try ⁖ marley #3

Lorsque j’ai mis à nouveau les pieds ici, à Island Bay, je pensais vraiment que j’arriverai à avoir une vie plus calme, paisible, un boulot qui me plait, une maison m’occuper après la succession de mon père. Je n’aurai jamais pensé que tout prendrait une dimension parallèle comme c’est le cas aujourd’hui. C’est comme si la vie me faisait comprendre que peu importe l’endroit où je me trouverai, je ne serai jamais vraiment ‘au calme’. Je ne dis pas que ce qui se passe ici est aussi intense que la vie que j’ai laissée derrière moi à Auckland, mais franchement, c’est un beau bordel quand même.
Je suis déjà arrivée sur notre lieu de rendez-vous lorsque je reçois le sms de Laurel qui me dit qu’elle aura un peu de retard. Commencer sans elle. Oui. Allons-y. Je commande un premier martini. Je dis premier parce que je sens que ce ne sera pas le seul. Je ne m’attendais pas à le terminer aussi vite, mais je me laisse engloutir dans un tourbillon de pensées, les images de Tegan main dans la main avec Love, ma cousine qui comprend les choses, ma meilleure amie qui semble voir tout en rose avec des paillettes. On dirait qu’elle n’a pas conscience du bouleversement qui sévit en moi, et comment lui en vouloir. Elle vit une idylle avec la femme de sa vie, je crois que moi aussi je serai aveuglée à sa place.
Je sursaute en sentant une main sur mon épaule. Ah oui, j’attendais quelqu’un. « Hey ! Ça va ? » « Lau’ ! » Je fais pivoter mon siège de bar sur lui-même pour faire face à la blonde et fondre dans ses bras, nous procurant une étreinte nécessaire. Je pourrai bien fondre en larmes actuellement, mais je me retiens. « T’as pris beaucoup d’avance ? Que je me rattrape ; faudrait pas que tu me largues complètement. » Je ricane un peu alors qu’elle récupère son verre et moi le mien. « Non regarde ça va, j’en ai qu’un d’avance, ça ira. » Je trinque avec elle alors qu’elle me demande ce que nous fêtons. « Oulà ! Y’aura pas assez de deux verres pour ça ! » Et en même temps, elle doit bien voir sur sa tête que les choses à fêter ne sont pas les plus joyeuses qui soient. Et puis, à voir sa tête, on dirait bien qu’on est deux dans le même cas. « T’as l’air crevée ma pauvre chérie… » Je ne vais pas dire qu’elle a une sale tête parce que franchement, même crevée cette meuf est un canon, je serai presque jalouse. « Bon raconte, toi d’abord. Madame l’overbookée. C’était bien ton film ? » Je meurs d’envie de lui demander des nouvelles de sa brunette, mais je me retiens pour le moment, je me dis qu’elle en parlera si elle en a envie, je ne vais pas la forcer. La soirée va être longue je pense, surtout vu tout ce qu’on a à se raconter toutes les deux. Mais sa présence m’apaise, sans que je ne sache trop pourquoi…

J’aurai préféré ne pas avoir besoin d’alcool ce soir, ou jamais d’ailleurs. En réalité, je n’en ai pas vraiment ‘besoin’, mais disons que ça m’aidera probablement à tenir la cadence, et à déballer mon sac. Parce que j’ai besoin d’un avis extérieur, différent de celui de ma meilleure amie. Celeste a un peu trop bien pris ce que je lui ai raconté à propos de Tegan, et j’ai l’impression qu’elle est dans sa bulle avec ma soeur et que rien ne pourrait les perturber ces deux là. Jalouse moi ? Pfeuh… « Allez, c’est la prod qui régale ! Je suis encore en déplacement, techniquement. »  J’arque un sourcil en la regardant. « Oh là là me dis pas un truc pareil, je voudrais pas qu’ils fassent faillite ! » Je ne boirai jamais assez pour que la boîte de production pour laquelle elle travaille fasse faillite, on n’en est pas là. Mais mon humour s’avère être assez douteux ce soir, je vais devoir être vigilante avec moi-même.
Ça commence fort lorsque je lui parle de sa petite mine, j’ai déjà pas beaucoup de tact habituellement, mais il faut dire qu’avec un peu d’alcool dans le sang, ça ne s’arrange pas. Heureusement, Laurel ne prend pas la mouche, et je m’enquiert sincèrement de son état. Elle me raconte sans plus tarder son expérience sur le film à Fatherston, et je grimace en l’écoutant me parle de ce réal misogyne et désagréable au possible. Belle expérience donc. Heureusement, il n’y a pas que des ombres au tableau. Je secoue la tête quand elle me demande si je suis allée dans la petite ville récemment, à vrai dire, je n’y suis allée qu’une seule fois, je n’ai pas d’amour particulier pour Noël depuis que j’ai perdu la garde de Norah. « Le tournage est en pause pendant les fêtes, donc ça me fait quelques jours de vacances. C'est pas plus mal, du coup. »  Je hoche vivement la tête, et me retiens - pour le moment - de lui demander si elle compte passer les fêtes avec l’israélienne. Je ne sais par quel miracle j’arrive à retenir cette curiosité. Peut-être parce qu’elle est plus rapide que moi, et que visiblement, c’est à mon tour de parler. « Allez, à toi maintenant. Qu’est-ce qui te met dans cet état ? Et de qui je dois organiser les funérailles ? »  Je manque de m’étouffer avec ma gorgée de Martini, qui me brûle immédiatement la gorge. « J’avais oublié que tu étais devenue pro dans ce domaine… »  lui dis-je en lui adressant un sourire complice. Si elle a lancé la partie, je ne peux que rebondir. « Personne à tuer non. »  Quoi que… Non. Malgré tout ce que je peux dire, mon amour - aussi étrange peut-il être - pour Austin est quand même sincère. Et la seule personne que j’aimerai voir disparaître du paysage et dont le prénom ne compose que quatre lettres, je n’irai pas jusqu’à l’espérer sous terre. N’exagérons rien. Je ne sais même pas par quoi commencer, mon irritabilité due aux fêtes de fins d’année, ou celle due à cette jalousie étrange concernant ma colocataire. « Je sais même pas par où commencer ! »  Je soupire largement et descends deux bonnes gorgées de mon 2ème verre de Martini. Ça va être rapide au final. « J’ai couché avec ma colocataire, et j’ai du mal à accepter de la voir rouler des galoches à cette actrice… Argh ! »  Je prends ma tête entre mes mains comme si j’allais réussir à faire taire toutes ces vois qui se hurlent dessus pour savoir qui a raison et qui a tort. « Je sais même pas ce qui m’a pris, j’ai jamais été attiré par une fille, jamais. Et j’ai jamais vécu un truc pareil non plus. Ok on était un peu défoncées mais quand même ! »  J’en ai peut-être dit un peu trop, non ? Je tourne la tête vers Laurel qui découvre probablement une nouvelle version de moi. « Pitié ne t’enfuis pas… »