marcus – save your tears for another day.

marcus james

ft. michael bakari jordan

l'histoire de ma vie

« C’est toi qui fais le voleur ! » s’écria Marcus. C’était devenu une habitude : ses frères jouaient les brigands et il tenait le rôle du policier. Depuis qu’il était en âge de parler et de s’adonner à ce genre de jeux, il s’évertuait à faire figure d’autorité. Quand ses frères s’affrontaient plus ou moins à la loyale sur le dos des chevaux, lui préférait s’entraîner à courir et franchir des obstacles en escaladant les bottes de paille. Il aimait les animaux, ils faisaient partie de son quotidien, mais il avait cette attraction naturelle envers l’ordre. Très tôt, il avait su qu’il ne passerait pas le restant de ses jours à compter le bétail. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas l’environnement vert dans lequel il avait grandi, mais il avait envie d’autre chose. Le ranch était dans la famille depuis plusieurs générations et il continuerait. Ses frères avaient hérité de l’amour de la terre dont débordait son père. Lui, il était différent. Il avait pris son attirance pour l’ordre et la loi de sa mère, ancienne juriste ayant tout abandonné pour accompagner son époux dans son aventure et élever ses enfants. S’il avait en tête de rentrer dans la police, Marcus ne manquait pas d’intérêt pour le ranch. Il y avait, à l’instar des autres membres de la famille, son propre cheval qu’il avait vu naître, nourri et débourré lui-même, mais il n’aspirait pas à y passer le restant de ses jours. Il avait besoin d’autre chose que de retourner du fumier pour se sentir vivant. Il avait besoin de se dépasser sur un parcours du combattant chronométré, du sentiment de puissance qui s’emparait de ses membres supérieurs quand il tenait une arme à feu et du shoot d’adrénaline que provoque une course poursuite. Au grand damne de son père, Marcus faisait du Marcus. Il n’était pas une copie de son paternel. Il avait développé sa propre personnalité et plus il grandissait, plus il s’éloignait des attentes de ce dernier. Ce sentiment de ne pas être à sa place au ranch, il l’avait ressenti pendant des années sans broncher. Il avait pris sur lui pour encaisser les reproches, les tacles et les moqueries sur ses ambitions. Et il avait fini par partir, convaincu que son absence ne laisserait pas un grand vide. Pourtant, de son côté, l’éloignement n’avait fait qu’approfondir le trou béant qui stagnait dans son cœur depuis des années. Son père ne daignait même plus répondre à ses appels. Ses frères le regardaient de loin. Il était parti et tout donnait l’impression qu’il ne manquait à personne si ce n’est à sa mère qui, en secret, avait toujours eu davantage d’attentions envers lui, le considérant comme un prolongement d’elle-même.

Adieu Island Bay et bonjour Auckland. Là-bas, il prenait son second souffle. Il se sentait moins seul qu’il ne l’avait jamais été au ranch. Toutes ses économies passaient dans des vivres pour devenir une sorte de super soldat capable de décrocher sa place dans la police. En quelques mois, il avait fait de son corps une véritable machine de guerre et il était arrivé premier au concours. Pour une fois, il pouvait prétendre être digne d’éloges et pourtant, même ça n’avait pas été suffisant pour susciter la fierté des siens. Il avait fini par se résoudre.

Plus qu’un métier, la police lui offrait un environnement cadré dans lequel il avait creusé son trou. Élément efficace et apprécié, on lui promettait un bel avenir. Une chose en entraînant une autre, il avait fini par trouver l’amour dans les bras d’une sportive de haut niveau. Pour la première fois de sa vie il s’était senti apprécié pour la personne qu’il était vraiment. Pour elle, il aurait pu escalader des montagnes sans filet. Leur amour était si beau et si fort qu’il était pétrifié à l’idée qu’elle lui glisse entre les doigts et la peur l’avait poussé à commettre des actes qu’il regardait aujourd’hui avec dégoût. Elle avait transformé sa tendresse des premiers émois en une possessivité toxique. Il surveillait le moindre signe envoyé et toutes les interactions de celle qu’il aimait. Son cœur s’emballait à l’idée qu’elle puisse passer du temps avec un autre que lui. Il allait si fort qu’il avait fini par entraîner son poing alors qu’il était au volant. La voiture avait fini sur le toit et à l’instant même où il avait ré-ouvert les yeux pour découvrir l’état de sa passagère, il avait compris qu’il n’avait pas brisé que sa nuque et que ses douleurs physiques n’étaient rien en comparaison à celle qu’il devrait affronter quand elle reprendrait connaissance.

Après avoir tutoyé les étoiles, il s’était retrouvé aux abysses. Il avait fait preuve de courage et avait détaillé les circonstances qui l’avaient amené à perdre le contrôle du véhicule devant ses propres collègues. Il avait vu les regards offusqués, plein de déception et de dégoût qui s’abattaient sur lui. Quelques semaines plus tard, il avait dû en affronter les conséquences. Il apprit par courrier qu’il était envoyé dans une autre unité bien moins prestigieuse que celle d’Auckland et ce à effet immédiat. En quelques jours, il avait perdu la femme qu’il aimait, l’estime de leurs amis et son poste.

Pour une fois, Marcus avait pu se servir de son caractère de feu dans de bonnes conditions. Tel un phénix qui renaît de ses cendres, il avait suivi de son plein gré une thérapie pour apprendre à gérer ses émotions. Il en avait plus appris sur lui-même en quelques mois que depuis le début de sa vie. Une fois guéri de son ancien amour, il s’était même suffisamment pardonné pour s’autoriser à aimer à nouveau. Un amour qui avait mené cette fois-ci un mariage heureux, du moins jusqu’à ce qu’il insiste pour faire un enfant et qu’après des examens, il apprenne qu’il avait des problèmes de fertilité. Blessé dans son amour propre, Marcus avait fini par battre en retraite. Il se refusait à toutes les solutions proposées par la médecine moderne, ce qui rendait sa femme désespérément malheureuse. Il ne pouvait endurer de briser un autre rêve comme il avait piétiné celui de Maxyne alors il était parti. La mort dans l’âme, il lui avait demandé de signer les papiers de divorce et d’être heureuse.

Un peu comme à l’époque, il se sentait rejeté par les siens, Marcus avait fait de son travail sa bouée de secours. Ses faits de jeunesse avaient été pardonnés. Il était désormais devenu un excellent flic dévoué à son poste. Ses relations personnelles étaient passées au second plan. Il avait abandonné l’idée de s’engager dans une histoire sérieuse.

C’est ce qu’il l’a poussé à accepter de prendre part à une opération de police à risque. Seul officier célibataire, il avait endossé le rôle de l’appât en toute connaissance de cause et il l’avait payé. Une balle s’était logée à proximité de sa colonne vertébrale et il avait été mobilisé pendant des semaines. Sur place, il avait pu trouver du soutien en la personne qu’il avait épousée des années plus tôt et pourtant, ses longues heures les fesses vissées sur un fauteuil l’avaient convaincu de renouer le contact avec sa famille. Après avoir récupéré l’usage de ses jambes, il avait pris le premier bus pour rentrer au bercail. L’état lui devait bien ça et il avait eu vent des problèmes financiers de ses proches. Une coquette somme de dommages et intérêts dans la poche, il avait décidé de profiter de sa convalescence pour resserrer les liens avec les siens. Son retour à Island Bay était aussi l’occasion de revenir sur les cendres de plusieurs anciennes relations et il n’avait plus peur de s’y confronter.