you taste like summer → hakon

Avoir une piscine dans son jardin, c’est vraiment cool. C’était d’ailleurs la seule exigence d’Iggy au moment de choisir sa villa. Oui, mais il n’empêche que depuis, elle n’allait pratiquement plus jamais à la plage. Alors qu’elle habitait pourtant tout à côté. Plus besoin de prendre la voiture ou la moto depuis center bay, non, il n’y avait qu’à faire quelques pas. Et il s’avère que, ce jour-là, elle n’avait rien trouvé de mieux à faire alors pourquoi ne pas aller se balader un peu sur la plage ? En solo. Elle aurait donné raison à Charli qui la pensait solitaire et sans amis. Enfin, Iggy n’était pas sans amis : elle avait Sam et… Peut-être Jimmy ? Elle n’était pas bien sûr de la case où le placer, celui-ci. Il avait tout de même mis son yacht à sa disposition pour qu’elle apprenne à le naviguer, alors… Ça, c’était le genre de choses que l’on faisait entre amis, non ? Bien qu’elle ne lui accorde aucune confiance et qu’elle savait pertinemment que lui non plus. Bref, ce n’était pas qu’elle n’avait pas d’amis, c’est qu’elle se montrait particulièrement sélective. Et puis, à quoi bon se faire des amis si vous n’êtes même pas sûrs de pouvoir les revoir un jour ? Voilà ce qu’elle s’était dit tout au long de sa vie. Mais ça, ça ne tenait plus depuis qu’elle s’était enfin posée. Quoi que ça veuille dire.

Bref, perdue dans ses pensées, elle marchait au bord de l’eau, les vagues venant lui lécher les pieds de leur rythme régulier. Sous son short et son t-shirt, Iggy avait quand même enfilé son bikini, au cas où l’envie de piquer une tête lui prendrait, mais malheureusement pour elle, l’océan n’était pas chauffé comme l’était sa piscine. Tant pis, elle se contenterait donc de cette petite balade. L’air marin lui faisait le plus grand bien, qui plus est. Lorsqu’elle releva les yeux vers l’horizon, elle fut aveuglée par un rayon de soleil venu frapper la surface réfléchissante d’une caravane. Intriguée, elle mit sa main en visière pour mieux observer l’engin. Une caravane ou un mobil home posé comme ça, sur la plage. Elle se demanda si l’occupant habitait là depuis longtemps ou s’il était seulement de passage. Depuis que le père de sa fille avait décidé de s’acheter la villa voisine de la sienne, elle avait de plus en plus envie de revendre la sienne pour s’installer dans une petite cabane de plage, un peu comme ici. Si seulement il n’y avait pas sa piscine… La porte s’ouvrit alors et Iggy crut à un mirage. Elle connaissait la personne qui en sortit. Elle la connaissait pour l’avoir étudiée puis lui avoir passé la bague au doigt avant de faire ce qu’elle savait faire le mieux : lui piquer son fric. Hakon. Ce jeune homme avait la particularité de lui avoir plu malgré tout, le temps que ç’avait duré entre eux, il ne se comportait pas comme les autres riches. Tant et si bien qu’elle avait éprouvé quelques regrets. Mais… Les affaires sont les affaires. Le temps d’une seconde, leurs regards se croisèrent et, prise de court ainsi qu’un peu de panique, Iggy tourna les talons et pressa le pas pour retourner d’où elle venait.

Iggy se figea au « hé toi ! ». Evidemment qu’il l’avait vue, leurs regards avaient eu le temps de se croiser. Bon, eh bien il faut parfois savoir assumer les conséquences de ses actes et c’était un de ces moments. Elle se retourna tout sourire, prête à faire comme si de rien n’était, quelque chose « tiens, salut Hakon, ça fait un bail ! Comment vas-tu ? » sans mentionner ne serait-ce qu’une seule fois le fait qu’ils aient été très brièvement mariés à une époque. Encore moins l’épisode où elle s’était envolée avec une bonne partie de sa fortune. Mais le jeune homme la devança en lui demandant si elle s’était perdue. Et cette question ressemblait à une question tout ce qu’il y a de plus banal ; pas le moindre sarcasme dans la voix, pas une étincelle d’animosité dans le regard.
« Pas vraiment, je me balade juste. »
D’un geste du doigt, elle désigna la caravane.
« C’est chez toi ? »
S’il répondait que oui, alors elle pourrait s’en servir comme prétexte pour son brusque changement de cap. Il lui semblait bien qu’une des villas voisines de la sienne avait sa propre plage privée… Cons de riches ; comme si une piscine ne suffisait pas à étaler sa richesse. Bien que ça ne soit pas pour cette raison qu’elle avait acheté la sienne mais bien pour pouvoir en profiter tous les jours. Ou pas. Quand elle le voulait. Puis son ex-mari poursuivit et la suite eut le don de la scier sur place. Croyez bien que ça n’arrivait pas souvent, qu’Iggy pensait avoir tout entendu et tout vu mais elle n’avait jamais, ô grand jamais, pensé qu’on puisse l’oublier un jour ou l’autre. Surtout après un coup pareil. Car c’était bien de ça qu’il s’agissait, n’est-ce pas ? D’un oubli. A moins qu’Hakon soit vraiment un excellent comédien. Ce dont elle ne croyait pas se rappeler. Mais pour le coup, elle avait escroqué tellement de riches au cours de sa carrière qu’il n’était pas exclu qu’elle s’emmêle les pinceaux. Cependant, ce jeune homme-là était singulier ; il se différenciait pas mal des autres, au point que pour la toute première fois, Iggy avait éprouvé quelques remords après l’avoir volé. Enfin, pas de quoi l’empêcher de dormir non plus, vous vous en doutez. C’était certes désarçonnant mais pas dénué d’intérêt. Bien au contraire, il lui mâchait plutôt le travail. Le temps de trouver quoi répondre à cela, elle se mit à rire.
« Dans un de tes rêves ? Crois-le ou non, c’est la première fois qu’on me sort ça, ce qui fait que je me demande si c’est une bonne ou une mauvaise technique de drague. »

Ainsi, c’était vraiment là qu’il vivait ; dans cette caravane posée à même le sable d’un quartier bien trop riche pour voir ce genre d’habitations en dehors d’un éventuel spectacle itinérant qui se serait momentanément installé dans le coin. Un sourire en coin étira ses lèvres au même moment qu’une pointe de culpabilité la piquait. Iggy espérait que ce n’était quand même pas de sa faute. Et d’un autre côté, elle ne pouvait s’empêcher de trouver que ça lui collait parfaitement, à Hakon. Là-dessus, il eut cet air de sortir tout droit d’une rêverie qu’elle lui connaissait bien et lui demanda si cette technique de drague faisait son effet. Elle ne réprima pas un petit rire et examina la question. Avant de le détailler de la tête aux pieds. Il n’avait pratiquement pas changé, juste gagné un peu en maturité. En tout cas physiquement car pour ce qui était du reste, il avait l’air de rester égal à lui-même.
« Ça se pourrait ! »
Non, Iggy n’y allait jamais par quatre chemins. Bien qu’elle estime qu’elle s’était suffisamment acharnée sur lui et qu’il n’était plus question qu’il figure un jour sur sa liste de potentielles futures victimes.

Suite à quoi, le jeune homme se présenta – comme s’il était possible de l’oublier. Et d’ailleurs, nous passerons sur le fait qu’elle-même puisse l’être. D’accord, elle savait que c’était dans son intérêt et elle s’efforçait d’être oubliable à la seconde où elle quittait le champ de vision de sa dernière proie en date mais tout de même, elle n’aurait pas cru que c’était à ce point possible – puis sa chienne. Iggy se pencha pour venir tapoter doucement la tête d’Hela car ce n’était pas parce qu’elle n’avait pas d’animaux qu’elle ne les aimait pas. Mais bon, disons qu’une fille lui étant tombé dans les bras sans crier gare, c’était bien suffisant. Puis, selon les us et coutumes de leur société, elle se sentit obligée de se présenter un instant et faire connaissance avec le chien l’aida à dissimuler son hésitation sur la marche à suivre ensuite.
« Ivy. »
Bien sûr, ce n’était pas son vrai nom qu’elle lui avait donné du temps où ils se fréquentaient assez pour se marier sur un coup de tête, mais elle préférait que ça reste ainsi. Puis elle ajouta :
« J’ai traîné quelque temps à Auckland moi aussi, il se peut que ça soit là qu’on se soit croises plutôt que dans un rêve. »
Ce qui n’était pas tout à fait un mensonge, bien que ça soit en Italie qu’ils se sont rencontrés. Mais on ne sait jamais, si la mémoire finissait par lui revenir, Iggy préférait ne pas en être la raison.

Oublier quelqu’un à qui on s’est un jour marié c’est… Spécial ? Pour être honnête, ça n’était encore jamais arrivé à Iggy jusqu’ici. Et pourtant, elle s’était mariée un paquet de fois au cours de sa vie. Moins ces dernières années, il est vrai, et peut-être que certains de ses ex-maris auront fini par l’oublier, mais… Elle en doute quand même. Vous pourriez oublier quelqu’un qui a tout mis en place pour vous prendre en flagrant délit de tromperie et partir avec la moitié de votre fortune, vous ? Iggy non, en tout cas. Mais Hakon était un cas particulier. A bien des égards, d’ailleurs. Loin d’être comme tous les autres riches, déjà. Et elle ne saurait dire pourquoi exactement, mais le voler avait fait peser une certaine culpabilité sur ses épaules alors que ça n’avait jamais été le cas jusque-là. Le seul avec qui elle avait utilisé une méthode un peu différente aussi. Tout ça pour dire que ça ne l’étonne guère qu’il se souvienne enfin d’elle. Peut-être même qu’elle préférait qu’il en soit ainsi car elle aurait trouvé le contraire très peu flatteur. Bref, après quelques instants, il s’assit et attendit une réponse.
« Je crois bien que ça me dit quelque chose, oui. »
Elle n’allait pas essayer de nier, ça n’aurait servi à rien étant donné qu’il se souvenait. Un long soupir s’échappa d’entre ses lèvres puis elle s’assit dans le sable pas encore trop humide à cette heure.
« Comment tu vas, depuis le temps ? C’est sympa, la vie en caravane ? »
Aucune ironie dans sa voix. Dans un premier temps parce qu’elle savait que c’était sympa, elle avait passé une longue période de sa vie toujours sur les routes et maintenant… Disons que l’idée de s’y remettre ne lui déplaisait pas le moins du monde. Et dans un second temps parce qu’elle s’en inquiétait vraiment. Elle espérait qu’Hakon aimait ça autant qu’elle et que ça ne le dérangeait pas trop de ne pas vivre dans une villa digne de celles qu’ils pouvaient apercevoir à l’horizon. Si vous vouliez son avis, les villas c’était très surfait et si ça n’avait pas été pour la piscine, elle s’en serait bien passé, en ce qui la concernait. Elle ne visitait jamais la moitié des pièces tant il y en avait qui ne servaient à rien. Des chambres d’amis ? Pourquoi faire ? Quand on est comme elle, on ne veut pas tant d’amis.

Pas de voisins, le rêve. Et puis ce n’est pas parce qu’il vit dans une caravane que c’est triste ; Iggy a bien grandi dans un mobil-home, passant de ville en ville sans jamais avoir à se soucier de revoir les mêmes têtes tous les jours. Une vie qui lui manquait, en un sens. En beaucoup de sens à vrai dire et si ça n’avait pas été pour Ash, elle aurait repris sa vie d’avant depuis bien longtemps. Quitte à délaisser sa piscine. Alors non bien sûr, elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle l’envie. Seulement cet aspect de sa vie. Toujours est-il qu’elle acquiesça. Puis il s’enquit de ce qu’elle avait pu devenir de son côté, supposant qu’elle menait la belle vie. Ah bon ? Et pourquoi ? Parce qu’elle était riche à ne plus savoir qu’en faire ? Iggy était un exemple frappant du fait que l’argent ne faisait pas le bonheur. Parce que si tel était le cas, elle arrêterait les arnaques et ça ne lui manquerait pas le moins du monde, non ? Pourtant, ça la démangeait toujours un peu, au fond. Quelque part, Iggy avait l’impression d’être une éternelle insatisfaite. Elle ne se satisfaisait pas de sa vie de foraine, de sa vie de voleuse, de sa vie de riche, de sa vie d’épouse et encore moins de sa vie de mère. D’un air vague, elle haussa les épaules.
« Oh tu sais, j’ai pas de quoi me plaindre. »
Puis elle désigna une direction, celle d’où elle venait.
« J’habite un peu plus loin depuis quelques années déjà. »
Depuis son divorce, en fait. Celui qui avait compté et qui en plus l’avait pas mal blessée, pas les autres.
« Et j’ai des voisins mais je ne les vois pratiquement jamais. Si bien que je serais bien incapable de dire à quoi ils ressemblent. »
Était-ce bien judicieux de donner ce genre d’informations à Hakon ? Rien n’était moins sûr. Si ça se trouve, la première chose qu’il ferait en rentrant dans sa caravane serait d’appeler les flics pour leur signaler sa position. Mais Iggy n’y croyait pas. Et quand bien même le ferait-il que ça ne serait pas la première fois que la police l’interrogerait sans parvenir à la coincer derrière les barreaux pour autant. Puis ça serait un bon prétexte pour elle de remettre les voiles.
« T’as pas l’air de m’en vouloir pour le sale coup que je t’ai joué, c’est plutôt cool. »
Oui, ça sortait de nulle part, en effet.

Même si Hakon vit sur ce petit bout de terre, éloigné des grandes maisons, mais toujours sur un morceau de la plage, il aime bien vivre ici, il n'est pas à plaindre. Il sait que cela ne cadre pas tellement avec le luxe de South Bay, mais c'est pour cela qu'il n'est pas totalement à côté de ces demeures, le détachant du centre du quartier pour les riches. Par contre, il s'est déjà invité à un barbecue pour bourgeois, après tout, tout l'arrondissement était invité, alors, pourquoi pas lui. C'était au tout début de son arrivée, ce qu'il se souvient de cette journée ? Il y avait que la nourriture de mangeable, les conversations n'étaient, en aucun cas, intéressantes. Quoi qu'il en soit, c'est pour dire, qu'il est bien où il est, dans son petit coin, il fait chier personne et personne ne vient l'embêter. Hakon hoche la tête face à sa réponse concernant la belle vie, il comprend qu'elle vit également dans le même quartier, mais probablement dans le même type d'habitation. Évidemment, cela n'est pas pour tout le monde, surtout qu'il a le strict minimum, peut-être qu'un jour, il décidera d'acheter une petite maison dans les environs, plutôt qu'un appartement, avec des voisins qui vivent derrière les murs. Pour le moment, ce n'est pas prévu et il continue de vivre dans son airstream. Il sourit légèrement, un peu comme s'il avait une haine envers les voisins, alors que ce n'est pas vraiment le cas, c'est simplement qu'il est difficile de savoir sur quel genre de voisin qu'il pourrait bien tomber, jusqu'à ici, cela n'a pas été très concluant. Hakon hausse les épaules. « Comparé à mio padre, je suppose. » Son père, hé bien, c'est une autre histoire, mais qu'importe, ce n'est pas son problème à lui. « Je mentirais si je disais que j'étais content quand tu m'as fait ce coup-là, mais plutôt dans l'incompréhension. Bien sûr, je suis passé à autre chose, mais est-ce que j'ai fini par comprendre ? Pas tellement. » Si jamais elle avait une explication, un désir de lui dire ce que cela lui a apporté ou quoi que ce soit d'autre, c'est le moment. Il reprend à nouveau la parole. « Est-ce que tu le regrettes ? »

Son père… Iggy n’était pas mécontente de savoir que lui, lui en voulait de s’être tirée avec le fric. Si elle aimait bien Hakon autrefois, ce n’était pas vraiment le cas de sa famille. Une famille de riches au sens où on l’entend communément. Le genre de riches qu’elle prenait plaisir à pigeonner en somme. Esquissant un sourire, elle le laissa poursuivre ; il était passé à autre chose. Parfait, c’est sûrement toujours ainsi que devraient réagir les gens. Ce qui n’était le cas de presque personne, bien entendu. Pas quand de grosses sommes d’argent étaient en jeu. Même ceux à qui ça ne faisait qu’un petit trou dans le portefeuille, étaient tout à fait capables de vous abattre d’une balle s’ils vous retrouvaient. Bref, Hakon avait donc fini par tourner la page mais n’avait jamais compris la raison pour laquelle elle était partie. Pas même après mûre réflexion, bien qu’Iggy ne soit pas sûre qu’il y ait réfléchi tant que ça. Pas son genre. De s’attarder sur ce genre de choses, s’entend, il était bien plus malin que ce que voulait bien croire la plupart des gens. Mais il ne le montrait pas à tout le monde en revanche. Bref, elle était tentée d’essayer de lui expliquer mais c’était une longue histoire et ça serait un risque sacrément con à prendre. Non, elle ne pensait pas qu’il s’empresserait d’aller tout raconter à son père, mais on ne sait jamais, la famille c’est toujours délicat. Puis il en vint à lui demander si elle regrettait et elle baissa les yeux sur ses ongles, fuyant son regard quelques instants.
« Oui, parfois… Souvent. »
Si elle était tout à fait honnête, c’était même bien la seule fois qu’elle regrettait. Mais chassez le naturel, il revient au galop, vous connaissez le dicton. Puis elle releva les yeux sur lui et lui tapota gentiment la joue.
« T’es différent des autres, Hakon, et c’est ce qui m’a toujours plu chez toi. Alors oui je regrette, mais c’est la seule chose que je sais faire. »
Réponse pour le moins énigmatique mais qui n’en était pas moins vraie ; au fil du temps, voler les riches était devenu un véritable réflexe pour Iggy. Tant et si bien qu’elle ne pouvait pas en côtoyer un seul sans avoir tout un plan pour se barrer avec une partie de son argent déjà en tête. A moins que ledit riche ne soit au courant de ses activités, bien sûr. C’est qu’il fallait se ménager un minimum.

Nouveau sourire de la part d’Iggy en s’entendant demander si elle avait l’intention de lui rendre une partie de l’argent qu’elle a volé. Ça serait bien une première. Pas que dans son histoire à elle, d’ailleurs, mais probablement dans celle de l’escroquerie tout entière. Encore que, elle ne la connaissait pas, au fond. Si ça se trouve, c’était déjà arrivé par le passé. Pour allez savoir quelle raison. Elle avait beau se creuser la tête, la seule raison possible qu’elle pouvait entrapercevoir, c’était qu’un coup se soit mal passé. Que la personne ou l’équipe n’ait pas assez bien effacé ses traces avant de partir et que, quelqu’un, probablement une victime n’ayant plus que sa vengeance en tête, ait pu remonter la piste. Les menaces avaient dû pleuvoir. C’était dans ce cas, et uniquement dans ce cas qu’on rendait l’argent. Mais Hakon et elle n’en étaient pas là, pas vrai ?
« Ça serait supposer que je l’ai toujours, cet argent. »
Difficile à dire même pour elle qui ne passait pas ses soirées à compter chaque pièce et chaque billet. Sans quoi, elle ne verrait plus jamais la lumière du jour tant il y en avait. Mais ce n’était pas pour cette raison qu’elle avait opté pour cette réponse, plutôt parce qu’on ne dit pas à l’une de ses victimes qu’on va lui rendre son argent un jour ou l’autre ; bien qu’il n’existe pas de code de déontologie des arnaqueurs, s’il y en avait un, cette règle figurerait très certainement en première ligne. Et puis, chose qu’elle ne mentionnerait toutefois pas, Iggy n’agissait pratiquement jamais en solo. Toujours en équipe bien que pas toujours la même. Et chaque membre réclamait toujours sa part du butin, c’était ainsi. C’est alors qu’il lui demanda si elle vivait dans ce coin. Machinalement, Iggy fut sur ses gardes. Ce n’était pas contre lui, c’était juste du bon sens pour quelqu’un comme elle. Avec nonchalance, elle acquiesça.
« Jusqu’à ce que je me décide à reprendre la route en tout cas. Je suis plutôt du genre nomade. »
Certes, elle vivait à Island Bay depuis dix ans mais elle n’avait accepté de poser ses bagages que pour une seule personne. Avant d’accepter de les y laisser pour une autre, une fois que cette personne n’avait plus autant fait partie de son paysage qu’autrefois. Malgré ça, elle avait la sensation qu’un jour ou l’autre, elle en aurait fini de s’attarder dans le coin et repartirait de la même manière qu’elle était venue.
« C’est incroyable qu’on se retrouve ici, quand on y pense ! »

C’est vrai que ça lui faisait bizarre de retrouver un ex à elle après qu’elle se soit fait la malle. Surtout parce que ça n’était encore jamais arrivé. Il fallait une première fois à tout, comme on dit. Et pour le coup, elle était assez surprise de la réaction d’Hakon. Elle n’attendait rien de précis parce qu’elle n’avait jamais imaginé que ça puisse arriver, qu’on la retrouve, bien que le terme soit assez mal choisi étant donné qu’il ne l’avait pas vraiment cherchée, mais elle se disait que le commun des mortels ne réagirait pas de la même manière s’il se retrouvait face à une ex qui s’était volatilisé avec une bonne partie de l’argent. Une preuve de plus qu’Hakon n’était pas comme tout le monde, s’il en fallait. Tout ça pour dire qu’Iggy préférait y voir un signe quelconque : s’ils se retrouvaient tous les deux sur cette plage, c’est qu’il fallait que ça se fasse. Quant à ce que ça pouvait bien vouloir dire, fallait pas trop lui en demander non plus, d’autant qu’au fond, elle ne croyait pas vraiment à toutes ces conneries de destinée, en personne qui se croit maître de sa vie qui se respecte. Sans rien ajouter, elle hocha la tête et ce fut lui qui reprit la parole pour lui faire savoir qu’il ne comptait pas l’inviter à entrer. Elle lui jeta un coup d’œil puis à l’airstream et fit la grimace en acquiesçant à nouveau.
« Nan, t’as raison, ça serait vraiment bizarre. »
Comme si cette journée ne l’était déjà pas assez comme ça… Bon, eh bien c’était peut-être le moment des adieux. Ou des au revoir dans un premier temps puisque, maintenant qu’ils habitaient dans la même ville, il n’était pas exclu qu’ils se recroisent. Iggy se releva et s’épousseta les fesses pour se débarrasser du sable qui pourrait coller à son jean et s’apprêtait à dire au revoir quand une idée lui vint tandis qu’elle regardait par-dessus l’épaule d’Hakon.
« Y a un petit bar sympa en bout de plage. Avec une piscine. Ça te dit ? Ça serait moins bizarre que si je venais chez toi ou toi chez moi. Et pas besoin de préciser que c’est moi qui offre. »
Evidemment qu’elle savait que ça ne suffirait pas à faire en sorte qu’ils soient quittes mais qui sait ? Si ça se reproduit plus d’une fois, peut-être qu’elle pourrait s’en rapprocher tout doucement.