yoga time, with the kids... (skye et keila)

Il faut que je me détende, c’est indéniable. Depuis mon arrivée sur le territoire néo-zélandais, je n’ai pas eu beaucoup de possibilités pour m’échapper de mes pensées. La méditation à l’hôtel ce n’est pas ce qui est le plus évident. Heureusement, j’ai pris ma motivation à deux mains pour aller courir un peu, au moins une fois par semaine, et entretenir ma forme. Je suis en train de visiter des locaux pour des galeries, et des appartements à acheter. Allez savoir pourquoi, je ne m’imagine pas - encore - dans une maison, mais je suis très pointilleuse sur mes critères. Je préfère ne pas me précipiter et choisir quelque chose qui me conviendra vraiment.
En me promenant la semaine dernière dans les rues d’Island Bay, une jeune femme m’a donné un petit flyer pour me proposer d’essayer le nouveau cours de yoga, donné en centre ville. Une aubaine. Je n’ai pas pris le temps de lire les petites lignes, seulement l’horaire. Le cours d’essai est gratuit, et même si l’argent n’est pas un problème, je trouve le concept toujours intéressant.
Je me rends sur place et entre dans la salle qui visiblement vient d’être refaite, il reste une très légère odeur de peinture, mêlée à l’encens. Autour de moi, que des enfants, entre huit et douze ans, je dirais. Qu’est-ce que je fais là ? Un bref regard sur le papier que je retrouve dans ma poche, alors qu’une femme s’approche. « Vous êtes en avance d’une heure pour le cours adultes. Mais vous n’êtes pas seule à avoir fait l’erreur… » Juste à ma droite, une femme brune, son sac à la main, s’apprêtait visiblement à partir. « Restez ! Je suis sûre que ça vous plaira, vous verrez, les enfants ne sont pas si terribles qu’on le croit. » Elle ajoute cette dernière phrase sous le ton de la confidence, et j’adresse un regard à la jeune femme qui est entrée presque en même temps que moi. Je hausse les épaules et lui souris. « On le tente ? Ce n'est pas la communauté que j'imaginais, mais pourquoi pas... » Je ne suis pas particulièrement fan des enfants, mais ça peut être une expérience comme une autre.


@skye o'hara

J'ai enfin l'impression que ma vie avance dans la bonne direction. La cabinet a ouvert ses portes et j'ai même eu le privilège d'accueillir ma première stagiaire. La prendre sous mon aile me plait beaucoup et je me découvre une passion de transmettre. J'espère qu'elle s'y plait. Ceci étant, je n'ai pas touché terre depuis. Je sens que je suis tendue. Pas dans le mauvais sens du terme, mais submergée. J'adore ce que je fais mais j'ai grandement besoin de me détendre. Pendant ma session shopping, on m'a fait passer un flyer pour des cours de yoga. Il est vrai que je n'ai pas pris le temps de le lire intégralement mais à présent, cela me semble être une parfaite opportunité. J'enfile rapidement quelque chose de plus confortable et me rend sur place. L'endroit est nickel, certainement tout neuf.
Mon sac sur l'épaule, j'entre dans le studio, le sourire aux lèvres. J'ai hâte de m'y mettre. Je n'ai jamais fait de yoga, ce sera l'occasion de découvrir une nouvelle activité. Je ne réalise pas tout de suite ce qui se passe. Visiblement, j'ai loupé un chapitre. Je fronce les sourcils. Nop, ce n'est pas pour moi, je fais demi-tour et j'entends une voix s'élever. « Restez ! Je suis sûre que ça vous plaira, vous verrez, les enfants ne sont pas si terribles qu’on le croit. » Je penche la tête sur le côté. Vraiment ? Je vois qu'une autre jeune femme est présente pour le cours « On le tente ? Ce n'est pas la communauté que j'imaginais, mais pourquoi pas... » Sa remarque me fait sourire. Une petite tête blonde s'accroche à ma main, ses grands yeux levés vers moi « Je pense que je vais avoir besoin d'un tutoriel pour ça » lui dis-je en riant. La petite fille rejoint alors ses copines. Les enfants ne sont pas vraiment ma tasse de thé et pour être parfaitement honnête, je n'en veux pas. La maternité ne m'attire pas. Certaines personnes s'épanouissent en élevant des enfants, mais je ne m'imagine pas le faire. « Mais je suis prête à essayer si vous restez » Hors-de-question que je passe cette heure seule.

Il est clair que si j’avais été seule à me tromper d’horaire, je n’aurai même pas laissé mon cerveau se poser la question à savoir si je reste, ou je pars. J’aurai pris la poudre d’escampette sans attendre. Pourtant, je sens que cette expérience pourrait être pour le moins intéressante, et maintenant que je suis là, je me demande si je n’ai pas simplement quelque chose à apprendre, qui sait. Un des enfants vient prendre ma camarade adulte, pour nous embarquer avec eux un peu plus loin. « Je pense que je vais avoir besoin d'un tutoriel pour ça » « Ça a l'air d'être un sacré personnage... » dis-je en regardant la petite fille déjà pendue à son bras. Je me rends compte qu’elle n’est pas plus à l’aise que moi. D’autres femmes auraient peut-être été directement vers les enfants, à coup de petite bouille mignonne, ces terreurs peuvent à peu près tout nous faire avaler. Personnellement, j’en suis plutôt insensible. Enfin, pas que je sois sans coeur, mais je suis facilement manipulable par un animal, par exemple. « Mais je suis prête à essayer si vous restez » Je lui offre un large sourire tout en hochant la tête. « Si on en sort vivantes, je vous offre un jus de fruit frais à la sortie. » Oui, on est à un cours de yoga, je n’allais pas lui offrir une bière.
Nous allons nous installer au fond de la salle, et j’observe les têtes blondes qui se préparent aussi, avec chacun leur tapis. « Au fait, je suis Keila. » A nouveau, je lui adresse un sourire bienveillant, tout en m’asseyant sur mon tapis pour étirer un peu mes muscles qui sont encore froids. « Tu as déjà fait du yoga, ou c’est une vraie initiation ? »

Honnêtement, je ne sais pas trop ce que je fais là. J'aimais l'idée de pouvoir me détendre et décompresser avec ces semaines intenses. Sauf qu'être entourée d'humains miniatures me parait être l'opposé de la détente. Je n'ai rien contre les enfants mais j'ai un peu de mal à accorder mon intérêt. Ils peuvent être mignons. Parfois. Bref, tout ça pour dire que je ne suis pas du tout dans mon élément. Sortir de ma zone de confort est effectivement ce que je recherche en ce moment mais peut-être pas à ce point-là. Et il semblerait que je ne sois pas la seule. La jeune femme en face de moi ne semble guère plus à l'aise. Quelque part, cela me rassure. J'ai parfois peur de passer pour une asociale ou une véritable mégère. Les gens jugent très facilement le non-désir d'enfant, collant une étiquette très dure, cruelle sur ces personnes. Cette envie ou plutôt absence d'envie est pourtant aussi légitime que son opposée. Mais je m'égare. La fillette qui s'accrochait à toi s'éloigne. Le fait de ne pas être seule pourrait me donner envie de rester jusqu'au bout et qui sait ? Peut-être serons-nous autorisées à assister également au cours adultes. « Si on en sort vivantes, je vous offre un jus de fruit frais à la sortie. » Je lui souris « D'accord, vous m'avez convaincu » Dès qu'il s'agit de manger ou déguster de bonnes choses, je ne suis pas la dernière.
Je vois que les enfants s'installent et nous les imitons. Au fond de la pièce, nous serons très bien. La brunette se présente. Je lui souris « Enchantée Keila, je m'appelle Skye. Et c'est une première. Je crois que je suis aussi souple qu'un bâton. » j'ajoute en riant. Je sens que ça va être une sacrée expérience. Peut-être qu'un cours pour enfants sera plus simple ? « Et toi, déjà initiée à cette pratique ? » J'espère que non, je me sentirai certainement moins ridicule.

« D'accord, vous m'avez convaincu » affirme-t-elle après ma proposition de jus de fruit frais. J’avoue que c’est alléchant, on ne va pas se mentir. Et puis, j’ai testé la toute petite enseigne juste à côté, et c’est divin. Nous nous installons au fond de la salle et déroulons nos tapis. Je me présente et lui pose une première question, pour m’intéresser un peu à elle. « Enchantée Keila, je m'appelle Skye. Et c'est une première. Je crois que je suis aussi souple qu'un bâton. » Je ne peux retenir un rire amusé après son affirmation. Ce n’est pas de la moquerie, mais elle a l’air tellement sûre de ce qu’elle avance. Personne n’est raide comme un bâton. « Ne sois pas si catégorique, je suis sûre que tu vas te surprendre toi-même ! » Une vraie nouvelle dans cette pratique alors, j’ai hâte de voir ce qu’elle en aura pensé après cette heure d’étirements en conscience. Je ne suis pas sûre qu’avec les enfants ce soit la meilleure expérience qui soit en terme de relaxation, mais qui sait… « Et toi, déjà initiée à cette pratique ? » Je hoche légèrement la tête tout en continuant de m’étirer légèrement. « Ce n’est pas mon premier cours, non. » Je ne vais pas lui dire que je pratique le yoga depuis plusieurs années, elle s’en rendra compte bien assez tôt je pense, et je ne veux pas l’effrayer. Enfin, il n’y a pas de quoi se comparer, de toute façon. « Tu vas voir, ce n’est vraiment pas compliqué, et puis l’important ce n’est pas la performance, c’est simplement te sentir bien avec toi-même. » Je lui offre un sourire bienveillant et ajoute. « Et puis la preuve en est, ça aide aussi pour la vie sociale ! »

Il est clair qu’en me motivant pour cette séance de yoga, je n’aurais pas pensé être entourée de gamins. Le malaise se lit sur mon visage. Je n’y peux rien, je ne suis pas très à l’aise. J’adore mes neveux et nièces. Ils sont pourris gâtés et je ne les échangerais pour rien au monde. Lorsqu’Elliot a besoin que je le dépanne parce qu’il est d’astreinte, je le fais sans la moindre hésitation mais ça s’arrête là. La seule chose qui fait que je choisis de rester est Keila. Elle a un visage et un sourire chaleureux. Seule, j’aurais déjà pris mes jambes à mon cou. Une certaine nervosité monte en moi. C’est idiot, surtout que ce cours est justement fait pour se détendre et non angoisser davantage. Je me demande si je suis assez en forme. Certes, il s’agit d’un cours pour enfants mais ces petites choses sont capables de prouesses et se posent beaucoup de questions que nous. Une certaine innocence que je leur envie parfois. On a tendance à tout compliquer avec l’âge. La jolie brune tente de me rassurer. Elle a l’air confiante, c’est certain. Quelque part, elle a parfaitement raison. On ne sortira pas d’içi avec une note. L’intérêt d’une telle activité est de se sentir mieux. J’ai souvent entendu que les premiers cours sont difficiles. Trouver son rythme, penser à respirer, se gainer. J’avais fait quelques recherches il y a quelques semaines.  Je lui souris « Effectivement, et cela fera une histoire à raconter ! » lui dis-je en désignant toutes les têtes blondes devant nous. Je défais mon tapis, retire mes chaussures et m’assois en tailleur. A vrai dire, je me contente bêtement de suivre le mouvement. Les enfants ne chahutent pas trop ce qui permet de rester concentrer sur les consignes de la professeure. « Je m’attendais à ce que ce soit la troisième guerre mondiale, mais on ne s’en sort pas si mal finalement » Les parents quittent la pièce. Le cours peut enfin commencer. Je reste très attentive. Keila semble se débrouiller comme une pro. Un sourire aux lèvres, je la charrie « En fait, tu es prof de yoage aussi, c’est ça ? » Je me souviens alors de ces propos et qu’il est important de se sentir bien, rien de plus.

« Effectivement, et cela fera une histoire à raconter ! » Je ris légèrement en voyant que sa phrase est principalement ciblée sur le coeur de ce cours : les enfants. Si j’avais été une femme absolument dingue des enfants, j’aurai pu trouver Skye un peu bizarre. C’est vrai que ces femmes ont tendance à juger celles qui ne sont pas proches de ces petites choses, comme étant sans coeur. Je ne suis pas de cet avis, on peut très bien ne pas vouloir procréer, après tout. « Je m’attendais à ce que ce soit la troisième guerre mondiale, mais on ne s’en sort pas si mal finalement » A nouveau je ris légèrement, balayant la pièce du regard, où les enfants semblent assez calmes. Je pense qu’eux, n’en sont pas non plus à leur cours d’essai, et puis ils ne sont pas tout petits non plus. La moyenne d’âge tourne autour de sept ou huit ans, ils ont tendance à un peu mieux comprendre les consignes à cet âge. Pour ma part, je suis habituée à voir les enfants méditer et faire du yoga dès le plus jeune âge. Vive en Inde, ça a cet avantage. « C’est vrai qu’ils ont l’air plutôt disciplinés. A voir au bout d’une heure ! » Je remarque que la jeune femme imite mes mouvements pour échauffer mes articulations et mes muscles, je fais en sorte de prendre mon temps pour la laisser prendre ses marques. « En fait, tu es prof de yoga aussi, c’est ça ? » Un nouveau rire franchit la barrière de es lèvres. « Non, même si j’aurai pu me diriger vers ça, si je n’aimais pas autant mon métier. J’aime beaucoup cette pratique. Et pour tout te dire, je vis en Inde, principalement, et là bas, c’est une pratique courante… »

Maintenant que je suis là, autant aller au bout de l’expérience. J’appréhende un peu mais Keila a un côté très rassurant. Les enfants se comportent plutôt bien et restent calmes. Vu le type d’activité, c’est préférable. Ce que je souligne à ma camarade. Sa réponse me fait sourire. Il est vrai que le cours vient tout juste de commencer. Nous verrons sur la longueur s’ils ne se transforment pas en grimlins. En vraie néophyte, je choisis de caler l’échauffement sur la jeune femme. Je pense que c’est important et il est très simple de se blesser. Ce qui serait fort dommage. Je remarque l’agilité et la souplesse de Keila. Bon, nous n’avons clairement pas la même expérience dans cette pratique. Je lui lance une petite boutade qui a le mérite de la faire rire. « Non, même si j’aurais pu me diriger vers ça, si je n’aimais pas autant mon métier. J’aime beaucoup cette pratique. Et pour tout te dire, je vis en Inde, principalement, et là bas, c’est une pratique courante … » Décidément, elle est pleine de surprise. Vivre dans des pays aussi éloignés du mode de vie occidental doit être très enrichissant. J’ai l’occasion de beaucoup voyager pour mon travail, rencontrer des clients, participer à des conférences mais je n’y reste jamais bien longtemps et il est vrai que c’est davantage dans des pays occidentaux. « Ça doit être magique ! Tu es née là-bas ou tu t’y es installée plus tard ? » Pourtant, il y a tellement de cultures qui mériteraient d’être connues. « J’aimerais beaucoup visiter le Japon au printemps, pour voir les cerisiers en fleurs. Je sais c’est cliché » Et pourtant, ça me trotte dans la tête. Il faudrait que je me planifie ça. Puis finalement le cours commence. Je reste très attentive aux conseils de la professeure. Je respire et essaie d’adopter les mêmes positions. Ce n'est pas évident mais je vais à mon rythme en fonction de ce que mon corps me permet de faire. Je m’améliorerai très certainement avec le temps si je choisis de poursuivre avec le cours pour adultes. L’heure passe très vite et je me sens un peu plus détendue. Ça n’a pas fait de miracles et il me faudra du temps avant de recevoir tous les effets bénéfiques que peuvent apporter une telle pratique. Mais c’est déjà pas mal. Je me tourne vers ma camarade, le sourire aux lèvres « Alors, vous pensez vous inscrire pour le reste de l’année ? »

Je ne suis pas là pour mentir à quiconque, et de toute manière, je n’en vois pas l’utilité. La jeune femme me pose une question, j’y réponds le plus simplement du monde, par la vérité.« Ça doit être magique ! Tu es née là-bas ou tu t’y es installée plus tard ? » Je lui offre un sourire, pour répondre à son enthousiasme. « Je m’y suis installée un peu après ma majorité, c’est vraiment un pays que j’adore. Mais la Nouvelle Zélande est magnifique aussi ! » Très différent comme endroit, bien sûr, mais tout aussi fascinant. « J’aimerais beaucoup visiter le Japon au printemps, pour voir les cerisiers en fleurs. Je sais c’est cliché » Je ris cette fois en hochant la tête, sans pour autant lui dire que j’ai eu la chance de les voir. Je n’ai aucune envie qu’elle me prenne pour une m’as-tu-vue. « Si tu as envie, alors vas-y ! » C’est encore le meilleur conseil que je peux lui donner. Vivre ses rêves, ça n’a aucun prix.
Le cours commence et nous nous concentrons davantage. De temps en temps, je donne quelques petits conseils à Skye pour qu’elle ne se fasse pas mal. La prof est occupée avec les enfants, et je joue mon rôle de guide l’espace d’un instant. Une fois le cours terminé, je suis plutôt contente de voir que les enfants sont restés sages, ça ne m’a pas perturbée du tout. « Alors, vous pensez vous inscrire pour le reste de l’année ? » Je lui réponds par un large sourire. « Je ne sais pas si je vais rester ici aussi longtemps, mais si c’est le cas, c’est possible oui. » Je lui demande si ça lui a plu, et nous remercions également la jeune professeur, avant de quitter la salle pour aller boire un jus de fruits frais, comme convenu. Et voilà une nouvelle connaissance à mon carnet d’adresse néo-zélandais. Un jeu d’enfant !