fast times and fast nights ᛃ LoveBird #2

Je m’attendais à tout sauf à ça. Liv est une fille pleine de surprises, ça ne date pas d’hier. Mais choisir de se marier à un mec juste pour la couverture, là j’ai du mal. Je sais qu’elle a toujours eu du mal, et qu’elle n’est - visiblement - toujours pas prête à sortir du placard, je ne juge pas. Mais ça me fait mal au coeur de voir qu’elle choisit une porte qui est loin d’être bonne pour elle. Oh, je ne doute pas qu’elle ait un tas de ‘bonnes’ raisons qu’elle s’empressera de m’énumérer une fois que je l’aurai en face de moi, mais je reste persuadée qu’elle se trouve des excuses toutes trouvées pour ne pas avoir à assumer qui elle est vraiment. Et ça fait mal au coeur. Je suis la preuve vivante qu’Hollywood n’est pas fermé à donner sa chance à des personnes queer, et j’en suis. Mais Liv ne le voit pas de cette manière, et je vais devoir prendre sur moi. Je crois que ce qui me blesse le plus, c’est qu’elle ait manigancé tout ça sans même m’en parler. Je ne dis pas que j’aurai essayé de l’en dissuader - quoi que - mais au moins être au courant, pouvoir être une oreille attentive… Disons que ça aurait au moins pu me changer un peu les idées dans une période où j’en aurai eu besoin, mais bref. Dans nos échanges de message, je suis remontée, et je pense que j’ai de quoi l’être, et j’ai besoin d’éclaircissements.

Je me rends au point de rendez-vous, qui sans surprise se trouve être son hôtel. Elle ne veut pas sortir, et vu ce que racontent les réseaux sociaux sur cette histoire de mariage, je peux le comprendre. Je fais profil bas et passe sur le côté, bien camouflée, alors que des fans attendent à l’entrée de l’hôtel. L’angoisse. Heureusement, je me faufile suffisamment bien maintenant pour arriver à passer inaperçue. A la réception, je mentionne mon nom, elle a au moins prévenu l’hôtel de ma venue, c’est toujours ça. Tant qu’il n’y a pas de fuite, ça ira. Je grimpe les escaliers jusqu’à la suite de la demoiselle et frappe à la porte. C’est une jeune femme que je ne connais pas qui ouvre, et je reste interdite quelques secondes. Je me suis trompée de chambre ? Un léger vent de panique m’assaille et je reprendre mon téléphone pour vérifier le numéro de chambre qu’elle m’a envoyé, mais je n’ai pas le temps de trouver l’information qu’une furie me saute dessus. « My Love ! » Je la reçois avec surprise et fais quelques pas dans le salon pour que la jeune femme qui m’a ouvert puisse refermer derrière nous. Par chance, il n’y avait personne dans le couloir pour assister à ces retrouvailles. « Comment tu vas ? Merci d’être venue. Je serais bien sortie pour te rejoindre, mais... c’était trop risqué. » Je la laisse quitter mes bras et me contente d’un hochement de tête un peu en retrait, pendant que je range mes lunettes de soleil dans la poche de ma veste en jean. Je ne réponds pas immédiatement à Liv mais me tourne vers la jeune femme qui m’a ouvert la porte pour me présenter, question de politesse. « Bonjour, je suis Love. » Elle m’adresse un joli sourire et se présente à son tour. Laurie, l’assistante de Liv. Bah voyons. Une assistante, toujours plus. Je finis par me tourner vers Olivia, toujours avec un certain retrait. « Je crois que t’as des trucs à me dire… » Si je vais bien ? J’en sais trop rien. Il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie ces derniers mois, et ce serait trop long à raconter. Et surtout, je ne suis pas là pour ça, mais plutôt pour comprendre comment elle en est arrivée là…

J’attaque sans tarder. Je ne suis pas venue ici pour trier les lentilles après tout. Ok, ça me fait plaisir de la voir et ce n’est vraiment pas évident de jouer les méchantes - même si une partie de moi lui en veut vraiment - mais j’essaie de me montrer la plus neutre possible. Neutre face à Liv, ce n’est pas une mince affaire. Soit je suis euphorique, soit je suis froide et je mets mon masque. Et de toute évidence, j’ai besoin de le mettre pour ne pas la laisser déborder. C’est trop tôt pour me laisser avoir, j’ai besoin d’explications avant de décider si je peux lui pardonner son mensonge par omission, ou non. Alors, pour éviter de me faire avoir, je fonce droit dans le tas. Elle a quelque chose à me dire, et elle a plutôt intérêt d’être aussi brève que franche. Je l’attends au tournant. « Tu veux boire quelque chose ? » Je la connais comme si je l’avais faite. On a grandit ensemble elle et moi, et même si officiellement, notre couple n’en a jamais été un, nous avons vécu une histoire aussi passionnée que passionnelle. Alors je sais exactement ce qu’elle essaie de faire : gagner du temps. Et aujourd’hui, ça ne fonctionne pas. Je n’ai même pas besoin de refuser son offre, elle le comprend très vite dans mon regard. C’est ce moment qu’elle choisir pour demander à son assistante de nous laisser seules. « Tu vas au moins t’asseoir, ou tu veux rester debout pendant que tu me feras mon procès ? » J’arque un sourcil. Passerait-elle à l’attaque ? Que je sache, je suis celle qui est en droit de réclamer quoi que ce soit, et non l’inverse. Elle n’a aucun droit d’être en colère contre moi. Je croise mes bras contre ma poitrine, et m’assieds finalement sur le bord du canapé, dans une posture à la fois renfermée, et à la fois attaquante. « Tu veux pas au moins attendre d’avoir les explications avant de faire la gueule ? » Je ne peux réprimer un soupir et cette fois, je décroise mes bras et me laisse tomber dans le fond du canapé. Elle est chiant, elle va finir par m’avoir. « Je fais pas la gueule, Liv. J’me sens juste… » Je fais une petite grimace en fronçant mon nez avant de finir ma phrase. « …trahie. » Le mot est peut-être un peu démesuré, mais que voulez-vous, je suis entière, et mes sentiments sont forts. « Je pensais être ton amie, et je pensais qu’aux amis, on parle de ce genre de trucs, tu sais quand on est fiancée, qu’on va se marier, tout ça… j’sais pas j’crois que c’est un peu important. » Et même si j’ai encore du mal à y croire, je vais devoir me faire à l’idée, qu’on se le dise…

Je suis sur la défensive, parce que je sais que Liv a cette faculté indéniable à raconter ce qu’elle veut à qui elle veut. Sauf que je ne compte pas me laisser berner, j’ai besoin de savoir la vérité sur toute cette histoire, et surtout, savoir pourquoi elle ne m’a jamais rien dit à propos de ce mec. En plus, je suis sûre qu'il est moche. « C’est pas ça, Love. C’est… » C’est quoi ? Je m’attends à tout. Est-ce qu’elle a seulement décidé de me dire la vérité ou est-ce qu’elle va me raconter des bobards ? Est-ce que je vais seulement croire ce qu’elle me raconte ? « J’ai jamais voulu te faire de mal. J’ai juste… paniqué, avec tout ce qui est sorti sur nous. Et mon père… » Je lève les yeux au ciel à l’évocation de son paternel. Alors lui, qu’il reste loin. Ça m’énerve qu’elle soit encore là à vouloir chercher les bonnes grâces de son père, sans même s’octroyer le droit d’être simplement elle même. Mais je m’étais promis de ne pas juger, ou en tout cas le moins possible. A la place, je me mords l’intérieur de la joue pour me retenir d’un quelconque commentaire. « C’est du vent. Tout ce mariage, c’est du vent. Et non, ça n’a aucune importance. » Je fronce les sourcils, sans la lâcher des yeux. Comment ça, du vent ? Elle s'est inventé un mec imaginaire ? S’il c'était encore juste une bague, mais non. Elle est plus grosse qu’un pif au milieu d’un visage, sérieusement… « T’es bien plus qu’une amie, tu le sais. Nous deux… C’était vrai, du début à la fin, je te le promets. » De belles paroles. Au fond de moi, bien sûr que j’y crois, mais aussi vrai que ça ait pu être, ça n’a pas suffit. L’avis que les gens avaient d’elle était plus important que ce ‘nous’ qu’on essayait de construire tant bien que mal. « Ouais… » répondis-je avec un peu trop de doutes dans la voix. « C’est juste un immense bordel maintenant, parce que j’ai été incapable de lui tenir tête… » Je ne peux me retenir de soupirer, passant mes mains sur mon visage comme pour essayer de faire le point avec moi-même. « Mais c’est qui ce mec ? C’est ton père qui t’a forcée ? Va falloir que tu sois plus claire Liv parce qu’on va pas y arriver sinon. » Je suis plus dure que j’en ai l’habitude, mais je me connais, je sais que toutes les émotions qui me traversent ont tendance à me remuer le coeur autant que le cerveau. J’ai besoin de savoir, vraiment, ce qu’il s’est passé. Quand, depuis quand. Peut-être que ça remettra tout en question, peut-être pas. « Si tu tiens à moi, j’ai besoin que tu me racontes. Tout. » Parce que si c’est son père qui l’a poussée à une connerie pareille, je jure que je lui ferai payer.

Je m’impatiente de connaître toute l’histoire, pour le moment j’ai juste la sensation qu’elle essaie de trouver une excuse, gagner du temps. Oui, j’ai l’impression de me faire mener en bateau, j’attends de voir ce qu’elle compte me servir, et si je l’estime honnête dans ses explications. Elle me demande finalement si je veux tout savoir, et je réprime un soupir d’exaspération. Elle sait très bien que je veux tout savoir, cette question n’a absolument aucune utilité. A la place, je reste muette et la laisse parler. Je la suis du regard, avaler son verre d’alcool cul-sec comme pour se donner du courage. Ça commence bien. Voilà que sa langue se délie, et qu’elle commence par le début de l’histoire. Ce mec qui lui était promis déjà depuis son plus jeune âge mais qu’elle avait finalement oubliée. Jusqu’à ce qu’elle décide de la déterrer, de toute évidence. Lorsqu’elle parle des rumeurs, des photos, des photos de nous, mon ventre se serre et je ne peux m’empêcher de culpabiliser, peut-être même de regretter. Jamais je ne voulais qu’elle se retrouve dans une situation pareille, si j’avais su, peut-être que j’aurai arrêté les frais plus tôt pour lui éviter de genre de situation de merde. Devoir mentir comme ça à tout le monde, juste pour se planquer dans son petit placard tout étroit… « Le pire, c’est qu’il veut pas de moi. »  Je lève les yeux au ciel. Qui ne voudrait pas d’elle, sérieusement ? Ok elle est folle, mais c’est ce qui fait son charme. « Je sais plus quoi faire, Love. J’ai sa mère sur le dos, mon père, une bague de fiançailles hideuse, et un putain de mec qui veut pas de moi ! »  Je lâche cette fois un rire nerveux, parce que c’est un peu trop pour moi, il faut bien l’admettre. « C’est clair qu’elle est affreuse, en plus elle doit peser une tonne ! » Je ne compte pas le nombre de femmes qui rêveraient d’avoir une pierre comme ça à leur doigt. Moi, ça me fout le cafard. « Et je sais, j’ai l’air d’une psychopathe. T’as pas besoin de le dire, je le sais déjà. »  Je hausse les épaules pour ne pas avoir à répondre. Elle a déjà répondu, d’une certaine façon. « Disons qu’on dirait un putain de film ton histoire ! »  Je soupire et me laisse tomber mollement dans le canapé, avant de frotter mon visage avec mes mains. « T’es incroyable quand même ! Comment t’arrives à te foutre dans la merde comme ça, et volontairement en plus ! »  D’un côté, ça me ferait presque rire, et de l’autre, ça me désole quand même un peu. Elle a une faculté à aller chercher le drama partout où elle passe, c’est aussi fascinant que désolant. « Et tu comptes faire quoi maintenant ? Enfin j’veux dire, si le mec veut pas de toi, tu vas le droguer ? Le séquestrer ? L’emmener à Vegas pour vous marier ? »  Plus rien ne m’étonnerait venant d’elle. « C’est quoi le plan ? »  Franchement, c’est tellement rocambolesque que je ne sais même pas comment je peux croire un truc pareil. Mais c’est Liv, elle est comme ça, et y’a qu’avec elle que je suis en capacité de gober une histoire pareille.
Je vois bien qu’elle est mal, et je me lève pour aller la rejoindre et je m’accroupis devant elle, posant mes mains sur ses genoux. « Hey, te mets pas dans cet état, on va trouver une solution. »  Par cette simple phrase je lui fais comprendre que je la crois, et que je suis là, malgré tout.