le chat et la souris (roana1)

Cette journée a commencé sur les chapeaux de roues. Pas une minute pour souffler, j’enchaîne entre les rendez-vous avec mes nouvelles patientes, et les visites de celles qui ont déjà accouché. Juste le temps de passer me faire couler un café entre deux rendez-vous, et machinalement, je check les notifications sur mon portable dont une de Romi, avec qui je discute sur l’appli de rencontre depuis quelques jours. L’échange est fluide, j’y prends goût, et je m’efforce de ne pas trop me poser de questions. Après tout, je ne fais rien de mal… Mais évidemment, il fallait qu’Emma entre dans la salle de repos pile au moment où j’étais en train de répondre. Instantanément je verrouille l’écran de mon téléphone et le range dans ma poche. « T’as des choses à cacher toi… » « N’importe quoi. » Je suis naïve de croire que je vais réussir à la berner. « En plus, les couleurs de l’appli se voient à dix km. » « Tu fais chier Emma ! » « Alors… un seul ? Plusieurs ? Mecs ? Nanas ? J’ai fait exprès de pas te mettre dans une case, on sait jamais… » Je soupire en levant les yeux au ciel, c’est pas possible d’aimer autant une personne et la détester au moins autant, si ce n’est davantage. « Je ne parlerai qu’en présence d’un avocat. » « Bien ! Il était temps ! » Un rictus au coin de ses lèvres, et elle quitte la salle de pause, me laissant là avec les conséquences psychologiques de ce que je viens de dire. Elle fait vraiment chier.

Je sors tout juste d’une chambre à l’étage de la maternité que je vois que ça s’agite dans les couloirs. « Davis ! Y’a une urgence, Cunningham est au bloc, y’a que toi qui peut gérer… » J’interpelle une sage-femme pour lui demander de prévenir mon prochain rdv de mon retard, et file directement aux urgences pendant que l’infirmier me fait un premier rapport. « Femme de 32 ans , grossesse à risque, elle voulait accoucher chez elle mais ça s’est pas passé comme prévu. Sa compagne n’est pas encore arrivée, le bébé se présente par le siège.. » Je le remercie et tout en enfilant mes gants, je pousse la porte du box où la jeune femme est installée. Immédiatement, mon regard se pose sur la femme qui se tient près d’elle, et mon sang ne fait qu’un tour. « Bonjour, je suis le Dr Davis, je vais vous examiner pour voir où on en est. Votre médecin est actuellement au bloc pour une intervention, on m’a appelée en urgence. » Je fais glisser le tabouret roulant et m’installe entre ses jambes, relevant un instant le regard vers la femme qui se trouve à côté de la patiente. « Finalement votre compagne est arrivée à temps… » « Non elle n’est pas là, je n’arrive pas à la joindre et… » Une grimace de douleur déforme ses traits avant qu’elle ne poursuive. « J’ai appelé les pompiers, et Romi m’a apaisée sur le trajet alors je lui ai demandé de rester le temps que ma femme arrive. » Voilà qui semble légèrement me rassurer.

Après un premier examen, j’explique à la jeune femme que je dois retourner le bébé, mais que malgré la douleur, l’accouchement devrait se passer normalement. Du mieux que je peux j’accompagne ma patiente dans le début de l’accouchement, demandant parfois à la pompière à côté de replacer l’oreiller dans le dos de la patiente, ou la replacer pendant que mes mains sont affairées à repositionner le bébé. Enfin, la seconde maman fait son apparition, libérant la pompière de son devoir du jour. Un dernier regard et malgré l’hésitation de lui demander de m’attendre à l’extérieur, je choisis de rester professionnelle et me concentre sur l’accouchement qui se déroule désormais en famille. Tout se passe parfaitement, et je laisse la suite des évènements aux sages femmes, avant de quitter la salle. De mon regard, je balaye un instant le couloir tout en retirant ma sur-blouse, espérant sans doute qu’elle ne serait pas partie…

le chat et la souris
crédit/ tumblr ✶ w/kiana

Quand je peux éviter un tour jusqu’aux urgences, je le fais : accompagner les victimes jusque là-bas, ça ne fait pas vraiment partie de mon métier. Moi, je dois juste les aider à sortir de la situation pour laquelle elles ont besoin de soin et puis je rentre à la caserne, jusqu’au prochain appel. Seulement, là, avec une femme enceinte, je me sens rapidement plus concernée. Et puis, entre deux femmes, le lien se fait plus facilement – exactement ce qu’il lui faut pour pouvoir la rassurer au maximum en attendant que sa compagne arrive. Néanmoins, si je pensais seulement faire le trajet jusqu’à l’hôpital et rentrer juste après, je me trompe, puisque très vite je suis embarquée avec la patiente, comme si finalement, nous ne faisions qu’une. Au point même que l’obstétricienne qui arrive me prend pour sa partenaire. Ce n’est juste qu’un détail et pour être honnête, pas la première fois que ça m’arrive – pour un accouchement peut-être finalement, mais pour le reste des interventions, c’est quelque chose qui peut être assez fréquent. Les choses sont rapidement mises au clair et même si ma présence semble encore nécessaire, j’essaye de me faire petite, la plus petite possible, pour que toute cette situation se passe au mieux. Après quelques minutes dans la salle d’accouchement, je me retrouve remplacée par celle qui a plus sa place que moi auprès de sa femme.

« Est-ce que tout s'est bien passé ? » Dis-je, alors que de l'activité se fait enfin à la sortie de la salle. Je ne pouvais pas me résoudre à partir, pas sans savoir si la maman et le bébé allaient bien. Les ambulanciers étaient prêts à m'attendre, mais je les ai laissés partir sans moi – ma garde est bientôt terminée et en cas d'appel tardif, je me débrouillerais comme je peux pour m'y rendre. « Sunrise ? Ou peut-être que je me trompe. » C'est aussi cela qui m'a poussé à rester un peu plus longtemps. À partir du moment où elle est rentrée dans la pièce, mon regard n'a pas réussi à se décrocher de sa silhouette. C'était comme si je la connaissais déjà, comme si je ressentais le besoin de la voir aujourd'hui, sans même vraiment m'en rendre compte. Une fois la salle d'accouchement quittée, j'ai pu prendre le temps de me poser un peu et de réfléchir à pourquoi cette femme me semblait si familière. « Comme la compagne de votre patiente est arrivée, j'ai eu le temps de faire quelques recherches. » Pour être honnête, il ne m'a pas fallu longtemps pour faire le rapprochement avec l'application de rencontre. Sûrement parce que j’avais bien assimilé le fait que cette fameuse K était obstétricienne et qu’en plus, elle habitait à Wellington. « Les informations concordaient et quand on s’attarde un peu sur vos photos, on remarque facilement la ressemblance. » Sur son image de profil, la femme avec qui j’ai échangé sur Lovemaker est de dos, alors difficile pour moi de détailler ses traits. Mais en allant un peu plus dans le détail, j’ai remarqué les trois photos supplémentaires et il faut avouer qu’il y a une certaine similitude. « Elles sont très jolies, d’ailleurs. » Un compliment, lâché comme ça. Presque trop naturellement d’ailleurs, mais je suppose que ce n’est pas le genre de choses qu’elle va me reprocher. « Si je suis complètement à côté de la plaque, je suis désolée. Pour le dérangement, mais aussi de vous apprendre que quelqu’un a usurpé votre identité. » Bien que la probabilité que cette solution soit la bonne n’est pas élevée, ce n’est pas pour autant impossible. Et puis, si jamais elle n’a pas envie de se dévoiler, elle peut aussi prendre cette excuse pour me laisser et retourner à ses occupations.

« Est-ce que tout s'est bien passé ? » Une voix féminine me force à me retourner immédiatement, le coeur battant. C’est elle. C’est la première fois que j’entends le son de sa voix, et je dois admettre que je ne m’attendais pas à cet effet là. « Oui. Très bien. » lui dis-je de manière très professionnelle, cachant très bien mon léger trouble de plonger cette fois mon regard dans le sien. Si j’ai aisément fait le rapprochement en voyant son visage, je ne suis pas certaine que la réciproque soit vrai. Après tout, elle a des photos bien plus reconnaissables que moi. « Sunrise ? Ou peut-être que je me trompe. » Mon coeur s’accélère encore un peu, alors que je jette un regard aux alentours pour être sûre que personne ne pourrait entendre cette conversation. Elle m’explique sans tarder qu’elle a pris le temps de scruter avec plus de profondeur mon profil, mes photos, et qu’elle a vite fait une conclusion. Le compliment sur les photos en question me fait baisser le regard sur le sol une seconde, camouflant avec difficulté le rictus au coin de mes lèvres. Je suis ridicule, on dirait une putain d’ado devant son crush. « Si je suis complètement à côté de la plaque, je suis désolée. Pour le dérangement, mais aussi de vous apprendre que quelqu’un a usurpé votre identité. » Cette fois c’est un rire amusé qui s’extirpe de mes lèvres. « J’espère que personne n’a usurpé mon identité non… » Je me pince un peu les lèvres, hésitante, et jette un regard à ma montre. « Tu as le temps pour un café ? » J’imagine que si elle est restée, c’est qu’elle a dû finir sa garde, je n’imagine pas qu’elle ait pu faire le pied de grue ici, pendant que ses collègues repartaient en intervention.

J’aurai pu essuyer un refus évidemment, mais j’avoue être contente qu’elle accepte, bien qu’un peu stressée. C’est quand même mieux que le destin nous ait mises sur le même chemin aujourd’hui, plutôt que de choisir de se donner rendez-vous via l’appli, c’est beaucoup plus impersonnel, je trouve. Déboutonnant ma blouse, je la retire de mes épaules tout en me dirigeant vers la sortie des urgences. « On va éviter la cafétéria de l’hôpital, on a connu mieux comme ambiance. » Je sors mon téléphone pour envoyer un message à la chef des sage-femmes pour lui dire que je ne suis pas loin si urgence, et que je serai de retour d’ici peu. Mes rendez-vous n’ont pas d’horaire, je peux décaler un peu ma journée sans problème, d’autant que ma mère est à la maison pour quelques jours, et qu’elle s’occupera de ma fille sans aucun souci si je rentre un peu plus tard.

Je guide la jolie brune jusqu’à un café à deux pas de l’hôpital, l’ambiance y est cosy, et j’aime bien m’y retrouver parfois pour souffler des couloirs blancs. Nous nous installons face à face, et je remarque que je peine vraiment à calmer mon palpitant. « Si on avait voulu le faire, on aurait pas pu. » Je ris pour tenter de me décoincer un peu. « Au moins si on nous demande comment on s’est rencontrées, on aura pas besoin de parler de l’appli, on pourra dire que c’était dans une salle d’accouchement aux urgences. » Je ne sais pas pourquoi on nous poserait cette question, ce n’est pas le genre qu’on pose à un jeune couple par exemple ? « Tu as fini ta garde ? Ça n’a pas été trop difficile ? » Voilà, change donc de sujet…

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Je ne sais pas vraiment si attendre la jeune femme est une bonne idée : je ne suis même pas sûre de viser juste et rien ne dit qu’elle a envie de me voir de son côté. Pourtant, là, après être sortie de cette salle d’accouchement, je ne trouve rien de mieux à faire que d’attendre en faisant les cent pas dans le couloir. Je sais que chaque accouchement est différent et que je peux attendre ici longtemps, mais tant pis, la curiosité est trop forte. Et par chance — un coup du destin ou je ne sais quoi — au bout de plusieurs dizaines de minutes, la silhouette de la blonde apparaît dans le couloir où je me trouve. Comme bonne professionnelle que je suis, je m’intéresse à l’accouchement auquel elle vient d’assister, même s’il y a quelque chose en plus aussi dans mon esprit. Je ne tarde d’ailleurs pas à lui en parler, après avoir eu l’information que tout s’était bien passé. Il y avait de fortes chances pour que je vise juste sur son identité — à moins d’un enchaînement de mauvaises circonstances — et elle me confirme que j’ai raison. Mieux encore, elle me propose de prendre une pause ensemble. Elle connaît plutôt bien les lieux et les environs ici, alors après avoir accepté sa proposition, je me contente de la suivre jusqu’à un café à l’extérieur. Il faut reconnaître que ce sera sûrement mieux que de se retrouver entre les murs blancs de l’hôpital — j’ai déjà dû passer des heures dans la cafétéria un jour et je n’en garde pas de bons souvenirs. Nous nous installons à une table et commandons deux boissons. La blonde, docteur Davis, semble autant étonnée que moi vis-à-vis de cette rencontre. Il faut croire que finalement, nous ne sommes pas si éloignées l’une de l’autre, même si nous n’habitons pas dans la même ville. « Ta meilleure amie ne serait pas contente d’apprendre que tu as rencontré quelqu’un grâce à elle ? Grâce à cette inscription sur l’application. » Dis-je, amusée, alors qu’elle évoque le fait que l’on pourra utiliser cet accouchement pour parler de notre rencontre, plutôt que le réel endroit où nous l’avons fait. Elle change ensuite de sujet et évoque ma garde. « Officiellement, non. Mais pas d’appel à l’horizon pour l’instant, alors je peux me permettre une petite pause avec toi. Elle se termine bientôt, rassure-toi. Je ne cherche pas à abandonner mon poste. » Et au besoin, en cas d’appel, je partirais en urgence. Pour tous mes collègues, je suis restée à l’hôpital pour une patiente, ils ne vont quand même pas me le reprocher — il faudra bien sûr que je reste discrète concernant cette petite escapade surprise. « On a eu plusieurs appels, mais c’était une garde plutôt calme malgré tout, je trouve. Les interventions étaient plutôt courtes et légères. » Dans ce genre de contexte, nous sommes plus souvent appelés, mais nous revenons aussi plus vite à la caserne. Ce n’est pas toujours le plus intéressant, c’est vrai, mais c’est comme ça. « Et toi ? Est-ce que tu as vu venir au monde beaucoup de bébés aujourd’hui ? » L’issue n’est pas toujours bonne, mais le plus souvent, elle amène la vie sur Terre et je trouve cela très beau. Un métier où la joie est sûrement bien plus présente que dans le mien. Alors que nous sommes servies, je viens boire une gorgée de mon café, avant de relancer un sujet qu’elle a visiblement cherché à fuir tout à l’heure. « Je suis curieuse.. est-ce que tu savais que c’était moi ? Womanonfire ? » La curiosité, encore et toujours, mais qui peut me blâmer pour ça ?

Je ne me voyais pas l’envoyer balader, pas après la longue discussion que nous avons eue via l’application, et qui s’est déroulée sur plusieurs jours. J’ai apprécié cet échange, et même si je n’étais pas nécessairement prête à la rencontrer réellement, je vois que la vie ne m’a pas vraiment laissé le choix. Mais échanger autour d’un café ici même au sein de l’hôpital, je passe mon tour. Au lieu de ça, je nous emmène un peu plus loin dans la rue, dans un café que je connais bien. Une fois installée l’une face à l’autre, je m’attends à ce que mon palpitant se calme un peu, mais il a l’air de vouloir n’en faire qu’à sa tête. Pour palier à ce léger stress - si on peut appeler ça comme ça - je parle peut être un peu trop, un peu trop vite aussi. « Ta meilleure amie ne serait pas contente d’apprendre que tu as rencontré quelqu’un grâce à elle ? Grâce à cette inscription sur l’application. » Je ricane un peu et secoue vivement la tête. « Si je lui dis ça, elle va jamais me lasser tranquille, et elle se pavanera pour me montrer qu’elle avait bien fait de m’y inscrire… » Je laisse passer un léger temps avant d’ajouter. « Pas que je regrette qu’elle l’ait fait, mais surtout que je ne voudrais pas lui donner raison, elle risquerait de m’en parler jusqu’à son dernier souffle… » Emma est du genre têtue, et quand il s’avère qu’elle a raison, elle est en boucle, et insupportable. Alors j’évite de lui donner raison.
Finalement, je demande à la pompière si elle a fini sa garde, plus pour me donner contenance, et éviter de trop la regarder. C’est qu’elle est encore plus belle que sur les photos. Le pire, c’est que j’ai l’impression de l’avoir déjà vue, rencontrée… les traits de son visage me semblent comme familiers. La jeune femme me rassure quant à son non abandon de poste, ce qui me fait sourire. « On a eu plusieurs appels, mais c’était une garde plutôt calme malgré tout, je trouve. Les interventions étaient plutôt courtes et légères. » Je ne me défais pas de ce léger sourire en coin, avant de hocher la tête. « Parfois, c’est reposant ce genre de journées. » Elles ne sont pas nombreuses en ce qui concerne mon métier, mais je ne crois pas qu’elles soient non plus très fréquentes dans le sien. « Et toi ? Est-ce que tu as vu venir au monde beaucoup de bébés aujourd’hui ? » Mon sourire s’élargit davantage, et je prends le temps de remercier la serveuse qui nous apporte nos cafés, avant de répondre à la question de Romi. «  J’ai aidé trois mères à mettre au monde des mini êtres humains, et j’avoue que j’aime quand on m’annonce une grossesse à risque, et que tout se passe bien au final. » Parce que ce n’est pas toujours le cas, et que c’est ce qui m’avait été annoncé quand je suis arrivée dans le box où j’ai posé mes yeux sur la pompière, quasiment deux heures plus tôt.
« Je suis curieuse.. est-ce que tu savais que c’était moi ? Womanonfire ? » me demande-t-elle avec ce pétillement dans le regard, cette étincelle qui va à ravir à son travail, son pseudo, et j’imagine une certaine partie de sa vie. « J’ai compris assez vite, ton visage m’est apparu immédiatement comme familier, et puis ton uniforme, le récit de la future maman, et puis elle a dit ton prénom. » Je ris un peu avant d’affirmer « A partir de ce moment je n’ai plus vraiment eu de doute. Le seul que j’avais, c’est si toi tu allais faire le rapprochement. » C’était moins évident, je n’avais pas posté beaucoup de photos. Mais les quelques indices glanés cà et là lui ont quand même permis de me ‘reconnaître’. « Ça me fait plaisir que tu sois restée. » Qu’elle m’ait attendue, d’une certaine façon, même si je n’avais pas très envie de choisir ce terme là, volontairement. « Pas trop déçu, j’espère… » Je me pince un peu les lèvres nerveusement, avant d’apporter la tasse fumante jusqu’à mes lèvres, quitte à me brûler un peu, juste pour me camoufler un minimum, après avoir posé une question de laquelle je ne suis même pas certaine d’être prête à avoir la réponse.

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Le hasard a décidé que notre rencontre – la première officielle – ne se ferait pas via l’application de rencontre et visiblement, cela semble plaire à la jeune femme. Ce n’est pas un secret, elle ne s’est jamais vendue comme une utilisatrice qui passe souvent sur l’application. Il est donc tout à fait normal qu’elle préfère raconter une autre histoire, une histoire qui sort un peu plus de l’ordinaire d’ailleurs. Grâce à nos métiers, nous pouvons nous venter de cela, mais ça ne peut pas être le cas de tout le monde. J’essaye d’adoucir un peu les choses en évoquant le plaisir que pourrait avoir sa meilleure amie en apprenant qu’elle a contribué à tout cela. Malheureusement.. la blonde ne semble pas voir les choses de la même manière. « Je suppose qu’elle pourrait même inclure cela dans un discours de mariage ? » Ne nous méprenons pas.. je ne suis pas en train de mettre la charrue avant les bœufs. Mais à la description qu’elle me fait, ou celle qu’elle m’a faite sur l’application, j’ai comme l’impression que cette amie peut être très impliquée dans la vie sentimentale de la blonde. Trop peut-être même ? Est-ce que ça veut dire que je devrais probablement me poser des questions ? Si elle cherche à ce point à caser son amie, peut-être qu’il y a anguille sous roche. Bref.. ce n’est pas la question pour le moment – pas encore du moins. Avant d’en arriver à de telles conclusions, je ferais mieux de m’intéresser à sa journée, comme elle le fait avec moi. Son métier est sûrement magnifique, néanmoins je pense qu’il peut aussi être très dur : de notre côté, il n’est pas rare de voir des personnes succomber à leurs blessures, mais avec un bébé.. je n’ose même pas y penser. Par chance, elle n’a pas eu ce genre d’intervention aujourd’hui. « Tu dois avoir des mains de fée, c’est pour ça. » Bien sûr, je plaisante. Même si finalement, cette phrase peut facilement être à double sens. Cette réponse obtenue, je décide de repartir sur un sujet croustillant : celui qui se rattache à l’application de rencontre où nous avons commencé à échanger. J’ai fini par faire le rapprochement entre elle et le profil qui m’anime depuis plusieurs jours et je suis curieuse de savoir si elle a compris aussi, avant que je saute le pas, et si elle l’a fait rapidement. Visiblement oui, malgré l’urgence qu’il y avait avec cette future maman et son accouchement. « J’avais peur que l’occasion ne se représente pas. » Dis-je, en haussant légèrement les épaules, alors qu’elle évoque le plaisir de m’avoir vu rester dans les couloirs de l’hôpital. Habituellement, je n’accompagne pas les patients jusqu’à l’hôpital, c’est plutôt le boulot des ambulanciers. Et puis, rien ne dit que dans une autre situation, un autre jour, je serais tombée sur elle. « Absolument pas. » Je plante mon regard dans le sien et un sourire s’étend sur mes lèvres. « Tu es très jolie d’ailleurs. » Le physique, c’est du bonus. Mais il serait quand même dommage de ne pas profiter de l’occasion pour la complimenter, comme pour ses photographies tout à l’heure. « Tu connais mon prénom, mais je n’ai pas le tien. Je ne trouve pas cela très équitable.. Je sais que ça commence par un K, mais c’est tout. Tu voulais visiblement mettre une certaine part de mystère dans ton profil. » Sûrement parce qu’elle ne tenait même pas à ce profil. D’ailleurs, si c’est bien sa meilleure amie qui a rédigé le tout, il faut croire qu’elle tenait visiblement à ce que la jeune femme garde un certain contrôle sur tout cela – je suppose qu’il est moins facile de stalker quelqu’un quand tu n’as que la première lettre d’un prénom, si jamais c’est bien la première lettre d’ailleurs. « Tu termines officiellement dans combien de temps ? » Si je suis encore censée travailler pour quelques minutes, c’est aussi son cas et je ne voudrais pas empiéter sur ce qu’elle semble si bien faire. Même si je ne dirais pas non à l’idée de pouvoir en apprendre un peu plus sur elle, si jamais aucun bébé ne décide de se mettre entre nous.

« Je suppose qu’elle pourrait même inclure cela dans un discours de mariage ? » Je crois que le rouge me monte aux joues lorsqu’elle évoque le mariage. Je ne sais même pas pourquoi, si c’est quelque chose qu’elle projet avec une potentielle future petite amie, ou si ça me fait penser à mon propre mariage qui prend l’eau. Parler de mon boulot est chose bien plus aisée que de le parler de moi, ou de ce lien qui s’est tissé entre elle et moi à travers l’application. Elle mentionne mes ‘doigts de fée’ et je rougis à nouveau, laissant échapper un petit rire gêné, accompagné d’un haussement d’épaules.
Nous y voilà, parler de ce moment où j’ai compris qu’il s’agissait bien d’elle, de la jeune femme avec qui je discutais depuis quelques jours. Elle évoque la peur qu’une rencontre fortuite comme celle-ci ne se représente pas, et j’avoue être heureuse qu’elle m’ait attendue. Je le lui dis sans détour, et cherche même à savoir si elle n’est pas trop déçue. « Absolument pas. Tu es très jolie d’ailleurs. » Est-ce qu’elle a un petit carnet dans sa tête où elle appose une petite barre chaque fois qu’elle me fait rougir, et le compte après le rendez-vous ? Parce qu’elle est très douée à cet exercice. « Merci… Je peux te retourner le compliment » Je ne suis, de toute évidence, pas aussi douée qu’elle pour dire ce genre de chose, mais je fais l’effort, pour ne pas qu’elle imagine que cette rencontre ne me touche pas.

« Tu connais mon prénom, mais je n’ai pas le tien. Je ne trouve pas cela très équitable.. Je sais que ça commence par un K, mais c’est tout. Tu voulais visiblement mettre une certaine part de mystère dans ton profil. » Je ris légèrement. « Touché. » Je ne vais pas lui dire de suite la raison de ce mystère, elle le saura bien assez tût de toute façon, et j’aurai trop peur qu’elle me fuit. Après tout, on ne s’est rien promis. « Je suis tentée de laisser encore le mystère planer un peu plus longtemps, mais tu as raison, c’est pas très équitable, et j’aime la justice. » Je lui souris, enroulant mes mains autour de mon café, avant d’ajouter. « Kiana. » Maintenant, elle connaît mon prénom ET mon nom de famille. Là, on est plus très équitables parce que je ne connais pas le sien, et je n’ai pas pensé à regarder sur son uniforme tout à l’heure. A l’heure actuelle, elle a retiré sa veste, et je ne peux même pas faire mine de chercher un indice. Et puis, je ne suis pas aussi directe qu’elle, je n’oserai jamais demander. Pour quoi faire en même temps ? Je ne vais pas aller la traquer sur internet, j’ai passé l’âge. « Tu termines officiellement dans combien de temps ? » me demande-t-elle finalement, me prenant un peu de cours. Naturellement, je porte un regard à ma montre, la journée est loin d’être terminée. « J’ai à peine fait la moitié. » Je laisse échapper un rire, avant de pencher légèrement la tête sur le côté. « Pourquoi ? Tu avais quelque chose en tête ? » Je peux arriver à me libérer à peu près n’importe quand si besoin est, j’ai une très bonne baby sitter qui déboulerait à n’importe quelle heure ou presque, tellement elle adore ma fille. Est-ce que j’aurai envie qu’elle m’invite à sortir ? Peut-être bien, et je suis presque sûre que j’accepterai. J’a vraiment vraiment besoin de me changer les idées. Et sa présence est agréable. J’avais un peu peur de ça aussi, que le feeling ne soit pas le même en vrai que par écrit, mais de toute évidence, je me sens très bien en sa présence. C’est une bonne chose, n’est-ce pas ?

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crédit/ tumblr ✶ w/kiana

Prendre les choses en main, le taureau par les cornes comme on dit, c’est quelque chose qui me réussi plutôt bien. Je n’ai peur de rien, alors j’ose ! C’est peut-être pour cette raison que je n’ai pas hésité longtemps avant de camper dans ce couloir d’hôpital, dans l’espoir de pouvoir la revoir. Par chance, cette démarche ne semble pas l’avoir effrayée. Loin de là même, puisque doucement, les compliments s’enchaînent. Il faut croire que le courant passe naturellement entre nous ou que la jeune femme joue bien la comédie – et qu’elle me bloquera sur l’application pour ne plus jamais me revoir. Je vais essayer de rester optimiste et de partir du principe que mon charme fonctionne simplement avec elle. Surtout que maintenant, j’ai son prénom. Kiana. Si elle a accepté de me le donner, c’est déjà un bon point. Elle peut facilement me mentir, mais j’ai envie de croire qu’elle est honnête avec moi : autant partir sur de bonnes bases. « Waouh.. bon courage ! » Dis-je, alors qu’elle annonce n’être qu’à la moitié de sa garde. Quand on aime, on ne compte pas, mais cela veut sûrement dire qu’elle aura encore l’occasion de voir beaucoup d’arrivées au monde pour les heures à venir. « Je me demandais surtout si nous risquions d’être dérangées et pendant combien de temps. » Je serais forcément attristée de devoir la laisser partir, mais mon boulot est comme le sien, à pouvoir être appelée n’importe où, n’importe quand, alors je me contenterais de rentrer, si cela arrive, à attendre la prochaine fois où nous aurons l’occasion de nous revoir. « Il faut croire que je vais devoir me contenter d’un café aujourd’hui. » Je hausse légèrement les épaules, alors qu’un large sourire se dessine sur mes lèvres. C’est déjà beaucoup pour être honnête, vu que je ne pensais même pas la croiser à l’hôpital. Mais il ne faut pas croire que je vais me contenter de ça : vu l’impression que j’ai de notre relation, je vais devoir lui proposer de nous revoir. Un autre jour. « Mais je note que l’idée de plus ne te dérangerait pas, je l’espère. » Dis-je, alors qu’elle se demande si j’ai quelque chose en tête. Si elle a osé cette question, c’est qu’au fond d’elle, elle s’attend à une réponse, non ? Et qu’au plus profond d’elle, alors elle pourrait vouloir me revoir, aussi. « Je connais de très bonnes soirées Country comme tu le sais déjà.. » Je reste sérieuse quelque seconde, avant de rigoler. Parmi les plans que je peux lui proposer, je sais que je commence avec la pire option avec celle-ci. Je ne sais pas si c’est quelque chose qui lui déplairait vraiment, mais quand je l’ai évoqué dans nos messages, sur l’application de rencontre, elle ne semblait pas vraiment emballée par ce genre de soirées. « Je rigole, je ne t’emmènerais pas là-bas ! » Sauf si vraiment elle me le demande. Ne faut-il pas découvrir de nouvelles choses parfois ? Néanmoins, pour ne pas trop l’effrayer et prendre le risque que son envie de me revoir disparaisse, je décide de partir sur quelque chose d’un peu plus classique, qui pourra s’adapter en fonction du jour où cela tombera. « Si l’envie te dit, un soir où tu ne travailles pas, nous pourrions nous retrouver ailleurs, et pourquoi pas danser. Il y a plein de bars très bien, à Wellington ou même à Island Bay. » Et dans le pire des cas, si ce programme n’est pas alléchant, je trouverais certainement autre chose à lui proposer.

J’adore mon métier, il est clair que si je n’avais pas une petite puce à la maison qui m’attend, je serai bien capable d’enchaîner les gardes jusqu’à ce que la fatigue soit trop intense. Mais un jour comme aujourd’hui, j’aimerai aussi pouvoir tout lâcher et suivre cette -presque - inconnue là où elle aura envie de m’emmener. Je suis trop professionnelle pour faire une chose pareille, et je sais aussi que les urgences n’attendent pas. Par chance, elle fait un métier d’urgence elle aussi, et je sais qu’elle comprend. « Je me demandais surtout si nous risquions d’être dérangées et pendant combien de temps. » Un sourire étire le coin de mes lèvres et je baisse le regard vers le liquide brun qu’il reste au fond de ma tasse. « Tant que mon biper ne sonne pas, je suis tranquille. » Mes rendez-vous de suivi ne sont pas à quelques heures près, et si une maman s’inquiète, les sage-femmes sont très compétentes. « Il faut croire que je vais devoir me contenter d’un café aujourd’hui. » dit-elle visiblement un peu déçue, ce qui me fait rire. « C’est mieux que rien. » On aurait pu se contenter de rien du tout si elle avait choisi de rentrer à la caserne sans attendre que je termine mon intervention. « Mais je note que l’idée de plus ne te dérangerait pas, je l’espère. » « Pas du tout, au contraire. » Je m’étonne moi-même que ce soit le cas. Être ici, avec elle, c’est déjà un grand pas pour moi. Parce que je sais que si elle est inscrite sur cette application, ce n’est pas pour trouver une partenaire avec qui aller faire un footing, ou lui apprendre la couture. Je fais les choses en connaissance de cause, avec une appréhension tout de même. « Je connais de très bonnes soirées Country comme tu le sais déjà.. » Cette fois je ris plus franchement. Son regard brun me perturbe plus qu’il ne le devrait, et je m’en veux un peu de la trouver charmante. Plus que ça même, mais ça je ne l’assume pas. Elle se ravise en me promettant de ne pas m’emmener dans ce genre d’endroit. Ça ne m’emballe pas vraiment il faut dire, je crois qu’elle l’a bien senti. « Si l’envie te dit, un soir où tu ne travailles pas, nous pourrions nous retrouver ailleurs, et pourquoi pas danser. Il y a plein de bars très bien, à Wellington ou même à Island Bay. » Danser. Le rouge me monte aux joues en m’imaginant danser avec elle. Mon dieu j’ai l’impression d’être une gamine, c’est affligeant. « Danser… » Je me racle un peu la gorge. Il y a un côté très intime à partager une danse avec quelqu’un, ce n’est pas comme simplement boire un café, ou un verre dans un bar. « Pourquoi pas oui. » J’avoue ne pas lui offrir une attitude très enjouée, mais je suis un peu perturbée par tout ça. L’envie de la revoir, passer du temps avec elle, et la peur aussi qu’elle s’imagine quelque chose que je ne serai pas en mesure de lui donner ? Et si j’étais en mesure de le faire ? Mon cerveau s’emballe et je me mets une claque intérieure. Merde à la fin ! « Ce serait avec plaisir à vrai dire. » Cette fois je la regarde vraiment, avec un peu plus d’intensité, et lui offre un joli sourire. « Je suis désolée je vais devoir filer, à contre coeur. Mais tu sais où me joindre, et maintenant même où me trouver. » Je ris légèrement avant d’ajouter « N’hésite pas à me dire quand tu seras dispo, qu’on trouve un jour de repos commun. » En espérant que ça ne soit pas dans mille ans.

le chat et la souris
crédit/ tumblr ✶ w/kiana

Même si notre rencontre, même virtuelle, ne remonte qu’à quelques jours, j’ai l’impression que ça fait plus longtemps que ça que nous nous connaissons. Étrangement, avec elle, les choses ont l’air simples, naturelles. Ou alors, c’est peut-être parce qu’elle me plaît et que je me voile un peu la face, embellissant ainsi la réalité. N’étant pas du genre à avoir froid aux yeux, je n’hésite pas une seconde à aller un peu plus loin dans le processus lorsqu’elle me demande si j’ai une idée derrière la tête. Quand on a envie de faire quelque chose, autant le faire à fond, non ? Alors après avoir répondu classiquement à sa question, je soumets la possibilité de se revoir ailleurs, un autre jour. À sa réaction, l’idée semble lui plaire et j’en joue un peu. Je remets un sujet évoqué sur l’application sur la table, pour plaisanter, avant de lui proposer quelque chose d’un peu plus sérieux. Si je ne me trompe pas, Kiana apprécie danser. Moi aussi. Alors autant profiter de ce point commun pour apprendre à se connaître différemment. Si avant, elle semblait ouverte aux propositions, là, elle a l’air un peu plus sur la réserve et je me demande si je n’ai pas fait une bêtise, si je n’ai pas cherché à aller un peu trop vite. Vivre à fond ou ne pas le faire, non ? Je ne serais pas complètement moi si je commençais maintenant à regretter d’avoir fait ce qui me faisait envie sur le moment. Et puis, finalement, la blonde semble changer d’avis, laissant paraître une certaine joie à la possibilité de nous revoir un autre jour, dans un bar, pour danser et discuter un peu quand même. Un autre jour, pas tout de suite, alors inutile pour moi d’imaginer plus. Je me contente de sourire, même si elle m’annonce devoir me laisser. Son boulot l’appelle, j’étais prévenue. « Je n’y manquerais pas. » Dis-je, alors qu’elle me donne pour mission de la contacter pour mettre en place ce rendez-vous. Je viens finir ma tasse, avant de me lever pour l’accompagner. « Bon courage pour la fin de ta garde. » Avec un peu de confiance — peut-être trop même — je m’avance vers elle et lui offre une accolade chaleureuse. « À très vite. » Si elle ne prend pas peur d’ici là et me bloque sur Lovemaker. Si c’est le cas, je pourrais au moins dire que j’ai eu la chance d’être proche d’elle, de pouvoir sentir son parfum au moins une fois. Elle reprend ses affaires et quitte l’établissement pour retourner là où nous nous sommes croisées tout à l’heure. De mon côté, j’envoie un message à l’un de mes collègues pour qu’il vienne me chercher et en attendant qu’il arrive, je viens régler l’addition.