life has bad humor (lova #1)

Passer d’une villa immense sur les hauteurs de Beverly Hills à un petit appartement de cinquante mètres carrés avec des voisins, c’est pas le plus simple, il faut bien l’admettre. Mes pères ont insisté pour que je vienne habiter à nouveau dans la maison où j’ai grandit, avec eux, le temps que je suis à Island Bay. Mais j’avais besoin d’être seule, et besoin aussi de prendre de la distance avec tout ce qui pourrait raviver mes souvenirs avec Scarlett. Elle est plusieurs fois venue passer des vacances ici, avec moi, chez mes parents. Alors vivre cloitrée dans un 50m carré, pas de soucis, c’est pas plus mal au final, ça aide pour l’introspection.
Mais même si l’appartement a été refait récemment, au départ de l’ancien locataire, mes parents étant les propriétaires de cet endroit, j’ai le droit de faire absolument ce que je veux. Et puis, refaire toute la déco, ça me change aussi un peu les idées. Alors je passe ma vie entre ici et le magasin de bricolage un peu plus loin, toujours bien camouflée derrière une casquette et des lunettes à faux triple foyers, derrière lesquelles je vois que dalle. J’ai même grand plaisir à trafiquer ma voix pour que rien ne donne l’alerte, j’ai pas envie qu’on me fasse chier ici. Même si jusque là j’ai eu plutôt de la chance avec mes fans, j’ai aucune envie d’en retrouver un devant ma porte. On n’est jamais trop prudent.
Aujourd’hui, c’est avec une plante immense, plus grande que ma propre taille - ce qui est un exploit - et franchement bien feuillue. Elle pèse son poids, en plus de ça. L’idéal ce serait que j’aille chercher mon skate et que je la foute dessus pour la faire rouler, mais ça ne m’aidera pas pour les escaliers. Bad idea. Je rassemble donc tous mes petits muscles, on peut pas dire qu’ils soient bien nombreux, et tente de porter la bête. Quelques mètres à peine, mais impossible d’aller plus loin. Faut que j’arrête de cloper, ça m’aidera peut-être. Bon, tant pis pour le sol du couloir, je vais tirer la bougresse jusqu’à mon appartement. J’entends du bruit en sens inverse, et je m’arrête, essoufflée, cachée derrière le feuillage épais de la plante. « Eh ! J’sais pas si t’as des biscotos à me louer pendant quelques minutes, je t’offre une bière ou un café à l’arrivée ! » Je vois pas trop si c’est un vieux un jeune, une fille ou un mec. C’est une voix féminine qui me répond par la positive, on continue de croire à la sororité.
Une fois arrivées devant chez moi, j’ouvre la porte et continue de tirer la plante pendant que mon acolyte la pousse, et une fois à l’intérieur, je m’étale sur le sol, peinant à retrouver mon souffle. « Wow, merci, j’pensais pas que ce serait l’enfer à ce point là d’adopter un arbre ! » Je me relève tout en retirant ma casquette et mes fausses lunettes, et je me décale enfin pour pouvoir remercier correctement la personne qui m’a aidée. C’est à cet instant que je regrette d’avoir demandé de l’aide. Bordel. Quelle était la probabilité pour que je tombe sur elle. Lexa. Vu son regard, pas sûre qu’elle m’ait oubliée. « Euhm.. bière ou café ? »

life has bad humor
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La journée a été productive, et le tournage de l'émission Danse avec les stars touche bientôt à sa fin. En commençant cette nouvelle aventure, je n'aurais jamais pu imaginer arriver jusqu'en finale. C'était totalement inespéré, et pourtant, finalement, je crois que c'est mérité. Ce n'est pas pour m'envoyer des fleurs ou quoi que ce soit, mais disons que je me suis transcendée pour toujours donner le meilleur de moi-même. J'ai travaillé d'arrache pied chaque semaine pour apprendre de nouveaux pas et mémoriser toutes les chorégraphies. Aloïs ne m'a pas épargné, et notre complicité n'est surement pas étrangère aux différents succès que nous avons rencontré au fil des prime. Je n'aurais pas pu tomber sur meilleur partenaire que lui, et honnêtement, je lui dois beaucoup. Il m'a aidé avec la danse, mais pas seulement. Il m'a aussi aidé à devenir une meilleure version de moi-même. C'est une très belle rencontre, au delà des caméras et de tout le reste. Et je ne dis pas seulement ça parce qu'il m'a autorisé à quitter les studios plus tôt que prévu aujourd'hui. Bon ok, sur le coup, je ne vais pas m'en priver. Les journées sont éreintantes et je n'ai pas beaucoup de temps pour moi... pour dormir non plus, mais ça, c'est un détail. Je vais pouvoir apprécier de rentrer à l'appartement, pour me vautrer dans ma chambre et ne rien faire. Les plaisirs simples de la vie sont les meilleurs n'est-ce-pas ? Enfin, ça, c'était l'idée de base avant de me retrouver coincée dans les couloirs de l'immeuble derrière... sérieux, je sais même pas ce que c'est. Ça ressemble à un gros truc vert, genre une plante gigantesque limite plus haute que moi. « Eh ! J’sais pas si t’as des biscotos à me louer pendant quelques minutes, je t’offre une bière ou un café à l’arrivée ! » Je n'ai littéralement plus de force dans les jambes, alors je ne suis pas sûre d'être d'une très grande aide mais on va faire avec. Elle a de la chance, je suis bien lunée aujourd'hui. « Euh... ouais pas de soucis. » La bière qu'elle m'a promise n'est pas passée dans l'oreille d'une sourde comme on dit. Et si je peux faire la BA de ma journée, c'est donnant-donnant. Après quelques longues minutes d'effort, nous arrivons finalement à destination dans le fameux appartement. J'ai l'impression d'être essoufflée comme une vache, paye ton glamour ! « Wow, merci, j’pensais pas que ce serait l’enfer à ce point là d’adopter un arbre ! » Je laisse échapper un rire amusé d'entre mes lèvres avant de déchanter en croisant finalement son regard... Morgan. Ou Love, comme elle se fait appeler maintenant. Merde. Qu'est-ce qu'elle fout là, dans cet appartement ? « Euhm.. bière ou café ? » Il y a comme un malaise pendant plusieurs secondes alors que mon cerveau, lui, fait un blocage. Je crois que je n'étais pas prête. « J'ai une tête à boire du café ? » Que je me contente de lui répondre, un petit sourire ironique au coin des lèvres. La Lexa pleine d'assurance reprend vite ses droits, pour ne rien montrer. « Attends, mais tu emménages vraiment ici ? » Juste en face de la colocation, de chez moi. On dirait bien, mais j'ai encore du mal à y croire. Le monde est petit, trop petit même. Et dire que je lui parle sur Lovemaker sans qu'elle ne se doute de quoi que ce soit...

J’aurai eu plus de chance de tomber sur un mec vraiment baraqué, plutôt que sur une gringalette. Je ne la vois pas encore, mais elle n’a pas l’air grande, vu la taille de ses mains. Précieuse aussi, vu ses ongles. Mais je ne crache pas sur son aide, et après tout, c’est gentil de sa part d’avoir accepté. Une fois chez moi, je me laisse tomber mollement sur le sol, le temps de prendre une bonne respiration, et découvrir enfin son visage. Et là, c’est le drame. Quelle était la probabilité pour qu’elle soit la fille que j’ai le moins envie de voir sur cette planète, et que ce soit elle qui me file un coup de main. « J'ai une tête à boire du café ? » Super, bonjour l’ambiance. J’arque un sourcil, et me dirige vers le frigo pour nous sortir deux bières. « Attends, mais tu emménages vraiment ici ? » Je prends un petit temps pour réfléchir à la réponse à apporter, tout en décapsulant les bières en question. « Emménager est un grand mot. » J’approche d’elle et lui tends la boisson promise, avant de porter la mienne à ma bouche, sans trinquer avec elle. Même si je lui suis reconnaissante de m’avoir aidée, je suis pas plus enchantée de la voir là. « J’avais besoin de me retrouver un peu seule, une introspection, tout ça… » Un deuil aussi, mais ça, je n’en parle pas. Je la laisse debout, ne lui proposant pas de s’asseoir, parce que connaissant le personnage, si elle a envie de s’asseoir, elle le fera sans me demander mon avis. C’est exactement comme ça que je la vois. Et puis, les quelques fois où j’ai pu tomber sur des rediffusions des émissions auxquelles elle a pu participer… merci mais non merci ! « Du coup, tu viens voir quelqu’un dans l’immeuble ou t‘habites ici ? » Ça fait un peu plus de deux mois que je suis là, j’ai plutôt joué les ermites, sans chercher à savoir qui pouvait bien vivre ici. Et je ne l’ai jamais croisée non plus en allant faire mes courses, ou mes balades de temps en temps.
Bref. « J’vais pas aller jusqu’à passer ma vieillesse ici, mais au moins, je déconnecte. » Elle sait un peu ce que c’est que d’être médiatisé, même si c’est pas vraiment le même niveau que moi. Je ne cherche pas à me comparer, faut pas croire…
Je ne suis pas super emballée de la voir là, dans mon salon, parce qu’on peut pas dire que je la porte vraiment dans mon coeur. Pourtant, je ne suis pas du genre rancunière, mais j’avoue qu’elle est sur la première place du podium des gens qui m’ont fait le plus de mal. Avec Raf, bien sûr, puisque depuis cette histoire, ils sont inséparables dans mon esprit. Remarque, j’aurai préféré qu’ils le soient vraiment, ça aurait été une raison de ne pas leur en vouloir, les âmes soeurs tout ça. Mais non, c’était juste pour foutre la merde…

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Pour une surprise, c'est une surprise. Combien il y avait de probabilités pour que la nouvelle voisine soit ma pire ennemie ? Enfin, ennemie est un bien grand mot. Disons que nous avons eu une histoire dans le passé - un petit conflit, pour être exact. A l'époque du lycée, j'ai malencontreusement couché avec son mec lors d'une soirée un peu trop arrosée. Ce n'était pas vraiment volontaire. Enfin si, j'étais consciente de mes actes, bien sur, mais j'étais sans doute un peu trop alcoolisée pour être vraiment lucide. Sur le moment, je me rendais pas compte du mal que j'étais en train de faire. De lui faire. Après ça, son couple a évidemment volé en éclat et j'en étais l'entière responsable. Quoique... Rafael était tout aussi responsable que moi non ? Je veux bien porter le chapeau, mais faut pas déconner non plus ! Ce n'est pas de ma faute si c'était un connard. C'était il y a longtemps, on peut dire qu'il y a prescription maintenant... ou pas. « Merci. » Je récupère la bière qu'elle me tend. « Emménager est un grand mot. » Pourtant, ça en a tout l'air. Si elle prend la peine de faire des travaux et de s'acheter une plante, ce n'est sans doute pas pour rien. « J’avais besoin de me retrouver un peu seule, une introspection, tout ça… » C'est ce que j'avais cru comprendre en discutant avec elle sur l'application. Je savais en tout cas qu'elle était de retour dans le coin. Mais de là à imaginer qu'elle puisse vivre dans l'appartement en face du mien... non, impossible. « Du coup, tu viens voir quelqu’un dans l’immeuble ou t‘habites ici ? » Un rire jaune s'échappe alors d'entre mes lèvres. « J'habite juste en face. » Que je laisse échapper dans un soupir un peu dépité. Ces dernières semaines, je n'ai pas souvent été là, et même si mes colocataires m'ont prévenu qu'il y avait quelqu'un dans l'appartement en face, je ne me doutais pas un seul instant que ça pouvait être elle. Non mais sérieusement ? C'est le karma ou quoi ? J'ai l'impression que le destin veut me faire passer un message. Comme s'il cherchait à se jouer de moi, comme je suis justement en train de me jouer d'elle sur Lovemaker. « Je vis en colocation avec deux autres mecs. » Qui sait, peut-être qu'elle a déjà eu l'occasion de les croiser. Même si j'essaye de rester de marbre pour ne rien montrer, il faut avouer que je ne suis pas vraiment super à l'aise, là, tout de suite. Je me sens un peu prise au dépourvu, et je ne sais pas exactement comment réagir. « Mais rassure toi, je suis souvent en vadrouille. Avec un peu de chance, tu n'auras pas à me recroiser. » Je joue la carte de la nana détachée, qui essaye de dédramatiser la situation comme si rien ne pouvait réellement l'atteindre. Mais c'est aussi un bon moyen de prendre la température pour savoir comment elle se positionne face à moi ?

J’arrive pas à croire que Lexa Herrman est dans mon appartement. C’est complètement surréaliste. L’air de rien, sans qu’elle ne me voit, je me pince la peau du poignet pour être sûr. C’est sûr, j’ai mal. Je sais pas trop si j’emménage vraiment ici. Oui, c’est à ça que ça ressemble d’un oeil extérieur, c’est vrai. Après… je sais pas combien de temps ça va durer, j’ai juste besoin d’être un peu tranquille. En parlant de tranquillité, je lui demande ce qu’elle fait là, de manière plus ou moins classe. J’essaie de faire un effort, même si clairement, ça ne m’enchante pas des masses qu’elle ait foutu les deux pieds chez moi. La prochaine fois, je regarderai derrière ma plante avant de demander de l’aide. Si j’avais vu que c’était elle, je me serai planquée plus longtemps le temps qu’elle passe son chemin, et me serai pété le dos pour rentrer ma plante toute seule comme une grande. Comme quoi, demander de l’aide c’est pas toujours une bonne chose quand on y pense. « J'habite juste en face. » dit-elle après avoir ricané comme une petite sorcière. Vile personnage. Juste en face. Putain de karma de merde ! Je me racle un peu la gorge. Ouais, ça pouvait pas tomber plus mal. Je note. « Je vis en colocation avec deux autres mecs. » Je hoche un peu la tête, encaissant les informations. Peut-être que j’en ai croisé un des deux, ou peut-être les deux. J’avoue que je n’ai pas fait trop attention non plus puisque je sors assez peu depuis que je suis dans les parages. « Mais rassure toi, je suis souvent en vadrouille. Avec un peu de chance, tu n'auras pas à me recroiser. » Nouveau hochement de tête, c’est comme ça que je communique quand je suis perturbée. Fais un effort Love, bordel ! « Ouais j’ai vu… » Je lis l’interrogation dans son regard. « Ton émission de danse… Je suis tombée dessus par hasard l’autre jour… » Je vais quand même pas lui dire que je l’ai trouvé très bien et qu’elle se débrouille à merveille. Et encore moins que j’adore les filles qui dansent bien. Claiiiirement pas. « Du coup j’imagine que t’as pas mal de répétitions et tout… » Je bois deux ou trois bonnes gorgées de ma bière pour faire passer la pilule. Lexa. Ma voisine. « D’ailleurs, ça m’étonne qu’avec ta notoriété, tu vives dans un appart ici avec des colocs. » C’était plutôt une pensée adressée à moi-même, mais il faut croire qu’elle est sortie de ma bouche sans que je ne contrôle grand chose. Je sais même pas pourquoi j’essaie de tenir la conversation. Parce qu’elle m’a aidée ? Franchement, je ne la porte pas dans mon coeur. Ça n’a jamais été le cas de toute façon, les filles comme elle j’ai plutôt tendance à les fuir à vrai dire. Est-ce qu’elle n’aurait pas une soirée à organiser chez elle, histoire de débarrasser le plancher ?

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A la base, si j'ai aimé son profil sur Lovemaker, c'était pour le fun. Même si elle est inscrite en "anonyme", je savais que c'était elle qui se cachait derrière cette photo de Converse. Et je sais pas trop pourquoi, mais je trouvais ça marrant de venir lui parler sans qu'elle sache en retour qu'il s'agisse de moi. Par contre je ne m'attendais pas vraiment à ce que l'histoire se poursuive au delà des premiers messages. Au fil des notifications, le feeling est devenu évident, et je n'ai pas réussi à arrêter. C'est un peu étrange de savoir que nous sommes voisines, maintenant. Et que nous sommes même en train de partager une bière ensemble. Si j'avais su que c'était elle derrière cette plante, je n'aurais peut-être pas accepté de lui venir en aide. « Ouais j’ai vu… » Je la regarde d'un air perplexe sans trop comprendre là où elle veut en venir. « Ton émission de danse… Je suis tombée dessus par hasard l’autre jour… » Ah. C'est vrai que je ne passe pas inaperçue en ce moment, que ce soit sur les réseaux ou ailleurs. « Du coup j’imagine que t’as pas mal de répétitions et tout… » Je me contente d'un hochement de tête avant de répondre. « Oui c'est un peu le rush en ce moment. » C'est le moins que l'on puisse dire. Entre les répétitions, le tournage, et les prime... je ne chôme pas. Mais je ne m'en plains pas, cette expérience est merveilleuse ! Je n'aurais jamais pensé vivre de telles émotions en si peu de temps. Au delà de la danse, c'est une partie de moi-même que j'ai appris à découvrir grâce à cette émission. « D’ailleurs, ça m’étonne qu’avec ta notoriété, tu vives dans un appart ici avec des colocs. » Et elle, alors ? « Je peux dire la même chose de toi. » Enfin, sans la partie colocation bien sûr. « C'est un choix personnel, je ne me voyais pas vraiment vivre dans un grand appart' toute seule. » Financièrement parlant, c'est vrai que je pourrais me permettre de vivre ailleurs. Mais ce n'est pas pour partager les frais que je fais ça. Comme j'ai déjà pu lui dire sur l'application, la solitude est l'une de mes plus grandes peurs. Rien que le fait de m'imaginer seule entre quatre murs, j'ai des bouffées d'angoisse ! Je préfère encore supporter le côté maniaco-dépressif de Jules. J'en profite alors pour boire une nouvelle gorgée de ma bière. Une fois que celle-ci sera terminée, il n'y aura plus de raison de continuer à se faire la conversation. Et pourtant, quelque chose me pousse inconsciemment à vouloir rester encore un peu avec elle. Je suis vraiment bizarre quand même. « Et toi alors ? Comment se passe ta vie de paillettes à Hollywood ? » Tout le monde connait Love Stewart maintenant. « On est toutes les deux bien loin de celles qu'on pouvait être au lycée hein ! » Ajoutais-je dans un rire amusé. Qui aurait cru à l'époque que nous en serions là aujourd'hui ? Mais je ne m'en rends pas compte tout de suite qu'en disant cela, je ramène maladroitement les souvenirs du passé au premier plan...

« Oui c'est un peu le rush en ce moment. » lâche-t-elle d’un air détaché. Je vois, je vois. Enfin, j’imagine plutôt, mais je n’ai pas nécessairement envie de poursuivre dans le sens de cette conversation. Je ne voudrais pas qu’elle imagine que je m’intéresse à sa carrière, parce que ce n’est pas le cas. Je lui fais part de mon étonnement qu’elle vive dans un petit appartement avec des colocataires, si elle est si connue que ça. Enfin autant, être influençeuse, ça amasse pas mal d’argent, mais j’imagine que la notoriété qu’elle a dû gagner avec cette émission de danse, ça a dû foutre un gros coup de boost à son compte en banque. « Je peux dire la même chose de toi. » me répond-elle du tac au tac. Ok, c’est de bonne guerre. « C'est un choix personnel, je ne me voyais pas vraiment vivre dans un grand appart' toute seule. » Je hoche un peu la tête. Je crois que je peux comprendre. Vivre seul, c’est pas toujours évident. Même dans ma grande villa sur les hauteurs de Los Angeles, je ne suis jamais vraiment seule. Entre mon père qui rôde, mes amis, et Scarlett… Enfin, ça, c’est de l’histoire ancienne. Voilà aussi pourquoi j’avais besoin de me retrouver vraiment seule.
Un silence vient nourrir notre échange, ou plutôt non-échange, à ce moment là. Mais Lexa le brise sans trop tarder. Et tant mieux, ça commençait à devenir pesant. « Et toi alors ? Comment se passe ta vie de paillettes à Hollywood ? » Je hausse les épaules. Si elle demande, c’est qu’elle doit savoir, un minimum. Je sais que tout le monde ne me connaît pas, mais Lexa bosse elle aussi avec/pour Netflix, on a les mêmes patrons, entre autre. « Ça va. Enfin là j’ai pris une pause un peu, j’en avais besoin. » Je n’ai aucune envie de lui dire la raison de mon besoin de me retirer quelques mois des médias. Elle n’a pas besoin de savoir. « On est toutes les deux bien loin de celles qu'on pouvait être au lycée hein ! » Son rire a une légère tendance à m’irriter. Je ne vois pas trop ce qui est drôle. A cette époque, elle a ruiné mon couple avec ce mec que j’aimais. Ok, peut-être que s’il m’aimait autant qu’il le disait, il n’aurait pas couché avec elle. Mais si elle ne lui avait pas montré son cul toute la soirée, il n’aurait probablement pas flanché. Merde Love, calme-toi. « Ouais, j’espère que t’as passé l’âge de briser les couples que tu croises… » C’est sorti tout seul. Je ne suis pas du tout du genre à balancer des vacheries, mais en ce moment, je dois dire que je ne suis pas aussi positive et joviale que je le suis en règle générale. Je bois trois bonnes gorgées de ma bière avant de reposer les yeux sur elle, en silence. J’ai lâché un bombe. En même temps, elle s’attendait à quoi ? Que je l’accueille les bras ouverts, avec le sourire, et que je lui dise merci d’avoir foutu un putain de bordel dans ma vie et dans mon coeur ? Ok, c’était y’a longtemps, mais quand même… « Ça va, ils sont sympa des colocs ? » Comment tenter de changer de sujet, le plus maladroitement du monde.

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Il y a deux parties de moi, deux visages. Celui que je m'efforce de montrer au reste du monde pour sauver les apparences, et l'autre. Celui qui se rapproche plus de la réalité, de la vérité. Mais je préfère me protéger derrière cette foutue carapace. C'est surement ridicule, mais c'est plus fort que moi. Je ne sais vivre que comme ça. Et mon métier n'arrange rien à ma situation, puisqu'il est basé uniquement sur les apparences. Dans la société d'aujourd'hui, il n'y a plus que ça qui compte. Alors oui, je m'adapte pour me fondre dans la masse. Ou peut-être même pour réussir à sortir du lot, plutôt. C'est là tout le challenge de ma vie. Et quoi de mieux pour ça que de se faire remarquer ? Au lycée, je jouais déjà le rôle de la blonde insupportable, égocentrique et superficielle. C'est ce personnage qui m'a permis d'arriver à percer sur les réseaux sociaux. Et maintenant dans le monde de la télévision. Et même si j'ai mûri, cette Lexa n'est jamais très loin. C'est toujours compliqué de jouer un rôle devant les caméras, et de ne pas finir par se perdre. Au final, il m'arrive parfois de penser que je suis réellement cette fille là. Pourtant, sur Lovemaker, avec elle, je suis différente. Et quelque chose me dit que sur cette application, elle arrive à m'apprécier à ma juste valeur. Si elle savait... « Ouais, j’espère que t’as passé l’âge de briser les couples que tu croises… » Ok, je vois qu'elle est encore sur cette histoire. En même temps, ce n'est pas tellement une surprise. A l'époque du lycée, nous n'étions pas les meilleures amies du monde. Et à partir du moment où j'ai couché avec son mec, c'était fini. Comment enclencher la troisième guerre mondiale en une leçon. « Ça va, ils sont sympa tes colocs ? » J'aime sa tentative de changer de sujet comme si de rien n'était. « Oui ça va, je n'ai pas trop à me plaindre. » C'est plutôt eux qui sont à plaindre si on part de ce principe là. C'est surement ce que la jeune femme est en train de penser d'ailleurs. « Il n'y a toujours pas prescription ? » Que je demande pour relancer le sujet tout en haussant les épaules comme si ça n'avait plus vraiment d'importance à présent. C'est bon, cette histoire devrait être révolue depuis des années déjà. J'ai mûri depuis l'époque du lycée, enfin un peu, et même si je ne suis pas fière de ce que j'ai fait, c'est de toute façon trop tard pour faire machine arrière. « Non parce que depuis le temps quand même, ça serait bien de passer à autre chose. » Ok, c'est peut-être un peu gonflé de ma part de dire ça mais qu'importe. « Rafael n'était pas l'homme de ta vie. Qu'il couche avec moi aura au moins réussi à te faire ouvrir les yeux sur son compte... » Il faut voir le côté positif des choses. Ce n'était pas quelqu'un pour elle, et ça, il ne fallait pas être un génie pour s'en rendre compte.

Je ne peux m’empêcher de faire une remarque acerbe, quand Lexa me parle de nos changements de vie. C’est vrai, on a beaucoup évolué, en tout cas au niveau de nos carrières. Mais j’espère au moins qu’elle a changé aussi et qu’elle n’est plus du genre à voler les petits amis ou petites amies des autres. Parce que, tout comme moi, Lexa aussi s’est ouverte aux femmes avec le temps. Finalement, on a pas mal de points communs, je refuse simplement de le voir. Mais je tente de changer de sujet pour ne pas non plus trop plomber l’ambiance. Elle m’a filé un coup de main, je ne vais pas la chasser à coup de langue de vipère. « Oui ça va, je n'ai pas trop à me plaindre. » répond-t-elle naturellement, avant de reprendre, sans plus tarder. « Il n'y a toujours pas prescription ? » Je serre un peu les dents. Est-ce que je suis censée la rassurer et passer l’éponge ? Lui dire qu’effectivement, c’est vieux, et que je ne lui en veux plus ? Je ne crois pas, non. « Non parce que depuis le temps quand même, ça serait bien de passer à autre chose. » Je commence à sentir la colère gronder à l’intérieur de moi, et cette saleté continue sans à peine prendre une respiration. « Rafael n'était pas l'homme de ta vie. Qu'il couche avec moi aura au moins réussi à te faire ouvrir les yeux sur son compte... » « Mais pour qui tu te prends ? » Elle a été trop loin, il faut arrêter de se foutre de ma gueule là ! « Que ce soit l’homme de ma vie ou pas c’était déjà pas à toi d’en décider. Et on parle de respect en fait, avant le reste. » C’est surtout ça qui m’a rendue dingue. Qu’elle en ait rien à foutre de savoir qu’il soit en couple. Ok, c’était un connard pour me faire ça, mais elle aussi c’en était une. Et visiblement, vu sa manière de réagir, faut vraiment croire qu’elle a pas changé. « Mais je vois que si ta carrière a évolué, pas ta mentalité. C’est moche. » Elle est même pas foutue de s’excuser. Je suis pas sûre que j’aurai pris ses excuses quoi qu’il arrive, mais ça aurait été au moins une manière de montrer qu’elle a vraiment changé. Ce n’est pas le cas. La pauvre. Ça me ferait presque de la peine pour elle. « Enfin… si toi tu estimes que je dois te remercier de m’avoir ouvert les yeux sur le mec avec qui je sortais, parce qu’il était pas fait pour moi, mais MERCI ! » Je lève les mains au ciel, sentant que je commence à l’énerver. Calme-toi, Stewart.

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Le passé me rattrape, et mes démons ne sont finalement jamais très loin. C'est ça le problème avec moi : quand j'ai l'impression de faire un pas en avant, il ne faut pas longtemps pour que j'en fasse de nouveau trois en arrière. Comme un éternel recommencement. Je ne voulais pas en arriver à parler de cette histoire. Mais elle a commencé à me lancer une pique, et je n'ai pas pu m'empêcher de lui répondre. C'est bien connu, l'attaque est la meilleure des défenses. Surtout avec moi, puisque c'est le seul moyen de me protéger. J'ai toujours ce besoin maladif d'avoir le contrôle de la situation. Comme si c'était la seule option possible pour me sentir en sécurité. Toujours, envers et contre tout. Être vulnérable est à mes yeux la pire des faiblesses. Alors je préfère rester forte, garder la face, sauver les apparences pour ne surtout rien montrer. Si Morgan a pu entrevoir une faille dans le système 'Lexa' sur Lovemaker, elle n'est heureusement pas au courant de la supercherie. Et finalement, ce n'est pas plus mal comme ça. Je ne suis de toute évidence pas certaine qu'elle pourrait vraiment croire qu'il s'agit là de la même personne. Bref, ce n'est pas le sujet. « Mais pour qui tu te prends ? » Ok, je crois que je suis allée un peu trop loin. Encore. « Que ce soit l’homme de ma vie ou pas c’était déjà pas à toi d’en décider. Et on parle de respect en fait, avant le reste. Mais je vois que si ta carrière a évolué, pas ta mentalité. C’est moche. » Touché. Elle a du répondant, et en réalité, c'est ce que j'ai toujours apprécié chez elle. C'est toujours plus amusant de s'attaquer à quelqu'un de taille. « Enfin… si toi tu estimes que je dois te remercier de m’avoir ouvert les yeux sur le mec avec qui je sortais, parce qu’il était pas fait pour moi, mais MERCI ! » Là, je crois qu'elle est vraiment en colère. « Mais de rien, c'était un réel plaisir ! » Et pourtant, je continue de rentrer dans son jeu. Il faudrait que j'arrête, mais c'est plus fort que moi. Maintenant que les lignes ont été franchises, il est difficile de faire machine arrière. « Imagine, peut-être que sans moi, tu serais encore avec lui aujourd'hui... quel gâchis ! » Pour le coup, ce n'est pas qu'une histoire de provocation, je le pense vraiment. Elle méritait beaucoup mieux que lui. Et je reste persuadée qu'elle n'a rien perdu. « Merci quand même pour la bière. » C'est ironique, et en même temps, vu la situation... je me vois mal rester plantée là, devant elle, plus longtemps.