Comme un musée à ciel ouvert

Lorsque Deiji avait entendu qu'un festival de street art était organisé dans la ville, la jeune femme avait été ravie. De nature distraite, elle avait marqué l'événement d'une croix sur le calendrier afin de ne pas oublier. En cette magnifique journée ensoleillée, l'artiste se rendit donc dans le centre pour admirer les murs colorés, les sols peinturlurés. Entre graffitis, trompe-l’œil, mosaïques et autres oeuvres d'art urbain, il y en avait pour tous les goûts. Attirée par les différentes réalisations, techniques et couleurs utilisées, Deiji admira le travail de ces virtuoses de l'espace public. Des artistes talentueux, certains plus connus que d'autres. Le festival offrait une belle vitrine pour la ville. La brune s'arrêta plus particulièrement devant la fresque d'un tigre monumental. Majestueux, l'animal semblait comme figé, en proie à un rugissement éternel. Les muscles puissants qui saillaient les traits, les courbes de sa silhouette et les détails de son pelage étaient d'un réalisme saisissant. En Asie, le tigre était particulièrement vénéré pour sa force et sa vitalité. Hypnotisée, Deiji ne remarqua pas tout de suite l'autre personne à côté d'elle. Ce n'est que lorsque la blonde la regarda et lui adressa un signe de tête que son regard se détourna finalement du tigre et capta celui de l'inconnue. Discrète, elle n'engageait que rarement la conversation quand elle ne connaissait pas, encore moins en admirant des œuvres. En effet, elle trouvait que tout un chacun avait droit à sa bulle et son moment d'introspection, mais le contexte extérieur s'y prêtant davantage que dans un musée, elle dérogea à son habituelle réserve. « Peindre à une aussi grande échelle est un vrai défi. » Le tigre s'étendait sur plusieurs mètres de hauteur. Avec du recul, c'était facile d'admirer la fresque dans son entièreté, mais pour l'artiste qui l'avait dessiné et qui avait le nez dessus, l'enjeu était de taille. Elle lui tirait son chapeau. « C'est d'autant plus beau quand on connaît le caractère éphémère du street art. C'est ce qui le rend à la fois puissant et poétique. » Il n'était plus question de l'animal, Deiji décrivait le mouvement du street art en lui-même. La jeune blonde ne lui avait nullement demandé son avis, cependant son signe de tête avait invité à la conversation. Bien sûr, la jeune maman ignorait que son interlocutrice ne pourrait lui répondre de la même façon.

Durant une fraction de secondes, la surprise traversa le regard de Deiji lorsque la jeune femme blonde sortit un calepin et un stylo de son sac sans lui répondre autrement que par un sourire. Désirait-elle esquisser une reproduction dans son carnet ou prendre des notes techniques de l'oeuvre tout en restant dans sa bulle ? Cependant, l'artiste comprit son erreur d'interprétation lorsque l'inconnue lui montra ses écrits ; ce qui n'était nul autre que son moyen de communication. Toutes les deux tombaient d'accord sur le défi que la grandeur représentait. Deiji appréciait le caractère éphémère du street art : la plupart des réalisations étaient effacées par la réticence de certains à les garder et parfois simplement par le temps. Souvent, le mouvement street art n'était accepté que lors d’événements temporaires comme un festival, dans le cadre d'une commande sur une façade, de murs mis mis à disposition ou d'un accord particulier de la ville. La plupart du temps, les initiatives personnelles – en dehors des endroits prévus - étaient perçues comme une forme de vandalisme ou de dégradation, une pensée étroite et malheureuse. L'évolution des pensées et des modes avaient néanmoins permis de pouvoir admirer de plus en plus de fresques dans les centres villes à travers le monde, des vitrines sur la vie et le passé qui renvoyaient des messages puissants ou n'avaient parfois d'autres ambitions que d'embellir des quartiers. Deiji songeait au street art qu'elle avait vu sur internet et qui décoraient par exemple les murs de Londonderry et de Belfast. Le premier reflétait la période mouvementée et trouble de l'Irlande du Nord au coeur de Londonderry tandis que le second rappelait des événements historiques importants de la capitale tels que la construction du Titanic dans le port de Belfast. Deiji avait aussi entendu parler des magnifiques oeuvres à Manchester et dans bien d'autres endroits du monde. Lorsqu'elle voyageait dans un pays, pour raisons professionnelles ou pour se détendre, il lui arrivait d'effectuer une balade avec des thèmes liés au street art dans des villes connues pour abriter des oeuvres. « Oui c'est exactement ça. Parfois, les endroits sont mal choisis ou les oeuvres réalisées ne sont pas toujours... appropriées. Je ne sais pas trop comment l'exprimer de façon juste, sans dénigrer le travail d'autrui. Heureusement, les mentalités évoluent et des villes ont pris conscience qu'il était aussi important d'accorder une place à ces artistes, parfois même de travailler avec eux. Ça peut être une belle vitrine. » Amusée, elle opina de la tête. « Oui, quand on voit de telles représentations, c'est difficile de ne pas être admirative. » La blonde lui écrivit alors une question, curiosité légitime au détour de leur discussion. « Non, non, je ne fais pas partie de l'organisation. Mes deux passions sont la peinture et la sculpture, j'ai la chance d'en avoir fait ma vocation et de pouvoir en vivre alors j'espère m'y connaître un peu... mais le street art n'est pas ma spécialité, je me contente d'apprécier. » Plutôt discrète, elle avait tout de même explicité un peu la situation. « Et vous ? » Bien sûr, la brune se doutait que l'inconnue n'était pas dans l'organisation, auquel cas elle ne lui aurait pas posé la question en premier lieu, mais pour ce qui était de l'art, elle pouvait tout aussi bien être une simple amatrice qu'une des plus grandes étoiles de sa génération, qui sait.

Deiji se rendit compte qu'elle parlait beaucoup, comme souvent quand elle était lancée dans une discussion autour de l'art sous n'importe quelle forme. La brune se promit d'être plus attentive à la jolie blonde qui, pour lui répondre, devait passer par l'écrit. Admirant une dernière fois le tigre pendant que la jeune femme était occupée, elle opina ensuite du chef quand elle découvrit l'avis de la demoiselle. En tout cas, ce n'était pas simple de vivre en tant qu'artiste à moins d'être vraiment reconnu. Dans un deuxième temps, l'inconnue l'interrogea plus précisément sur sa vocation. « Dans le camp des artistes. » Glissa-t-elle, en souriant.  « Comme je l'expliquais, entre peinture et sculpture, tout dépend de l'inspiration. Mon atelier principal est à Florence. Parfois, mes peintures sont exposées, actuellement il y en a quelques-unes ici à Wellington. » Deiji n'avait aucune prétention, elle racontait juste brièvement ce qu'elle faisait. « Il m'arrive de donner des cours dédiés à la pratique de la peinture à des amateurs désireux d'affiner leur technique aussi mais pas souvent. » A nouveau, elle n'était pas professeur à la base mais il ne fallait pas forcément l'être pour partager ou transmettre son savoir. La brune retourna ensuite la question à la jeune femme, qui lui révéla toucher à différentes formes d'art, en particulier l'écrit, le dessin et la danse. « Entre les trois, votre coeur balance ? » Deiji enchaîna ensuite par une autre question. « Vous écrivez sur tout ou vous avez des thèmes en particulier ? Et pour la danse, des préférences aussi ? » L'inconnue se présenta ensuite sous le prénom Jenny et passa au tutoiement, certes plus convivial entre deux personnes de leur âge. « Enchantée. Deiji. » Elle articula un peu plus sur son prénom qui n'était pas commun dans la région. « C'est coréen. » Jenny ne lui aurait peut-être pas demandé mais l'artiste était habituée à souvent devoir le préciser. La conversation reprit de plus belle. Un petit rire gêné s'échappa des lèvres de l'artiste face à la nouvelle question de son interlocutrice. « La Renaissance me plait beaucoup, j'ai grandi entourée des oeuvres de Michel-Ange et autres grands artistes. J'aime m'inspirer des formes et thèmes liés à l'Antiquité... Mais je crée aussi d'autres choses, plus modernes ou complètement sorties de ma tête selon les envies du moment. » Elle ne s'arrêtait pas aux grands maitres italiens, elle appréciait bien d'autres artistes aussi, notamment coréens, qui ne manquaient pas d'originalité et de talent. Elle répondit ensuite à la seconde partie qui nécessitait un peu plus d'explication, bien qu'elle essaya de ne pas assommer la jeune femme. « J'utilise différentes techniques pour créer des formes en reliefs, des statues ou d'autres objets. Le modelage en est une oui, on travaille avec les doigts sur des matières qui le permettent. La taille, à l'aide d'un outil pour obtenir des formes dans des matériaux plus durs, en est une autre – et ça je la travaille plutôt dans mon atelier... Ce n'est pas tout mais c'est déjà pas mal. » De temps en temps, quand elle avait des doutes, elle se servait aussi d'un logiciel sur ordinateur pour façonner virtuellement, et en volume, l'oeuvre qu'elle imaginait. Ainsi, elle pouvait la modeler à sa guise et améliorer telle ou telle proportion avant de se lancer. Un peu comme avec la plasticine mais version numérique. Toutefois, elle n'y recourait pas systématiquement, préférant le contact direct avec la matière à travailler. La taille était une technique physique et qui demandait du temps. Deiji ne se jetait pas souvent à l'eau, se concentrant davantage sur la peinture. « Quand on me lance sur le sujet, je suis intarissable. Peut-être préfères-tu continuer ton tour du festival ? Sinon, si tu as un peu de temps, je propose un arrêt au stand "café à emporter" un peu plus loin ? »

Deiji esquissa un sourire lorsque Jenny pensa que sa vie était passionnante. La peintre ignorait si ce mot était celui d'application, il est vrai que son existence sortait des sentiers battus à bien des égards. Sans un géniteur qui avait rejeté sa mère, elle aurait probablement grandi dans son pays natal. Serait-elle devenue une artiste ? Aurait-elle appris dans un cadre aussi vivifiant ? En tout cas, Deiji n'aurait pas connu son professeur de peinture tout comme sa mère n'aurait pas croisé la route de ce même homme qu'elle a épousé. Artiste talentueux et père de substitution, il avait pris la gamine sous son aile comme si c'était sa propre fille et l'avait aidé à cultiver son talent. Au fil du temps et des années, après avoir éclos en Italie, Deiji avait aussi exposé dans d'autres pays. Si ce n'était pas son art qui l'avait amenée en Nouvelle-Zélande – plutôt des raisons familiales et personnelles, elle avait trouvé dans cette partie du monde un nouveau terrain de jeu et de nouvelles inspirations. Récemment, la brune avait aussi pris l'initiative de proposer quelques cours à l'attention d'amateurs dans un but de transmission du savoir et d'astuces. Par la suite, la Deiji apprit que son interlocutrice évoluait aussi dans le monde de l'art, notamment dans la danse et dans l'écriture. D'ailleurs, elle vivait de sa passion. « C'est top ! Tu fais partie d'un spectacle, d'une troupe ou d'une école ? » Deiji ignorait le bon terme mais la jolie blonde ne manquerait pas de préciser son activité. Par rapport à l'écriture, elle explorait de tout. « Quelle diversité ! Tu as donc des livres qui ont été publiés ? » Au fur et à mesure que Deiji dialoguait avec Jenny, elle avait ajusté son débit, prenant conscience qu'elle parlait sans doute trop d'un coup pour une personne qui lui répondait à l'écrit. « Oui, c'est juste. Et pas de soucis, j'ai l'habitude. » Son prénom n'était pas courant dans la région. La discussion reprit autour de leur passion commune. Au vu de l'intérêt de Jenny, Deiji lui décrivit un peu la vie en Italie, ses inspirations et les techniques qu'elle utilisait dans ses oeuvres. « Tu verras, c'est magnifique, si tu as l'occasion de t'y rendre un jour. Et la cuisine, n'en parlons pas. » Un autre grand thème de l'Italie, en dehors de l'art, portait sur sa gastronomie. La peintre ne prêchait pas pour sa paroisse, mais un séjour dans le pays offrait en général des souvenirs inoubliables. Par la suite, Deiji écouta une anecdote plus ou moins touchante sur l'enfance de Jenny. Elle avait tenté une petite sculpture enfantine, disparue sous les pieds de son frère. « Ah, les enfants entre eux, toute une histoire. Vous vous entendez bien maintenant ? » A ce sujet, la brune avait récemment appris l'existence d'un demi-frère en Nouvelle-Zélande, enfant considéré plus 'légitime' par son père, trente années volées entre eux sous couvert du mensonge du paternel, aujourd'hui ils s'étaient retrouvés et tentaient de construire un lien qui se rapprochait de celui de famille. Leur géniteur, seul et rejeté. Eux, plus soudés que jamais. Des anecdotes d'enfance avec son frère, Deiji n'en avait pas à partager. Par contre, elle en avait d'autres, à l'école, qui pourraient sortir à l'occasion. « Je l'ai su très tôt, que j'avais quelque chose pour le dessin et la peinture. Dès l'enfance. Toi aussi, avec la danse ? » Au niveau du stand à boissons, la brune s'arrêta pour prendre un café à emporter, puis elle reprit sa marche en compagnie de la danseuse. Elles découvrirent d'autres oeuvres qui les interpellèrent et les attirèrent entre illusions d'optiques et formes improbables. Les deux artistes s'arrêtèrent devant un cratère en plein milieu de la rue. Saisissant. « C'est vrai, c'est vraiment bluffant. On n'oserait pas s'y aventurer. » Le duo continua d'avancer et admira d'autres formes. Sur un mur allongé, une gigantesque baleine plongeait dans l'horizon. L'océan et les espèces maritimes... Deiji avait constaté un grand nombre d'institutions et d'associations dans la ville qui avaient à coeur la transmission scientifique et la préservation autour de l'eau. « Très belle et réaliste. C'est la première fois que j'en ai vu une de mes yeux, l'autre jour, lors d'une excursion en mer avec mon fils. Il était tout fou. »

Dans le milieu de la danse, Jenny évoluait à la fois dans une troupe et comme professeur assistante dans une école. Touche-à-tout, elle lui confia ensuite avoir écrit plusieurs livres. « Bientôt, on pourra remplir une étagère de ces romans. » Plaisanta la peintre, captivée par les différentes occupations de la blonde. « C'est toujours bien de prendre son temps. » La discussion s'orienta sur l'Italie, pays dans lequel Deiji avait grandi et qui abritait sa galerie. Entre architecture, art et gastronomie, le pays était un incontournable. Par la suite, Jenny lui raconta un souvenir d'enfance avec son frère. Cette anecdote rappela à la brune la raison qui l'avait amenée en Nouvelle-Zélande : nouer des liens avec son demi-frère. Elle ignorait comment leur relation aurait évolué s'ils s'étaient connus enfant. Cependant, Deiji préférait regarder vers l'avenir, profiter de tout le temps précieux qu'elle partageait désormais avec lui plutôt que de s'attarder sur le passé. « Je n'étais qu'un bébé quand mes parents se sont séparés, je n'ai pas vraiment connu mon père. Récemment, j'ai découvert que j'avais un demi-frère alors je suis venue ici pour le rejoindre. D'où ma question par rapport au tien. Je ne sais pas ce que ça fait de grandir ensemble. De se chamailler et de se réconcilier. » C'était la première fois que Deiji en parlait à quelqu'un depuis son arrivée. Tout le monde pensait que l'artiste était venue pour raison professionnelle mais non. Ce n'était pas dans ses habitudes de se confier sur sa vie privée, encore moins devant une quasi inconnue mais la peintre sentait que le courant passait entre Jenny et elle. La danseuse était spontanée et naturelle, elle n'hésitait pas à lui raconter tout ce qui lui passait par la tête, ce qui avait encouragé Deiji à en faire autant. « Les familles, c'est compliqué souvent. » Son café entre les mains après l'arrêt au stand à boisson, la brune avait à coeur d'en revenir à un sujet plus léger. Depuis quand Jenny s'était-elle lancée dans la danse ? Depuis l'enfance. L'envie de bouger. « Justement, c'était peut-être une autre façon de te connecter au monde qui t'entoure. Comment as-tu appréhendé la danse ? » Intéressée par le parcours de Jenny, Deiji lui posait des questions. La blonde n'entendait pas mais elle réussit à évoluer dans sa passion. « Oui voilà, c'est ça. Des dessins bizarres aussi pour une enfant de mon âge. » Bizarrement réussis, oui. Le rire de Deiji se joignit à celui de Jenny. Ça faisait du bien. Elles continuèrent ensuite à admirer les oeuvres du festival. « C'est clair, un accident est si vite arrivé ! » Devant la baleine peinte, la brune raconta l'excursion inoubliable avec son fils. « Bientôt dix ans. » Il profitait d'une journée avec son père alors elle ne l'avait pas emmené. « Pas de soucis, nous sommes tous passés par là. » Nouveau rire. Les deux artistes poursuivirent leur petit tour.

« Souvent, c'était les grandes fêtes de famille alors ? » Demanda Deiji, amusée par l'enthousiasme de Jenny à l'évocation de la sienne. La peintre ne regrettait pas son enfance, cependant elle aurait aimé apprendre l'existence de son demi-frère plus tôt. Le passé ne pouvait plus être changé alors ils essayaient de rattraper le temps perdu maintenant. « Oui, c'est chouette. Je m'en rends compte à présent. » Entre son demi-frère, son fils, le père de son fils dont elle était séparée et le nouvel homme qu'elle fréquentait, elle était bien entourée dans cette ville. Malheureusement, le foyer dans lequel elle avait grandi se trouvait en Italie. Deiji se construisait une vie en Nouvelle-Zélande alors que sa mère vivait toujours à Florence et l'atelier dont elle avait hérité de son beau-père y était aussi. C'était son point de chute principal. Ainsi, la peintre hésitait à s'éterniser à Wellington plus d'un an ou deux. Le projet méritait réflexion au vu des autres personnes impliquées dans les deux pays. La priorité serait de penser à son fils Milo et à sa mère. « C'est vrai. Tant qu'on peut trouver sa place tout en faisant de son mieux... Même si ce n'est pas facile. » A lire Jenny, Deiji devinait que tout n'avait pas été rose dans sa famille non plus, d'autant qu'ils étaient nombreux et qu'elle avait souligné la difficulté que ce nombre impliquait dans une bonne entente. Ni l'une ni l'autre ne semblait vouloir s'attarder sur ces sujets compliqués et personnels. A la place, la conversation dévia sur la danse, passion de Jenny depuis l'enfance. Deiji avait bien compris que c'était l'envie de bouger qui avait motivée la fillette, mais elle se demandait comment elle avait réussi à surmonter la difficulté de ne pas entendre la musique. A force de détermination et de persévérance, par le perfectionnement et l'envie d'apprendre, voilà tout. « On sent cette passion, ce feu, quand tu parles de la danse. Cette flamme, je la reconnais. Parfois, quand l'inspiration me prends, je peux passer des jours sur une peinture, en mangeant ou en sortant à peine. Évidemment, depuis l'arrivée de mon fils, je dois aussi veiller sur lui donc ça n'arrive plus aussi souvent. » Tout n'avait pas été rose à ce niveau-là non plus. Au début, elle n'avait plus eu de signe de vie de la part de père de l'enfant et elle avait vécu une dépression post-partum après son accouchement en dépit de l'amour pour son fils. Heureusement, ses proches l'avaient aidée à remonter la pente et elle s'était relevée, s'impliquant dans la vie de son enfant après quelques mois en dentz de scie. « Milo. » Les deux passionnées d'art continuèrent leur promenade d'oeuvres en oeuvres, s'arrêtant devant celles qui les interpellaient et s'extasiant devant les idées originales dont ce visage imbriqué dans un décor d'arbustes en guise de cheveux. « Oui c'est vraiment bien pensé. » Répondit Deiji, bluffée par la maîtrise artistique. « Je suis étonnée, je ne m'attendais pas à ce que l'art soit aussi bien mis à l'honneur à Wellington, ni à ce vivier de talents. »

« C'est une idée, je pourrai. » Répondit Deiji, amusée par la remarque écrite par Jenny à propos de son fils. La seule période où elle n'avait pas réussi à gérer son enfant était quand elle avait sombré dans cette dépression post-partum peu après sa naissance. Ce mal-être n'était pas toujours connu ni abordé ouvertement. Une maman qui « délaissait » son bébé était souvent incomprise, voire méprisée.  Heureusement, Deiji avait été entourée par sa famille et suivie pour sa dépression. Depuis, tout ceci n'était plus qu'un mauvais souvenir qu'elle se gardait bien d'évoquer si ce n'était pas nécessaire. « Oui, exactement, comme la Vénus. Ce n'est pas pour ça que je l'ai choisi mais je te chiperai peut-être l'idée. » Jenny avait trouvé une belle référence mais la vérité de ce prénom était bien plus simple. Deiji l'aimait beaucoup. Les deux jeunes femmes continuèrent à admirer les oeuvres d'art dans la rue. La danseuse lui précisa que l'art n'était pas toujours aussi bien mis à l'honneur – évidemment –, même si Wellington n'avait pas à rougir sur ce plan. « C'est réjouissant en tout cas. » Elle lui proposa ensuite de s'arrêter devant un groupe de musiciens. « Pourquoi pas. » Deiji écouta un peu. Les musiciens mettaient l'ambiance dans la rue. Après une musique, la peintre applaudit avec d'autres passants puis les deux visiteuses du jour terminèrent l'exposition à leur aise. A la fin, Deiji ne tarda pas à prendre congé. Ce n'était pas le travail qui manquait. « C'était chouette, belle découverte. Et un plaisir de te rencontrer. Je vais devoir repartir... Si ça te dit, on peut s'échanger nos numéros ? Je pourrai venir voir ton spectacle ou on s'arrangera pour une autre occasion. » Ce n'était pas souvent que le courant passait aussi bien en compagnie d'une personne, alors ce serait sympa de garder contact. Après la réponse de Jenny, Deiji la salua et partit de son côté.

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