et c'est le soir toute la journée // lois

 
@Loïs Parker

L’océan s’étire dans un ronflement, paresse rendue vaguement coléreuse par les bourrasques battant d’iode les rives néo-zélandaises. Iris ferme les paupières, imprimant dans sa mémoire le souvenir salé des dernières expirations de l’été, les pieds plantés sur la plage. Une vie entière pourrait s’écouler qu’elle n’en prendrait pas conscience ; le temps s’est suspendu dans son vol, figé le temps d’une inspiration humaine, interminables centièmes jusqu’à la douleur de poumons saturés.

Elle expire, se jetant à nouveau dans l'inexorable flux du monde, et l’aiguille reprend sa valse sur son cadran, moqueuse et imperturbable. Fut une époque, moins lointaine qu’elle n’oserait l’avouer, où elle redoutait le temps. Engluée dans ses lenteurs, étourdie de ses emballements, elle était décalée de cette danse étrange dont il lui semblait qu’elle seule ne connaissait pas les pas. Pas… ou plus ? Qu’importe. Il semble à présent que le rythme soit retrouvé, preuve s’il en faut que cette vie qui s’aligne avec une aisance qui la tenterait presque de croire à une bénédiction divine.

Iris reprend sa progression, regard baigné d’un larmoiement de vent et de sel, impassible à la rage tendre des éléments autour d’elle. Eloise s’émerveille toujours de la voir la plus enthousiaste et résistance aux conditions météorologiques les plus adverses - mais n’est-ce pas là à attendre de celle qui gravit volontairement des pentes où serpentent des rivières de magma. Plus loin, leur chienne, adoptée l’année précédente, s’ébroue en émergeant des vagues, et l’océan soudain brille en paillettes dans le soleil du début de journée.

Elles venaient souvent sur cette plage. Le souvenir, remonté des entrailles sombres de la tombe de cette partie de sa vie, la terrasse soudain. Longue promenades, petits matins, secrets confiés aux râles de l’océan qui les entraînait au large. Une partie de sa vie, la plus belle peut-être, reposait quelque part, par le fond, dans les eaux glacées de l’Atlantique Sud.  

Un jappement, soudain, et Iris relève la tête. Trop tard. La chienne s’est élancée, débordante de cet amour infini pour les inconnus, vers la silhouette qui se découpe dans la nappe éclatante que le soleil étend sur la plage. Un cri fuse, interrompant la bête dans sa course folle, et elle tourne un regard perplexe vers sa maîtresse, encore toute tendue d’impatience vers cette promeneuse inconnue.