here comes the sun ⚝ nino

Depuis que je suis en Nouvelle-Zélande, c’est tous les jours dimanche. Ça doit être l’effet ‘vacances’, ou alors le fait que je me sens beaucoup plus libre de mes mouvements depuis que je n’ai plus de compte à rendre à qui que ce soit. Ça ne va pas durer, je sais bien. Mais en attendant le début des cours, je peux bien profiter de mon temps libre pour m’amuser un peu. Les fêtes, je connais, je les ai bien écumées déjà. Les bars aussi, disons que j’ai déjà repéré quelques bonnes adresses. Il ne me reste plus qu’à occuper mes journées. Et pour ça, je peux compter sur mon nouveau pote à la compote, j’ai nommé Nino le carpaccio. (J’aime bien lui donner des surnoms de bouffe italienne, mais je ne suis pas encore complètement sûre que ça lui plaise)
Nino, c’est un amour, une crème de bonhomme, le seul type qui peut encore me redonner foi en la partie masculine de l’humanité. Et Nino, c’est le premier gars avec qui j’accepte d’avoir rendez-vous depuis ma naissance, à peu près, parce que je sais qu’il ne se fera pas de films.
Cet après-midi, on doit se retrouver pour faire du surf, et même si on ne peut pas dire que c’est mon sport de prédilection, j’ai hâte d’y être. Avec quelques petites minutes de retard, j’arrive sur la plage du centre nautique les mains dans les poches, comme à mon habitude. Être prévoyante ? Très peu pour moi, je laisse ça aux autres. Sur moi, j’ai très exactement mon téléphone, mon maillot de bain, et un peu de cash au cas où. De toute façon, Nino est censé avoir accès au matériel du centre. Et s’il faut, je peux me faire passer pour une cliente un peu chiante. Je suis sûre qu’il adorerait, et moi aussi.
J’ai à peine fait quelques mètres sur le sable que j’entends des aboiements que je reconnais très distinctement, avant de voir une tâche blanche qui me fonce dessus à toute vitesse. « Volt ! Mon pote ! Comment tu vas mon beau !? » A peine arrivée, la boule de poils vient chercher son lot de caresses. C’est un peu le passage obligé à chaque fois que quelqu’un qu’il aime bien croise sa route. Son maître ne tarde pas à le suivre, et je lui adresse un large sourire, par-dessus la fourrure blanche de son compagnon. « Ça va ? Tu m’as pas dit si je devais ramener quelque chose. A part mon charme naturel, bien sûr. » Ce qui est certain, c’est que mon charme fonctionne très bien sur le toutou. Du feu de Dieu. Et c’est un peu réciproque, pour être honnête.
Au bout d’un moment, je finis par me relever pour aller saluer le maître d’un simple check du poing, un poil moins chaleureusement que pour son pote à quatre pattes. « T’es prêt ? Promis, j’essaierais d’être moins mauvaise que la plupart de tes élèves. » La barre n’est pas très haute, je devrais m’en sortir. Et surtout, ce n’est pas la première fois non plus que j’en fais. Disons juste que ce n’est pas le genre de planches auxquelles je suis le plus habituée. « Je peux t’aider pour quoi que ce soit, peut-être ? Dis-moi tout ! » Récupérer les planches, aller piquer une combinaison... Quoi qu’il me réponde, il sait très bien que je pourrais le faire. Et de toute façon, il ne me demandera rien de dangereux. C’est que je lui fais confiance, à Nino l’asticot. (Okay, c’est pas de la nourriture italienne.)

Je suis contente de voir Nino aujourd’hui. Sûrement autant que je le suis de voir Volt. A moins que ce soit le contraire ? L’un comme l’autre, ces deux animaux plein de fougue font partie de ma nouvelle vie néo-zélandaise, que je le veuille ou non. Je le veux bien, d’ailleurs, et c’est tant mieux. « Ton charme naturel et ton maillot suffiront largement » Très bien. J’adresse une dernière caresse au toutou qui tente encore de me sauter dessus, et un sourire à son maître, alors que je me relève pour aller le saluer. « Quoi, j’ai pas le droit à des gratouilles derrière les oreilles moi? » Je l’observe d’un air curieux, lui et ses cheveux en bataille. « T’es jaloux ? C’est vrai que je risquerais pas de te décoiffer, remarque. » Pour allier le geste à la parole, je vais rapidement lui ébouriffer les cheveux à l’arrière du crane, avant de le suivre en direction des cabanons.
Il est prof de surf, le Nino. Parmi tous les autres petits boulots qu’il gère au quotidien, c’est sûrement celui dont je peux le plus profiter - même si je n’ai jamais refusé une boisson gratuite quand il est derrière le bar. J’ai déjà fait du surf, quelques fois. mais jamais très sérieusement. Juste des potes qui me montraient vaguement les bases, avant de me laisser voguer sur l’eau et me ramasser à la première vague venue. Enfin voilà, j’aimerais bien améliorer mon niveau, et je sais que je peux compter sur mon spaghetto préféré pour ça. « Crois-moi, je crois que même ma Nona s’en sortirait mieux que certains » Ah oui, quand même ! J’ai beaucoup de respect pour sa Nona, mais elle doit avoir quoi..  70 ans ? Même si elle est bien conservée - ce dont je ne doute pas - ça fait un peu mal à l’égo pour les gens à qui il pense. Remarque, je me demande s’il a déjà eu des clients de cet âge-là. « T’as déjà essayé de lui apprendre ? Ou d’autres personnes de ta famille ? » Les sports de glisse, c’est son dada. Mais je ne sais pas s’il est tout seul là-dedans, ou si c’est une passion familiale plutôt. Ça serait sympa pour animer le repas familial du dimanche, tiens.
Les yeux rivés sur l’océan, je m’arrête tout juste pour ne pas le percuter, alors que le jeune homme marque l’arrêt devant un cabanon rouge et blanc. Avec curiosité, j’observe ses mouvements, avant que l’océan à perte de vue ne cherche à attirer mon attention, encore. Pour garder le focus, je lui propose mon aide pour quoi que ce soit, n’importe quoi. « Empêche Volt de creuser sa tombe dans le sable si tu veux bien » Ça, je peux le faire ! Et alors que je me retourne sur le doggo, je le vois qui commence déjà à creuser sous le bois. « Ah oui, je vois ce que tu veux dire. » Aussitôt, je m’accroupis à son niveau pour lui filer de nouvelles caresses, et détourner un peu son attention. Ça ne dure pas très longtemps ; à peine le temps que Nino ne sorte tout ce qu’il nous faut, avant de refermer la porte. On va sûrement bientôt bouger, mais pas avant de s’hydrater un peu. J’attrape d’ailleurs la canette qu’il me tend, avant de l’ouvrir d’un mouvement expert du poignet. « Merci. Ça fait aller ! Bientôt la fin des vacances, mais j’ai hâte de commencer les cours. » De théâtre, donc. Tout le monde ne serait pas forcément emballé comme je peux l’être, mais ça se comprend. Moi-même, je n’étais pas si emballée avant ma première rentrée en fac de droit.
Après avoir pris une gorgée dans ma canette, je la dépose en hauteur - pour éviter les accidents avec le Volt sauvage dans les parages -, et je commence à retirer mes vêtements superflus, et enfiler la combinaison que m’a sorti le brun. « Et toi ? Toujours booké entre les bars, les promenades de chien et les cours de surf ? Ou t’as ajouté une nouvelle corde à ton arc ? » Nino est l’archétype même du gars hyperactif, c’est sûrement pour ça qu’on s’entend si bien. Incapable de rester en place, il multiplie les jobs en tous genres pour être toujours occupé. C’est clairement ce que j’aurais pu faire, dans une autre vie.
Nos combinaisons enfilées, et nos planches sous le bras, la plage n’est plus qu’à quelques mètres de nous. D’ailleurs, Volt nous suit très fidèlement, et un peu plus sagement maintenant. Même si à en voir sa queue qui remue, je dirais qu’il a hâte de pouvoir grimper sur la planche de son maître. « On s’y prend comment ? Tu veux d’abord voir mon niveau, ou me jeter directement dans le grand bain ? » L’un comme l’autre, les deux m’iront. J’ai clairement envie de me jeter à l’eau, mais ce n’est pas moi l’experte, donc je lui fais confiance sur ce coup.