rewrite the stars (lovaël)

Je me souviens encore de ce premier jour, où Caël m’a appris à jouer au bowling. Ça aurait pu être n’importe qui, mais c’était lui. Alors… ce n’était pas la première fois que je chaussais ces trucs immondes, bicolores, qui font des pieds d’handicapés et qui glissent comme sur une piste de curling. Mais c’était la première fois que quelqu’un m’expliquait vraiment les rouages du bowling. Du choix de la boule à la manière de la lancer, en passant par la position des pieds, et j’en passe. C’était il y a neuf ans, et notre réunion est toujours la même, sur une piste de bowling. Depuis que Caël est de retour à Wellington, je n’ai pas eu le temps de le voir, et notre dernier bowling remonte à… trop loin pour que je ne puisse quantifier le temps. Je suis impatiente de le revoir, de pouvoir le serrer dans mes bras. Il a toujours été comme un grand frère pour moi, il fait partie des personnes les plus chères à mon coeur, et j’ai ce besoin régulier de l’appeler, lui écrire, et mieux encore : le voir. Enfin, nous allons pouvoir passer un peu de temps ensemble, profiter des minutes qui s’égrainent, rire, pleurer sans doute, et me lover dans ses bras, comme j’ai toujours adoré faire. J’ai bien conscience de la chance que j’ai d’avoir ce lien avec lui, je sais d’expérience qu’il ne partage pas ça avec tout le monde, il n’est pas l’être le plus social ni bisounours de cette terre - à mon contraire - mais ça n’en fait pas moins un ami merveilleux.
Je trépigne d’impatience tout en terminant de ranger quelques affaires dans mon sac. Une fois les fenêtres fermées, les lumières éteintes, je verrouille la porte à clé, vérifiant qu’il n’y ait personne dans le couloir. J’essaie toujours d’éviter de sortir en même temps qu’il y a de l’activité, au cas où je me retrouve nez à nez avec Lexa… Merci mais non merci. Je saute dans un bus direction Wellington et le bowling où je vais retrouver Caël. Mon coeur bat à tout rompre, je suis tellement impatiente que je ne tiens pas en place.
C’est quelques minutes après l’heure du rendez-vous que je retrouve le beau brun devant l’établissement. Tant pis pour les paparazzi s’il y en a - je ne suis plus à ça près - je lui saute dessus sans attendre. Mes bras autour de son cou, j’entoure mes grandes jambes autour de son buste et le serre fort contre moi, quitte à l’empêcher de respirer quelques secondes. « Tu m’as tellement manqué ! » Finalement, je redescends de mon perchoir et plaque un baiser bruyant sur sa joue légèrement piquante. « Ça va ? Pas trop dépaysé ? »

Je ne me permets pas ce genre de comportement avec n’importe qui, mais Caël n’est pas n’importe qui. Sûrement pas. Une fois perchée autour de son cou, j’enfouis mon visage dans son cou pour respirer son odeur un instant, et lui avoue combien il m’a manqué. « Toi aussi, p’tit koala. » Mon coeur bat fort tout contre lui, et je finis par descendre pour plonger mon regard dans le sien, et lui demander comment il se porte. Si son attitude donne une première impression de gars plutôt renfermé, dans son monde, peut-être même un peu en colère, je sais qu’avec moi, ça n’a rien a voir avec ça. Au contraire, même. Et le petit sourire au coin de ses lèvres en est la preuve. « Ça va, j’ai surtout l’impression d’être retourné des années en arrière. Et toi, comment tu vas ? » Je secoue un peu la tête avant de lui répondre. « Oui, mais moi j’suis là ! » Et ce n’est pas rien ! Je ne sais pas combien de temps il va rester, ni moi d’ailleurs, mais en attendant, on est là tous les deux, et c’est ce qui importe. Je choisis de ne pas répondre pour le moment à la partie interrogative, et garde ça pour plus tard. Son geste affectif fait à nouveau s’emballer mon coeur, ça me fait un bien fou d’être avec lui. « Tu es prête à perdre à coup de strikes ? » « Dans tes rêves ! Je me suis entraînée en ton absence, qu’est-ce que tu crois ! » Ce n’est pas tout à fait vrai, on ne peut pas dire que j’ai beaucoup eu le temps de pratiquer le bowling depuis la dernière fois que nous nous sommes vus et que nous avons joué ensemble. Mais je suis presque sûre que mes réflexes vont très vite revenir. Je ne perds pas espoir qu’un jour, l’élève dépassera le maître ! Ce n’est pas parce que c’est lui qui m’a appris, que je ne peux pas, un jour, le battre.
Nous entrons dans l’établissement et nous dirigeons directement vers le comptoir où nous réservons une piste et récupérons nos magnifiques chaussures bicolores. Je fais en sorte de ne pas soutenir le regard du gars en charge de nous enregistrer, parce que je sens bien qu’il est insistant, et je sais très bien pourquoi. Au fond de moi, j’ai toujours un peu peur que quelqu’un lâche sur les réseaux ma position actuelle et que je me retrouve entourée de fans et de paparazzi. Pitié, ne pas penser au pire, au risque de me flinguer la soirée. Non, je veux juste profiter de Caël ce soir. Une fois sur notre piste, je le laisse choisir sa boule pendant que je vais nous commander un verre. Quand j’étais gamine c’était une eau gazeuse avec une rondelle de citron, mais maintenant que nous sommes des adultes responsables - ou presque - je nous ai commandé un mojito chacun. C’est à la mode, ça désaltère, et c’est bon ! « Alors, darling. Visiblement, c’est toi qui commence. J’espère que tu n’as pas trop pratiqué en ton absence, parce que je vais me faire laminer ! » Je ris un peu et tends vers lui mon cocktail pour trinquer, avant de commencer la partie. « A nos retrouvailles ! » J’aime déjà beaucoup trop cette soirée…

J’avoue avoir pris de l’avance dans mon entraînement de bowling, même si c’est du pipeau. Je voulais juste voir sa tête, et c’est réussi. « Pardon ?! Tu as osé ?! » Je lui offre ma plus belle mimique de petite garce adorable - que je ne suis pas - et me prépare à lui mettre la pâtée. Ou au moins, à essayer.
Mais lorsque nous sommes au comptoir, je sens que le début de la soirée est mis en péril par cet employé qui me rappelle sans aucun mal que je ne suis pas du genre à passer inaperçue. Mais mon garde du corps ne l’entend pas de cette oreille, et offre à l’employé une sorte de claquement de doigts juste sous son nez, en attirant son attention. Attention qu’il me retire, et je m’en sens soulagée. Je ne peux néanmoins retenir un petit rire à moitié caché en entendant le ton sarcastique de Caël. Je sais que c’est pour me protéger, et j’adore quand il fait ça.

La suite de l’aventure se déroule sans encombres, je vais nous chercher deux verres et rejoins mon amoureux de la soirée en lui tendant son verre. Il est encore temps pour moi de mettre mes jolies chaussures, je vois que Caël a pris de l’avance, et même déjà choisi sa boule. Je vais devoir être à la hauteur. « Je vais tâcher de ne pas être trop dur avec toi, promis sweetheart. » Impossible de ne pas sentir mon coeur qui bat plus fort à chaque fois qu’il m’offre un petit surnom adorable. Depuis gamine c’est la même chose, j’ai des étoiles dans les yeux quand je le regarde, et ça n’a pas changé avec le temps. Nous trinquons à notre amitié, à son retour, à nos retrouvailles, et le jeune homme synthétise en un « À nous ! »[/color] qui me fait sourire plus que de raison. La seconde d’après, je récupère son verre alors que monsieur s’apprête à jouer sa première boule. De mon côté, je m’assieds sur le banc pour enfiler mes chaussures - j’étais restée en chaussettes jusque là - et ne lâche pas l’action des yeux. Quatre quilles à terre, il m’a habituée à mieux pour un premier lancer, mais il doit être un peu rouillé. Sa mécanique de hanches d’un peu plus tôt n’aura servi qu’à jouer les bourreaux des coeurs. Je pouffe de rire. «  Je t’interdis de rire… On respecte ses aînés ! » Cette fois, je m’autorise à rire pour de bon. « Je n’oserai pas. Sauf si je fais mieux que toi. » Et ça croyez-moi, c’est loin d’être gagné. Le deuxième lancer rattrape le premier lorsque toutes les quilles finissent à terre. Je hoche la tête dans une petite moue impressionnée. Ce n’est pas un strike, mais c’est quand même beau pour la première partie.

A mon tour. Je m’incline lorsqu’il utilise le surnom ‘Milady’, répondant à sa propre révérence. Je prends le temps de choisir ma boule, moi aussi. J’en prends même deux, pour les essayer, sans savoir laquelle me conviendra le mieux. Oh et puis une troisième, comme ça, je n’aurai pas à attendre entre deux lancers. Il y a des moments où je suis un peu impatiente, je plaide coupable. Une fois mes longs doigts insérés dans les trous prévus à cet effet, je souffle sur la boule et passe ma manche dessus pour la faire luire. « Je suis sûre qu’elle va me porter chance ! » J’adresse un sourire à Caël, accompagné d’un haussement de sourcils, et me prépare à lancer ladite boule. Quelques pas, et sans mordre la ligne, une belle ligne droite pour la première. Manque de chance, une quille récalcitrante a décidé de ne pas plier. Ça aurait été trop beau de faire un strike au premier lancer. Et bien sûr, je ne suis pas encore assez échauffée pour arriver à faire tomber cette solitaire au second lancer. « Ok bon, c’était pas celle là qu’il me fallait. Oui, c’est la faute de la boule, tu es témoin ! » Je fronce un peu le nez et ajoute : « Ou alors elle est homophobe et pas consentante. Elle a pas aimé que je lui souffle dessus. Je regrette. » Je hausse les épaules et me nourris du sourire qui vient de naître sur le visage de Caël. J’ai toujours aimé le faire sourire, ou mieux rire, autant que j’ai toujours aimé qu’il me fasse rire. Je n’ai jamais vécu d’aussi belle amitié avec un garçon, il faut dire que Caël est unique, et c’est un phénomène.

« Bon par contre, tu peux gagner. J’accepte. Mais me fous pas la pâtée du siècle s’il te plait. J’vais pas dormir cette nuit sinon… » C’est faux, je ne suis pas du tout une mauvaise perdante, mais je m’amuse de savoir s’il va se saboter pour me faire plaisir, ou s’il va continuer de me challenger jusqu’au bout…

« Tu devrais en prendre une quatrième, un chiffre impair ça porte malheur ! » Je lui adresse une grimace avec un ‘gnagnagna’ insonore. « Je fais ce que je veux d’abord ! » Voilà. Non mais oh ! Je me rends compte quand même que je régresse quand je suis à son contact, et contre toute attente, c’est loin d’être désagréable. Je ne me prends pas la tête, ne cherche pas à être quelqu’un qu’on veut que je sois, je suis juste moi-même. Et les personnes avec qui je le suis pleinement sont plutôt rares, Caël en faisant partie.
Je lance ma première boule après lui avoir fait du charme, mais de toute évidence, elle n’a pas apprécié. Tout ça pour éviter de dire que je suis nulle, bien évidemment. « Méfie-toi, je pourrais t’arrêter pour ça. » Je lui offre un regard outré, très exagéré à la manière des actrices dramatiques. Après tout, c’est mon métier n’est-ce pas ? « Tu serais bien le seul à qui je laisserai me mettre des menottes ! » soit dit en passant. Mais je m’arrête un instant en réfléchissant à cette phrase qui pourrait vraiment porter à confusion, et je me mets à rire.
L’ambiance est bonne enfant, il y a longtemps que je n’avais pas passé un moment aussi simple avec quelqu’un que j’aime profondément.

Mon tour passé avec échec, je laisse la place à Caël de montrer de quoi il est capable. Je connais ses atouts concernant le bowling, j’en ai été témoin plus d’une fois. Mais si je peux lui faire un peu de charme pour qu’il ne me ridiculise pas, au moins essayer, ça ne mange pas de pain. « Parce que tu croyais que j’allais te laisser dormir cette nuit ? » J’arque un sourcil non sans laisser un sourire en coin étirer mes lèvres. Donc on est partis sur ce registre ? Il ne sait pas de quoi je suis capable ! La gentille Love peut se montrer prédatrice quand elle en a envie, et il n’a jamais eu à faire à cette partie de ma personnalité, je suis presque sûre qu’il en deviendrait mal à l’aise. J’ai toujours considéré Caël comme le grand frère que je n’ai jamais eu et que je rêvais d’avoir. Mais depuis quelques années, je dois dire que notre relation a un peu changé, et je ne le vois plus vraiment comme tel. « Je pensais que tu me connaissais un peu mieux que ça. » « Est-ce que j’ai envie de dormir, c’est la question qu’il faut se poser… » A mon tour de lui adresser un sourire mutin au coin des lèvres.
Le jeune homme se retourne pour se concentrer et viser, j’ai très envie de le déconcentrer, est-ce que ça fait de moi une mauvaise joueuse ? « Si tu gagnes, tu auras le droit de me demander ce que tu veux. Ça te va ? » Je me mets à rire avec amusement. « J’ai pas besoin de gagner pour te demander ce que je veux. » Je lui souris en battant des cils exagérément, je sais très bien qu’il accèderait à quasiment toutes mes requêtes, et je sais qu’il le sait également. C’est un réel avantage, j’en ai conscience.

A nouveau, Caël s’offre un magnifique spare, le strike sera pour la prochaine, je n’en ai aucun doute. Je soupire et joue la petite moue dépitée, épaules tombantes et lèvre inférieure retroussée. « C’est déjà plus très drôle. On peut rajouter des défis ? » Mon regard s’illumine en lançant cette idée. « J’ai déjà plein d’idées, et je suis sûre que tu seras inventif aussi. » En réalité, je ne lui laisse pas vraiment le choix. Un peu à la va-vite et sans grande conviction, je lance mes deux boules pour faire un score plutôt minable. « A toi ! Premier défi, lancer la boule avec moi sur le dos ! » Ah j’avais prévenu ! Sans attente, je lui saute dessus et m’accroche à lui comme un koala. « Si tu fais un strike avec moi sur le dos, parole de scout, je t’épouse ! »