camping sous les étoiles ft. charli

Je n'ai pas pour habitude de faire de la randonnée, mais quand Kena m'a proposé cette sortie, je n'ai pas pu refuser. Je suis plutôt sportive, alors cette sortie devrait être une formalité, en plus d'être un réel échappatoire pour moi. C'est peut-être bête, mais à marcher, dans la nature, je me suis dit que j'arriverais enfin à me détacher de mon téléphone et à oublier de regarder si Sofia m'a répondu ou pas. Je n'ai pas encore envie de mettre de mots là-dessus, mais je ressens bien que les choses commencent à devenir compliquées entre nous. Ce n'est pas simple non plus pour mon amie, qui se retrouve confrontée à ses origines — qu'elle ignorait jusque là. Cette sortie est donc une excellente idée, pour elle, comme pour moi. Et puis, seules face à la nature, peut-être que nous arriverons à nous confier plus facilement. Sans trop de retard, j'arrive au point de rendez-vous. Kena est déjà là. Je m'avance jusqu'à elle. « Salut. » Je hoche timidement la tête à sa question et lui offre une simple accolade pour la saluer vraiment. « Je n'ai pas vraiment eu le choix. » Dis-je, en souriant légèrement. Je n'ai pas eu le choix d'essayer du moins. Mais dans la pratique c'est une toute autre histoire. J’ai quand même cherché à couper mon téléphone assez tôt dans la soirée, histoire d’éviter les tentations et les longues heures passées sur l’écran. Pourtant, il m’a fallu de longues minutes avant de rejoindre vraiment Morphée. Des fois, quand ça cogite en haut, il est compliqué de réussir à mettre pause — si quelqu’un a la technique miracle pour le faire, je suis preneuse de l’information. Le bus arrive et après avoir glissé nos sacs dans la soute, nous montons à bord. Comme nous avons une heure de route, nous pouvons nous mettre à l’aise. Il n’y a pas beaucoup de monde à l’intérieur, c’est une chance, ça nous évitera d’être entassé les uns sur les autres. « Est-ce que tu peux me rappeler le détail de notre virée ? » Pas d’inquiétude, j’ai accepté de venir en sachant parfaitement ce qui m’attendait. C’est juste que comme c’était un peu loin, mon cerveau n’a pas trouvé judicieux d’imprimer toutes les informations, à chaque minute près. « Nous avons de la chance, il fait beau. » Comme nous sommes en été, ce n’est pas si surprenant que ça. Même s’il y a encore quelques jours, la ville a connu un épisode de vent qui aurait pu rendre compliqué notre sortie, surtout si les rafales nous seraient arrivées de face.

Cette sortie sort un peu de mes habitudes, mais ce n’est pas plus mal, surtout avec mon quotidien de ces derniers jours. Penser à autre chose, me focaliser sur cette randonnée, sur mon corps et sur mon amie. Voilà tout ce que j’espère pouvoir faire durant cette évasion hors du temps. Le dernier point devrait d’ailleurs faire partie de mes priorités : nous sommes deux entités d’un groupe d’amis plus large et pouvoir passer du temps à deux est parfois rare, il faut donc pouvoir profiter de chaque minute quand c’est possible. Même si de nos deux côtés, les choses sont peut-être un peu compliquées en ce moment, ce n’est pas une raison pour nous tourner le dos et nous laisser dans nos merdes respectives, dans un silence un peu gênant. Nos aises prisent et la réponse sur nos aventures apportée, Kena me questionne sur mon état — une nouvelle fois, comme si ma non réponse de tout à l’heure ne lui suffisait pas. « Ça va. » Dis-je timidement. Je pourrais m’arrêter là et pourtant, je sais que ça ne suffira pas. « J’ai certainement connu des jours meilleurs. Mais cette sortie va me faire le plus grand bien. » Nous partons à peine, alors je n’ai vraiment envie de déjà assombrir le tableau de cette sortie. Même si je sais que si elle demande ça, c'est avant tout pour mon bien et c'est bien pour cela que je souligne que cette sortie — dont l'idée est venue d'elle — me permettra de penser à autre chose. « Oublier mon téléphone, me recentrer sur moi. Rien de mieux qu'être en pleine nature pour ça. » Je ne sais pas trop qui j'essaye de convaincre. Si c'est elle, pour la rassurer, ou si c'est moi, pour me convaincre que des choses meilleures sont à venir. Avec Sofia, ou sans elle, je ne sais plus trop ce que je souhaite, ou même ce qui pourrait arriver, car pour le coup, je ne suis pas la seule personne à prendre en compte. Mais est-ce que la brune voit les choses comme moi ? Est-ce qu'elle réalise comment son départ m'affecte — même si l'idée de continuer malgré tout a été prise ensemble ? Quoi qu'il en soit, il n'est pas question que tout ce séjour tourne autour de moi, alors à mon tour, je prends des nouvelles de mon amie. « Ta vie est plutôt bien animée aussi. Tu gères toute cette nouveauté ? » Ce qui arrive à mon amie est bien différent de ma situation et même si cela a une connotation positive, il lui reste encore toute la partie liée à sa mère à gérer : ces années de mensonges, la vérité sur les recherches qu'elle a entreprises — dans son dos.

Bien que différente, la situation de mon amie est tout aussi compliquée que la mienne. Famille, amour, amitié.. au final, tout cela touche le cœur et ça peut souvent être blessant. Dans son cas, on pourrait croire que les choses vont dans le bon sens puisqu’elle a retrouvé son père, mais il y a aussi les mensonges de sa mère à prendre en compte et quand on a vécu plus de vingt ans loin de la réalité, c’est forcément difficile d’avaler les choses et de faire comme si de rien était. Dans le fond, je la trouve courageuse de se lancer là-dedans. On ne peut pas vraiment dire que mon histoire familiale est simple, mais chercher à connaître mon père est certainement une chose que je ne ferais jamais — avant d’être obligée de venir ici, je n’en avais que faire de mes parents. Néanmoins, je comprenais l’envie de mon amie qui, elle, avait besoin d’avoir des réponses sur ses origines et je serais toujours là pour elle, si elle en ressent le besoin. Pour parler ou pour simplement être là et à en voir sa réponse dans le bus, j’ai l’impression que c’est ce deuxième point qu’elle préfère pour l’instant. Nous ne sommes pas si différentes que ça, puisse que nous semblons vouloir gérer les choses de la même façon. Est-ce une bonne chose ? Nous verrons bien plus tard. Conscientes que nous aurons l'occasion d'échanger plus en détail plus tard, lors de la randonnée ou sur notre campement, nous laissons le trajet de bus se faire dans le calme. Arrivées à destination, nous n'attendons pas longtemps avant de prendre la route — si nous voulons être larges ce soir, il est inutile de prendre du retard. Kena prend les devants et je la suis de près, du mieux que je peux. Après plusieurs minutes de marche, mon amie se tourne vers moi pour savoir comment je m'en sors. « Je n'ai pas pour habitude de monter autant, mais ça va. » Si j'ai accepté de venir ici, c'est bien parce que je sais que ma condition physique me le permet. J'ai pour habitude de faire du sport, parfois un peu trop même, entraînant certains malaises, mais la randonnée est une activité qui me permet de sortir un peu de ma zone de confort. « Tu es déjà venue ici avant ? » Si ce n'est pas mon domaine, je sais que c'est celui de ma meilleure amie. Elle aime ce genre d'endroit, ce genre de sport et ça se voit dans l'équipement qu'elle porte. « Peut-être qu'on peut s'arrêter quelques minutes pour boire un peu. Ça permettra aux experts derrière nous de nous doubler. » Être un poids n'est pas une chose qui me plait vraiment, alors autant laisser passer devant ceux qui se débrouillent le mieux. En espérant ne pas le regretter plus tard si nous nous retrouvons seules et perdues..