some things never change. (kenyssa 1)

Impossible de boucler ce dossier aujourd’hui, il est déjà dix-sept heures passées, et je connais assez bien l’administration pour savoir que je n’aurai aucune réponse à mes questions ce soir. Il y a les gens qui ont des phobies administratives, et il y a moi, qui bosse toute la journée avec l’administration dans sa globalité, pour réussir à réinsérer mes petits protégés. Je ne travaille pas avec le grand banditisme, j’aurai beaucoup trop de mal à défendre leur cause. Mes dossiers regorgent de jeunes à peine majeurs qui sont tombés un peu trop bas à cause d’une histoire difficile, ou de femmes qui ont simplement tenté de sauver leur peau, mais réduites à néant par la justice. Je peux me regarder dans un miroir sans penser, comme ces avocats commis d’office, que je ne suis pas en train de défendre des personnes qui ont commis l’impardonnable.
Il est l’heure d’éteindre mon ordinateur et mettre mon téléphone de boulot sur vibreur. Ce soir, Nyssa et moi avons prévu de profiter de son jour de repos pour aller faire un tour au marché de Noël, et je compte bien profiter de ce moment avec elle, parce qu’ils me semblent être de moins en moins nombreux à cause de nos boulots respectifs. « C’est pas la troisième fois que tu regardes cette série, honey ? » que je demande à ma petite soeur Evan qui vit avec nous depuis quelques mois. « Cinquième en fait, mais je m’en lasse pas. » baragouine-t-elle en mâchouillant une barre de céréales. « Hum Kenz ! Tu veux bien m’aider pour ma demande de renouvellement de passeport ? J’ai cherché sur Internet mais je comprends queud. » Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel. « Tu sais que les délais sont longs, si tu veux pouvoir partir en Europe le mois prochain faudrait peut-être te bouger les fesses, miss procrastination ! » En passant, je récupère un coussin et lui balance gentiment à la figure, juste avant que nous échangions un rire complice. « On verra ça demain, j’ai rendez-vous avec Nyssa dans trente minutes, je suis déjà à la bourre ! »
Je me dépêche de me changer et enfiler un de ces fameux pulls de Noël de circonstance en cette saison. Le soir, la fraicheur est parfois encore un peu de mise alors je préfère prévenir que guérir. Me voilà fin prête, clés de voiture en main, et je peux retrouver ma douce épouse en plein centre ville, comme prévu. Je ne suis pas du genre en retard, et j’ai même plutôt tendance à détester les gens en retard, mais je me soigne. Nyssa le sait très bien, et c’est pile à 18h que nous nous retrouvons sous l’arche principale de l’entrée du marché de Noël. Un large sourire étire mes lèvres lorsque je la vois arriver, toujours le même effet depuis plus de dix ans. « J’ai cherché le gui, je pensais qu’ils en auraient installé en hauteur un peu partout, mais pas encore trouvé… » Je lui adresse une petite moue en m’approchant d’elle. « Mais c’est pas une raison. » dis-je finalement en venant chercher ses lèvres dans un tendre baiser, de ceux dont nous avons le secret. « Ça a été ta journée babe ? »

Lorsque Nyssa arrive et que je la vois au loin, vêtue de son blazer et pleine d’élégance, je ne peux m’empêcher de sourire. Elle a l’habitude de me voir habillée de manière plutôt classique à cause de mon boulot, l’inverse n’est pas forcément vrai puisqu’elle porte un uniforme pendant ses journées de travail. Alors forcément, la voir habillée comme ça pourrait vite me donner chaud. Je ne résiste pas à l’envie de l’embrasser, pas perturbée outre mesure par les potentiels regards déplacés. Avec le temps, on apprend à ne plus les voir, et puis Island Bay est quand même une ville tolérante dans l’ensemble. « J’sais pas, laisse moi réfléchir… » répond-elle à ma question, venant en même temps chercher un nouveau baiser sur mes lèvres. « Là, ça va mieux. » Je ne peux retenir un large sourire, plongeant mon regard dans le sien avec cette intensité qui nous caractérise. « Ça allait, ouais. Pas simple avec la mission ‘cadeau de Lenny’, mais je m’en suis sortie ! » Un rire amusé franchit la barrière de mes lèvres. « Mon Dieu, merci de t’en être occupé, je pense que j’aurai frôlé la crise de nerfs ! » J’aime mes frères et soeurs, tous sans aucune exception, et même si avec Lennon c’est plus compliqué, ça ne m’empêche pas de vouloir lui faire plaisir. Sauf que chaque fois que je trouve une idée, j’ai toujours une petite voix dans ma tête qui me dit ‘elle va encore faire la grimace parce que rien n’est assez bien pour elle’. Depuis le temps, ça devrait ne plus me toucher, mais ce n’est pas le cas. Au moins, si c’est Nyssa qui a trouvé le cadeau, Lenny fera au moins l’effort de faire semblant qu’elle aime. « Et toi ? T’as bien sauvé la veuve et l’orphelin ? » Je lui offre un sourire en haussant les épaules. Malgré tous mes efforts, j’ai toujours la sensation que je ne pourrai jamais faire suffisamment pour aider ces gens. Pourtant, je donne beaucoup de ma personne, parfois même un peu trop. « J’ai pas des dossiers faciles en ce moment, et puis avec les fêtes, les gens ne sont pas forcément dans la meilleure humeur qui soit. Il y a deux catégories de personnes  concernant les fêtes de fin d’année. Ceux qui sont en famille, heureux, qui ont les moyens de se réunir, s’offrir des cadeaux. Et puis il y a les écorchés qui ne supportent pas de voir toutes ces effusions d’amour et de famille. Les gens avec qui je travaille font souvent partie de cette seconde catégorie. « C’est quoi le programme ? On commence par se trouver un truc à grignoter ? » Je hoche vivement la tête. « Oui ! Avant que mon ventre ne s’auto-grignote ! Tu as envie de quoi ? » Je viens glisser ma main dans la sienne et nous commençons à parcourir les allées bordées de petites cabanes en bois. La nourriture se trouve un peu plus loin et nous y arrivons bien vite. L’odeur du vin chaud me donne envie, mais je voudrais d’abord trouver à manger. « Alors du coup, tu as pris quoi à la miss casse-bonbons ? »