let it go (loar)

Loar était venu jusqu’au commissariat de police afin de pouvoir apporter ce que lui avait demandé son grand frère, Lachlan, lui-même flic. S’il avait accepté la requête, c’était pour le remercier d’avoir prêté sa maison le week-end où il avait créé son groupe avec Ashton. S’il avait un caractère de cochon et qu’il était une tête de mule, il savait quand même rendre service quand on avait été généreux avec lui. Il était resté quelque temps à côté de son bureau afin de discuter de tout et de rien. Ça n’était pas souvent que cela arrivait, à tel point que Lachlan avait fait son possible pour qu’il y reste le plus longtemps possible. Une fois qu’il fut appelé et qu’ils durent se séparer, Loar n’avait plus rien à faire là. L’ennui allait s’installer. Il avait du travail à terminer, mais ça ne lui donnait pas envie pour le moment. Ses amis et autres proches travaillaient ou avaient quelque chose à faire. Le voilà donc seul pour le reste de l’après-midi. L’avantage, lorsque l’on vivait à plusieurs, c’était que la solitude pesait peu de temps, ou alors, moins qu’auparavant. Il avait hâte de revoir les autres, sous condition qu’ils rentrent bien.

A la sortie de l’établissement, il entendit quelqu’un chanter. Comme n’importe quelle autre personne aux alentour, il ne tarda pas à être intriguée. Une jeune femme était en train de chanter la chanson phare du Disney « La Reine des Neige » et semblait bien se moquer des personnes qu’il y avait autour d’elle. Et elle avait bien raison ! Lui qui était chanteur sur internet savait de quoi il en tenait.
L’inconnue aux cheveux rose déambulait tel une comédie musicale et lorsqu’elle eut terminé la chanson, elle la recommença. Comme Loar était connu pour avoir du culot et qu’il n’avait pas peur du ridicule, il décida de se mêler à la chanson, comme une comédie musicale, une fois de plus.

« The wind is howling like this swirling strom inside… Couldn’t keep it in, Heavens knows I’ve tried… »

Comment ne pas connaitre cette chanson par cœur ? Elle avait été diffusée un nombre incalculable de fois au moment de la sortie du film et tous les enfants s’étaient mis à la chanter à tue-tête. Elle revenait inévitablement dans les moments de liberté, lorsqu’on avait enfin accompli quelque chose de difficile ou de pénible. Et pour l’enfant qu’il était, il n’était pas difficile pour lui de la rechanter encore et encore. D’ailleurs, ces derniers jours, il se spécialisait sur le dernier sorti en date, Moana.

Au fond, il espérait tout de même que son intervention ne la refroidisse pas et qu’il ne l’ait pas coupé dans son délire. Certaines personnes étaient sensibles et accueillantes, d’autres pas du tout. Il n’avait jamais vu cette fille de sa vie, c’était donc le moment de voir s’il pourrait aller jusqu’au bout de la chanson avec elle ou s’il allait devoir arrêter.

« Don’t let them in, don’t let them see, be the good boy you always have to be… »

avait-il poursuivit en attendant sa réaction. Au moins, pour la première fois, il se rendait compte à quel point les paroles lui parlaient.

C’était comme dans une comédie musicale, en vrai ! Loar ne s’était pas douté un instant qu’il tomberait dans ce genre de situation un jour dans sa vie, mais une chose était sûre, c’était qu’il adorait totalement ! Il venait de tomber sur quelqu’un d’aussi culotté et d’aussi fou que lui et il lui fallait absolument profiter. C’était comme une perche qu’on lui tendait, sauf que pour le coup, ça passait ou ça cassait.
Ainsi il s’était joint à elle dans la chanson, en essayant de ne pas trop exagérer dans sa ‘chorégraphie’. Il avait l’impression de sortir tout droit du film « Il était une fois » et d’être un personnage de Disney qui se retrouvait face à la réalité. Quand il s’était mis à chanter, la jeune inconnue s’arrêta un instant, le temps de la surprise, avant d’enchaîne et finir la chanson à deux. Deux timbrés qui s’égosillaient la voix devant plusieurs têtes qui se retournaient, c’était magique. Si seulement ses frères étaient là pour voir ça, ils ne le reconnaîtraient pas ! (Ou peut-être trop ?)
Une fois la chanson terminée, ils éclatèrent tous les deux de rire. Cela faisait du bien de vivre ce genre de moment ! Elle avait une glace à la main et Loar se demandait s’il ne ferait pas mieux de s’en prendre une lui aussi. Toute cette histoire l’avait échauffé ! En tout cas, la petite blonde ne tarda pas à lui faire des compliments sur sa voix.

« Vraiment ? Merci beaucoup, tu chantes bien toi aussi ! »

Il ne se faisait pas prier pour parler de manière familière. Certes, il ne la connaissait pas, mais elle semblait être de la même tranche d’âge que lui. Et puis, elle était aussi fofolle qu’il ne l’était alors autant éviter les formules de trop grande politesse ! Ainsi, lorsqu’elle lui confia qu’elle se sentait moins tarée grâce à lui, il éclata de rire avant de répondre :

« Allons, inutile de vouvoyer, je ne suis rien qu’un type qui chante quand bon lui semble ! Mais je partage la même impression, ça fait plaisir de rencontrer quelqu’un comme toi ! »

Il avait beau avoir une petite notoriété sur Youtube, il avait tendance à l’oublier. Cela faisait même longtemps qu’il n’avait pas voyagé suite à une invitation mais ça n’était pas plus mal. Il n’aimait pas vraiment ça, l’avion. Il s’approcha à son tour vers le marchand de glace, en commanda une également avant de concentrer à nouveau son intention sur la chanteuse blonde.

« Tu chantes juste comme ça ou t’as des projets perso ? »

Il était sérieux en lui posant la question. Étant donné qu’elle avait une jolie voix, c’était bien possible.  Et puis, comme il avait son propre buisness de son côté, on ne savait jamais après tout ! On lui avait souvent conseillé de participer à des émissions comme The Voice afin d’accroître sa popularité et se faire encore mieux connaître, mais il n’avait jamais sauté le pas. Peut-être un jour, qui sait ?

Loar se rendait compte qu’il s’emballait peut-être un peu. C’était un grand excité et encore plus lorsqu’il était émoustillé. C’était aussi la première fois qu’il s’était mis à chanter avec une strict inconnue et vu à quel point ça lui avait plu, il se promit de recommencer lorsque l’occasion se présentera. En attendant, il s’intéressait désormais à elle puisqu’elle était ouverte à la conversation. Loar était un grand sociable, il ne pouvait pas s’empêcher de parler et poser des questions pour mieux connaître les gens qu’il croisait dans sa vie. Même s’il fallait un rien pour cela.
Et comme réponse, elle lui expliqua qu’elle chantait uniquement par passion, que c’était la même chose qu’aimer manger des glaces. Cela fit sourire le jeune homme dont il trouva la comparaison amusante.

« Je vois, et c’est tout à ton honneur. Après tout, c’est bon les glaces. »

Naturellement, elle lui retourna la question. Ses yeux s’illuminèrent davantage à ce moment-là. Par où commencer ? La musique était tellement une partie intégrante de sa vie qu’il pourrait en parler des heures durant. Pourtant, il tâcherait d’être au plus clair et simple.

« Oh moi… Je ne sais pas vraiment ! J’adore chanter et je le fais d’ailleurs sur internet. Mais à côté de ça, je joue de la musique et je suis actuellement en train de monter un groupe avec un pote… mais je ne serais pas au chant. Plutôt derrière la batterie ou la guitare. Mais je ferais les chœurs ! Quoique… c’est pas impossible que je chante aussi certaines chansons, ce serait dommage… Notre projet n’est pas encore assez abouti, mais on est en pleine discussion ! »

Il oubliait qu’il parlait à une fille dont il ne connaissait même pas le prénom, c’était ça la magie des rencontres.

« Bref, je suis peut-être barbant ? Dis-le-moi de suite si je suis trop lourd, j’ai tendance à ne pas savoir la limite des gens. Tu fais quoi dans la vie ? »

Oh, il n’était pas en train de la draguer ou chercher une approche quelconque, bien qu’elle ne soit pas désagréable à regarder. D’ailleurs, dans ce genre de moment, il oubliait qu’il était un homme et elle une femme et il avait tendance à zapper le fait que les gens avec lesquels il discutait ne voyait pas les mêmes choses que lui. Il était déjà tombé sur ce genre de cas, des filles qui pensaient qu’il tentait un truc alors que pas du tout. Mais après tout, il n’y avait pas de raison de se prendre la tête, il se connaissait bien.

Dommage, pensait Loar, parce qu’il avait rencontré quelqu’un d’enthousiasme pour la musique, ou du moins, pour le chant. Mais ça n’était quand même pas une raison pour décider nécessairement de vivre de ça. Il a toujours été comme ça lui, très spontané et croyant à fond en ses propres capacités. En même temps, il semblait n’être utile à rien d’autre. Il n’arrivait pas à travailler sous les ordres de quelqu’un et ce n’était ni un scientifique, ni un littéraire. Les études l’avaient vite ennuyé. Ca n’avait pas été simple parce que son oncle et certains de ses frères lui avaient déconseillé de mener une vie comme celle qu’il vivait en ce moment mais il avait décidé de croire en ses capacités. Sa notoriété sur internet dans ce qu’il faisait ne faisait aucun doute, cela lui avait donné énormément de soutien et de courage pour poursuivre dans la voie qu’il avait choisie.

Alors forcément, en parler le rendait tout de suite très vif et très ému. Et comme il était très spontané, il n’hésitait pas à exprimer tout le fond de sa pensée dès que quelqu’un montrait un peu d’intérêt. Un grand émotif, comme on lui disait souvent.
Elle s’était présentée sous le nom de Noemi, un prénom qu’il n’avait pas encore croisé, puis lui avait demandé le siens en même temps que le nom de son groupe.

« Enchanté Noemi, j’aime bien ton nom ! Moi c’est Loar ! Et pour mon groupe, on a décidé celui de Snow Planet. C’est très récent encore alors… on verra bien ! »

Ils poursuivirent leur conversation en essayant de se connaître un peu plus. Loar était ravi qu’elle parle d’elle-même sans montrer la moindre gêne. Elle semblait être aussi sociable qu’il ne l’était, mais il ne lui aurait pas reproché son hostilité dans le cas où elle en aurait fait preuve. Noemi commença à répondre à sa question mais elle fut très vite coupée par un hurlement qui se produisit. Derrière eux, quelqu’un se faisait voler son sac à main par un homme et Noemi fut plus rapide à réagir. Après quoi, elle revint vers lui pour continuer le plus naturellement possible leur conversation.

« Wow. » ne put-il s’empêcher d’exprimer malgré tout. « Eh eum… attends…. Tu es manager d’un bar et fille au pair ? » s’était-il étonné une fois qu’il avait repris ses esprits. Il était dans l’incompréhension parce qu’il se demandait ce qui avait poussé la jeune femme à exercer ces deux métiers là. Lachlan avait aussi une fille au pair, mais elle ne faisait rien d’autre à côté et en prime, elle venait de loin puisqu’elle était coréenne.

« Comment se fais ce ? Je veux dire… pourquoi tu fais fille au pair si tu es manager d’un bar ? Oh et pour répondre à ta question, notre groupe n’est pas encore complet alors pour l’instant on a joué nul part. Maiiis le jour où on va être prêt, pourquoi pas ?! Ce serait même génial ! »

L’idée de pouvoir avoir un réel public l’enchantait vraiment. C’était même ce qui le poussait à monter un groupe. Il ne voulait pas seulement jouer en amateur, il voulait vraiment s’investir là dedans. Mais il savait déjà qu’il aurait besoin de beaucoup de patience pour y arriver, ce qui ne l’empêcher pas de garder espoir. La patience, il connaissait.

« En tout cas, même sans y jouer… j’y passerais peut-être prochainement dans ton bar, on verra ! Pour te dire vrai, je n’y ai pas encore mis les pieds. »

Les soirées, il les faisaient surtout en privé, la plupart du temps et donc chez des gens. Les bars, c’était rare qu’il en fréquente au final.

« Enchanté Noemi, j’aime bien ton nom ! Moi c’est Loar ! Et pour mon groupe, on a décidé celui de Snow Planet. C’est très récent encore alors… on verra bien ! » Je le regarde en souriant, et nous continuons de discuter tranquillement, quand je lance une blague sur son nom de groupe. « Snow Planet, ça fait un peu Toi Story en mode Buzz l’Eclair quand même ! Enfin ça a l’air dément. » Je lui souris un peu, et je n’ai pas le temps de poursuivre sur mon métier qu’une femme se fait voler son sac à main à mes côtés, et je ne peux m’empêcher d’intervenir. C’est qui le patron là ? C’est moi ! Et c’est avec violence physique que je réussis à dérober à nouveau le sac de la femme, en offrant une magnifique droite au mec. La femme me remercie, et je retourne vers ce ‘Loar’ en souriant, comme si de rien n’était. En vrai, au fond de moi, c’est le feu là ! « Eh eum… attends…. Tu es manager d’un bar et fille au pair ? » J’hoche la tête. « Comment se fais ce ? Je veux dire… pourquoi tu fais fille au pair si tu es manager d’un bar ? Oh et pour répondre à ta question, notre groupe n’est pas encore complet alors pour l’instant on a joué nul part. Maiiis le jour où on va être prêt, pourquoi pas ?! Ce serait même génial ! » Je le regarde en riant. « Bah, pourquoi, pour les fins de mois ! Non, j’adore mon boulot de fille au pair c’est une passion. Et pour le bar, c’est une véritable opportunité c’est trop super super cool ! Bon c’est vrai que le weekend je suis fatiguée, mais franchement j’ai pas à m’en plaindre, ma mère de famille est plutôt sympathique. » Et carrément canon. « Pour ton groupe ouais ça serait super cool. Surtout qu’on cherche un peu des nouveaux groupes là, genre, c’est souvent le même et même si c’est super cool le changement c’est vraiment bien ! En plus ça ramène du monde, alors c’est autant bénéfique pour nous que pour vous quoi. » Je lui souris à nouveau, ne sachant pas trop quoi dire de plus. C’est vrai, c’est bénéfique car nous ça nous fait du bénéfice, et eux bah, ça augmente leur popularité, et leur chance de se faire connaître. « En tout cas, même sans y jouer… j’y passerais peut-être prochainement dans ton bar, on verra ! Pour te dire vrai, je n’y ai pas encore mis les pieds. » J’écarquille les yeux. Tous le monde met les pieds au Foxglove non ? C’est genre LE bar ! Je suis surprise, c’est vrai, mais c’est une opportunité pour lui. Je viens de découvrir un nouveau client. « C’est fou ça ! Enfin tu verras c’est super cool comme truc. Je vais parler de toi à la patronne, on sait jamais ! En tout cas tu passes quand tu veux, je suis surtout là le weekend moi mais les autres sont super cool aussi !! » Je lui souris.