les plus proches, on aurait tout de suite les flics sur le dos pour tapage diurne, tu peux en être sûr. »

Ils n’ont rien de mieux à faire, les gens du troisième âge, c’est bien connu.

Avoir une maison avec une piscine déjà sur le terrain, devrait leur faire économiser quelques milliers de dollars quand ils regretteront de ne pas en avoir déjà une et de la faire construire à la place après ce regret. C'est peut-être capricieux de sa part de vouloir à tout prix cela, mais bon, il peut bien se permettre de l'être de temps à autre, sachant qu'il ne l'est jamais. Bref, pour le moment, c'est plutôt le seul avantage que la maison possède. C'est vrai que c'est peut-être un peu trop tranquille, beaucoup que ce qu'il demande, enfin, peut-être pas autant que cela, le problème aussi c'est que tout le monde va pouvoir écouter les conversations des voisins d'accoté et participer comme s'ils étaient eux-même dans le sujet. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas non plus la seule maison avec une piscine, ni la dernière. « Ce qui me dérange surtout, c'est qu'on risque de se faire espionner constamment par une... » Une voisine pas très commode, une dame trop curieuse, car en parlant d'elle, elle pointe justement le bout de son nez comme si rien n'était, pas question d'utiliser l'excuse d'observer les oiseaux, elle n'est pas discrète. La vieille femme les observe de haut en bas, en réalité, elle les juge carrément et oui, ce n'est pas vraiment agréable de vivre dans ce genre de voisinage, il en est convaincu. « Peut-on vous aider ? » On dirait Clint Eastwood qui les regarde avec dégoût et mépris, elle disparaît aussitôt comme si elle en avait assez vu pour tout savoir sur eux et raconter des ragots. Rafael n'a rien compris à ce qui vient de se passer, mais ce n'est certainement pas là qu'ils vont vivre. « Euh.. allons voir la prochaine maison. » Peut-être qu'ils n'ont pas été très exigeants dans leurs choix d'une maison ? Du coup, c'est ce que cela donne, des endroits pas vivables pour eux. Direction la prochaine visite.

Du temps où elle vivait à Los Angeles, Vesper avait connu ça : les voisins qui savent tout de vos faits et gestes ; qui sont à leur fenêtre à vous épier quand vous partez le matin, lorsque vous rentrez le voir, quand vous recevez des gens également. Souvent des petits retraités qui n’ont rien de mieux à faire de leurs journées alors ils jouent le rôle de la police. Tapage nocturne, diurne, ils se prennent parfois même pour les stups, rien ne leur échappe. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est un cauchemar. On se sent tout simplement plus chez soi, alors à la vue de cette petite vieille qui vient voir qui seront potentiellement ses nouveaux voisins, un frisson remonte le long de la colonne vertébrale de la blonde. Rafa ne peut que la remarquer lui aussi et lui demande alors s’ils peuvent lui être d’une quelconque utilité. Cette dernière recule, l’œil mauvais, comme si elle était à présent convaincue qu’ils sont de la mauvaise graine.

« J’espère tellement qu’on sera jamais comme ça. »

C’est vrai que maintenant qu’elle commence à vieillir, ça lui fait un peu peur de ressembler un jour à ça. Elle sait bien que l’âge, c’est dans la tête, elle a tout le loisir de s’en apercevoir par elle-même désormais mais quand même, au bout d’un moment, tout ça finit quand même par nous rattraper, non ?

Bref, c’est déprimant au possible alors la blonde préfère ne surtout pas s’attarder là-dessus et vient se blottir un peu contre Rafa en quête de réconfort tout en hochant la tête en signe d’assentiment lorsqu’il propose de passer à la visite suivante. Une maison normale pour changer un peu, ça serait bien. Si la troisième visite est encore bizarre, elle finira par se dire que c’est cet agent immobilier qui ne veut rien leur vendre et puis c’est tout. Qui sait ? Il existe peut-être une conspiration à leur encontre sans qu’ils le sachent ? Pour quelle raison ? Voilà qui resterait à déterminer : Rafa n’a absolument rien à se reprocher, en ce qui la concerne en revanche, on peut se pencher un peu plus du côté de ses plantations mais ça va, elle ne deal pas non plus ! Bref, les voici qui arrivent à une maison pas trop proche des autres, pas trop éloignée non plus, juste ce qu’il faut. Pas de voisins en vue non plus, ça signifie soit qu’ils travaillent, soit qu’ils sont bien tranquilles chez eux. Petit regain d’espoir pour Vesper qui songe que cette fois, ça pourrait être la bonne.

Rafael n'a aucun problème avec le fait de sympathiser avec le voisinage, même si ce n'est pas obligatoire, il n'y a pas de mal à vouloir faire connaissance. Néanmoins, si c'est pour se retrouver dans Big Brother, cela ne l'intéresse guère et il doute fortement que Vesper ait envie d'être épié vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ouais, clairement, il vaut mieux changer de maison, même si à ce rythme, ils vont peut-être finir par vivre dans une cabane dans les bois avec pour seul voisinage les oiseaux ou peut-être dans le fin fond de la Nouvelle-Zélande avec les tuataras, une espèce reptile. « J'espère aussi. » Est-ce que c'est un défaut de base d'être aussi envahissant ? Ou si vraiment, on le devient avec l'âge ? Car effectivement, il ne souhaite pas cela ni à Vesper, ni à lui-même. Bon, ils en sont encore loin quand même, ce n'est pas vraiment quelque chose à laquelle il fait vraiment attention. Certes, il est courant qu'un jour son corps deviendra différent et sûrement même un peu sa personnalité, il préfère vivre au jour le jour. Quoi qu'il en soit, il est préférable de passer à la suite, heureusement qu'ils ne sont pas le genre à acheter sur un coup de tête en voyant la belle pelouse ou la belle cuisine. Rafael lui embrasse le front et hop dans la voiture pour la prochaine visite. Ils sont quand même passés d'un cottage à un quartier résidentiel, curieux de connaître ce que la prochaine demeure leur réserve. Il sort de la voiture, il entrelace ses doigts avec ceux de Vesper et il lui sourit avant de regarder autour d'eux, c'est plutôt silencieux, après les dernières visites, il s'attend à tout, peut-être que les défauts se trouvent à l'intérieur et non à l'extérieur. L'immobilier ouvre la porte de la maison pour enfin pouvoir entrer à l'intérieur, ce n'est pas trop blanc, à première vue l'endroit a l'air pas mal spacieux, ça presque l'air louche tout ça. « Une remarque ? » Il regarde les meubles, il juge un peu, mais ils ne seront plus là quand ils auront emménagé, si jamais ils arrivent jusqu'à cela.

La vieillesse c’est moche. Vesper a eu tout le loisir de le constater avec sa propre mère. Et pourtant, il y a plus à plaindre que sa mère qui continue malgré tout à porter le ranch Walker sur ses épaules mais le fait est que c’est plus comme à l’époque où elle courait après ses deux blondinettes à travers tout le ranch – Vesper ayant toujours été plus turbulente qu’Angie – et c’est la vie. Cependant, qu’un jour viendra son tour – et que ça a déjà un peu commencé, inutile de se voiler la face -, la déprime fortement alors elle préfère de loin ne pas s’appesantir sur le sujet et se console en apprenant que Rafa non plus ne souhaite pas finir comme cette vieille toupie qui aurait pu leur servir de voisine. Bref, la texane trouve le réconfort dont elle a besoin auprès de Rafa et les visites peuvent reprendre. Et wow, elle n’en revient pas : la maison qui suit à l’air de convenir plutôt bien à leurs critères. En tout cas pour ce qui est du voisinage. Et, mais que se passe-t-il ? A en voir l’extérieur, Vesper s’était attendue à ce que l’intérieur soit une espèce de dépotoir ou que tout tombe en ruines, voire même qu’il s’agisse d’un squat de toxicos mais rien de tout ça. Okay, les goûts en matière de décoration des anciens proprios laissent peut-être à désirer mais il n’est pas question qu’ils gardent aucun de leurs meubles donc c’est vraiment le cadet de leurs soucis.

« Que c’est trop poli pour être honnête si tu vois ce que je veux dire ? »

Puis la blonde se tourne vers l’agent immobilier.

« C’est quoi le vice caché cette fois-ci ? »

Le grenier est hanté ? La maison mal isolée ou encore construite sur un ancien cimetière indien ?

« Aucun à ma connaissance. »

Mouais, Vesper a du mal à le croire, sinon c’est sans doute cette maison qu’il leur aurait fait visiter en premier lieu et pas en troisième option. A moins qu’il ait voulu garder le meilleur pour la fin. Ses yeux cherchent ceux de Rafa.
« Qu’est-ce que t’en penses ? Ça pas me paraît pas trop mal ici. »
Elle poursuit donc la visite en montant à l’étage. Tout est toujours aussi nickel. Un seul bémol, le couple de nudistes d’à côté qu’elle voit par la fenêtre de la chambre. Discrètement, elle attire l’attention de son petit ami là-dessus. Encore des voisins bizarres, mais… ils sont chez eux. Si ça les dérange, soit ils ne font pas d’offre, soit ils investissent dans des rideaux occultants.

Pour l'instant, aucun voisin perturbant et ça, c'est une bonne chose. Maintenant, il faut voir si la maison convient à leurs besoins. Parce que oui, le voisinage ne fait pas tout, ils ne vont pas vivre à l'extérieur et pour l'heure, tout semble plutôt pas mal à l'intérieur. On ne va pas le nier, la surface extérieure a besoin de quelques rénovations, mais ça, ce sont des détails qu'ils peuvent s'occuper plus tard. Oui, pas faux. Un peu comme la maison précédente, le quartier qui semblait trop parfait pour être vrai. Ils ont pu constater qu'en effet, ce n'est pas la perfection, les voisins comme la vieille femme, ils peuvent parfaitement s'en passer. Vesper se risque à poser la question comme il l'avait fait plus tôt dans la journée, il est tout aussi curieux de connaître les détails du vice caché. Aucun ? Rien de sordide, pas de cadavre, aucune famille de rats qui vit dans le sous-sol ou entre les murs, c'est presque irréel. Cette maison semble si idéale qu'il n'arrive pas à le croire. Pourquoi avoir commencé avec un cottage ? Un chalet pour des vacances, pas pour une habitation à long terme. « J'en conviens que c'est la première qui me plaît. » Cela dit, doivent-ils s'arrêter à celle-ci ou bien poursuivre pour trouver encore mieux ? Quoi qu'il en soit, il poursuit la visite aux côtés de la blonde. Il s'approche de la fenêtre à son tour et il est surpris par ce qu'il voit, enfin, pas par le fait qu'ils soient nus, c'est seulement qu'il ne s'attendait pas vraiment à cela aujourd'hui. Il glousse et il recule de quelques pas. « Ça me fait penser au bar mystérieux sur lequel nous sommes tombés au début de notre couple. Attends, ce ne sont pas les échangistes, j'espère ? » Il espère bien que non. Il n'a rien contre les gens qui font cela, car ils font bien ce qu'ils veulent, mais ils avaient plutôt l'air insistant la dernière fois, mais il s'agit probablement pas d'eux. « Tu veux t'arrêter à cette maison ou poursuivre ? On peut prendre quelques jours pour réfléchir aussi et peut-être repérer nous-même des maisons à vendre. »

Possiblement parce qu’à une époque, Vesper ne prévoyait pas de rester où que ce soit, elle avait connu des endroits dans un sale état où elle s’était dit qu’elle ne passerait de toute manière que la nuit. C’était le cas de sa maisonnette de North Bay, il avait fallu retaper deux ou trois petites choses et pour une obscure raison, elle avait pris son temps, se focalisant d’abord sur le jardin. Cela étant, elle ne s’en était pas trop mal sortie. Sans être une pro de la bricole non plus, le résultat avait été satisfaisant. Tout ça pour dire que quelques travaux ne lui font pas peur. Rafa et elle s’en sortiraient très bien. Ça n’est donc pas un problème et à en croire l’agent, il n’y a aucun problème avec cette maison. Louche. Mais peut-être ont-ils trouvé la bonne ? D’ailleurs, il ne leur a pas tout dit puisqu’une fois arrivés à l’étage, la blonde découvre que leurs voisins sont du genre nudiste. Pas que la nudité la choque ou la dérange outre mesure mais ça lui rappelle quand même beaucoup la communauté qu’elle a quitté. Avec un mur et quelques mètres les séparant, fort heureusement. Rafa émet alors l’hypothèse que leurs possibles futurs voisins soient des échangistes, comme ceux du club qu’elle avait malencontreusement pensé être un club normal lors d’un de leurs premiers rencards. Elle pouffe à cette idée.

« J’espère pas, j’ai aucune envie de t’échanger, moi. »

Le seul bémol, donc. La question c’est est-ce que ça la dérange vraiment ? Pas tellement, parce que des solutions seraient envisageables. Quant à savoir si c’est là qu’elle veut vivre… ça pourrait. Elle n’a rien contre cette idée mais elle n’en est pas certaine non plus.

« Hum je sais pas, t’en dis quoi, toi ? C’est sympa ici en dehors des voisins qui n’ont aucune pudeur. Mais peut-être qu’on peut effectivement trouver mieux. Et si on mettait une option mais qu’on continuait de chercher ? Comme ça, si on trouve rien de mieux, elle nous passe quand même pas sous le nez. »

Avec ou sans agent. Il est vrai qu’ils peuvent tout à fait regarder eux-mêmes les offres sur le net, si l’agent leur proposait à chaque fois des maisons où quelque chose clochait… Il paraît qu’on n’est jamais mieux servis que par soi-même.

Difficile d'oublier leur premier rencard quand même. Un simple verre s'était transformé en une étrange aventure et pas le genre d'aventure que les voisins sont en train d'explorer dans leur jardin. Il se souvient de s'être frappé le front contre un tuyau dans le sous-sol, tout cela pour échapper à un couple pervers qui voulait d'eux dans leur petit délire étrange. « Mais moi non plus je n'ai pas envie de t'échanger. » Dit-il en riant. Il peut en rire, mais il est évident qu'il ne fait pas dans la débauche, les trips à trois et les trucs échangistes, ce n'est clairement pas pour lui. Les autres font ce qu'ils veulent, ça va de soi, mais il espère que s'ils prennent cette maison, ils n'auront pas à vivre à tous les jours avec cette image de leurs voisins. Enfin, il est un peu trop tard, difficile de ne plus penser à cela et d'imaginer des voisins qui préfèrent les échecs aux partouzes. Il recule de quelques pas et hoche la tête. « Allez, faisons cela. » Après tout, s'ils se pressent et qu'ils découvrent plein de problèmes après la signature du contrat, ça serait con de vivre avec des regrets et de passer à la télévision sur la chaîne télévisée des nouvelles de dix-huit heures pour demander justice. Non ? C'est un truc qu'il voit plus ou moins souvent au moment venu des déménagements. Enfin bref, ils peuvent tout à fait faire cela, après tout, celle-ci n'est pas horrible, mais elle n'est pas parfaite. Enfin, existe-t-il vraiment une maison parfaite ? Probablement pas. Rafael lui prend la main et ils rejoignent l'agent dans la cuisine. Il n'y a pas à dire, il y a de l'espace pour faire une grande fête de Noël, enfin, encore faut-il avoir des gens à inviter. « Parlons de l'option sur cette maison. Après, je crois qu'on est bon, sauf s'il y a d'autres maisons à visiter, on pourra en finir. » Espérant que les vendeurs ne sont pas trop pressés de s'en débarrasser non plus.

S’il y a bien quelque chose que Vesper a tiré de sa longue expérience de vie, c’est qu’il vaut mieux ne jamais se presser. Parfois, il lui arrive de remercier – mais pas trop fort non plus, sans quoi elle en ferait des caisses à chaque fois qu’elles se voient – sa mère de l’avoir empêchée de quitter le ranch avant ses dix-huit ans. Si elle était partie plus tôt, peut-être aurait-elle regretté son choix, n’y aurait-elle pas été préparée. Alors qu’en partant à dix-huit ans, la texane avait eu tout le loisir de réfléchir à comment ça se passerait, de tâter un minimum le terrain ; elle s’était donc loué un studio minable avec cafards et rongeurs pour un loyer exorbitant dans un quartier mal famé de Los Angeles d’accord, mais elle n’avait pas eu à vendre son corps ou encore à se tuer à la tâche pour arriver à en payer le loyer tous les mois et avait donc pu courir les castings et prouver ce qu’elle valait en tant que cascadeuse. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Par contre, le fait d’avoir quitté Los Angeles pour San Francisco sur un coup de tête, ça, elle avait effectivement fini par le regretter. Bref, sûrement que le mieux dans un cas pareil est de mettre une option et de voir ensuite s’ils ne trouvent rien de mieux, comme ça, s’il n’y a vraiment rien de mieux pour eux, cette maison ne leur passera quand même pas sous le nez. A moins bien sûr que quelqu’un d’autre fasse une meilleure offre et dans ce cas, ils n’y pourraient rien : c’est le jeu.

« Nickel, qu’est-ce qu’on décide de mettre comme pourcentage ? Je propose pas quelque chose de trop conséquent que ça nous handicape pas si jamais on doit en faire plusieurs, mais pas quelque chose qui ne l’est pas non plus assez sinon il nous prendrait pas pour des acheteurs sérieux. »

Et préférerait vendre la maison à quelqu’un de plus offrant encore une fois. Quelque chose comme un petit vingt-cinq pour cent, peut-être ? Quoi qu’il en soit, la blonde se laisse entraîner jusqu’à la cuisine qui lui semble soudain gigantesque, peut-être même un peu trop pour eux deux ? Pour l’instant, Vesper préfère laisser discuter les hommes entre eux, restant légèrement en retrait mais pas trop dans l’ombre non plus, le but étant de rappeler qu’elle est couverte de faux sang qui pourrait en être du vrai aux yeux de l’agent. Sait-on jamais, que ça l’intimide assez pour faire baisser le prix de vente ne serait-ce qu’un peu.