il est possible de demander de l'aide (saskia)

Aujourd’hui, il y a du monde au café, que ce soit du côté des clients ou celui des employés. Il faut dire que le mercredi est généralement le jour où il y a le plus de monde. Pourquoi ? Je ne sais pas exactement, mais tant que les affaires fonctionnent, je ne m’en plains pas. Après avoir servi plusieurs personnes, pour des boissons et des friandises, je tombe face à une femme avec un petit garçon, auquel je souris naturellement – c’est ça d’être maman, on est plus facilement attendrit par les enfants. « Bonjour. Est-ce que Saskia est là ? » Je ne m’attendais pas à cette question. « Oui, je vais la chercher. » En espérant ne pas le regretter plus tard. Cependant, je n’ai pas le temps de mettre mes mots à exécution : elle reprend la parole. « Vous pouvez simplement lui dire que je suis désolée. J’ai une urgence et je ne peux pas garder Karel cet après-midi. » Cette femme me donne beaucoup d’informations d’un coup. Si j’avais un doute, je peux maintenant être sûre qu’elle est pressée. Elle quitte le café avant même que j’ai le temps de répondre quoi que ce soit, laissant incrédule le petit garçon. « ... D’accord. » Dis-je, alors que je reste un peu sur ma faim. Cette conversation était courte et intense. « Tu viens avec moi ? » Je suis une inconnue pour lui, mais j’espère qu’il me fera suffisamment confiance pour me suivre jusqu’à mon employée. Je lui tends la main et après une courte hésitation, il la saisie. Je charge l’une des serveuses de prendre ma relève, alors que nous prenons la direction de la salle de repos, où la blonde s’est éclipsée il y a quelques minutes. « Saskia ? » Dis-je, tout en poussant doucement la porte. « Une femme est passée, elle voulait te voir. Elle a laissé ce petit garçon. » Il ne faut pas avoir fait de longues études pour comprendre que ce n’était pas prévu et que cela va mettre la jeune femme dans une position un peu délicate. Je ne connais pas son emploi-du-temps par cœur, mais il me semble qu’il lui reste encore quelques heures de service. Le blond lâche ma main et se rapproche de la blonde. « Est-ce que.. » Une question un peu indiscrète est sur le point de franchir mes lèvres. Je devrais sûrement me retenir, mais c’est plus fort que moi. « Est-ce que c’est ton fils ? » Je n’ai pas souvenir d’avoir lu cela dans ses informations au moment de son embauche, mais je suis peut-être passée à côté. Est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Absolument pas. Je n’avais pas son âge quand Elliot est arrivé dans ma vie, mais j’étais dans la même position qu’elle.

Voir entrer une femme dans ce café, accompagnée d’un enfant, ce n’est pas surprenant. N’étant situé pas très loin de boutiques et à quelques minutes à peine à pied de plusieurs écoles, il n’est pas rare de voir des familles passer par ici pour prendre de quoi grignoter. Cependant, celle qui se présente aujourd’hui ne semble pas intéressée par ce que nous proposons en vitrine : un simple bonjour et elle me demande où se trouve Saskia, l’une de nos serveuses. Je lui propose d’aller la chercher, mais cela ne semble pas lui suffire, puisqu’elle s’excuse et me laisse le petit garçon qui l’accompagne. Maintenant seule avec lui, je dois l’emmener à mon employée. Bien que timide, il accepte de me suivre dans l’arrière boutique, alors que je laisse une autre serveuse en charge de la nouvelle clientèle qui arrive. À en voir le visage de la blonde, après notre arrivée dans la salle de repos, elle est surprise de voir ce petit Karel ici. La curiosité est un vilain défaut, mais je ne peux m’empêcher de lui demander s’il s’agit de son fils. Elle travaille pour moi, alors je comprendrais qu’elle ne veuille pas me répondre. Néanmoins, je ne suis pas ici pour la piéger et s’il s’avérait que ce petit garçon soit le sien, alors nous pourrions certainement trouver des solutions pour que son emploi-du-temps soit un peu plus commode. Après une courte hésitation, elle m’avoue qu’il ne s’agit pas de son fils, mais de son frère. C’est déjà ça, il doit donc exister quelqu’un d’autre qui pourra venir le récupérer. « Rien de spécial. Seulement qu'elle avait une urgence et qu'elle ne pouvait pas le garder cet après-midi. » Dis-je, alors que Saskia me demande ce que la femme a dit. « Quel âge a-t-il ? » Il a l'air encore jeune, mais moins qu'Elliot. « Si tu veux, je peux le garder par là avec moi, le temps que quelqu'un arrive pour le récupérer. Tes parents peut-être ? » J'ai été dans la même situation qu'elle, plus ou moins : j'ai dû élever un enfant seul, alors que j'enchaînais les heures en tant que serveuse dans ce même café – avant que j'en devienne l'une des propriétaires. Il serait cruel de ma part de ne pas avoir un peu d'empathie envers elle et de ne pas vouloir l'aider un peu. Les imprévus arrivent et elle doit déjà se sentir assez mal comme ça, il est inutile d'en rajouter une couche. « Mon fils, Elliot, devrait bientôt arriver avec ma mère. Je suis sûre que ça lui fera plaisir d'avoir un partenaire de jeu. » C'est son frère, sa décision. Mais qu'elle ne s'inquiète pas, qu'elle décide de partir pour être avec lui ou de rester pour finir sa journée, il y aura toujours une solution de repli, une solution qui ira dans son sens. « On pourrait commencer par lui trouver de quoi grignoter un peu. Si tu as faim, bien sûr. » Dis-je pour conclure, cette fois-ci, directement au petit garçon. Rester dans cette salle n'est pas la solution, c'est petit et loin d'être agréable sur la durée.

Recevoir la visite de ce petit garçon que je ne connais pas est une réelle surprise. Mais malheureusement, parfois la vie est faite de surprise que l’on aimerait éviter. La présence de Karel ne me dérange pas — sûrement parce que je suis mère et que je sais à quel point les imprévus peuvent être chiant —, mais cela ne semble pas emballer Saskia qui se retrouve dans une situation un peu particulière. À cours de solutions, elle propose même d’arrêter son boulot là pour s’occuper de lui. « Ne t’en fais pas. Je suis passée par là, je sais ce que c’est. » Comme il s’agit de son frère, ce n’est pas exactement la même chose. Mais l’idée principale est là. La seule différence, c’est le degré de responsabilité. En étant mère célibataire, j’étais la première personne sur qui Elliot reposait. Là, Saskia a la chance de pouvoir compter sur ses parents — même si le fait qu’il soit là aujourd’hui indique qu’ils ne sont pas en capacités de le récupérer aujourd’hui. À ma proposition de manger un petit quelque chose dans la salle principale du café, le petit garçon répond positivement. Il n’a pas demandé de se retrouver dans une telle situation, alors il est inutile de le rendre nerveux. « Est-ce que tu veux que j’appelle quelqu’un peut-être ? » Dis-je à la jeune femme, alors que mon attention se repose sur elle. Du haut de ses six ans, Karel n’est pas vraiment les moyens et la responsabilité de s’occuper de la logistique. Certes, il ne reste qu’une heure, ce n’est pas beaucoup. Mais pour un enfant, ça peut paraître une éternité, alors malgré ma proposition, peut-être que Saskia préférera faire appel à quelqu’un d’autre, à une autre amie. Ce n’est pas cette direction que prennent les choses. Elle accepte mon offre et s’apprête à retourner au boulot. « En attendant, nous serons de l’autre côté, à chercher une friandise à ce petit garçon. » Il offre un geste tendre à sa sœur et nous retournons tous dans l’autre salle, Karel et moi vers le comptoir et Saskia vers une table de client. Petit à petit, le garçon s’ouvre un peu plus. Il faut dire qu’une pâtisserie et l’arrivée d’Elliot aident beaucoup pour ça.
Le café est bien plus calme maintenant et le service de plusieurs des serveurs touche à sa fin. C’est le cas pour Saskia qui a déjà récupéré ses affaires et qui arrive vers le comptoir où je me trouve. « Il est en train de jouer avec Elliot. En attendant, assieds-toi si tu veux. » Visiblement, le temps est passé assez vite pour lui, puisqu’il n’a jamais cherché à savoir quand sa sœur aurait terminé. Et comme il joue, la blonde peut peut-être se permettre une petite pause entre son service et son rôle de grande sœur. « Une boisson chaude, ça te dit ? » Je n’ai pas la totalité de l’histoire — je ne sais pas si je l’aurais un jour, mais si la jeune femme a besoin de quelqu’un pour parler, je suis là. Même si Karel n’est pas son fils, elle semble avoir un bon nombre de responsabilité et je sais à quel point il peut être compliqué de jongler avec plusieurs choses, plusieurs styles de vie.

La catastrophe a été évitée de peu. Enfin.. catastrophe, c’est un bien grand mot pour résumer la situation dans laquelle s’est retrouvée Saskia. Je ne sais pas exactement ce qui se passe dans sa vie et les responsabilités qu’elle a, alors naturellement, je lui ai proposé mon aide. En tant que patronne, je n’étais pas obligée de le faire, mais les choses s’enchaînant plutôt bien pour ça, il aurait été dommage de passer à côté. Et ce petit coup de pouce, la jeune femme ne tarde pas à le souligner et à me remercier encore pour ça. Ce n’est pourtant pas nécessaire, surtout que les sourires dessinés sur les visages des deux garçons le font déjà pour elle. « Ne t’inquiète pas, nous aurions trouvé une autre solution. » C’est toujours mieux de s’arranger à l’amiable dans ce genre de situation que de devoir trouver de nouveaux employés parce que les attentes étaient un peu trop hautes. Les imprévus sont des choses qui arrivent dans la vie et il faut savoir être indulgent, surtout que Saskia n’est pas le genre d’employée à me faire ce genre de coups tous les quatre matins. En plus, avec Elliot qui arrivait, c’était l’occasion parfaite pour que son petit frère l’attende sagement dans un coin de la boutique. Une heure, ce n’était pas très long et je suis presque sûre que le temps est passé suffisamment vite pour les deux membres de la fratrie. Rapidement, la machine m’informe que la boisson de la blonde est prête. Je viens la déposer face à elle, avec une coupelle sous sa tasse, et je viens relancer une préparation pour moi. « Est-ce que tout va bien chez vous ? » Je ne sais pas exactement ce que j’attends comme réponse de sa part. Pour être honnête, je ne sais même pas si j’en attends vraiment une – après tout, je ne suis que sa patronne et elle n’est en rien obligée de me parler. Cependant, j’ai envie qu’elle sache que je suis là, si jamais elle en ressent le besoin. Hormis ce qu’il y a écrit dans son dossier, je ne connais pas beaucoup de choses au sujet de la jeune femme. Il n’y a rien de compromettant dedans – elle ne serait pas ici sinon –, alors elle n’a pas à avoir peur. Certes, l’arrivée de son petit frère ici aurait pu affecter sa performance au boulot, mais je trouve que ça reste minime à côté d’erreurs bien plus graves, le vol par exemple, ou le manque de respect envers les autres employés et les clients. Lorsque la deuxième boisson chaude est prête, je reprends place à côté de la jeune femme et cette fois-ci, si une conversation doit avoir lieux, alors je serais plus à même de suivre. « Ne t’en fais pas, Karel ne m’a rien dit. » Bien que très gentil, je suis encore une inconnue pour lui, alors il est resté le timide petit garçon qu’il était déjà à son arrivée.