Doudou, c'est bien mieux, tout l'monde est heureux sous l'océan !

J’ai été invitée sur cette croisière un peu par dépit, je le sais. C’est l’enterrement de vie de jeune fille de Freya, et Riley a été invitée en tant que sœur du futur marié. Moi, je ne suis qu’une pièce rapportée, même si ma présence n’est pas complètement hasardeuse si on considère que je connais la future mariée depuis de nombreuses années... Enfin bref, je suis là par un coup du hasard surtout, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas l’intention d’en profiter. En dehors de toutes les activités propres à l’EVJF, il y a aussi des moments de liberté, dont on profite un peu comme on veut. Pour ma part, j’ai porté mon dévolu sur la plongée aujourd’hui, même si personne du groupe n’a voulu m’accompagner - pas même Riley, qui a préféré aller faire une chasse au trésor : Trahison.
Peu importe, je sais que je n’aurais pas de mal à sociabiliser durant cette activité sous-marine, même si la discussion risque d’être compliquée sous l’eau. En fait, elle semble déjà se compliquer, alors qu’une jeune femme attire mon attention sur un petit carnet entre ses mains. « Quoi... ? » N’étant pas trop sûre de ce qu’elle me veut, je baisse les yeux pour lire les inscriptions, et il ne me faut pas plus de temps pour comprendre que j’ai affaire à une malentendante. « Oh ! Oui, c’est bien ici ! » Je lève un peu la voix, comme si que parler fort lui permettrait de mieux me comprendre. Et ce n’est que quand elle m’explique qu’il suffit de parler en face d’elle, en articulant, que je réalise que je viens de me ridiculiser. « Ah, oui. D’accord, pardon. » Le regard confus, je vérifie qu’elle a bien compris mes excuses, avant de lancer un regard circulaire autour de nous. « C’est la première fois que vous en faites ? » Mon regard revient se poser sur le carnet, alors que je réalise que je vais devoir être attentive si je dois avoir une conversation avec elle. « Non, j’en ai fait quand j’étais gamine. Mais bon, c’était y’a longtemps, les instructions du moniteur ne seront pas de trop. » Je glousse en détournant la tête, avant de réaliser que j’ai  parlé un peu vite, et en tournant la tête... Ça va vraiment être compliqué.
Je m’applique à répéter plus lentement, en articulant bien, et en la regardant bien en face. Et notre petite discussion est coupée court par le moniteur qui arrive en nous donnant les premières instructions. Il y a quelques gestes clés à connaître pour la communication, qu’il nous propose de pratiquer en duos pour nous entraîner. Et je fais un premier signe en direction de ma voisine, Le pouce et l'index qui se rejoignent, et les trois autres doigts relevés. ‘OK’, ‘Tout va bien’, mais aussi ‘ Est-ce que ça va ?’ ; le signe le plus connu du grand public. « C’est aussi comme ça qu’on dit ‘OK’ en langue des signes ? » Tu parles d’une question intéressante... Enfin, moi ça m’intéresse en tout cas.

Cette activité nous réserve sûrement de belles surprises, je n’en doute pas ! Jusqu’à maintenant, le programme de la croisière a été un quasi sans-faute, à croire qu’il y a des professionnels dont c’est le métier de faire en sorte que le public ne s’ennuie jamais. Le tout, en gardant en tête qu’il y a probablement des amateurs et des initiés, pour à peu près toutes les activités. Pour la plongée, par exemple, on peut considérer que je suis une newbie, même si ce n’est pas exactement mon baptême. Est-ce que c’est le cas de la blonde qui me tient compagnie ? Aucune idée, mais elle se décrit aussi comme une débutante. Ce qui veut dire, au mieux, qu’on risque d’avoir un niveau plus ou moins équivalent. « Oui, j’imagine qu’ils ne nous demanderont pas de faire quoi que ce soit de trop difficile. Sauf si vraiment, on est trop fortes ! » Je rigole, toujours en la regardant. D’ailleurs, je ne sais même pas ce que ça voudrait dire, ‘trop fortes’, dans ce genre de cas. Au mieux, je suppose qu’on sera juste plus autonomes et que les encadrants auront moins de souci à se faire pour nous.
Enfin bref, ça commence. Et on commence par les basiques : la communication déjà. Selon moi, il serait logique que certains des signes utilisés en plongée soient sensiblement les mêmes que ceux de la langue des signes, et la jeune femme semble être d’accord avec moi. « A ne pas confondre avec le pouce en l’air bien sûr. Qui veut dire je remonte à la plongée. Ce serait dommage de mal se comprendre sur deux signes aussi basiques. » Ah, oui, tout à fait. Je refais les deux signes, successivement, avant de lui adresser un pouce en l’air. « T’as complètement raison. » Je la charrie, bien sûr. Et j’espère qu’elle le comprendra puisque je souris en le faisant. « Bonne nageuse de base ? Surfeuse peut-être ? Dans nos régions c’est quand même souvent le cas. » Je hausse les épaules, puis je finis par hocher vaguement la tête. « Je me débrouille oui. En nage et en surf, même si on n’est pas encore au niveau des pros... Et toi, tu surfes ? » Si elle pose la question, c’est peut-être que oui. Et ce serait une information bonne à prendre, surtout qu’il y a du surf prévu pendant la croisière, je crois.
Il est maintenant temps de découvrir le matériel de plongée. J’essaie d’être attentive pendant qu’on nous explique les principales manœuvres, en espérant ne pas oublier la moitié des instructions en cours de route... Mais globalement, j’ai encore quelques bons souvenirs de ma dernière expérience, et je finis même de m’équiper avant la plupart des autres personnes. La blonde, toujours à mes côtés, a sans doute pris un peu de retard puisqu’elle a dû attendre que le moniteur finisse de parler avant de s’activer. Je me permets donc de l’aider sur les dernières manœuvres avant qu’on vienne vérifier que tout est correctement installé. « Ca va ? T’as tout compris ? Ou t’as besoin qu’il répète ? » Elle leur a expliqué sa condition dès le départ, mais avec tout un groupe à gérer, ça n’est pas forcément simple pour un moniteur de penser à tout le monde. « De toute façon, je reste avec toi, au cas où t’as besoin de quoi que ce soit. Je suis Tegan, au fait. » Je ne sais pas à quel point mon prénom est facile à comprendre en lisant sur mes lèvres. Alors... Je fais un truc complètement con : mimer les lettres de mon prénom avec mes doigts. Heureusemnent qu’il n’y en a que cinq. Et que je n’ai pas peur du ridicule, non plus.

« J’en doute mais peut-être avons-nous des ancêtres qui étaient des sirènes ! Les belles et gentilles sirène bien sûr. Pas les toutes moches qui dévoraient les hommes. » Je rigole avec elle, en m’imaginant onduler dans les profondeurs de l’océan, équipée d’une queue de poisson. Je ne suis pas sûre que ça m’irait, mais l’idée de causer leurs pertes à quelques hommes à quelque chose de diablement tentant. Surtout si ça veut dire qu’on ne reste qu’entre femmes… Enfin, je m’égare. Et je me concentre plutôt sur les signes qu’on nous demande de répéter, pour réviser. J’en profite même pour semer la confusion, à moitié pour amuser la galerie, et surtout voir si mon humour passe auprès de la blonde. Visiblement, ça passe ! Bonne nouvelle, je rigole d’un air satisfait, pendant qu’elle m’interroge sur mon niveau de nage, et de surf. Pour les deux, on peut dire que je me débrouille pas trop mal, même si je n’ai pas souvent l’occasion de pratiquer. « Cool ça. Et non je ne dis pas. Je nage plutôt bien je pense mais le surf c’est pas trop mon truc. Je suis pas mauvaise, la danse ça doit aider, mais c’est pas ce que j’apprécie le plus. » « Je vois. Trop de liberté dans les sensations, ça te plaît pas. » Encore une fois, je la charrie, gentiment. Et je note qu’elle a évoqué la danse, mais on attire notre attention sur la suite de la préparation. A savoir, l’équipement.
Tout se passe plus ou moins sans encombres, et sans trop d’échanges puisqu’elle se concentre sur les instructions données par le moniteur. Je lui propose quand même mon aide, au cas où, en profitant même pour lui glisser mon prénom au passage. C’est bête, mais ça pourra toujours servir, au cas où. Elle me donne le sien en échange. « Enchantée, Jenny. » Je la regarde échanger son carnet avec une ardoise et un marqueur. C’est waterproof, ça ? « Tu sais que la plupart des gens sont incapables de parler sous l’eau ? Tu vas carrément avoir l’avantage ! » Je n’ai pas la moindre idée de comment elle va prendre cette nouvelle boutade, directement liée à son handicap, cette fois. Mais on ne pourra pas me reprocher de mourir bête, au moins. Et puis, il est déjà l’heure de passer à l’eau, ce qui met notre conversation sur pause. Une pause longue durée, pendant lesquelles on se concentre plutôt sur toutes les jolies choses à découvrir au fond de l’eau. C’est un spot très bien choisi je dois dire, avec plein de coraux de différentes couleurs, et même quelques espèces de poissons dont j'ignore totalement le nom… Bref, un beau spectacle, et j’échange régulièrement des sourires émerveillés avec les autres participants, dont Jenny, notamment.
Ça me paraît presque trop court, et je suis presque triste lorsqu’on nous fait signe de revenir à la surface. Mais je prends quand même le temps de retirer mon masque, et passer une main sur mon visage pour dégager l’eau superflue, avant de me retourner vers la blonde qui est toujours à proximité. « C’était trop cool ! T’as aimé ? » Elle a eu l’air, en tout cas. On sort de l’eau, chacun son tour, et après avoir récupéré le matériel et recueilli quelques avis, les moniteurs nous envoient déjà aux vestiaires pour récupérer nos affaires. J’emboîte le pas de la blonde, toujours plus ou moins près d’elle, jusqu’à lui tenir la porte pour aller se changer. « T’as autre chose de prévu après ? Y’a trop de trucs à faire, je sais même plus où donner de la tête ! » Déjà, je me sèche grossièrement avant d’enfiler mon short, ainsi qu’une chemise ouverte, pardessus mon maillot de bain. Pour la suite, la piscine me fait un peu de l’œil, j’avoue. Mais si Jenny a autre chose en tête, et qu’elle recherche de la compagnie, je ne serais pas contre prolonger la conversation… Elle a l’air cool, Jenny.

« Je vais t’en donner moi des sensations tu vas voir ! » Ouh, c’est une promesse ? Calmos, Tee, c’est juste une façon de parler. Et de toute façon, il est temps de passer aux choses sérieuses avec cette histoire de plongée, je dois dire que nous sommes plutôt des bonnes élèves sur le sujet. Rien de sorcier, de toute façon ; ce n’est pas comme s’il y avait vraiment un quelconque danger aujourd’hui. Dans tous les cas, on s’en sort sans trop de difficultés, et en revenant à la surface, je pourrais même me laisser aller à dire que c’était trop court. Mais bon, au moins, à l’air libre, on peut parler. Moi, en tout cas, puisque Jenny avait toujours un moyen de communiquer même dans l’eau - je n’en démordrais pas, c’était un avantage sur le reste des participants. En même temps, je ne sais pas ce que j’aurais fait d’une ardoise waterproof sous l’eau ; j’imagine qu’il y en a certains qui en profitent pour dessiner ce qu’ils voient ? Bref, la question n’est plus d’actualité, puisque c’est fini. « Comment ne pas aimer un tel spectacle ! C’est tellement magnifique. Et encore j’ai le sentiment que là c’est trois fois rien comparé à d’autres endroits. » Je hoche vivement la tête, pour acquiescer tout en lisant ses mots. « C’est clair ! Là, c’était juste un avant-goût. En même temps, ils doivent se douter qu’on refuserait de sortir de l’eau si c’était vraiment trop beau. » Enfin, je suppose. Même si je doute que ce soit la raison principale pour le choix de ce spot en particulier. Au moins, là, on a le choix de sortir de l’eau et de vaquer à nos autres occupations, parmi la multitude d’activités disponible sur le bateau. On s’y perdrait ! « Pas vraiment non. Ne sachant pas pour combien de temps j’en aurais. Mais oui y’a une activité à chaque heure de la journée. Pas le temps de s’ennuyer. » Voilà, elle aussi a l’air de s’y perdre. Au moins, je ne suis pas la seule, c’est rassurant. C’est que j’oublierais même, parfois, que je suis venue sur cette croisière avec des personnes spécifiques, avec qui je suis censée passer la majeure partie de mon temps. ‘Censée’ étant le mot-clé principal de cette dernière phrase. « On peut aller à la piscine, je pense que les petits jeux d’aprem vont commencer. Je suis encore un peu mouillée, je suis en maillot, toi aussi, je me sens pas d’aller en intérieur là. » Visiblement, on est sur la même longueur d’ondes pour ça aussi. « Va pour la piscine ! J’ai bien envie d’un cocktail, en plus. » Pas que ce soit incompatible avec le reste des activités, mais l’envie de me poser sur un transat grandit de seconde en seconde. « Et puis au pire on change d’avis en route. » Je rigole, tout en lui emboîtant le pas sur le pont, en direction de la section grand bain. « Ouais, t’inquiète, on n’est pas sous contrat. T’es toute seule ou t’es venue avec du monde ? » Sur le bateau, j’entends. Parce que là, je me rends bien compte qu’elle est toute seule. Enfin avec moi, quoi, t’as compris. Moi, et toutes les autres personnes qu’on croise sur le pont, jusqu’à atteindre les fameux transats. Rapidement, j’en repère deux disponibles, et je dépose mes lunettes de soleil sur le deuxième, pour le ‘réserver’, façon de parler. « Tu veux un truc ? A boire ou manger, d’ailleurs. J’ai vu passer des snacks en venant. » Le bar n’est qu’à quelques pas, mais tant qu’à faire, autant qu’il n’y ait que l’une de nous deux qui fasse le trajet, pendant que l’autre garde les sièges. Parce que j’aime bien mes lunettes, mais je doute qu’elles suffisent à dissuader qui que ce soit qui aurait vraiment envie de s’installer.