let it snow → rafa

C’est pas le premier Noël qu’elle passe en Nouvelle-Zélande, mais disons que jusque-là, les saisons inversées lui ont donné plus envie de passer une bonne partie de son réveillon à peaufiner son bronzage sur la plage que de décorer sa maisonnette d’un sapin et de fausse neige en bombe. Pourtant, Vesper devrait en avoir l’habitude, elle qui a vécu tout d’abord au Texas puis en Californie, on peut dire qu’on ne la voit jamais non plus, la neige, là-bas. Mais il s’agit d’un repas traditionnel et sacré pour sa mère. Et si Vesper a un jour eu le cran de lui désobéir, inutile d’essayer d’échapper à ça. Tout ça pour dire que ça serait la première année où elle essaye de fêter Noël depuis qu’elle est arrivée ici. Maintenant que Rafa et elle vivent ensemble, que leur relation a pris une tournure d’autant plus sérieuse, la blonde songe qu’il est temps de commencer à instaurer des petites traditions au sein de leur couple. Comme de fêter Noël en grandes pompes, par exemple. L’avantage, c’est qu’aucun des deux n’a de famille dans les parages, ils peuvent donc faire une croix – avec soulagement, dans le cas de la texane – sur les grands repas de famille où tout le monde en profite généralement pour se balancer les pires vacheries qui soient à la tête sous prétexte qu’ils ont bu un verre de trop. Et encore, certains n’ont même pas cette excuse. A la rigueur, ils peuvent inviter les amis de Rafa à dîner mais ça reste plus tranquille.

Vous aurez donc compris que l’heure est aux préparations. Et en dépit des saisons inversées, on peut tout de même trouver pas mal de décorations en rapport avec l’hiver dans les divers supermarchés du coin. Vesper compte bien trouver un père-Noël faisant du surf, enfin, dans la mesure du possible, évidemment.
« Est-ce qu’on peut trouver un vrai sapin à cette époque de l’année ? »
Assise sur le siège passager, elle laisse les rênes à son petit ami car il est certain qu’il doit bien mieux connaître les bonnes adresses qu’elle. Peut-être sera-t-il impossible de trouver un sapin naturel par ici, auquel cas il faudrait se rabattre sur un faux mais qui aurait l’air aussi naturel que faire se peut ainsi qu’un parfum ou encore une bougie parfumée pour faire illusion mais ça a également ses avantages. Comme de pouvoir le sortir d’année en année, par exemple. A eux de voir ce qu’ils préfèrent. S’ils ont le choix, s’entend.

Ah, le temps des fêtes. Les décorations, le chocolat chaud, -malgré l'été qui se prononce à la Nouvelle-Zélande-, les cadeaux, le bon repas de Noël, sans oublier les chansons qui vont passer en boucle à la radio et à la fin, on connaîtra tous à nouveau les paroles. C'est déjà l'heure de décorer, enfin, certaines personnes le font en novembre, mais ce n'est pas bien grave. En tout cas, cela fait briller les yeux de Rafael, alors que cela donnerait mal à la tête aux autres, une vraie prise de tête, décorer, vérifier que les lumières fonctionnent, s'assurer que tout soit beau, pour voir les gens s'arrêter devant la maison pour dire « wow. » Habituellement, il se contente de mettre quelques décorations, les mêmes que d'habitude, mais cette année, il avait dépensé de l'argent pour les changer, en ajouter d'autres et pour pouvoir épater la galerie. Au moins, ils ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas fait l'effort de décorer et de mettre un peu de magie dans leur Noël de cette année. Il faut dire qu'il a rarement fêté Noël durant ses missions, enfin, c'était très simple ou très sanglant, selon ce qui se passait sur le terrain, autant dire que depuis son retour, il se rattrape un peu plus chaque année et aujourd'hui, maintenant qu'il vit auprès de Vesper, c'est une bonne raison d'en faire des tonnes.

Tout cela pour dire que plusieurs sacs et boîtes traînaient à travers la maison et malgré cela, il manquait des trucs, le plus important: le sapin de Noël. Cela aurait été plus facile à trouver s'ils se trouvaient dans un pays nordique, au Canada ou encore aux États-Unis, mais ici, c'est un peu plus rare et il faut faire ses recherches pour être certain de s'en procurer un pour la maison. « J'avais pensé aux marchés, tu sais comme à chaque année, la ville organise cela, mais il me semble que c'est déjà tout vendu, mais à l'autre bout de la ville, on devrait trouver notre bonheur. » C'est ce qu'il espère oui, ils se rendent alors sur les lieux, une boutique tenue par une vieille femme, style grand-maman de Noël. Il stationne la voiture, quelques personnes se trouvent déjà sur lieux dont leur voisin Mr. Putnam, oui, comme la célèbre famille de Salem. Bref, ils se saluent, Rafael se dirige directement vers le dernier sapin. « On a de la chance. » Avec l'impression que le voisin souhaitait l'avoir aussi, le regard qui pèse sur lui, mais hey, premier arrivé, premier servi, non ?

Vesper peut toujours compter sur Rafa pour connaître les bonnes adresses : les bons restaurants, les boutiques où l’on peut trouver tel ou tel vinyles et même les petites boutiques temporaires où on a le plus de chances de trouver un sapin de Noël à quelques jours seulement de ladite fête. Manifestement, la ville organise chaque année de petits marchés où l’on en vend mais ceux-ci ont apparemment déjà été pris d’assaut. Ouais, c’est pas surprenant, les gens en veulent toujours un vrai embaumant leur salon, juste à côté du feu de cheminée ou du radiateur, tout dépend. Et les voici donc arrivés devant la fameuse boutique. Comme dans ces films bidons de Noël, celle-ci est tenue par une petite dame âgée à l’air bienveillant qui se tient déjà sur le pas de la porte. Pas uniquement pour les accueillir mais parce que leur voisin, monsieur Putnam est là aussi, lorgnant avec envie sur le tout dernier sapin. La texane le salue d’un geste de la main mais c’est à peine s’il la remarque tant ses yeux sont rivés sur l’arbre de Noël. Ni une ni deux, Rafa s’avance vers lui et pose la main dessus. Ça en revanche, ça a le don de faire tiquer Putnam. Elle sent venir le drame.

Leur voisin se précipite alors vers le sapin et pose à son tour la main dessus, essayant de trouver un terrain d’entente pour qu’on le lui cède. Tout d’abord, Putnam explique qu’il reçoit de la famille qui vient de loin, cette année, et qu’il ne peut décidément pas concevoir de les recevoir sans un vrai sapin. Argument que Vesper trouve complètement con mais pour l’instant, elle ne dit rien, elle observe la scène, s’attendant à l’entendre prétexter que sa petite nièce va mourir d’un jour à l’autre et que son unique souhait pour son dernier Noël est d’avoir ce sapin. Heureusement, il ne tombe pas si bas mais leur propose un peu de cash pour qu’ils lâchent l’affaire. Si ça ne tenait qu’à elle, la blonde l’aurait pris sans un seul regard pour l’arbre mais le fait est qu’elle connaît Rafa : lui se fiche pas mal de l’argent. C’est alors qu’elle décide d’agir en venant se planter à côté de son petit ami et se penche pour murmurer :
« Qu’est-ce que t’en dis ? On le lui laisse ? Je me dis que si cette petite dame vend des sapins, c’est qu’il doit y avoir une sapinière dans le coin. Et s’il y en a une, alors on a qu’à se trouver une scie et le problème sera réglé. »
En revanche, elle n’est pas trop sûre que ça soit très légal, notamment pour favoriser ce commerce à la bonne saison, mais si ça reste entre eux…

Qui aurait cru que le sapin de Noël serait aussi populaire dans un pays sans neige et en plein été ? Parce que oui, pendant que certains pays se gèlent les fesses, ici, ils ont droit à des températures agréables, de quoi profiter de la plage dans la matinée pour faire du jogging ou tout simplement admirer l'océan au loin. Cela dit, c'est Noël pour tout le monde, alors finalement, ce n'est pas si étonnant que le sapin soit aussi populaire auprès des néo-zélandais et cela ne fait pas exception avec eux. Et puis, c'est officiellement leur premier Noël ensemble, sous le même toit, sans que Vesper ou Rafael quitte après une nuit ou deux pour retourner chez eux, sans oublier le chat qui a déjà pris ses marques. Bref, pour être honnête, c'est la première fois qu'il magasine un vrai sapin, puisqu'il avait droit à un artificiel, d'ailleurs, plutôt que de le jeter, il se retrouve tout simplement installé au centre où il travaille. Quoi qu'il en soit, ils sont là, à l'autre bout de la ville pour trouver le Saint Graal du temps des fêtes. Ils ne semblent pas les seuls à vouloir mettre la main là-dessus, il y a également monsieur Putnam qui souhaite l'avoir, c'est quand même désolant de devoir se battre pour un truc qu'ils vont devoir jeter après quelques jours, mais quand même, il a fallu qu'ils arrivent pour que l'homme ait envie de l'avoir ou alors, il a pris tout son temps pour draguer la vieille dame ? Il l'ignore, mais il a la nette impression qu'ils n'en trouveront pas d'autres, à moins de le faire expédier d'un autre pays et on s'entend que ça se fait sûrement pas. De toute façon, qui se fait livrer des sapins par la poste ?

Le voisin n'en démord pas, il veut à tout prix ce sapin comme si sa vie en dépendait, ce qui semble un peu exagéré, pourtant, Rafael le veut également, il pourrait inventer une histoire, mais clairement, ce n'est pas son genre, le seul truc qui pourrait dire, c'est que c'est leur premier véritable Noël et avec leur enfant, le chat, ce qui pourrait paraître ridicule finalement. Il se racle la gorge et il se tourne vers Vesper, qui semble plus prête à céder que lui, l'argent n'est pas une option, il ne compte pas accepter même s'il lui laisse mettre la main dessus. « Et si ce n'est pas le cas ? Il y a moyen de vérifier, tu crois ? » Il laisse cette dernière se renseigner, pendant que le voisin se croit vainqueur, il sort même le portefeuille. « Je n'ai pas besoin de votre argent monsieur Putnam et puis, au pire, vous pourriez toujours dire que les elfes du père Noël sont en grève, plus de sapins. » Ou les bûcherons ?

Merci Coca-Cola. Bon d’accord, eux, tout ce qu’ils ont fait dans l’histoire, c’est donner au père-Noël l’image qu’on lui connaît aujourd’hui. Un vieux bonhomme au regard bienveillant vêtu de rouge et de blanc. Mais, si une simple pub a réussi à façonner à ce point la vision du monde entier, il ne serait pas bête de croire qu’on leur doit également notre manière de fêter Noël aujourd’hui. Une façon de le faire qui traverse les frontières, et même la ligne de l’équateur. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fait un peu bizarre de célébrer cette fête de ce côté de l’équateur, mais pas beaucoup plus que lorsqu’elle vivait au Texas ou même en Californie. L’esprit est là mais les températures ainsi que la neige sont définitivement aux abonnés absents. C’est un peu pareil ici quand on y pense, alors Vesper n’est pas si dépaysée que ça, à vrai dire. Bref, au final, ça l’étonne pas tellement de voir que tous les sapins sont déjà partis ou presque. Ce qui l’étonne plus, c’est de voir que pour le dernier, c’est avec leur voisin qu’il va falloir se battre. Voisin qui n’en loupe pas une puisqu’il se met à leur déballer un tas d’excuses censé les attendrir pour qu’ils leur cèdent ledit sapin.

La blonde hésite. Rafa aussi semble-t-il mais il a l’air de pencher plus de l’autre côté. Il a raison : comment être sûrs ? Et s’ils laissent partir ce sapin et n’en trouvent pas d’autre ? Parfois, il faut parvenir à se montrer un peu égoïste dans la vie, question de survie. Elle cherche alors un indice des yeux et en vient à la conclusion que, le mieux à faire, c’est encore d’aller demander à la petite mamie propriétaire de la boutique. Ce qu’elle fait, se glissant à ses côtés, sur le minuscule porche de sa petite boutique et tâchant de sympathiser un brin. Une chance pour elle, elle n’a jamais eu de difficulté pour ça. Au bout d’une poignée de minutes, elle lui apprend qu’elle n’aurait jamais les moyens de faire importer des sapins mais qu’il se trouve qu’il y a effectivement une sapinière à quelques kilomètres d’ici. La texane essaye de capter le regard de Rafa et, une fois que c’est fait, lui adresse un pouce en l’air pour le lui faire comprendre. Avant de suivre la mamie dans son arrière-boutique. Deux ou trois billets plus tard, Vesper revient avec une scie.
« Regarde, j’ai même trouvé de quoi s’en sortir. Elle a dit que c’était à trois kilomètres en continuant sur cette route. »

Même après tant d'années, il se souvient à peine du dernier Noël en famille, c'est-à-dire durant son enfance, car après, il a connu cela durant le temps où il était à la guerre, à combattre l'ennemi. Un petit sapin que les autres soldats aimaient décorer et autant dire que ce n'était jamais un véritable arbre, souvent il fallait faire preuve d'imagination et ça donnait ce que cela donnait et de même que pour les cadeaux, rien d'extraordinaire, mais c'était surtout pour garder espoir, la foi pour bien des hommes et femmes qui étaient loin de leurs enfants, ce qui n'était pas le cas de Rafael, mais il ne se plaignait pas, après tout, il avait décidé de faire ce métier, pas de fonder une famille. Quoi qu'il en soit, il n'est clairement plus un enfant, Vesper non plus, pourtant, cela ne les empêchera pas de commencer une nouvelle tradition en couple, sans oublier le chat russe et ils ne sont pas obligés de faire comme tout le monde, fêter avec la famille, ce qui est, au final, pratiquement impossible. Bref, il veut ce sapin, de quoi officialiser la première année qu'ils vont réellement fêter le temps des fêtes. Il paraît qu'il y a toujours des solutions, parfois, hé bien, il vaut mieux ne pas prendre de chance, plutôt que laisser passer celle-ci avec quelques petits regrets.

En tout cas, il ne va pas non plus se battre avec une personne âgée, Vesper lui fait signe, il y a peut-être encore un peu d'espoir qu'ils puissent repartir avec un conifère, il retire donc sa main et il fronce légèrement les sourcils face à son voisin souriant. Il rejoint les deux femmes à l'arrière-boutique et il retrouve Ves avec une scie, comme quoi on peut vraiment trouver de tout dans les environs. « Ce n'est pas un peu louche ? » Évidemment, il n'y a qu'une façon de découvrir ce que dit la vieille dame et c'est d'avancer jusqu'à trouver le spot de la mamie et d'y voir plus clair. « Ah, regarde. » Il montre dans une voiturette de golf qui semble à l'abandon, pas de nom, pas de cadenas, il grimpe à l'intérieur et super, il arrive à le démarrer, puis direction les sapins pour la surprise. « Tiens, ça me fait penser qu'un de ces jours, on devrait aller faire un tour au Country Club. »

En ce qui la concerne, ça ne fait que depuis qu’elle a quitté Los Angeles pour les hauteurs de San Francisco qu’elle ne fête plus Noël en famille. Sinon, il était de coutume de retourner à Abernathy chaque année pour célébrer ce moment au ranch. Aucun homme admis, bien évidemment. Juste Granny, Ma, Angie et elle, ses nièces n’étant pas encore nées à l’époque. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était très agité. Le genre de fêtes où on se réunit pour se jeter joyeusement tous les reproches qu’on a précieusement gardés en soi tout au long de l’année à la figure. Parfois, Vesper avait droit au soutien de sa sœur, mais la plupart du temps, elle était seule contre toutes. Voilà ce que c’est de quitter le ranch familial pour voler de ses propres ailes. Peut-être que dans une famille normale, ce comportement serait encouragé, mais jamais dans une famille texane. A moins peut-être de ne détenir qu’une caravane. Tout ça pour dire que non, les Noëls là-bas ne lui manquent pas. Ce qui lui manque surtout, c’est de pouvoir voir ses nièces grandir mais ça, ce n’est pas valable qu’à cette période de l’année, c’est tout le temps.

Une chose est sûre en tout cas, c’est qu’ils ne repartiront pas d’ici sans sapin, peu importe sa provenance. Après avoir questionné la mamie et emprunté sa scie, Vesper prévient Rafa de cette bonne nouvelle. Il a l’air sceptique. Bon d’accord, il n’a pas tort, vu sous cet angle, ça ressemble effectivement à un piège. Mais, si piège il y a, c’est leur ravisseur qui risque de s’en mordre les doigts : un ancien militaire et une cascadeuse ? Qu’on essaye seulement de les enlever et ça va ruer dans les brancards. La blonde acquiesce puis hausse les épaules.
« Ouais, t’as pas tort, mais la personne qui parviendra à nous kidnapper tous les deux n’est pas encore née, si tu veux mon avis. Surtout qu’on est armés d’une scie. »
Là-dessus, il grimpe à bord d’une voiturette de golf à l’air antique. Ce vieux taco va-t-il seulement démarrer ? Elle attend d’entendre le bruit du moteur avant de s’installer. Incroyable. Puis elle tourne la tête vers Rafa qui lui parle de country club.
« Au country club ? Je pense pas être une golfeuse née mais faire rager les vieux riches en abîmant leur gazon me paraît être une excellente idée ! »
Ils avancent sur la route qu’on lui a désignée et, miracle, trouvent la sapinière. Ce qui ne signifie pas pour autant que, si on voulait réellement leur tendre un piège, ils seraient hors de danger, mais quoi qu’il en soit, ils vont pouvoir rentrer avec un sapin et c’est là l’essentiel.

« Tu as bien raison, personne n'oserait s'approcher de nous. » À moins de vouloir finir dans un scénario de film d'horreur avec pour thème, un Noël sanglant ou massacre à la scie, tuerie au pays des sapins, bref, vous avez compris. Ils se mettent en route, même en étant pas certain qu'ils trouveront un sapin et là, il va vite regretter d'avoir laissé filer le vieux, qui doit déjà être parti avec le seul sapin qu'il avait entre les mains. Rafael se concentre à éviter un accident, c'est-à-dire contre un arbre ou même un rocher, car ils n'ont aucun risque de revenir à la vie comme dans un jeu vidéo, heureusement, il n'est pas un si mauvais conducteur. Malgré sa concentration, il lui fait part du country club, un lieu pour les bourgeois, on ne va pas se le cacher, c'est vraiment pour indiquer à tout le monde qu'on a un compte de banque bien rempli, même en tenue bien souvent très hideuse. « Honnêtement, moi non plus, mais c'est comme les joueurs de hockey, à chaque été, c'est là-bas qu'ils vont pour passer le temps. » En tout cas, il paraît que c'est le cas, il y a un club exprès pour les joueurs, va savoir ce qui se passe sur le terrain, si ce n'est que cela doit être bien déprimant comme changement. « J'ai bien une carte, parce que j'y suis allé une fois pour rejoindre d'anciens combattants et j'ai passé une partie de la journée à vider mon verre de champagne. » Il prend un drôle d'accent en disant le mot champagne, comme les riches, un cliché bien évidemment, enfin, un peu. « Mais ce n'est qu'une idée, ce n'est pas l'activité la plus amusante. » Et s'ils prennent ce risque, il n'y a pas de doute qu'ils trouveront le moyen de pimenter cette journée, comme chaque fois qu'ils sortent de la maison. Quoi qu'il en soit, ils arrivent à la destination, sourire aux lèvres en voyant un sapin, rien que pour eux, parce qu'il ne voit personne d'autre, Rafael descend de la voiturette et se précipite vers le petit miracle de Noël. « Finalement, peut-être que les miracles existent. Alors, tu veux le couper toi-même ou je m'en occupe ? »

Exactement, personne n’oserait s’approcher d’eux. Ou alors, cette personne serait bien stupide et surtout surprise de tomber sur des personnes aussi coriaces que ces deux-là. Ils se mettent donc en route, Vesper assise côté passager de la voiturette de golf. Pour elle ne sait trop quelle raison, c’est un moyen de locomotion qui lui a toujours plu et elle se réjouissait à chaque fois qu’on la baladait dans un de ces engins dans les si grands studios hollywoodiens que se rendre d’un point A à un point B à pied serait une perte de temps considérable. Cependant, il s’agit d’une voiturette de golf, ce qui permet à Rafa de faire la transition, lui proposant d’aller faire un tour au country club un de ces quatre. La blonde ne s’est jamais essayée au golf. Oh bien sûr, elle est déjà allée au mini-golf mais ça n'a rien de comparable. Dommage, car on aurait pu voir ça comme un entraînement. Il lui fait savoir que lui non plus n’a rien de Tiger Woods et qu’au lieu de lever son club, il s’est plutôt amusé à lever sa coupe de champagne, ce qui ne manque pas de l’amuser, évidemment. En revanche, ça l’intéresse d’apprendre que l’été, c’est là que les hockeyeurs passent tout leur temps. Alors bien sûr, bien qu’elle soit blonde, elle ne l’est pas à ce point et n’imagine pas des mecs mignons qui courent en short, plutôt de véritables armoires à glace à qui il manque des dents et… Force est d’admettre que le spectacle doit valoir le détour car ils doivent avoir l’air autant à leur place sur un green qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
« Le moins qu’on puisse dire, c’est que t’es très doué pour leur faire de la pub. Je suis d’accord d’y aller, à condition qu’on puisse faire une course dans ces trucs. »
Les voiturettes, bien sûr. Par chance, au bout du chemin se trouve bien une sapinière, ce n’était un piège quelconque, et, mieux que tout, pas un chat à l’horizon. Rafa stationne la voiturette tout à côté, ils en descendent tous deux et vient alors la question de qui s’y colle. Les yeux de la texane se posent sur la scie une seconde avant de se relever sur ceux de Rafa.
« Ben, je crois qu’on va pas avoir d’autre choix que de s’y mettre à deux, chacun d’un côté du tronc. »
Ç’aurait sans doute été plus simple de trouver une hache mais on peut malheureusement pas tout avoir.

Non, il ne se considère pas comme quelqu'un de violent et qui aime se battre, mais même s'il a des allures de quelqu'un de plutôt sociable et de sympa, ce n'est pas non plus le genre à se laisser faire. C'est pour dire qu'il a ses limites et qu'actuellement, il veut tellement ce sapin, qu'il n'a pas l'intention de laisser quiconque leur prendre à nouveau, clin d'œil au voisin qui a pu avoir le sien sans grand effort. Ils vont devoir couper un arbre et le transporter jusqu'à leur voiture, mais comment ? Sur cette voiturette de golf ? « Je suis toujours partant pour une course. » Il ne compte pas renouveler la carte, le prix est ouf, puis la sienne, il l'avait obtenue uniquement parce qu'il avait été l'invité du général, tout cela pour dire qu'une course c'est toujours mieux qu'attendre qu'un joueur se place et frappe la balle, c'est bien ainsi qu'on le dit ? Les mots techniques, il ne maîtrise pas du tout. Néanmoins, on s'entend pour dire que ce n'est pas très important et que ce n'est pas vital pour Rafael. Quoi qu'il en soit, ils arrivent à la sapinière, qui lui semble bien tranquille. Cela aurait été plus rapide avec une scie à chaîne, mais on fait avec les moyens du bord comme on dit, alors il prend son bout et ils commencent à scier le tronc du sapin, il n'y a pas à dire cela réveille les muscles des bras, même pour quelqu'un en forme comme Rafael. « On y est presque ! » Bon, pas vraiment, car au bout de quelques minutes, il n'y avait que le quart d'effectué et c'est plutôt épuisant. Au bout d'un effort monumental et de la patience, le sapin tombe à proximité de la voiturette, un peu plus et le caddie y passait. « Pfiou. Et ce n'est pas terminé, va falloir l'attacher à l'arrière de la voiturette. » Il respire un bon coup et il attrape la corde qui se trouvait avec la scie, attachant le sapin à l'arrière et maintenant, il se demande si c'est le sapin qui va tirer ou bien eux, il n'y a qu'une façon de le savoir. « Prête ? » Il prend le côté passager et s'assure que le sapin reste en place, enfin, c'était le but, mais il préfère souffler.

Evidemment que Rafa est toujours partant pour une course. Quelles que soient les idées loufoques que Vesper peut parfois avoir, son petit ami rentre très souvent dans le jeu. Tant que c’est pas trop craignos en tout cas. Ce qui tombe bien puisque la blonde n’aime pas tellement traîner dans ce genre d’affaires un peu louches qui semblent parfois coller aux basques de bien des gens, même lorsqu’ils essayent d’en sortir. Elle lui tend la main pour conclure le deal tandis qu’ils arrivent à la sapinière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont encore du pain sur la planche. Pas des moindres d’ailleurs, puisqu’à présent, il leur faut scier un sapin. Une chose est sûre, c’est qu’ils l’auront mérité, cet arbre. Ils se mettent en place et tâchent de se synchroniser au mieux pour éviter de trop se fatiguer. Encore au début, Rafa annonce qu’ils y sont presque et, gardant son souffle, la texane se contente d’un hochement de tête. Bien qu’elle soit restée très sportive, elle ne sera pas mécontente de le voir enfin tomber car, dans ce genre d’activités, on a plus vite tendance à imaginer des mecs tout en muscles et chemises à carreaux qu’une petite blonde et elle comprend maintenant pourquoi. En revanche, il leur fallut quelques très longues minutes supplémentaires pour en venir à bout.

Une fois fait, Vesper reprend son souffle deux secondes avant d’acquiescer de nouveau. L’attacher à la voiturette… Peut-être que c’est leur propre voiture qu’ils auraient dû prendre pour venir jusqu’ici, tout compte fait parce que l’arbre sera sûrement trop grand pour le toit du caddie. Mais bon, tant pis, ils auraient dû y penser plus tôt, maintenant c’est trop tard. Après s’être un peu remise, elle accourt pour donner un coup de main à Rafa qui s’attèle déjà à la tâche. Ce n’est qu’après qu’elle prend le volant.
« J’espère que le moteur sera suffisamment puissant… Sinon, on le détache, je vais chercher la voiture et on recommence. »
Mais puisqu’ils en sont là, autant essayer. Elle met donc le contact et accélère. Ça marche ! La voiturette tire le sapin et avance au ralenti. Ce qui n’est pas trop grave. Moins que le fait qu’un côté du sapin traîne littéralement sur la route et perd donc toutes ses aiguilles de ce côté-là. Vesper y jette un coup d’œil puis fait la grimace.
« Faudra qu’on le décore que d’un côté en cachant l’autre, j’ai l’impression. »

Il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il a joué les bûcherons, ne se rappelant pas l'effort physique des muscles du bras, de scier un arbre à l'ancienne. Ça lui semble être un bon exercice quand même. Mine de rien, ils vont l'avoir mérité ce sapin, à travailler fort pour l'obtenir, il aurait tout de même préféré l'avoir déjà entre les mains, ils seraient déjà à la maison en train de le décorer, au lieu de cela, ils doivent carrément le scier pour avoir un Noël digne du temps des fêtes, manque plus que la neige. Le sapin abattu, il souffle un bon coup et il fait légèrement bouger ses bras pour les dégourdir. Bon, le plus gros du travail est terminé, maintenant, il va falloir l'attacher, le traîner, le ramener à leur voiture, à savoir, pourquoi ils n'ont pas pensé à venir ici avec un véhicule plus approprié. Quoi qu'il en soit, ils arrivent à l'attacher, à bien le ficeler et c'est parti pour un tour. Rafael se met à rire, il regarde à l'arrière et il voit les morceaux d'épines éparpillées sur le sol. « J'en ai bien peur. » Mais au fond, ce n'est pas si grave, car ils ne vont pas recevoir, pas de famille à l'horizon, ils seront que deux, plus le chat, qui va sûrement se faire une joie de sauter entre les branches, voire peut-être même le faire tomber sur le plancher, ils devront peut-être opter pour des boules en plastique, mais ce sont que des détails. « Honnêtement, ça ne me dérange pas tellement, tant qu'un côté reste intact pour qu'on puisse le décorer. » Ils finissent par arriver à leur voiture, quel soulagement, le sapin est presque parfait, mais il ne va pas se plaindre, c'est un vrai, c'est tout ce qu'il souhaitait, ils ont presque traversé la ville pour l'obtenir. « J'ai hâte de le décorer. Mais demain. » Enfin, ils verront bien ça, une fois à la maison. Il soulève le sapin avec son aide pour l'installer sur le toit de la voiture et il commence à l'attacher. « Pizza et bières en arrivant ? »

Avec le recul nécessaire, Vesper se dit que la situation est tout de même cocasse : il leur a fallu tout d’abord trouver une sapinière et ensuite scier leur propre sapin qu’ils sont à présent en train de tracter grâce à cette voiturette de golf. Et, croyez-le ou non, mais abattre un arbre, c’est du boulot. Même pour elle dont la forme physique est au top, en dépit de l’âge qu’elle commence à prendre. Certes, elle n’a plus vingt ans mais y a pas de quoi se plaindre non plus. Bref, c’est pour ça que, généralement, des gens dont c’est le métier s’occupent de ça. Mais bon, comme on dit souvent : on n'est jamais mieux servi que par soi-même et, le fait est que lorsqu’ils se poseront dans leur canapé un œil sur un film de Noël pas trop cucul, l’autre sur leur sapin, un verre de brandy à la main le soir du réveillon, ils pourront être fiers d’eux. Le rire de Rafa est communicatif et la texane tâche de ne pas trop s’en faire, tout en n’accélérant pas trop non plus pour ne pas aggraver la situation. Puis elle acquiesce.
« Ouais, c’est heureusement pas comme si on allait le placer au milieu de la pièce. »
Parce que ça serait encombrant, déjà. Il faut avoir de très grandes pièces pour pouvoir se permettre de faire ça. Et puis ça leur permettra d’économiser un peu sur les décorations. Bien qu’elle sache pertinemment que ce n’est pas un problème. Mais demain. Une fois de plus, la blonde approuve.
« Super idée, on l’a bien mérité ! »
Rien de tel qu’une soirée pizza/bière pour se remettre d’aplomb. Et encore, ils n’en ont pas fini, maintenant qu’ils arrivent, il va encore falloir attacher l’arbre au toit de la voiture. Encore heureux qu’ils ont déjà fait de la place dans le living sinon Vesper aurait probablement voté pour le laisser une nuit dans l’allée tant elle a les bras en compote. Ce qui ne l’empêche pas de donner un coup de main pour aider Rafa à hisser le sapin sur le toit et à bien le fixer.
« Manquerait plus qu’il vole en avant au moindre coup de frein. »
Non parce que bon, ils ont tout de même évité le pire ; l’arbre n’est qu’un peu amoché. Rien qu’on ne puisse camoufler, mais si un quinze tonnes venait à lui rouler dessus, ils seraient bons pour retourner en scier un autre. En parlant de scie, Vesper va rendre la sienne à la propriétaire de la petite boutique avant de prendre place sur le siège côté passager.

Le pire dans tout cela, c'est que ce n'est pas terminé pour eux, car une fois arrivée à la maison, ils vont devoir faire entrer le sapin à l'intérieur, mais également le faire tenir debout et il se demande encore s'ils ont tout acheté pour cela et pas seulement le tapis rouge qui va sous celui-ci. Ils doivent se dire que ce n'est pas pour un concours et que c'est la première fois qu'ils font cela, probablement la dernière aussi, non pas qu'il déteste jouer le bûcheron de service, mais il ne pensait pas s'être pris aussi tard pour avoir un sapin pour le temps des fêtes, la prochaine fois, il va savoir que c'est le premier novembre que tout commence, même pas le temps de retirer les décorations de l'Halloween, que Noël commence déjà et pour le prouver, les films ont commencé tôt à se retrouver sur les petits écrans, tout comme la musique répétitive de chaque année. Pourtant, il ne peut pas s'empêcher de sourire lorsque la neige tombe, c'est-à-dire pas très souvent à Island Bay. Il est né en Colombie, donc, ce n'est pas vraiment là qu'il a pu passer un Noël blanc et faire un bonhomme de neige, même si avec l'âge, il a passé outre de jouer l'enfant émerveillé, quoi que pas tant que cela, puisqu'au fond de lui, il a toujours eu ce côté un peu enfantin et c'est peut-être parce qu'il n'a jamais pu en profiter, bien qu'il assume totalement son choix de métier. Un léger rire nerveux sort de la bouche de Rafael, ça le ferait pas mal suer, surtout après tout ce travail en équipe, si cela arrivait, il aurait sûrement tendance à vouloir le laisser là où il se trouve, enfin, s'il avait ce genre de conscience aussi. Quoi qu'il en soit, il va payer la dame, même s'il n'était pas certain que cela lui revienne, mais bon, il ne va pas jouer les voleurs non plus. Bref, il rejoint Vesper et en route vers le domicile familial. « Du coup, je propose aussi qu'on le décore que demain. » Enfin, ou cette nuit, si jamais l'envie lui prend, on verra bien d'ici là. Le voyage se passe plutôt bien, même s'il a été un peu paranoïaque, à trop regarder dans le rétroviseur. Les voilà, de retour, à tirer un sapin jusqu'à l'entrée de la maison et à galérer à le faire entrer, surtout avec le chat qui n'a pas arrêté de sauter sur les branches, mais c'est mission réussie.