Ce sont les spartiates les plus badass d'abord ! (ft. Christopher)

Encore une belle occasion pour se montrer. Christopher, quand on lu avait appris le thème d’une future soirée dans un des bars de Wellington, il avait accepté sans même hésiter une seule seconde. Parce que y’avait certaines occasions qu’il savait saisir, et que celle-ci en faisait sans mal parti. Quelle meilleure aubaine qu’une soirée greco-romaine que pour présenter au monde sa véritable nature : un fichu Dieu. Sûrement aurait-il du se déguiser en Narcisse, ce mec imbu de lui-même dont le nom disait tout, mais ses choix se portèrent bien ailleurs. Apollon, le Dieu du soleil, des arts et de la beauté au masculin ? Arès, le Dieu de la guerre, véritable badass auquel il s’allierait bien ? Ou Dionysos, le Dieu de la fête, et du vin ? Un choix difficile, mais il partit pour celui qu’il trouvait le plus drôle, abandonnant son égocentrisme : Dionysos ce serait. Sûrement même serait-il le costume le plus facile à faire.
Christopher n’avait jamais caché son amour pour les bars et les soirées en général. Au contraire, on pouvait l’y retrouver très régulièrement, à tel point qu’il était devenu l’habitué de quelques uns. Connu pour ses excès, sa drague peu subtile mais également sa colère facile, Christopher enchaînait les bagarres quand il sortait, et se faisait régulièrement virer de ses lieux favoris. Sa dernière cicatrice en date (même si elle commençait à se faire vieille après déjà quelques mois) provenait d’une de ses déchéances, alors qu’un homme lui avait cassé un verre sur le bras, et donc ouvert la peau. Une plaie qui s’était sans mal infectée alors qu’il n’avait pas fait attention à sa guérison : Christopher se lavait avec son bandage et l’avait gardé de longs jours. Infection oblige. Il ne retenait jamais ses leçons, alors que ça lui était déjà arrivé une ou deux fois auparavant. Mais aujourd’hui, ses plaies s’étaient bien refermées, et les traces blanches en restant se couvraient de ses poils blonds. Encore un coup de chance pour Christopher Peñali.

Il avait fait de son mieux pour le costume, ce qui voulait dire qu’il n’avait pas fait grand-chose. Mais Chris restait totalement fier de lui. Il avait trouvé du tissu violet pastel, et avait couru chez Valentina pour qu’elle l’aide à tout mettre en forme. Au final, le tissu était devenu une robe, une toge comme à l’époque, avec une seule épaule couverte dont la large bretelle redescendait jusqu’à ses hanches pour les couvrir, elles, pleinement (valait mieux éviter les accidents d’exhibitionnisme). Ca impliquait quand même que la moitié de son torse et de son dos restaient nus, mais comme il aimait se montrer, c’était loin de le gêner. Resserrée à la taille, la robe redescendait jusqu’à mi-mollet. Plus d’efforts sur les chaussures : il avait mis sa paire banale d’air max blanches. Mais quelques accessoires. Une couronne de feuilles de vigne avec des raisons par-ci par-là, une fausse grappe accrochée au tissu sur son épaule, et quelques feuilles de vigne sur son torse, sous sa toge, dépassant ainsi du côté nu de son corps pour le couvrir un petit peu plus tout de même. Téton caché pour le début de soirée, pas sûr qu’il le reste jusqu’à la fin. Mais au moins, Chris, il avait une tenue décente.

Venu en voiture malgré les litres de boisson qu’il avait prévu de boire (il ne se gênait pas pour conduire bourré, mais jamais sa moto), il n’aurait pourtant pas hésité à appeler son frère Nathan si besoin, ou un taxi (mais embêter Nathan en pleine nuit pour lui raconter sa soirée, il trouvait ça bien plus fun).
Opération bourrage de gueule. Parce que Christopher il en avait bien besoin. Depuis qu’il avait atteint les 37 ans un peu moins de 2 mois plus tôt, il recommençait à mettre toute sa vie en question. Et il en était venu à une conclusion : il était un homme foiré.
Christopher n’avait rien d’un adulte. Alors certes, il vivait sa propre vie, payait ses propres dépenses, avait son appart et un job qu’il adorait. Mais ce n’était qu’une surface aussi face à gratter que ces parties argentées sous les jeux d’argent. Un jeu d’argent à la finalité perdante. Parce que Christopher, il était surtout cet homme instable, encore atteint d’hyperactivité alors que la plupart des enfants ne l’étaient plus une fois adultes, incapable de garder une personne dans sa vie et de lui offrir le bonheur, incapable de s’occuper rien que de lui-même alors qu’il sautait bon nombre de repas ou se commandait à manger sans pouvoir cuisiner, inconscient, parfois méchant, rancunier alors qu’il était celui qui faisait toujours les pires crasses… Christopher n’avait rien pour lui, mis à part son sourire qui avait toujours su le sortir des situations les plus merdiques. Mais à presque quarante ans, ne devrait-il pas faire des efforts ? Non, bah non. Fallait croire que c’était mieux de se saouler pour oublier son âge et son incompétence.

Pause pipi après sa deuxième pinte de bière, alors qu’il avait commencé le début de soirée à une table dans un coin avec le même ami qui lui avait parlé de cette soirée. Bénédiction, il n’avait même pas à baisser sa braguette pour se soulager, juste à lever sa robe. Elles en avaient de la chance, les filles, de pouvoir faire si facilement (trop bourré pour comprendre que pour les filles, ça marchait pas comme ça…).
Il entendit un bruit de porte, ne se retourna pas. Ni le lieu, ni le moment. C’est seulement quand il entendit une voix, cette voix, sa foutue voix, qu’il se retourna. Sourcils froncés, Chris se retrouva sans surprise devant Silas qui commençait un speech dans le miroir. Il retint un rire, avant de finalement se rhabiller. Il prit une seconde, le cascadeur, pour contempler l’homme, avant de s’avancer vers lui, ou plutôt vers les lavabos. Sans même tourner de nouveau le regard vers lui, il commença à se laver les mains (et sincèrement, il ne l’aurait pas fait si ce n’était pas juste une excuse pour se retrouver à côté de Silas et lui parler). « Encore en train de baragouiner tout seul. » Qu’il lâcha avec un sourire en coin. Et, oui, il avait bu au point de dire baragouiner. Comme quoi, il n’avait vraiment pas tous ses esprits. « T’as raison, t’es une sacrée misère. » Il n’en pensait, évidemment, pas un mot. A Silas de voir s’il s’en rendait compte ou non, maintenant. Car après toutes les crasses que Christopher avait bien pu lui faire, peut-être s’était-il mis à penser que, ouais, le blond avait un truc contre lui, le détestait autant qu’il l’aimait ou le haïssait tout court. Car qui ferait tout ce que Chris lui avait fait à quelqu’un qu’il aimait ? Pourtant, sans son meilleur ami, sans son meilleur amour, Chris ne savait rien faire. Et le temps le lui, le leur avait prouvé. Malgré ces nombreuses séparations, malgré ces nombreuses heures à se pleurer, à se promettre que c’était fini pour de bon, tout finissait toujours de la même manière : le destin les faisait toujours se retrouver. Même dans des chiottes, bourré, déguisés comme un dieu et un guerrier.

L’état de Silas n’était clairement pas à débattre. Même quiconque ne le connaissant pas par coeur aurait su qu’il avait clairement trop, beaucoup trop bu. C’était même pas juste l’intonation qu’il prenait en parlant, ou ses phrases qui ne faisaient qu’à peine sens, ni même le fait qu’il titubait au lieu de marcher. Non, c’était carrément l’aura qu’il renvoyait, l’ambiance collée à lui. Et pour Chris, reconnaître cet état, c’était plus que simple. Besoin que d’un seul coup d’oeil pour comprendre que ça n’allait pas. Pourtant, dans ses mots et gestes, Silas semblait bien déterminé à prouver à son ancien compagnon qu’il était bien bourré, à la limite même d’être quelqu’un d’autre. Imposteur.

Quand il croisa finalement son regard, Chris sourit en coin. Sûrement à cause de ce foutu pouvoir qu’il comprenait encore avoir sur lui, ce pouvoir qui leur avait fait bien plus de torts qu’autre chose par le passé, et qui semblait, de ce qu’il s’en dit, revenir pour un putain de futur. Et même si son sourire faisait croire qu’il jouait, comme d’habitude, au plus malin, Chris était loin d’être réellement fier. Parce que l’homme face à lui jouait au jeu de l’indifférent, prouvant toute la peine qu’il gardait dans son coeur. Peine qu’ils partageaient clairement. Christopher n’avait pas l’habitude de montrer ses émotions négatives autres que la colère, et ce jour-là ne ferait clairement pas exception. Les seuls moments de faiblesse qu’il savait montrer, c’était les fois où Silas lui faisait comprendre que les choses entre eux venaient de se finir à jamais (et, finalement, ils s’étaient toujours retrouvés, alors Chris avait perdu l’habitude de croire à ces paroles qui ne faisaient aujourd’hui plus sens).
« Tu comprends, j’en ai marre de la couleur de mes murs, et comme je suis incapable de peindre, il faut bien que je trouve une solution. » Qu’il répondit le plus simplement du monde, alors que son sourire n’avait pas quitté le coin de ses lèvres.

Puis Chris sursauta, clairement surpris alors qu’une masse s’aplatissait sur son corps. Non. Pas une masse. Silas.
Il fronça ses sourcils. Ouais, décidément, il était bien bourré, s’il n’arrivait à ce point là à ne pas tenir debout sur ses propres jambes. Même Chris n’avait pas vu à quel point il allait mal, à quel point l’alcool le consumait.
Un silence régna l’espace d’un instant, alors que le contact de leurs peaux lui rappela de nombreux souvenirs. Leurs premiers rapprochements, l’innocence, la luxure, le manque, l’envie, le besoin, la peine, l’amour. Le manque. Surtout le manque.
« Ca v- » Pas le temps de finir sa phrase que les lèvres de Silas trouvèrent refuge sur celles de son ex. Surprise générale, palpitations bien trop rapides. Après quelques secondes à rester immobile, Chris se reprit enfin et mouva ses lèvres aux rythmes de celles de son ex, dans un ballet de reconquête qu’il comptait bien gagner. Il laissa ses mains, propres mais encore mouillées, se poser sur les hanches de son bien aimé qu’il redécouvrait avec plaisir.
Un moment bien trop court qu’il aurait aimé laisser durer pour toute la vie. Mais Silas avait d’autres projets, alors qu’il se détacha de son amant, prétextant presque que tout ça, c’était de sa faute. Mais qu’avait fait Chris à part répondre à l’appel de l’amour ? Rien. Il n’avait rien dit, rien fait. C’est Silas qui venait de lui sauter dessus, alors s’il devait s’en prendre à quelqu’un, ça ne pouvait être qu’à lui-même.
« Tu te fous de ma gueule ? » Sourcils froncés, sa seconde expression préférée après le sourire en coin. L’air énervé, il connaissait par coeur, il maîtrisait un peu trop bien. « Sérieux Silas, je t’ai rien demandé, je t’ai même rien dit. » Et si Silas semblait vouloir partir, il restait trop longtemps immobile, la poignée à la main. Encore une preuve de ce foutu contrôle qu’il pouvait avoir sur lui, sans même chercher à l’avoir. « Tu crois que trop boire c’est une excuse ? Une excuse pour me parler comme ça, surtout ? Bordel, j’ai pris sur moi, ça fait je sais pas combien de temps que j’ai pas cherché à te revoir, et toi, toi t’oses me sortir un truc comme ça ? » Il attrapa du papier pour enfin sécher ses mains, dans des gestes brusques qui trahissaient sans mal la colère qui l’envahissait. Mais fallait dire que si Chris n’avait pas été doux avec Silas à de nombreuses reprises, il semblait bien le lui rendre parfois aussi. « Vas-y mon grand, vas-y, va retrouver ton date, ton putain de mec parfait. Tu sais quoi ? J’m’en branle ! Mais quand tu l’embrasseras, oublie pas de penser à moi, que tu viens d’embrasser dans les chiottes comme un ado. » Des mots durs qui lui ressemblaient. Fallait dire que Chris n’était clairement pas du genre à mâcher ses mots, et encore moins quand on l’attaquait. Et même pire quand ça venait d’une personne qu’il portait dans son coeur. Silas, il avait aucunement le droit de foutre à la gueule de Chris qu’il refusait de s’assumer. Parce qu’il était censé être bien placé pour savoir que les coming out, c’était pas simple pour tout le monde. Il était censé comprendre que c’était pas le genre d’attaque à envoyer, alors qu’il aurait pu porter l’attention sur bien d’autres défauts : les mensonges, les trahisons, les infidélités… Et même si tous ces problèmes venaient en très grande partie de sa sexualité inavouable, elles restaient pleines et réelles. « Va chier, Carden. » Et finalement, ces mots le brisaient aussi, même s’il les lui avait déjà dit lors de plein de disputes ou séparations. Un cercle dont il ne trouvait pas la sortie, parce que son coeur lui criait de continuer à chérir l’homme qui tentait lui aussi pourtant de s’enfuir.