nothing compares to the simple pleasure of a bike ride (andrea)

Métro, boulot, dodo. C’est un peu à cela que ma vie ressemble, à quelques détails près. Mais je ne peux pas me plaindre, car c’est ce que j’ai voulu. À mon retour en ville, suite à mon mariage raté – si on peut vraiment l’appeler mariage –, j’ai fait le choix de me plonger pleinement dans ma nouvelle vie. Dans le sport à nouveau et dans cette boutique que j’ai pu ouvrir grâce à l’aide de mon père. Même si je l’ai déçu par le passé, en lâchant mes études et le cyclisme pour suivre mon petit ami, je crois qu’il était content de me revoir dans le coin et de pouvoir recommencer quelque chose avec moi. Cette boutique, avec cette passion commune qui nous anime depuis de nombreuses années maintenant, c’était comme une évidence. Et parfois, quand j’ai besoin, il vient travailler avec moi sur quelques vélos ou même me remplacer à la réception des clients quand je ne peux pas être là. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé hier : j’ai dû passer une bonne partie de ma journée au vélodrome pour des tests physiques et un entraînement. Lorsque je suis revenue, j’ai vu que la liste des rendez-vous s’était bien remplie et je me suis rapidement mise au travail pour pouvoir rendre les vélos à leurs propriétaires, le plus vite possible. Sur  la liste, un nom a attiré mon attention, mais ne pouvant pas avoir de réponse avec ce simple moyen de transport à deux roues face à moi, je vais devoir attendre un ou deux jours pour en avoir le cœur net.
Le lendemain, les allées et venues se font à la boutique, pour récupérer des vélos, les laisser ou encore pour acheter divers accessoires. Alors que j’échange avec une cliente, un homme entre dans l’établissement. Comme pour chaque personne, je le salue et attends d’en avoir terminée avec la première personne pour passer à lui. Son tour arrivé, il parle du SMS qu’il a reçu de ma part et tous mes doutes à son sujet s’évaporent. « Je vais chercher ça. » Je m’absente quelques minutes dans l’arrière boutique et reviens avec son vélo, dans un état bien meilleur que ce qu’il était en venant – sans vouloir me jeter des fleurs. « Je me disais bien que ton nom me disait quelque chose. » Dis-je, alors que je récupère les papiers qui résument les réparations faites. Pour être honnête, il ne m’avait pas fallu longtemps pour comprendre que je le connaissais, sans même le voir. Mais là, de l’avoir face à moi, c’est comme une évidence. « Andrea. Andrea Saunders. » Si c’est une évidence pour moi, ça ne l’est peut-être pas pour lui. Alors en plus de lui donner mon identité, je décide d’aller plus loin. « Nous faisions du vélo ensemble. » Physiquement, je trouve qu’il n’a pas changé. Bien sûr, il a grandi, mais il a gardé ses traits principaux. C’est peut-être mon cas aussi, je ne sais pas trop, je n’y ai jamais prêté attention. Cependant, s’il n’arrive même pas à remettre mon prénom, alors je suppose que la question ne se pose pas.

Depuis que je suis de retour en ville, je tombe sur des visages qui me sont familiers, des visages que j'ai quittés quelques mois ou années plus tôt. Ce n'est pas vraiment étonnant quand on sait que j'ai grandi ici et que certains de mes amis sont restés en ville durant toutes ces années. Mais ce visage que j'ai en face de moi remonte à un peu plus longtemps que ça, à l'époque où je débutais sur un vélo. Je m'absente quelques minutes, le temps de récupérer ce qu'il est venu chercher. En revenant, je ne mets pas longtemps avant de lui parler de mes soupçons, du fait que nous nous connaissons et cela semble avoir son petit effet sur lui, puisqu'il me remet. Au moins, maintenant, j'ai la certitude de ne pas avoir fait mauvaise route. « C'était bien lui. Il m'aide de temps en temps. » Dis-je, alors qu'il mentionne mon père – cet homme qui lui a appris à faire du vélo. Les années ont passé depuis la dernière fois et il a sûrement vieilli un peu, il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il n'a pas fait la connexion en déposant son moyen de transport hier. « Je vais bien. Après quelques années ailleurs, j'ai décidé de revenir dans le coin. » Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la dernière fois où nous nous sommes vus, beaucoup de choses se sont sûrement passées dans nos vies respectives, beaucoup trop.. alors le plus simple pour l’instant, c’est de parler des choses basiques, de ce que nous sommes devenus. « Et toi ? Tu es toujours resté ici ? » Avec Island Bay, jumelé à Wellington, il peut être compliqué de se croiser, même si nous vivons dans la même ville et comme nos chemins se sont séparés assez tôt, peut-être que nous avons vécu à quelques mètres l’un de l’autre sans le savoir. « En tout cas, je vois que tu es toujours resté aux basiques. » Dis-je, un sourire sur les lèvres, alors que je pose les yeux sur son vélo. Je m’occupe de quelques papiers et l’écoute raconter l’un des souvenirs qui lui revient en mémoire. « Il est toujours plus simple de rigoler après une chute. » D’ailleurs, je ne peux m’empêcher de reproduire cela aujourd’hui, en essayant de revenir quelques années auparavant. Rire d’une chute, ça détend. A cela s’ajoute le fait qu’à l’époque, je n’étais qu’une enfant, on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir su me contenir. « Et puis, tomber fait partie de l’apprentissage : tomber pour mieux se relever. » Ce proverbe est vrai, que ce soit en vélo ou dans la vie.