don't wanna know (elliott)

○ Les hurlements qui témoignent de ma souffrance, la vie suspendue un quart de seconde, la main morte de mon frère dans la mienne, les hurlements brisent le silence de la nuit, appelant au secours. Son corps, meurtri, couvert de bleu, commence déjà à refroidir. Assise contre la poubelle de l’établissement, les pompiers ne tardent pas à venir me voir, moi, celle qui n’a pas besoin d’aide. Ou du moins, c’est ce que j’en pense. Mon frère en a plus besoin que moi, et c’est à ce moment même où je me rend compte qu’il est bien trop tard. Trop tard pour vivre. Trop tôt pour mourir. Alors je vais me contenter de survivre, et de me remémorer ces instants, ces souvenirs de nos deux vies, de notre aventure réciproque. Je me souviens…

○ Je ne suis pas née seule, mon jumeau Sony était là lui aussi. Nous sommes le fruit d’un amour immense, d’un amour qui nous le pensions ne s’éteindrait jamais. Et pourtant. A quoi bon espérer, tous se termine un jour. Sony et moi avons grandi dans une grande bâtisse, sur la côte d’Island Bay, minuscule ville côtière de Nouvelle Zélande. Nous y avons grandi, et il y est mort. Triste réalité.

○ Bien trop jalouse, nous vivions une relation compliquée lui et moi. Je ne lui autorisais rien, j’avais peur de le perdre. Je sais que j’étais bien trop importante, et pourtant, j’avais peur. C’est pour ça que je détestais sa meilleure amie, Knox. Je voyais en cette fille un monstre, un démon qui voulait me prendre mon frère. L’empêchant de jouer avec elle, nos disputes étaient fréquentes elle et moi. Aujourd’hui encore d’ailleurs.

○ Je n’ai jamais été très bonne à l’école, non, moi mon truc, c’était la musique. Je joue du piano depuis des années, mes parents m’ont inscrite au conservatoire dès que j’ai eu l’âge, et j’ai enchaîné les années, avec toujours plus de talent. J’ai ce qu’on appelle l’oreille absolue, la fameuse, et j’en suis très fière.

○ J’ai toujours su que j’aimais les filles, je n’ai jamais eu de doute quant à ce propos. J’ai bien testé la gente masculine une fois, puis deux, puis trois mais elle n’a jamais réussi à me satisfaire. Je suis bien trop accro aux filles pour ça.

○ Si j’ai tendance à apparaître comme quelqu’un de très forte aux yeux des personnes, je suis en réalité très faible. Si j’insulte tout le monde, si je fais mine de ne jamais pleurer, c’est uniquement car je suis pudique. Si vous venez me voir une nuit, quand je suis seule, vous risquez d’être surpris de me voir en larmes dans mon lit. Je suis aussi très soumise, mais vous le comprendrez plus tard.

○ Il y a quelques années, nous avons découvert que notre père avait trompé notre mère avec celle de Knox, cette fille là, cette meilleure amie pourrie de mon frère. Prise d’une colère immense envers elle, j’ai été très heureuse de son départ. J’interdisais à mon frère de lui envoyer des lettres, de l’appeler. Je me doutais qu’il le faisait quand même. C’est là qu’à commencé sa chute dans les enfers.

○ La drogue. Un mot simple, une chose qui n’est pas inconnue de nom pour beaucoup, et pourtant, elle l’était pour moi. Quand mon frère a commencé a sombré, je n’ai pas compris immédiatement. Le voir déambuler dans les couloirs, en sueurs certains jours, rien ni personne ne se doutait de son addiction. Je m’en suis rendue compte il y a deux ans. Un soir, alors qu’il se piquait. Dans sa chambre, adjacente à la mienne. C’est ainsi que je me suis approché de lui, et que je lui ai demandé ce que c’était. J’ai sombré.
Je n’ai pas commencé par des petites choses, et l’héroïne est rapidement devenue mon quotidien. Arrêtant mes études de musicologie pour me consacrer à cette addiction, ma chute a été brutale, et ma famille s’est beaucoup inquiétée. Et puis il y a eu ce soir là.

○ Ce soir là, je m’en souviens comme si c’était hier. Ou du moins, j’essaie. Sony et moi étions dehors, lui contre une poubelle, et moi sur le côté de cette dernière. Il s’est piqué une fois, puis deux, puis trois. La troisième était celle de trop, je le savais, et pourtant. Son corps était déjà trop faible. Je me suis piqué à mon tour, une fois, puis deux, puis trois. Et pourtant, moi, j’ai supporté cette troisième injection. C’est contre son corps mort que je me suis collée cette nuit là. Et c’est quand je me suis réveillée dans ce centre, en sueurs, transpirant de tous mes pores que j’ai compris. Que la drogue lui avait ôté la vie, comme elle m’avait presque ôté la mienne.

○ De retour chez moi, au bout de trois mois en centre de désintox, j’ai découvert avec surprise que cette fille était de retour. Cette Knox. Cette salope, cette fille, qui a tué mon frère. Si il est mort, c’est car il l’aimait, je le sais. Ce n’est pas la drogue qui l’a tué. C’est elle. Je la déteste.

○ Comme si ce n’était pas suffisant, il a fallu que nous partagions la même chambre, le même lit. Si je refusais qu’elle me touche au départ, aujourd’hui, c’est un peu différent. Nous avons beau nous engueuler, nous détester, et pourtant, il y a cette attirance presque inexplicable entre nous. Cette attirance qui me fou la trouille, j’aime pas ça, et pourtant, elle est bien là. Ces soirs où nous couchons ensembles après une dispute, ces matins passés à s’engueuler et à finir par se donner du plaisir. C’est étrange, trop paradoxale. Je ne sais pas quand ça va s’arrêter, ou si ça va s’arrêter, mais Sony, si tu m’entends, dis moi pourquoi, aide moi.