happily ever after → jimmy

Un mariage ! Mais pas le sien. Celui d’un couple d’amis. Probablement fiancé depuis moins longtemps qu’elle mais bon, c’est pas Marina qui va s’en plaindre parce que c’est probablement un peu de son fait si Lindsey et elle ne sont toujours pas mariés. Sûrement beaucoup, même, d’ailleurs. Et en parlant de Lindsey, ce n’est pas lui qui l’accompagne aujourd’hui mais le cousin. Parce que oui, lui aussi connaît le couple de tourtereaux. Stacy et Kevin, pour les nommer. Bref, tout ça pour dire que la rouquine a passé presque la matinée à s’apprêter mais pas toute non plus parce qu’ils ont décidé d’aller se marier dans un bled paumé à perpète et qu’elle a donc de la route à faire. Puis parce qu’elle est une cousine sympa, Marina a proposé à Jimmy de la faire ensemble. D’autant qu’elle a un chauffeur et que c’est quand même plus agréable de se laisser conduire. C’est donc ainsi qu’après deux heures de route, ils arrivent enfin à destination : une espèce de manoir près d’un lac. Et bizarrement, on a l’air de les attendre comme s’ils étaient les derniers arrivés. Pourtant, c’est un grand mariage, avec plein de gens. Bon, elle tâche de faire fi de tout ça et laisse le soin à son chauffeur de s’occuper des cadeaux dans le coffre pour aller rejoindre l’assistance sans plus tarder.
« Ou comment se faire remarquer… »
Qu’elle glisse à Jimmy tandis qu’on commence à les faire passer dans le jardin – avec vue sur le lac, évidemment - où il y a déjà tout, la tente, l’arche, le type qui marie. Ils se voient ensuite placés sur les chaises devant l’autel et le spectacle peut commencer.
« A tous les coups, ils vont même pas nous laisser faire un tour aux toilettes avant de commencer… »
C’est qu’elle a raison en plus parce que voilà que la marche nuptiale commence à résonner tout autour d’eux. Et merde. Tant pis, Marina prend donc son mal en patience et croise les doigts pour que ça se termine en vitesse. Sauf que bon, c’est quand même rarement le cas. D’autant que cette chanson à l’air de s’éterniser et qu’elle ne voit toujours pas l’ombre d’une robe blanche. Même qu’il n’y a pas qu’elle qui a remarqué, tout le monde a l’air d’attendre la future mariée.
« Bon ben si elle prend son temps, autant en profiter. » dit-elle en quittant sa chaise.
Peut-être même qu’elle serait de retour avant celle que tout le monde attend.

Mais non, ce que Marina veut dire par-là c’est que c’est eux que se font remarquer en ayant à peine quelques minutes de retard. En ce qui concerne l’endroit, c’est effectivement très bien. Ou bien. En fait, ça ressemble exactement à tous les endroits de mariages où elle s’est rendue. Et depuis qu’elle a franchi le cap de la trentaine, y en a eu pas mal. Quant à savoir si ça lui donne des idées pour son propre mariage… Peut-être. Et dans ce cas, l’idée en question serait de trouver un endroit qui ressemble pas à ça. Mais en vérité, la rouquine n’y a pas tant pensé que ça. Parce qu’elle ne se sent pas si pressée non plus. Pourtant, la même question revient de plus en plus souvent.
« Ouais, je sais pas, c’est très… conventionnel. »
Et en parlant de les presser, c’est ce qu’on fait en les poussant doucement en direction du lieu de cérémonie. Même pas le temps de passer rapidement aux toilettes ni rien. Et comme ils ont limité les arrêts sur la route, justement pour ne pas être trop en retard, ça semble être un passage obligatoire à Marina. Pas à Jimmy. Qui lui demande presqu’aussitôt de se taire afin que ça devienne pas contagieux. Contagieux, non, mais vraiment pressant, oui. Et comme les mariés ont l’air de prendre leur temps, autant en profiter. Elle s’abstient de balancer à son cousin une réplique bien sentie, du style « oui, papa » et s’achemine d’un pas rapide vers les toilettes. Par chance, c’est bien indiqué. Et c’est donc sans mal qu’elle tombe sur la très future mariée en train de s’envoyer non pas le très futur marié mais son meilleur ami sur le lavabo. Ah, si vite… La rouquine fait comme si elle n’avait rien vu et court s’enfermer dans la cabine la plus proche pendant que le couple improvisé reprend ses activités… Enfin, pas ce qu’ils étaient en train de faire quand elle est entrée, non, mais disons qu’elle entend la porte s’ouvrir, se fermer, puis la musique, très forte, signalant le début de la cérémonie. Bon, Marina fait donc vite, se lave les mains, vérifie que son maquillage est toujours au top et retourne s’asseoir aux côtés de son cousin. Puis elle doit bien tenir environ dix secondes avant de se pencher sur lui pour lui murmurer à l’oreille :
« Tu devineras jamais ce que je viens de voir ! »
Et de lui raconter toute l’histoire.

Oh ça va, elle l’a pas non plus déglingué, ce mariage. Tout ce qu’elle dit, c’est que c’est un peu trop conventionnel à son goût, c’est tout. Le sien ne serait pas vraiment plus original, mais plus moderne en tout cas, ça, c’est certain. Non, y aura pas de manoir ou de château à la campagne parce qu’elle est pas une putain de princesse et qu’elle a jamais vraiment rêvé d’en devenir une un jour. Sinon, c’est sur un prince qu’elle aurait mis le grappin. Bref, durant son absence, Marina note que ce qui est un peu moins conventionnel et digne d’une princesse de conte de fées – quoique -, c’est de se taper le meilleur ami du futur époux dans les toilettes, juste avant la cérémonie. C’est le genre de trucs qui se fait après, non ? Même juste après si on veut. Par respect. Ou quelque chose comme ça. Et puis comme ça, c’est du scoop, faut absolument que la rouquine en parle à quelqu’un. La personne la plus sûre – enfin non, peut-être pas – et la plus accessible, là, tout de suite, c’est bien sûr son cousin. Qu’elle s’empresse de teaser un peu. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est pas si loin de la vérité quand il lance cette histoire de futur marié en train de se faire faire une gâterie par une demoiselle d’honneur comme ça, au hasard.
« Plutôt l’inverse. Et on n’en était plus vraiment au stade des préliminaires. »
Evidemment, Jimmy veut savoir si elle n’est pas en train de blaguer. C’est vrai qu’elle est douée pour ça. Ou qu’il tombe facilement dans le panneau, allez savoir. Un peu des deux sûrement. Mais là, Marina n’invente rien. Au bout d’une ou deux minutes de dénégation de sa part, il le comprend et en reste presque sans voix, à peu près comme elle sur le moment.
« Ouais… Je retire ce que j’ai dit en tout cas, je trouve tout ça un peu moins conventionnel, tout à coup. »
Mais comme dit précédemment, un peu seulement. Parce que bon, s’il n’était pas aussi riche qu’eux, le couple l’était quand même aussi et quand on est riche, on continue de se marier plus souvent par agrément que par amour ; ce qui fait que les tromperies sont monnaie courante. Là-dessus, elle regarde tout le monde, mais surtout les deux coupables pendant que Stacy promet fidélité à son mari jusqu’à ce que la mort les sépare, quelle blague.
« Du coup, j’aurais presque envie de parier sur la durée de ce mariage. Tu crois que ça peut tenir quoi, toi ? Un jour, une semaine, un mois, un an, dix ? »

A la mention d’un éventuel enfant conçu ce jour-là, Marina se rappelle qu’en effet, tout le monde n’a pas la chance d’être infertile – ceci étant dit avec beaucoup d’humour bien sûr parce que même si pour elle, ce n’est pas un drame, elle n’ira pas jusqu’à dire que c’est une chance non plus -, et que la plupart des autres femmes doivent faire attention à ne pas oublier leur moyen de contraception, à ne pas tomber malade pendant l’ovulation et croiser les doigts pour ne pas faire partie des fameux cinq pour cent. Ça non, Marina ne les envie pas vraiment quand à côté, tout ce à quoi elle doit faire attention, ce sont les maladies. Exactement comme tout le monde au final. Bref, là-dessus, la rouquine regarde tour à tour le presque marié et son meilleur ami et tente d’imaginer à quoi pourrait bien ressembler leurs enfants.
« Tu crois que la différence se verrait, si jamais ? »
De toute manière, ça peut quand même parfois être trompeur et il arrive que les enfants ne ressemblent à aucun de leur parent pour ressembler à l’arrière-arrière-arrière-grand-père ou grand-mère. Bien que maintenant qu’elle y pense, c’est quand même l’excuse parfaite pour expliquer pourquoi un gamin ne ressemble pas à son prétendu père. C’est vrai que question surprise, Marina ne peut pas se plaindre. Et maintenant que le choc est passé, elle trouve tout ça plutôt divertissent en fin de compte. Jusqu’à ce que son cousin lui annonce que lui préférait parier que ce mariage ne durerait même pas une journée parce que lui aurait bien envie d’aller tout dire au marié.
« Hein ? »
Mais pourquoi il ferait ça ? Les gens – surtout les gens comme eux – se marient et se trompent tout le temps et y a pas toujours quelqu’un pour le leur faire savoir. A supposer qu’ils sont pas déjà au courant, bien sûr parce que ça, c’est pas dit non plus. La rouquine a dû blêmir un peu, mais la cérémonie poursuit son cours, le prêtre parle de fidélité, tout ça. Que des conneries, ce qui est d’autant plus le cas dans celui-ci. Puis il pose la fameuse question : y a-t-il quelqu’un pour s’opposer à ce mariage et là, Jimmy croit bon d’attirer l’attention sur eux et de blanche comme un linge, Marina passe à rouge comme une écrevisse alors qu’elle voit tous les yeux tournés vers elle. Bordel, tout le monde doit croire qu’elle est amoureuse du marié plutôt que de Lindsey en fait. C’est à ce moment-là qu’elle croise le regard de Stacy et celui-ci lance carrément des éclairs.
« Euuuh… Le propriétaire de la Porsche garée devant est demandé à l’entrée. Apparemment, elle bloque le passage. »
Le temps de dire ça, Marina s’était levée mais elle se rassied bien vite, essayant de rapidement se faire oublier. Pas dit que ça soit très concluant puisqu’elle se tourne aussitôt vers Jimmy.
« T’es malade ou quoi ?? Même si c’était à moi de dire la vérité, je vais pas le faire en pleine cérémonie et devant tout le monde ! »
Cela dit, tout le monde n’est pas idiot, ils doivent bien se douter qu’il se passe quelque chose.

Au fond, ce qui est bien avec les gens comme eux, c’est qu’ils se ressemblent tous. Mêmes fringues provenant des mêmes tailleurs, mêmes maisons ou appartements démesurément grands et décorés de la même manière, mêmes voitures hors de prix… Mais ça ne s’arrête pas là. Mêmes coiffures, mêmes barbes ou absence de barbes. Mêmes bronzages. Maintenant qu’elle y pense, c’est peut-être pour cette raison que la plupart des riches sont interchangeables… Bref, tout ça pour dire que non, la différence se verrait pas tant que ça si un gamin résultait de ce quickie dans les chiottes. Par contre, faudrait veiller à surtout jamais lui raconter que ça s’était passé comme ça parce que c’était franchement pas glamour. Mais de toute façon, personne, en dehors de gens pas très nets, parle de ça avec ses enfants. Ou alors ils enjolivent, ils rendent ça romantique du style : « on s’aimait si fort que tu es arrivé. », tout en omettant que dans si pas une majorité des cas aujourd’hui, quand même beaucoup, ça arrive par accident. Oh bien sûr, y a toujours des femmes pour prendre leur température, avoir un calendrier dans la tête et prévenir que si elles font pas une tentative d’ici quelques heures alors ça sera foutu jusqu’au mois prochain mais celles-ci sont bien moins nombreuses qu’à une époque. Soit, Marina en est toujours là de ses réflexions quand Jimmy, trouvant que c’est le moment rêvé pour ça, attire l’attention sur elle, signalant qu’elle a quelque chose à dire. La rouquine se rappelle pas d’avoir jamais eu aussi honte de toute sa vie. En ce qui la concerne, elle est pas du tout sûre que dire la vérité soit la chose à faire. Si Lindsey la trompait ? Elle ne pouvait bien sûr que spéculer parce que ce n’est pas le cas, mais elle suppose que ça ne lui ferait pas grand-chose. S’il le faisait le jour de leur mariage en revanche… Elle le détesterait lui, elle, et la personne qui l’aurait mise au courant pour avoir gâché ce moment.
« Je suis pas là pour ruiner leur journée. Ni pour l’afficher aux yeux de tous. »
De fait, Marina est plutôt bonne pour garder les secrets. Même les plus inavouables. Déformation professionnelle. A la question qui suit, elle hausse les épaules.
« Ça dépend du contrat prénuptial qu’ils ont passé. »
Elle blague même pas, c’est un truc qui se fait dans les familles riches. Pour s’assurer que l’autre n’en a pas qu’après la fortune du conjoint, notamment. Et quand son cousin lui demande quand est-ce qu’elle a l’intention d’en parler, elle hausse à nouveau les épaules.
« J’en sais rien. Toute vérité est pas bonne à dire. Mais si tu crois tellement que c’est le truc à faire, vas-y, toi ! »