isn't it akward? ft. madeleine

Le jour tant attendu était enfin arrivé. Jules avait pris la décision de mettre les pieds dans le plat. Depuis que Madeleine et lui travaillaient ensemble, il avait décelé chez elle une sorte de penchant pour la fuite. Jamais il ne pouvait espérer entretenir une discussion avec elle tant la jeune femme le fuyait quel que soit le sujet. Connaissant son habitude d’être ponctuelle, il avait décidé de se rendre au cabinet plus tôt que d’habitude en espérant qu’ils parviendraient à se croiser sans improviser un cache-cache dans les locaux. Il espérait vraiment que cette discussion peu naturelle les aiderait à crever l’abcès, si abcès il y avait, et qu’ils pourraient repartir du bon pied pour que leur collaboration soit à l’image de celle qu’il entretenait avec Mia : idéalement professionnelle. D’un pas motivé qui cachait son angoisse, il pénétra la pièce commune et lança un bref mais engageant « bonjour » à la jolie blonde qui lui tournait le dos et ne manqua pas de sursauter au son de sa voix. Cette façon de faire n’était peut-être l’idéal, mais c’était la seule chose qu’il avait trouvée. Après tout, son truc à lui, c’était surtout les animaux. « Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur » dit-il en s’approchant pour se servir un mug de café chaud. S’il avait envie d’un café à ce moment précis ? Certainement pas, mais il lui fallait bien une raison de se rapprocher de la jeune secrétaire. Après tout, ils n’allaient pas aborder le sujet à des mètres de distance. Sans un bruit autre que ceux de la vaisselle, Jules disposa un mug sous la machine à café qui semblait elle-même angoissée à l’idée de briser le silence. « Ca va me réveiller, tiens » lança-t-il avec unique but de détendre l’atmosphère… ce qui ne fonctionna pas vraiment puisque sa remarque semblait venir d’ailleurs. Une fois le café coulé, il retira sa tasse de l’emplacement prévu à cet effet et colla ses reins contre le bord du plan de travail pendant que Madeleine semblait se hâter de terminer sa boisson chaude pour déguerpir le plus rapidement possible. C’est à ce moment-là, sa gorgée de café à peine absorbée, qu’il décida de lancer la discussion. Il espérait simplement qu’il serait moins maladroit que dans ses premiers mots. « Madeleine ? » dit-il pour attirer son attention « J’ai l’impression que vous me fuyez depuis le premier jour et j’ai beau réfléchir, je n’arrive pas à identifier ce que j’ai fait de mal. Vous voudriez qu’on en parle ? »

@Madeleine Carson

Une autre journée, une nouvelle aventure ! La jeune Madeleine avait une routine établie depuis plusieurs semaines maintenant et ça avait quelque chose de rassurant pour elle. Ce n’était pas qu’elle n’aimait pas les surprises, au contraire ! Elle était comme tout le monde sur ce point, mais comment dire, elle aimait les surprises sollicitées ? Celles qui font plaisirs, quoi. Un exemple d’une mauvaise surprise ? Le jour où elle a découvert que Jules Sawyer, un vétérinaire du cabinet, était celui qui l’avait grandement inspiré dans son adolescence. Qu’est-ce qu’est-ce qu’elle avait fait la Madeleine ? A b s o l u m e n t rien d’intelligent. Elle n’arrivait tout simplement pas à enchaîné deux mots de suite en sa présence, elle devenait maladroite et inconfortable. C’était ridicule, avouons-le. Elle n’y pouvait rien, Madeleine ne savait tout simplement pas quoi faire avec lui, quoi lui dire, comment agir. Pour éviter toutes situations compromettantes, elle avait établi d’arriver toujours bien à l’avance, elle prendrait son café tranquillement, seule, et elle irait à son poste de travail. Comme ça elle n’aurait qu’à lui faire une poli forme de salutation lorsqu’il entrerait au travail. C’était là, la limite qu’elle avait trouvée pour patauger agréablement avec sa présence. Aujourd’hui aurait donc dû être une journée comme toutes les autres, mais alors qu’elle était de dos, posant ses mains autour du mug chaud, elle entendu le son de sa voix. Inutile de faire semblant qu’il parlait à quelque chose d’autre, elle était la seule dans la pièce. C’était évident. Elle sursauta, poussant même un léger cri de surprise. Il faut dire qu’elle ne s’attendait pas du tout à cette nouvelle surprise. ‘’Bonjour Dr. Sawyer...’’ S’étrangla-t-elle en n’osant pas se tourner vers lui, une vraie adolescente. Son Dieu devait certainement rouler des yeux de là-haut. Elle porta son mug à ses lèvres lorsqu’il s’excusa, histoire d’avoir à simplement émettre un son ricaneur. Un silence plus bruyant que tous les concerts rocks de la terre planait autour d’eux. Madeleine ne savait pas quoi dire, ni quoi faire, elle se contentait de prendre de généreuses gorgées pour vite finir son café. Elle remarqua du coin de l’œil qu’il s’appuya sur le bord du comptoir, portant son café à la main et là, oui, à cet instant, il franchi une ligne imaginaire. Il entama une discussion avec elle. Madeleine était piégée, elle n’aurait pas le choix de faire face. La future vétérinaire leva finalement les yeux vers lui et ses pupilles se planta sur lui. Madeleine avait ce côté chez elle, doux et déterminé, mais surtout respectueuse et c’était le minimum que de regarder une personne lorsque celle-ci tentait de discuter. Ainsi donc, malgré ses efforts, piètre ceci dit, il avait remarqué qu’elle ne cherchait pas sa compagnie, bon, de là à dire qu’elle le fuyait... Oui, Madeleine fait du déni. ‘’ Vous trouvez que je vous fuis ? Est-ce que vous aimeriez que je sois plus avenante avec vous ? Je m’entends plutôt bien avec Mia... Dr.Fletcher, mais je ne veux pas négliger mon travail auprès des autres. Il y a quelque chose en particulier que vous voudriez que je corrige ? ‘’ Plus elle parlait, plus Madeleine se trouvait ridicule. En tout cas, une partie d’elle se trouvait plus stupide. Elle lui décrocha un sourire qu’elle voulait convainquant. Maladroitement, le cœur battant si fort qu’elle se demandait s’il ne pourrait pas l’entendre, elle porta ses lèvres à son mug, ne le quittant pas du regard. ‘’ Je peux m’occuper de vos choses plus tôt aujourd’hui si ça peut vous rendre servir. ‘’ Naïvement, elle espérait vraiment qu’il parlait du travail, mais elle le savait qu’il lui parlait d’autre chose.

@Jules Sawyer

L’idée-même qu’on l’appelle « Docteur Sawyer » rendait Jules mal à l’aise. Bien il s’agissait de son patronyme et il en était fier. Plusieurs fois par jour, on l’évoquait comme si de rien n’était, mais là, il s’agissait de Madeleine, la secrétaire du cabinet qu’il considérait comme son égale. La loi des hiérarchies n’avait que très peu d’emprise sur le vétérinaire. Evidemment, il s’attendait à ce que le travail demandé soit fait, mais cela n’était que peu spécifique au rôle de Madeleine puisqu’il l’exigeait de tous ses collaborateurs et ce depuis qu’il avait quitté les bancs de l’école pour rentrer dans la vie active. Toujours était-il que le simple fait qu’elle préfère faire usage de son nom de famille plutôt que de son prénom créait une distance entre eux. Jules ne s’était finalement pas fait de films. Il poussa un soupire discret quand la jeune femme revint au sujet du travail. De ce côté-là, le trentenaire n’avait aucun reproche à lui formuler, tout était toujours fait en temps et en heure et la blonde était d’une incroyable efficacité. Il chercha ses mots un instant avant de sauter le pas. « Madeleine, je ne vous parle pas de travail » à peine sortie de sa bouche qu’il sentit que cette phrase l’entraînait sur une pente glissante. « Enfin, si, mais je n'ai rien à vous reprocher de ce point de vue » termina-t-il pour la rassurer. Si tel avait été le cas, il aurait sûrement été bien plus sec dans sa manière d’aborder les choses. « Le simple fait que vous appeliez le Dr. Fletcher par son prénom et que vous ne fassiez pas la même chose avec moi montre que quelque chose cloche ». Si ça se trouve, elle avait simplement oublié son prénom… Mais si cette hypothèse s’avérait vraie, elle aurait sûrement cherché dans les papiers du cabinet pour s’éviter un moment de honte. Jules était assez à l’aise pour cerner les gens et il sentait que Madeleine était de ceux qui faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour s’éviter une mise en lumière disgracieuse.

Il déposa son mug sur le plan de travail froid. « Je m’appelle Jules, si ça vous est sorti de la tête » dit-il à mi-chemin entre la remarque bienveillante et la contrariété. S’il était si insignifiant que ça au point qu’on en oublie son prénom… Toujours est-il qu’une part de lui savait qu’il n’avait pas réellement mis le doigt sur le vrai problème. « Je n’ai rien à vous reprocher sur le plan de l’efficacité, mais je vous trouve fuyante quand il s’agit d’une atmosphère détendue. J’ai peut-être fait quelque chose qui vous a gênée et dans ce cas, vous m’en voyez désolé, mais j’aimerais que l’on en parle afin que je ne reproduise pas la même erreur et qu’une ambiance légère embrume les murs de ce cabinet ».

Elle l’écoutait attentivement lui dire qu’elle faisait un bon boulot, mais que ce n’était pas vraiment de ça dont il voulait lui parler. Un frisson lui parcouru le corps. Elle prit une autre gorgée de café, comme s’il s’agissait de courage liquide pour affronter cette conversation. Madeleine a tellement focussé sur l’idée qu’elle ne voulait pas paraître pour une folle de se souvenir de lui, une partie d’elle-même se trouvait toujours étrange lorsqu’elle formulait cette pensée, qu’elle n’avait pas envisagé qu’il puisse lui-même ressentir un malaise à ce propos. Est-ce qu’elle lui portait un trop grand respect pour utiliser son prénom ? Peut-être. Il l’impressionnait par ce qu’il représentait pour elle, honnêtement la Madeleine n’avait jamais pris le temps d’analyser son malaise. Lorsqu’il lui répéta son prénom, c’était comme un couteau qu’on lui enfonçait dans le cœur. Un tourbillon de pensées tourna dans sa tête en imaginant une seconde qu’il pouvait réellement croire qu’elle ne connaissait pas son prénom. Premièrement, elle travaillait pour lui d’une certaine manière donc ne pas savoir le nom du vétérinaire lui semblait impossible, mais surtout, ça aurait été un manque complet de considération pour lui de ne même pas prendre la peine de connaître son prénom. À son tour, elle posa le mug, elle ouvrit la bouche pour parler, mais il continua sur sa lancer et elle le laissa tout simplement dire. Après tout hein, forcément il en avait sur le cœur à dire ! Elle prenait en considération qu’il ne devait pas apprécier l’ambiance qu’elle apportait, ce n’était pas non plus comme si c’était un grand cabinet, ils étaient trois en l’incluant dans l’équipe. Madeleine se sentait bien bête soudainement, comme quoi parfois nos émotions nous aveuglaient à ce point. Elle se sentait bien petite dans ses chaussures. ‘’ Je sais que vous vous appelez Jules. ‘’ La jeune fille avait retenu son prénom dès le premier jour de son embauche. Jules la regardait justement, il attendait certainement une réponse de sa part. Il n’avait pas dit tout ça pour se heurter à un silence. Avait-elle envie de fuir ? Absolument ! Toutefois, elle ne pouvait pas faire semblant qu’il n’avait pas été honnête envers elle. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire ? Madeleine n’avait pas été élevé dans un environnement qui encourageait la malhonnête et le mensonge, mais elle n’était pas non plus prête à s’ouvrir complètement. La chrétienne en elle trouvait raisonnable de faire un juste chemin. Jules méritait de savoir une partie de son embarras, elle pouvait se permettre de lui dire franc jeux le sentiment qu’il provoquait chez elle, mais elle n’était pas obligée de lui dire la source ! Madeleine lui fit un sourire timide. ‘’ Je comprends que la situation peut être désagréable, surtout que l’équipe n’est pas très grande, encore ! ‘’ Elle était optimiste concernant le futur du cabinet. ‘’ Je suis désolée si mon attitude envers vous vous à causer de l’inconfort, ça n’a jamais été mon intention, au contraire ! ‘’ Oh oui Jules, c’était bien tout le contraire ! ‘’ Vous n’avez absolument rien fait, mais vraiment, rien du tout. C’est tout simplement moi qui ne sais pas comment agir en votre présence. ‘’ Un petit silence ou elle le regarda droit dans les yeux, elle ne comprenait pas pourquoi, de son côté, c’était très envahissant et intime de fixé autant une personne lors d’une conversation. ‘’ Vous m’impressionnez. C’est tout. Aussi banal que ça, et je ne savais pas, je ne sais toujours pas, quelle attitude adoptée.’’ Au fond, c’était un peu un soulagement de lui dire ce qu’elle ressentait. Il l’impressionnait, c’était vrai. Elle le trouvait doué et elle l’écoutait souvent discuter et elle le trouvait drôle. Jules était plus âgé qu’elle aussi, ça rajoutait une couche, comme s’il en savait plus de la vie qu’elle et qu’il pouvait lui montrer le chemin. ‘’Je suis désolée, c’est bête, j’aurais dû vous en parler dès le début. En tout cas, ça nous aurait sans doute éviter pas mal de moments bizarres ! ‘’ .

@Jules Sawyer

Qu’elle ait oublié son prénom, aussi vexant cela puisse être, était la solution que Jules préférait : cela signifiait qu’il n’y avait aucun malaise entre eux et qu’il n’avait rien fait qui puisse la mettre dans un état de distance justifié. Quand elle lui affirma que ce n’était pas le cas, les doutes le remuèrent à nouveau. Elle savait son prénom, mais continuait pourtant à l’assommer de « Docteur Sawyer » chaque fois que la situation l’exigeait. Son visage retourné en sa direction devait en dire long puisque la jeune femme s’engagea dans une explication qui semblait bancale et s’excusa de son attitude, des excuses que Jules voulait bien entendre, mais qu’il aurait préféré ne pas avoir à confronter tant le moment n’était pas compatible avec son caractère. Au bout de quelques minutes d’explication, elle lui révéla ne pas savoir comment agir en sa présence et ces quelques mots laissèrent le vétérinaire très incertain. Qu’avait-il fait de si important pour qu’elle soit impressionnée ? Certes, son CV était plutôt fourni et en disait long sur le travail qu’il avait mis en œuvre pour en arriver là, mais de là à impressionner une jeune femme avec qui il travaillait tous les jours, il n’en revenait pas. Aussitôt, un vent de culpabilité parcourut ses pores : avait-il eu une quelconque attitude condescendante ? Ce n’était pas dans ses habitudes, mais il pouvait imaginer un malentendu. « Je vous… Je t’impressionne ? » dit-il les yeux écarquillés, la mâchoire basse, préférant le tutoiement pour l’instant. Certes, elle était secrétaire et lui docteur, mais il ne voyait là aucune relation de hiérarchie entre eux. Le tutoiement était de rigueur avec Mia depuis le premier jour et il s’attachait à ce qu’il le devienne avec Madeleine pour que cela soit plus agréable pour l’ensemble des membres de leur petite équipe. Il prit une respiration importante pour tenter de formuler une réponse qui soit à la hauteur de ce qu’il venait d’apprendre « Qu’est-ce que j’ai fait de si impressionnant ? Je ne suis qu’un simple être humain qui mange, boit et se douche, comme vous » rebondit-il en se limitant à la barrière de l’hygiène. Après tout, ils n’avaient peut-être pas grand-chose d’autre en commun. Le vouvoiement, revenu naturellement comme s’il n’arrivait pas à s’y mettre pour de bon sans avoir eu son aval, était de nouveau de la partie. « Peut-être qu’on pourrait commencer par se tutoyer, si ça ne vous dérange pas ? J’ai pas l’habitude de travailler dans des conditions aussi… sectaires. J’ai toujours traité mes collègues, qu’importe leur position, comme mes semblables ». Avec ces quelques mots, il espérait que l’ambiance entre eux serait rapidement plus détendue. Si ce n’était pas le cas, il ne lui restait plus beaucoup d’options.