Target locked (Juliv #1)

J’aime cette vie, j’aime dormir en journée, avoir une gueule de bois à des heures improbables, dépenser de l’argent sans compter, m’amuser sans rendre de comptes. La seule chose qui pourrait me faire renoncer à tout ça, c’est l’absence de mon jumeau. J’ai scandé haut et fort mon besoin d’autonomie, et même si je ne le regretterai jamais, il y a des jours où je rêve qu’il me dise vouloir vivre tout ça avec moi. C’est grisant de ne rien devoir à personne, faire ce qu’on veut quand on veut, juste vivre, aimer vivre. Cam est torturé, il l’a toujours été, et pour cause. Je sais que je ne suis pas aussi présente pour lui qu’il l’est pour moi en ce moment, mais j’en ai besoin. Je ne sais pas jusqu’à quand ça durera, je ne sais pas si j’aurai envie que ça s’arrête un jour, mais en attendant je suis là, et je compte bien en profiter. « Je sais ce que t’en penses, Cam, mais tout ça ça me fait du bien tu comprends ? Non tu comprends pas mais c’est pas grave. Je vais bien. » J’ai juste pas décuvé de la veille mais ça c’est une autre histoire. « T’inquiète pas pour moi ok ? » Je sais qu’il ne s’arrêtera jamais de s’inquiéter pour moi, et l’inverse est vrai aussi. « Bon, je raccroche, faut que j’aille à la douche, j’ai une soirée sur un yacht ce soir ! Don’t be jealous ! » Je m’écroule sur mon lit, face à la caméra de mon ordinateur portable, posé sur les draps de satin de ma chambre d’hôtel hors de prix. « Et tu viens me voir quand tu veux, tu sais. New-York c’est pas si terrible. » On a grandit ici, jusqu’au décès de nos parents. J’ai toujours adoré cette ville qui ne dort jamais, et je ne vois pas comment je m’en séparerai. « Je t’aime ! » Je lui adresse un bisou, et abaisse l’écran de l’ordinateur avant de filer sous la douche.

Je retrouve Jordan sur le quai, vêtue d’un tailleur bordeaux signé Saint Laurent, avec rien en dessous. « J’espère que tu vas pas avoir trop chaud. » Je hausse les épaules avec un mince sourire au coin des lèvres. « Nibards à l’air. Who care ? » Il se met à rire et nous embarquons dans le yacht sans tarder. Jordan est mon meilleur ami, et un peu plus quand on a bu. Mon ‘partner in crime’ avec qui je fais toutes les meilleurs fêtes, et les meilleures conneries. Je peux parler de tout avec lui, tout partager avec lui, même certaines de mes conquêtes, ce qui est une véritable preuve de confiance. Sur le bateau, il n’y a pas tant de monde que ça, c’est plutôt cosy, il faut dire qu’il y a de la place. Deux étages et un pont qui fait cinq fois la taille de ma chambre d’hôtel. Je remarque même un jet-ski amarré sur le côté du yacht, ils se font vraiment pas chier. Nous nous arrêtons au bar pour prendre une coupe de champagne, et je n’écoute déjà plus ce que Jordy est en train de me raconter. « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Je suis out of system. « Blonde ? Brune ? » « Comment tu peux deviner que c’est une nana ? » Il est de dos à elle. « Je connais ton regard de prédatrice. C’est pas le même quand tu t’apprêtes à choper un mec. Dans ce cas là t'es plutôt manipulatrice. » Je me marre, parce qu'il m’a bien cerné ce con. « Blonde. » J’avoue sans tarder. Il se retourne très peu discrètement et je lève les yeux au ciel d’un air dépité. « Canon. Hetero. » « Pas touche. Elle est à moi. » Je finis ma coupe d’une traite et en récupère deux autres avant de quitter Jordan sans rien ajouter. Je m’approche de la jolie blondinette et lui tends la coupe de champagne. « J’espère que t’aimes ça, parce qu’on est déjà loin du bord, et y’a pas l’air d’y avoir beaucoup d’autres choix… »

Je ne suis pas du genre qui réfléchit avant de foncer droit vers une potentielle conquête. Je connais mon mode de fonctionnement, et si je n’avais pas tenté quelque chose, je l’aurai vite regretter. Vivre dans les regrets c’est pour les faibles, et je ne fais pas partie de cette catégorie de personnes. Alors, deux coupes de champagne en mains, je rejoins ma cible de la soirée, voire de la nuit. « Bonsoir... Merci ? » Je lui offre un large sourire charmeur, tout en la regardant se retourner comme pour chercher une raison à ma venue dans sa direction. J’en profite pour laisser glisser mon regard sur sa nuque, sentant déjà mes lèvres me picoter à l’idée d’aller les déposer sur son cou. « Je vois que le dress code du staff a évolué... Quoique, je crois que les autres serveuses n’ont pas eu le mémo. » Et elle est drôle en plus d’être belle. Jack pot. Je ris juste assez pour lui faire comprendre que sa blague n’est pas passée inaperçue. « C’était le seul moyen de me démarquer, le boss n’a pas trop apprécié. J’ai pu récupérer que deux coupes avant qu’il me botte les fesses. » Je lui offre un sourire complice avant de porter mes lèvres à ce verre plein de ce champagne que j’ai déjà pu apprécier. « Hm. Pas mal. Il fera l’affaire puisqu’il n’y a pas d’autres choix. » Est-ce qu’elle est difficile à ce point, ou c’était juste une manière de rebondir sur mon entrée en matière ? « T’as des actions dans le vignoble, pour vouloir que tous les invités goûtent à ce champagne ? » J’appuie le bas de mon dos contre la rambarde du bateau, là où elle était appuyée un peu plus tôt. Mes coudes légèrement en arrière posés sur ladite rambarde, laissant de fait ma veste de tailleur s’ouvrir légèrement plus. Heureusement, je n’ai pas la poitrine débordante d’une mannequin lingerie. « Pas dans celui-ci non. Il est pas mal, mais le mien est mieux. » Je bois une nouvelle gorgée du liquide doré avant de reposer mon regard sur la belle blonde. « Et toi dis-moi, qu’est-ce que tu fais ici ce soir ? Envie ou dépit ? Tu es accompagnée ? » Je balaye les environs du regard, j’imagine que si elle était accompagnée et heureuse de l’être, elle ne serait pas là seule sur le pont, comme si elle voulait échapper à quelqu’un. Je ne peux détourner le regard bien longtemps, je dois dire que son visage a quelque chose d’assez magnétique. Elle est magnifique, on ne peut pas dire autre chose, mais il y a quelque chose en plus qui se dégage de son visage d’ange, et j’ai très envie de découvrir quoi… Puisque nous sommes quasiment seules dans cette partie du bateau, je peux en profiter pour laisser mon regard se perdre sur sa silhouette sans vraiment me cacher de quoi que ce soit. J’assume qui je suis, et ce que je suis venue chercher…

« Le tien est mieux ? » demande-t-elle à ma suite, alors que je retiens un sourire amusé. Est-ce qu’elle est le genre de jeune femme à qui je pourrait tout faire avaler ? J’adore le ‘lying game’, j’y joue souvent avec Jordan et il n’est pas difficile de faire croire à peu près n’importe quoi à n’importe qui, tant qu’on a une force de conviction. J’aurai dû faire du théâtre, voire du cinéma, je suis sûre que j’aurai été douée. Comme à mon habitude, je fais en sorte de reporter la lumière sur mon interlocuteur, et ce soir, interlocutrice. A moi de poser les questions. « C’est un peu binaire comme choix… C’est forcément l’un ou l’autre ? » J’arque un sourcil, amusée. Elle fait dans la dentelle, et visiblement elle n’a ni envie d’être là, ni pas envie. Plus complexe que je ne l’aurai imaginée, elle commence à vraiment m’intéresser. « Mon petit-ami est à l’intérieur. » finit-elle par avouer, alors que je hoche la tête sans me défaire de mon sourire. Il m’en faut bien plus que ça pour arrêter mon petit jeu. La plupart des femmes aiment quand on les courtise, et je suis plutôt douée à ce petit jeu. Je suis presque certaine qu’elle ne s’est jamais laissée caresser ou même embrasser par une autre femme, et je compte bien être la première ce soir. Au diable le petit ami en question. Tromper son mec avec une autre femme, ce n’est pas tromper, n’est-ce pas ? « Je ne te demande pas si tu es accompagnée. » déclare-t-elle après un court instant de silence. « Tu pourrais. Après tout, je ne fais rien de mal… » Un nouveau sourire charmeur lui est adressé, sans qu’une réponse ne soit forcément apportée. Le mystère, toujours. « Ni si t’as pas peur d’attraper froid… Les températures peuvent parfois se rafraîchir quand on est en mer. » Cette fois c’est un rire qui franchit mes lèvres. Son naturel me plait beaucoup je dois dire. « Je suis une dure à cuir, il m’en faudrait plus pour attraper froid. » Ça, ça n’a rien d’un mensonge. J’ai toujours été plutôt le genre à sortir nuit et jour en t-shirt, par tous les temps. Ça a le don d’énerver mon frère jumeau qui a toujours peur que je m’enrhume, ou pire que j’attrape la mort, comme il le dit si bien. Mais avec les années, il a bien été obligé de constater que mon métabolisme est coriace, et que les microbes ne veulent pas de moi. Je ne vais pas m’en plaindre. « Et du coup, qu’est-ce que tu fais là toute seule si ton petit ami est à l’intérieur ? Tu t’es enfuie ? Vous jouez à cache-cache ? » Je la taquine, j’ai le sentiment qu’elle ne va pas prendre la mouche pour autant. Et puis, nous avons du temps à tuer, et mon petit doigt me dit que cette soirée pourrait s’avérer bien plus intéressante que prévue…

Le jeu est lancé depuis le moment où je lui ai adressé la parole, et où elle a répondu. Si elle était du genre parfaite petite amie asservie à son riche boyfriend, elle ne serait pas là en train de discuter avec une personne comme moi. On ne va pas dire que je fais tâche au milieu du paysage, mais disons que j’ai toujours eu le don pour me démarquer, encore plus dans ce genre de soirée. « Est-ce que j’ai l’air de me cacher ? »  Mon sourire en coin s’agrandit. Non, elle n’a pas l’air de se cacher, ce qui est d’autant plus intéressant. Ou peut-être que si, à bien y regarder, puisqu’elle n’est pas au coeur de la fête avec le reste des invités. Non. Elle est là, avec moi. « Il préfère jouer au poker, et c’est pas trop mon truc. »  Je hoche la tête, sans me défaire de mon sourire. « Au poker. Evidemment. »  Un cliché. Quoi que j’aime bien jouer au poker, mais c’est de suite moins cliché pour une femme, bien que cette tendance tend à s’inverser, pour mon plus grand plaisir. « On lit en toi trop facilement… »  Cette fois, mon regard et le sourire qui l’accompagne, se fait davantage charmeur. Je n’ai jamais caché mes intentions, mais plus les minutes s’égrainent, et plus il est évident de comprendre où je veux en venir. « Tu me fais visiter ? Il faut bien que tu mérites ton salaire si tu veux pas que j’te balance au boss. »  Je ne peux retenir un rire amusé, tout en récupérant sa coupe vide. « On peut déjà passer par la cuisine pour nous resservir. »  Je lui fais signe de me suivre et nous passons par le côté du yacht, pour éviter de remettre les pieds là où grouillent les invités au compte en banque aux multiples zéros. Je vérifie que la jeune femme me suit et une fois dans la cuisine - j’avais bien repéré les lieux - je me saisis d’une bouteille neuve et fais péter le bouchon sans attendre. Je récupère deux nouvelles coupes et nous sers sans attendre. « La salle principale est pleine de gens aussi désespérément riches que chiants. Mais l’étage est plus calme. Si mademoiselle veut bien me suivre. »  Je l’incite d’un mouvement de tête à me suivre jusqu’à l’escalier extérieur qui mène à l’étage. La porte nous guide jusqu’à un long couloir qui dessert plusieurs chambres et des salles de bain. L’une des portes nous laisse découvrir une pièce accueillant deux grands sofa, et au milieu trônant un billard. « Tu sais jouer ? »  Puisque nous sommes dans une thématique plutôt joueuse - ce qui me convient parfaitement - je continue sur ma lancée. Et puis, si elle ne sait pas jouer, je me ferai un plaisir de lui apprendre…