What are you doing, mate? - Mikeal

What are you doing, mate?

La majorité des gens préfèrent courir le matin, c'est compréhensible, il fait frais, il y a peu de monde, le soleil se lève et éclaire les chemins, bref c'est le moment idéal pour se défouler et faire un peu de sport. Sauf que Lorena n'en avait plus beaucoup, du temps. Les joies de l'internat de médecine où elle passait les trois quarts de son temps depuis deux ans maintenant. Alors le footing matinal, malgré qu'elle adorait ça, elle avait tiré un trait dessus depuis longtemps. Maintenant, quand elle ne quittait pas trop tard elle prenait ses affaires de sport au boulot pour se changer et elle allait courir à North Bay, dans le parc. D'une parce qu'il était bien éclairé et de deux parce qu'il possédait un parcours qu'elle aimait beaucoup. C'est ce qu'elle s’apprêtait à faire ce soir là en quittant son poste à l'hôpital, elle se changea dans les vestiaires et se rendit au parc, écouteurs dans les oreilles et cheveux relevés. Elle commença à trottiner doucement pour s'échauffer et puis sur le rythme de la musique elle accéléra la cadence en suivant le chemin de terre qui s'étendait devant elle. Beaucoup trop de pensées traversaient son esprit. Son internat, la spécialité qu'elle n'avait toujours pas choisi, ce neurochirurgien avec qui tout était devenu beaucoup trop gênant, ses amis qu'elle ne voyait pas assez souvent..

Une demi heure s'écoula quand elle finit de faire un premier tour du parc. C'est à ce moment là qu'une silhouette dans la pénombre, assis sur un banc, l'interpella. Elle ralentit sa course et plissa les yeux pour distinguer un peu mieux l'homme qui était affalé sur le banc. Elle avait l'étrange impression de le connaître et elle devait en avoir le cœur net. Elle respira un bon coup et s'avança vers lui. Bon, si ce n'était qu'un sdf ou un inconnu parmi tant d'autres elle connaîtrait quelque minutes de gêne mais ça passerait. Plus elle s'avançait plus les lampadaires commençaient à éclairer son visage. Elle ne cacha pas sa surprise quand elle reconnut enfin l'homme sur le banc. "Monsieur Wiess??" Elle l'appela par son nom, Wiess. Son conseiller financier, enfin, le remplaçant de son premier conseiller. Il lui avait succédé à ses 21 ans après sa mise en retraite anticipée. Ils s'étaient déjà vu plusieurs fois quand elle avait quitté New York pour venir s'installer ici. Il l'aidait à gérer son capital et son héritage. Elle avait tout quitté, elle avait voulu se retrouver loin de sa mère et de son beau père et quitter cet environnement qui la rendait malade. Elle attendit debout en face de lui et elle n'obtient aucune réponse dans l'immédiat. Elle croisa les bras sous sa poitrine et se pencha un peu en avant, augmentant le son de sa voix. "Mikeal ?!"  Aux grandes situations, les grands moyens. Cette fois ci s'était clair et net, sa voix s'était faite entendre. Elle attendit qu'il réagisse avant de poursuivre. "Mais qu'est ce que vous faites ici?"   

What are you doing, mate?

Quel était le pourcentage de chance pour qu'elle tombe sur Mikeal, son conseiller financer, en fin de soirée au parc et qui plus est dans cet état? Proche de zéro très certainement et pourtant elle se tenait debout en face de lui, les mains sur les hanches, les sourcils froncés, attendant qu'il réagisse. Il était clairement alcoolisé au son de sa voix et elle était curieuse de savoir ce qu'il faisait étalé sur ce banc à jouer les épaves. Ca faisait un moment qu'elle ne l'avait pas vu, elle ne s'occupait plus vraiment de sa fortune. Elle la laissait dormir à la banque et dans son coffre et c'était très bien ainsi. Elle faisait sans, comme si elle n’existait pas. Elle ne voulait pas la jouer facile, elle voulait travailler dur et gagner sa vie comme une personne normale. Bien entendu, si un jour elle avait un gros problème ou si elle devait aider quelqu'un, elle n'hésiterait pas à piocher dedans mais en attendant elle souhaitait vivre comme tout le monde et faire face aux aléas de la vie comme tout le monde. Une vie normale et semée d’embûches qu'elle allait réussir à passer, elle en était convaincue. Quand Mikeal commença à s'agiter pour se lever du banc, la jeune femme se pencha en avant en tendant le bras pour lui donner un coup de main. Elle ne voulait pas qu'il tombe en plus de ça et qu'il se fracasse le crâne par terre. Autant éviter le plus de dégâts possible pour ce soir. "Vous savez bien que j'ai un emploi du temps particulier, je fais comme je peux pour m'entretenir" Une fois qu'il fut debout, elle croisa les bras sur sa poitrine, les yeux plissés, un sourire en coin devant la situation à laquelle elle assistait. Elle roula des yeux quand il parla de sa mère et de leur relation on ne peut plus conflictuelle. Il était bien entendu au courant des relations de la famille et il savait que Lorena et sa mère c'était une relation de mépris et de jalousie perpétuelle. "Vous m'en direz tant. Ça vous arrive souvent de venir décuver sur un banc en plein milieu du parc? " A nouveau, elle voulut essayer de le rattraper quand il tituba dangereusement mais ce dernier s'aida du banc et réussit à tenir sur ses deux jambes. "Oh oui je vois ça, vous êtes en pleine forme" Elle rit jaune, ses paroles étaient pleine d'ironie devant ce spectacle auquel il s'adonnait devant elle. Avant qu'elle n'est pu ajouter quoique se soit, elle sentit le bras de Mikeal s'abattre lourdement sur sa nuque avant de l'enrouler autour d'elle. Ni une, ni deux, elle attrapa les clés qu'il tenait à peine entre ses doigts. "Merci mais je tiens à ma vie et en tant que médecin c'est hors de question que je vous laisse rentrer seul dans cet état. Allez" Elle passa son bras dans son dos pour le soutenir et elle commença à marcher tant bien que mal vers la sortie du parc pour rejoindre sa voiture. Tant pis pour la voiture de monsieur, elle dormirait sur le parking ce soir et demain matin elle repasserait chez lui pour le déposer afin qu'il puisse la récupérer. Avant ça, il fallait qu'il évacue la dose d'alcool qu'il avait ingurgité ce soir. Quand elle arriva à sa voiture, elle ouvrit une portière pour le déposer sur le siège passager. "Evitez de repeindre les sièges.." Elle finit de l'attacher, comme si elle s'occupait d'un enfant et elle referma la portière pour aller se mettre au volant. "Votre adresse? Je repasserai demain matin pour vous emmenez chercher votre voiture." Elle ne lui laissait pas vraiment le choix, elle allait le ramener chez lui, le foutre dans son lit, le laisser décuver, rentrer chez elle, dormir et revenir le chercher quand il serait sobre.C'était pas vraiment la soirée qu'elle s'était imaginé mais on ne prévoyait pas les imprévus n'est ce pas?