Prepare for trouble, make it triple | ft Lennon & Zelda

Refermant la porte du frigo, Gail lança le torchon qu'elle avait à la main sur son épaule, avant de retourner devant la cuisinière ou elle s'affairait depuis maintenant une vingtaine de minutes. Dieu ce qu'elle pouvait aimer la cuisine. S'il y avait bien un endroit où elle se sentait à l'aise et en sécurité, c'était devant les fourneaux. Elle s'était mise à cuisiner sur le tard, surtout parce qu'elle voulait à tout prix pouvoir se débrouiller seule à tous les niveaux, mais ça avait clairement été un des petits plaisirs de sa vie. Certains se contentaient de quelques tapotements sur leurs téléphones et d'attendre qu'on sonne à la porte avec un sac plein de bouffe, mais l'israélienne elle, elle n'aimait pas ça. Elle n'aimait pas dépendre des gens. Mais surtout, cuisinier ça lui avait donné l'impression d'être... normale. D'être comme toutes ces femmes avec des vies plan-plan et qui ne vivaient pas en profitant de ceux qui étaient trop naïfs pour savoir que la vie était loin d'être une partie de plaisir et que le monde ne manquait pas de gens prêts à vous prendre pour des andouilles. Même quand elle était en prison, cuisiner l'avait aidée à tenir. Alors oui, elle devait se contenter d'un réchaud tout pourri, d'ustensiles et d'ingrédients qui auraient fait se dresser les cheveux sur la tête d'un chef, mais les fois ou elle arrivait à trouver de quoi cuisiner, elle était sûre de dormir avec l'estomac plein et bien rempli. Et maintenant, c'était une des façons qu'elle avait de trouver cette vie normale qu'elle cherchait tant à atteindre.
Entendant la porte s'ouvrir et se fermer quelques instants plus tard, Gail ne put s'empêcher de se crisper. Il allait falloir qu'elle s'habitue à ça. Le fait de ne plus vivre toute seule. C'était tout récent, alors ça pouvait expliquer qu'elle ne s'était pas encore faite au fait qu'elles vivaient maintenant à trois. Au moins, ça n'était pas dans le studio miteux qu'elle occupait depuis sa sortie de prison. Nan parce que là, elles auraient vraiment étés à l'étroit. Maintenant, Gail créchait dans une belle et grande maison du côté de South Bay. Le genre de piaule ou elle ne risquait pas de marcher sur les pieds de ses deux colocs. Pour dire, elles avaient même une piscine. Une piscine. Là ou avant Gail avait tout juste une douche qui crachait de l'eau froide au lieu de l'eau chaude une fois sur trois. Bon, une grosse partie du maigre salaire qu'elle avait avec son boulot au zoo passait dans sa part du loyer, mais elle était contente malgré tout. Et puis ça lui faisait du bien de voir des gens. Même si l'une de ses colocs était la sœur de Kenzi. Ouais, rien que ça. Elle fuyait à tout prix l'iranienne, mais elle créchait bien volontiers avec sa sœur adoptive. En même temps, Lenny était bien plus sympa et marrante que Kenzi. Tout comme Zelda, leur autre colocataire. Alors oui, elles avaient leur caractère, leurs manies et leurs foutus défauts, mais dans l'ensemble, ça se passait bien entre elles. Au moins, avec ces deux-là, Gail ne risquait pas de s'ennuyer. Surtout qu'elles étaient du genre fêtardes. Bien plus que l'israélienne en tout cas. Mais elle se décoinçait peu à peu. C'était juste une question de temps.
Trop occupée à surveiller ce qu'elle avait sur le feu, Gail ne prêta guère attention à qui venait de rentrer, mais elle ne se fit pas prier pour administrer une tape sur la main qui tentait de piocher dans la poêle « Touche pas, c'est pas prêt. » Dans la coloc, la cuisine c'était son domaine. Mieux valait éviter de la faire chier ou de venir trainer dans ses pattes quand elle était aux fourneaux. Surtout qu'elle pouvait être très intimidante quand elle avait un gros couteau dans les mains. Elle allait pas s'en servir. Pour finir d'émincer son poulet ça oui, mais pour planter une de ses colocs, ça non. À la limite quelques menaces en l'air, mais rien d'autre « J'espère que t'as rien contre le poulet mariné et les galettes de pommes de terre. » Sa mère l'aurait sûrement tuée si elle l'avait entendue qualifier les latkes de « simple galettes de pommes de terre » mais elle n'était pas là pour l'entendre alors bon... vérifiant que la cuisson de son poulet allait dans le bon sens, Gail couvrit la poêle avec un couvercle, avant de se diriger vers la partie qui servait de salon. Encore quelques minutes et ça serait prêt. S'autorisant à souffler, la brune ouvrit un meuble, en sortit une bière avant de la décapsuler d'un coup sec « Tu veux un truc? » Demanda-t-elle en portant sa bouteille à ses lèvres.