« Les méandres du cerveau et ses conséquences sur l'inconscient humain. » ft. Sasha

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« Dr. Austen, un appel pour vous de l'hôpital central. » Remerciant la jeune secrétaire, une dénommée Rosy au passage, je me vois donc transférer la ligne vers mon bureau. Assis sur un immense fauteuil marron vieillot rembourré, tout était à sa place, bien rangé. Les stylos dans leur pot, les classeurs dont aucune page blanche ne dépassait, les dossiers organisés par ordre alphabétique derrière le placard vitrée fermé à doubles tours pour éviter que des petits malins mal avisés ne veuillent y jeter un œil. Même l'armoire à pharmacie qui avait sous propre verrou luisait sous la lumière tamisée du cabinet, signe que la poussière n'avait aucun droit ici. « Dr. Austen, bonjour, que puis-je faire pour vous ? » Vingt bonnes minutes furent nécessaires à ce que je comprenne ce dont il était question, aux premières interrogations, quelques références placées ici et là et échangées avec mes collègues fonctionnaires, une brève hésitation avant d'accepter finalement de m'occuper de ce dossier. Sasha Lazzio. Ils m'avaient promis de me transférer l'ensemble de son dossier par fax, et pendant que je réfléchissais, une jambe apposée sur l'autre à mon approche de ce nouveau « cas », j'entendais les bruits de l'appareil, comme une mélodie gâchant le silence de la pièce dans laquelle j'étais enfermé depuis ce matin-là. Une fois toutes les pages assemblées entre elles, la lecture commença. Longue et fastidieuse mais intéressante, comme pour toutes les histoires des patients auxquelles j'avais eu affaire jusque-là. Cinq heures plus tard, c'est après mon dernier patient que je prenais le téléphone en main, appuyais sur les touches composant le numéro du fameux monsieur Lazzio dans l'optique de lui donner rendez-vous dans quelques jours. Je savais que l'homme pouvait très bien refuser, décommander au dernier moment, ou pire m'envoyer carrément sur les roses. Ce pourquoi, même si je réprouvais cette méthode, j'appuyais sur ce point sensible qui était de ses pertes de mémoire et du danger que cela pouvait ou pourrait un jour représenter dans son travail. Finalement convaincu, bien que certainement de mauvais gré, il accepta de me rencontrer. Dans trois jours, pour un premier essai. C'était toujours ma façon de procéder. Un début de rencontre afin de jauger et de voir si nos tempéraments s'avéraient compatibles. Un minimum, car cela pouvait ne pas être le cas, et alors je me sentais obligé, par devoir moral, conscience professionnelle et même logique pure et dure, de confier ses soins à un autre practicien avec lequel le patient se sentirait davantage à son aise pour se confier.

@Sasha Lazzio

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Ces derniers jours, les pertes de mémoire s'étaient faite plus régulières, tout comme ses maux de tête qui les accompagnaient. Il avait de plus en plus de mal à les supporter et il perdait petit à petit l'espoir qu'un jour il puisse vivre comme tout le monde, sans se soucier de tout cela. Il avait encore un rendez-vous fixé à l'hôpital pour faire des examens complémentaires, il en avait plus que marre d'être une sorte de cobaye, il savait que les médecins ne pourront rien faire pour lui, la balle qui avait failli causé sa mort avait éclaté non loin de son cerveau, la seule solution pour en finir, c'était de l'opérer mais les médecins avaient été formels, pour le moment aucune opération n'est possible sans risquer d'endommager ses facultés.

C'est donc bredouille qui rentra chez lui. Voilà pourquoi en règle générale il boycottait les rendez-vous, il n'apprenait jamais rien de nouveau, si ce n'était que les éclats de balle se rapprochaient dangereusement de son cerveau et pouvaient à tout moment, causer quelque chose de bien plus grave que ses pertes de mémoire. En réalité, il savait qu'il était condamné à plus ou moins long terme, alors il avait cessé de se battre. Si la mort lui avait laissé une chance la première fois, elle ne le louperait pas la seconde.

À peine rentré chez lui, il sentit son téléphone portable vibrer. Un numéro qu'il ne connaissait pas. Il décrocha et écouta l'homme au bout du fil. Un médecin nommé Docteur Austen. Il pensait d'abord à un médecin de l'hôpital, mais rapidement il se présenta comme un psychiatre, il avait été contacté par l'hôpital qui avait estimé que Sasha avait besoin de consulter. Il avait déjà été voir des psychologues après avoir échappé à la mort, mais aucun n'avaient jamais été d'une grande utilité, est-ce celui serait de la même trempe ? Il n'y avait qu'une façon de le savoir, accepter le rendez-vous fixé, même si ce n'était pas de gaieté de coeur.

Sasha avait toujours été têtu lorsqu'il s'agissait d'être aidé, il avait toujours tout fait seul, alors aller voir un psychiatre ne faisait pas vraiment partie de ses plans. Mais il n'avait pas vraiment le choix, alors il se rendit à ce fameux rendez-vous trois jours plus tard. Une fois devant le cabinet il hésita avant de pénétrer dedans. La réceptionniste de l'accueil lui demanda son nom avant de l'inviter à s'asseoir dans la salle d'attente en attendant que le docteur Austen ne termine son rendez-vous. Durant cette attente, Sasha hésitait sincèrement à faire demi-tour, sincèrement, qu'est-ce qu'il pourrait lui apporter de plus que les autres ? Peut-être un traitement pour soulager ses maux de tête, mais il en avait déjà un, qui n'était pas vraiment efficace. En même temps, c'était comme le reste, lorsqu'il s'agissait de sa santé, Sasha devenait vraiment laxiste. Il ne le prenait que rarement hormis lors de ses crises plus violentes. Sasha joua nerveusement avec ses doigts, il ne cessait de se demander pourquoi il avait accepté ce rendez-vous, peut-être pour être sûr que l'hôpital le laisse tranquille. Maintenant, il ne pouvait plus faire marche arrière, il fixa la porte sur laquelle était fixée le nom de ce docteur en espérant qu'elle ne s'ouvre jamais. Loupé.

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Parmi mes derniers patients de la journée, cet homme : Sasha Lazzio. Le dossier rangé dans l'armoire prévue à cette seule fin, je cherchais à visualiser l'homme, ou plutôt ses démons en fonction de ma lecture. Après quoi, je tournais la page et oubliais mes a priori. La rencontre ne s'en passerait que mieux si j'avais pas d'idées préconçues à son sujet. Même au travers de mes certitudes concernant son état de santé et les causes de ses troubles de la mémoire, je préférais croire que je me trompais, déjà au départ sans même l'avoir vu. Parce que lorsque vous croyez en la certitude votre opinion, il n'est rien qui ne puisse encore vous surprendre, et dans le cas de mes patients, un progrès ne pouvait être obtenu que parce que je concevais pertinemment l'idée qu'un patient pouvait autant apprendre à son psychiatre que son psychiatre de lui. C'est donc très ouvert d'esprit – l'une des raisons qui me rendait populaire par ailleurs – que je demandais à ma secrétaire si M. Lazzio était arrivé, avant d'aller à sa rencontre. Il était important pour moi, sans compter qu'il s'agissait de mon tempérament altruiste et naturellement bienveillant envers tout un chacun, de me déplacer plutôt que ce soit au patient de venir à moi. Ainsi nous étions sur le même pied d'égalité. « Monsieur Lazzio, je vous en prie, entrez donc. » Un sourire aux lèvres, ma main tendue, j'attends qu'il se l'accapare avant de l'inviter à me rejoindre à l'intérieur de mon bureau, faisant également office d'espace de 'consultations'. A lui de choisir s'il serait davantage à l'aise sur un siège, un tabouret d'enfant, le canapé en cuir vieilli qui donne sur une vue presque idyllique d'un parc à l'extérieur, ou encore une sorte de lit d'hôpital réaménagé pour donner l'impression d'un espace feng-shui. « Préférez-vous que je vous appelle Monsieur Lazzio, Sasha ou …autrement ? » commençais-je à lui demander dans un petit rire destiné à le mettre à l'aise. « Mais asseyez-vous, je vous en prie. » Attendant qu'il s'installe, je néglige de mon côté le siège se trouvant derrière mon bureau pour aller m'asseoir à ses côtés, lui laissant suffisamment d'espace pour qu'il ne se sente pas envahi mais suffisamment proche pour ne pas donner une impression de distance entre nous. « Alors, dîtes-moi...par où souhaitez-vous commencer ? J'ai coutume de dire à mes patients qu'ils peuvent me parler de tout ce qui leur passe par la tête. Certains préférent me raconter comment s'est passée leur journée, d'autres favorisent une approche plus directe en faisant directement référence à leurs problèmes personnels...c'est à vous de décider, je n'impose rien. Tout ce que je peux vous dire par contre, c'est que quoique vous pensiez en arrivant ici, quelles que soient vos appréhensions, vos doutes et vos croyances, laissez-les de côté. Je suis ici pour vous aider. A faire un point sur votre santé, certes, mais je suis aussi présent si vous avez besoin de vous confier, parce que c'est tout aussi important dans le processus de soin, je suppose que vous le savez déjà ? » lui demandais-je d'une voix calme et posée en croisant mes jambes l'une sur l'autre, mes doigts joints entre eux.

@Sasha Lazzio

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Sasha n'avait jamais été à l'aise lorsqu'il s'agissait de parler de lui, de son passé, de sa vie à quelqu'un d'autre, encore plus lorsque cette même personne est celle qui va sans doute le suivre pendant plusieurs semaines, voire mois, peut-être même années s'il arrive à tenir jusqu'ici. Le but c'est tout de même d'avancer, sinon il n'y avait aucune raison qu'il continue de venir à ces séances, qu'il considérait déjà comme inutiles avant même d'avoir vu l'homme en question. Est-ce qu'une femme aurait eu plus de chance d'obtenir certains aveux concernant sa vie ? Peut-être, mais avant tout chose, Sasha devait se sentir en confiance. Certes il savait que les spécialistes étaient là pour l'écouter, pour l'aider à avancer, mais se confier sur ce qui le ronge de l'intérieur n'est pas dans ses habitudes, lui qui s'est forcé une carapace depuis sept ans, depuis son divorce difficile qui l'a énormément marqué.

Une quinzaine de minutes après qu'il soit arrivé, une femme d'environ une trentaine d'années venait de sortir du bureau du docteur Austen, c'était désormais à lui. Il venait de l'appeler, un sourire aux lèvres qui donnait envie à Sasha de rebrousser chemin. Hormis confirmer ce qu'il pensait déjà, il savait que cette séance serait probablement la première et la dernière. Par politesse, il s'avanca jusqu'au docteur, lui serra la main tout en lui adressant un signe de tête, avant de le précéder pour entrer dans son bureau. Espace d'ailleurs très diversifié. Il y a avait une sorte de lit d'hôpital, un canapé ou bien simplement une chaise. Il opta finalement pour le canapé pour la simple et bonne raison qu'il sembalit être l'endroit le plus confortable.

" - Sasha fera parfaitement l'affaire."

Est-ce qu'il avait envie de l'entendre l'appeler monsieur à chaque phrase ? Non c'était certain. Il avait déjà du mal à ce que les gens le vouvoient, d'autant plus quand ils les savaient plus jeune, ça le faisait se sentir encore plus vieux qu'il ne l'ai déjà.

L'homme finit par s'installer à côté de lui, pas assez prêt pour qu'on les considère comme étant deux amis, mais assez loin pour garder une certaine distance entre le patient et le psychiatre. Puis, il l'écouta parler.

" - Par quoi commencer ? Et bien, vous pourriez peut-être me dire ce que vous savez de moi."

Normalement, c'était au docteur de poser les questions, mais Sasha n'aimait pas cette position, il se sentait inférieur, faible. D'autant plus qu'il n'était pas vraiment ici de son plein gré, c'était l'hôpital qui avait contacté directement le psychiatre pour qu'il s'occupe de lui.

" - Vous n'êtes pas sans savoir que je ne suis pas ici par ma propre initiative."

Autant être clair dès le début, mais tout cela, il devait déjà le savoir puisque c'est lui qui avait été en relation avec l'hôpital directement.

" - Pas la peine de prendre des gants avec moi, dites moi la vérité. Je suis une cause perdue non ?"

Lorsqu'il s'agissait de lui, Sasha avait tendance à se voir d'une manière extrêmement négative, et les récents événements dans sa vie ne l'avait pas aidé à être positif concernant sa propre image. Il avait été trompé, utilisé, trahi et blessé.

Les mots du docteur n'avaient pas échappé à Sasha, il avait bien parlé de sa santé, donc ses problèmes de mémoire et ses migraines allaient forcément être au centre d'une de leur conversation tôt ou tard, il devait s'y attendre.

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« Très bien, Sasha. » énonçais-je donc en prenant place à quelques mètres de l'homme. Je ne prenais pas immédiatement le calepin que je traînais toujours avec moi, partout où j'allais. Il me servait à écrire mes idées, des pensées confuses et parfois ce que je m'autorisais à penser de mes patients. En ce qui concerne Sasha, tout n'était encore qu'une page vierge, et il était inutile qu'il se focalise d'ores et déjà sur mes méthodes tant que nous n'en savions pas un minimum l'un sur l'autre. Car c'était ainsi que je fonctionnais, la confiance selon moi, et bien que j'étais amené à devenir son psychiatre, était méritoire. Ainsi, si je voulais que Sasha m'accorde sa confiance et soit à l'aise en ma compagnie, je devais lui apporter les preuves de ma bienveillance. « Si cela ne vous dérange pas, je préférerai vous entendre me parler de vous. Biensûr que je peux vous faire un récapitulatif de votre dossier en quelques minutes, mais ce résumé ne servira pas à grand chose. Votre opinion et le regard que vous portez sur votre personne m'intéresse davantage que les notes prises par mes collègues, je vous l'assure. » C'était une façon pour moi de découvrir ce qui se cachait derrière cette apparence normale. Avait-il une bonne ou une si mauvaise opinion de lui ? Par quoi commencerait-il ? Comment se tiendrait-il, sa gestuelle donc, lorsqu'il s'adresserait à moi ? Tant de choses au fond qui nécessitait un certain degré d'observation silencieuse et de compréhension de l'autre dans tout ce qu'il avait de singulier. « Non, effectivement je ne l'ignore pas. Et je vous sais d'autant plus gré d'être dans ce bureau avec moi aujourd'hui. » lui assurais-je toujours souriant. Sans me moquer, absolument pas d'ailleurs, je comprenais dans quelle position il se trouvait, et ne désirait que chercher à le convaincre en ce sens que je ne lui mentirais pas sur ce point. « Une cause perdue ? » D'abord, mes yeux s'écarquillent, et je l'observe durant plusieurs minutes. Si je suis incrédule, je ne le montre pas, me contentant d'un léger soupir avant de reprendre, calmement. « Pourquoi pensez-vous que vous êtes une cause perdue, Sasha ? » Une chose que j'avais appris en école de médecine, ne jamais laisser croire au patient qu'il détenait la vérité absolue. Pas plus que de répondre à ses questions directement. Car même si le psychiatre avait la solution au problème, ce n'était pas de lui dont il était question, mais du patient. C'était donc à lui de trouver la réponse seul, le psychiatre n'étant que le guide l'accompagnant vers sa destination finale.

@Sasha Lazzio

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Sasha n'était pas le genre de personne à cultiver les clichés que la société s'amusait à nous mettre en tête, en revanche, il s'attendait à ce que le jeune homme à ses côtés marque toutes ses pensées dans son carnet. C'est ce que les autres qu'il avait pu avoir il y a longtemps, avaient agit de la sorte. Mais après, chacun agit sans doute différemment, chacun à sa méthode pour que le patient lui fasse petit à petit confiance, est-ce que Sasha en sera capable ? Cela fait bien longtemps qu'il ne fait plus vraiment confiance aux autres.

Il ne put s'empêcher de rigoler en entendant les paroles du psychiatre. Son opinion de lui ? Ça va être rapidement fait, Sasha n'a pas confiance en lui, il passe son temps à se dégrader et depuis son divorce, il se cache derrière cette carapace pour ne rien laisser paraître. Ni sa peur de l'abandon, ni son manque de confiance et de dégoût pour lui-même en revoyant tous les matins ses cicatrices, sa santé qui le malmène et dont il connaît déjà l'issue. Tout cela est enfouit au plus profond de lui et ce sont des sujets qu'il évoque rarement.

" - Et qu'est-ce que changera si vous apprenez que je ne me supporte pas, que je ne m'aime pas et que ma vie est une simple suite de mauvais événements qui m'ont fait devenir un mauvais homme ?"

C'est ce qu'il pensait réellement de lui, d'autant plus depuis son divorce. Les regrets et les remords étaient plus fort que tout, il avait l'impression d'avoir raté la plus grosse partie de sa vie, est-ce qu'il pouvait être fier de lui ? Non. Il a perdu ses parents à cinq ans, le jour de son anniversaire. Il a tué son oncle à dix ans après cinq années à subir les coups, à se faire insulter, rabaisser, humiler. Il avait trouvé la femme de sa vie mais il n'a même pas été capable de la garder auprès de lui, puisqu'elle avait décidé de partir avec son meilleur ami. Cette trahison l'avait tout simplement détruit. Il avait arrêté de vivre le même jour que cette séparation.

Sasha lui avoua ensuite qu'il n'était pas ici par plaisir mais plus parce qu'on l'y avait obligé, ce que le spécialiste semblait comprendre. Après tout, il ne devait pas être le seul à ne pas aimer ce genre d'endroit. C'était une sorte de prison pour fous, voilà comme il se sentait. Prisonnier de lui-même.

" - Allons, je ne vais pas vous apprendre votre métier. Vous avez lu mon dossier, vous savez à quoi ressemble ma vie, est-ce que vous avez vraiment l'impression que je peux encore être sauver de moi-même ? Ce n'est qu'une illusion. Puis vos collègues m'ont déjà dit il y a des années qu'ils ne pourraient rien faire pour moi, alors autant mettre les choses au clair dès le début, ça vous évitera de perdre votre temps avec moi."

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