Sawyer & Iris - I considered you my sister.

C haque jour depuis l’accident, Sawyer se rendait à l’hôpital. Elle passait d’innombrables heures au chevet de son mari, trop aux yeux de certains de ses proches qui auraient voulu qu’elle s’accorde un peu de temps pour souffler, pour penser à elle et se vider la tête. Elle n’avait pas pris le temps de surfer, ni même de monter à cheval depuis l’accident. Au ranch, elle se contentait de gérer l’aspect plus administratif et laissait les employés s’occuper du reste. Il faut dire qu’il était nettement plus facile de transporter sa paperasse ou son ordinateur portable jusqu’à l’hôpital que d’y emmener les chevaux qu’elle était censée travailler. Lorsqu’elle s’occupait d’un animal, Sawyer tenait à le faire correctement. Consciencieuse dans son travail, elle refusait de n’accorder que la moitié de son attention au cheval. D’une part, ce n’était pas juste pour l’animal, et loin d’être efficace. D’autre part, c’était dangereux. Elle qui avait perdu son père des suites d’un accident de cheval ne le savait que trop bien.

Comme chaque jour depuis un mois, Sawyer s’était donc rendue à l’hôpital. Fidèle au poste. Et comme chaque jour elle lui avait parlé. Elle ignorait s’il pouvait l’entendre, même les médecins n’étaient pas capable de lui donner une réponse claire sur le sujet. Elle voulait croire que oui. Qu’il savait que sa famille ne l’avait pas abandonné à son sort et qu’ils attendaient tous avec impatience qu’il rouvre les yeux. Mais comme dans tout, il y avait des jours avec et des jours sans – celui-ci serait un jour sans, puisque bien vite elle avait senti les larmes monter. La pièce était devenue étouffante, comme si elle était soudainement devenue claustrophobe. Alors elle avait rassemblé ses affaires pour aller prendre l’air. Sans surprise, c’est vers la plage que ses pas la menèrent. Un peu de marche et d’air frais lui avait permis de reprendre ses esprits, mais elle n’était pas prête à rentrer. Pas encore.

Par chance, elle avait prévu de quoi s’occuper : son appareil photo. C’était un vieux modèle, mais elle l’aimait particulièrement. Et puis il avait l’avantage de ne pas être trop encombrant. Elle s’aventura donc sur le sable fin, rendu humide par la marée descendante, son regard scrutant l’horizon à la recherche du moindre détail qui attirerait son attention. Des paysages, elle en avait des tonnes dans ses dossiers de photo, dans ses albums. Ceux qui n’y faisaient pas particulièrement attention s’imaginaient certainement que la mer était toujours la même… Loin de là. Il y avait toujours quelque chose de nouveau, de différent. Il suffisait de savoir regarder. Les minutes passaient, les photos s’accumulaient sur sa carte mémoire. Combien ? Elle l’ignorait. Elle ferait son tri plus tard. Tout ce qu’elle voulait c’était prendre l’air et mettre de côté ses tracas quelques temps. Ils reviendraient la hanter bien assez vite.

Faisant une pose afin de vérifier la place qu’il lui restait sur sa carte mémoire, Sawyer s’arrêta quelques instants. Elle commençait à être bien remplie et malheureusement, elle n’en avait pas prévu de rechange. Alors qu’elle relevait le nez de l’écran, son regard se posa sur une silhouette familière installée à quelques mètres de là, sur un rocher non loin du muret qui bordait la plage. Iris. Les deux jeunes femmes n’avaient pas parlé depuis un bon moment – depuis l’accident, à vrai dire.

C’était sa faute, Sawyer le savait. Quand bien même elle ne pensait pas un mot de tout ce qu’elle lui avait dit, elle avait été odieuse avec Cade. Elle n’avait pas osé leur reparler depuis, que ce soit à Cade, à Iris ou à Kyan. Elle avait croisé les deux derniers à quelques rares occasions, mais n’avait même pas revu Cade. Elle ne cessait de repousser le moment où elle irait à sa rencontre, honteuse du comportement qu’elle avait eu envers lui. Elle préférait se réfugier auprès de Kara, qui elle ne la fuyait pas comme la peste et dont la présence lui remontait un tant soit peu le moral. C’était la solution de facilité.

Sawyer hésita un moment, reportant son regard sur l’océan et les vagues qui venaient s’échouer sur le sable. Devait-elle aller parler à Iris ? Elle doutait franchement d’être bien reçue mais elle savait aussi que les choses ne pouvaient pas continuer comme ça. Ryan détesterait les voir se déchirer autour de lui et Sawyer, qui était une véritable pacifiste dans l’âme, n’appréciait guère la situation. Elle décida finalement de prendre son courage à deux mains et se dirigea vers sa belle-sœur, occupée à dessiner sur son rocher. Hey… la salua Sawyer avec un sourire presque timide, son appareil photo toujours entre les mains. Tu dessines quoi de beau ? C’était une manière comme une autre d’engager la conversation, après tout. Et c’était toujours mieux que le terrain miné qu’était l’accident de Cade et Ryan.

S awyer n’aimait pas les disputes. Elle avait tendance à les fuir. Pas par lâcheté, mais parce qu’elle considérait qu’il ne servait à rien de s’engager dans ce genre de conversation. Le ton montait, mais personne ne s’écoutait. Alors elle préférait en général prendre ses distances. C’est sûrement pour cela qu’elle n’était pas retournée voir Cade, Kyan ou Iris depuis la nuit de l’accident. Deux clans clairs et distincts s’étaient formés, et elle n’avait ni l’envie, ni la force de se battre avec sa belle-famille. C’est qu’elle les aimait, ces Braxton. Chacun à leur manière. Ces tensions qui s’étaient installées, en partie par sa faute, n’étaient donc pas pour lui plaire et il fallait qu’elle fasse quelque chose pour changer tout ça. Elle se savait et pourtant par crainte d’une nouvelle dispute, elle n’avait toujours rien fait. Peut être était-elle un peu lâche, sur ce coup là. Mais vu les circonstances, c’était aussi compréhensible.

Elle n’était toutefois pas assez lâche pour prétendre ne pas avoir vu Iris. C’aurait été totalement ridicule. Elle avait donc pris son courage à deux mains. A défaut d’être allée parler à Cade, qu’elle n’avait pas revu, elle pouvait au moins essayer d’arrondir les angles avec Iris. Elle avait toujours mis un point d’honneur à s’entendre avec sa belle-famille. Avec certains, l’entente avait été instantanée, comme Kara ou Cade, de qui elle avait rapidement été proche. Avec d’autres, ça avait été plus compliqué, comme avec Kyan qui avait mis du temps à voir qu’il n’y avait aucune hypocrisie dans son attitude envers lui. Il avait fallu qu’il finisse en prison et qu’elle le soutienne malgré la tension entre lui et Ryan pour qu’il réalise qu’elle était sincère. Avec Iris, les choses s’étaient toujours bien passées. Elle était celle avec qui elle pouvait partager sa passion pour l’art. Sawyer, c’était la photographie et Iris, le dessin, mais au final l’un comme l’autre demandait un œil affuté un sens artistique développé. Elle trouvait donc que cette tension qui s’était installée entre elles était regrettable. C’était justement dans les moments difficiles qu’il fallait se soutenir et au lieu de cela, ils étaient en train de se déchirer.

[color=tan)Oh, un truc comme ça. Rien d'intéressant,[/color] répondit Iris lorsque Sawyer lui demanda ce qu’elle était en train de dessiner. Une entrée matière qui, elle l’espérait, éviterait tout terrain miné. Sawyer n’insista pas pour savoir ce que la jeune femme venait de cacher dans sa pochette. Elle était libre de ne pas lui montrer ses créations si elle n’en avait pas envie, après tout. Je vois que tu as décidé de t'occuper l'esprit, ajouta-t-elle, baissant le regard vers l’appareil photo entre ses mains. Sawyer en fit autant, regardant l’appareil avant de reposer les yeux sur sa belle-sœur. Ouais… Même si je vais devoir arrêter, j’ai pas pris de carte mémoire de rechange. Elle qui était généralement peu distraite avant tendance à tout oublier en ce moment. Elle avait trop de choses en tête pour être en mesure de penser à tout. J’étais à l’hôpital et j’avais besoin d’un peu d’air. C’est un peu étouffant, là-bas, confessa-t-elle. Un peu, c’était un euphémisme. Et pourtant, même si rester enfermée dans cette chambre au chevet de Ryan lui donnait parfois l’impression de suffoquer, elle n’avait de cesse d’y retourner. C’est même certainement ce qu’elle ferait dès sa conversation avec Iris terminée.

Toi ça va ? Je veux dire, tu as eu le temps de t'excuser auprès de Cade ? reprit Iris, arquant un sourcil interrogateur. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’y allait pas par quatre chemin. Si Sawyer avait tenté d’évité les sujets qui fâchent, Iris n’avait pas hésité à mettre les pieds dans le plat. Mal à l’aise, elle se balança d’un pied sur l’autre, son regard se portant sur le sable à ses pieds. Non… avoua-t-elle. Sawyer marqua un temps de silence avant de reporter son attention sur Iris. Je pensais le croiser à l’hôpital, mais je l’ai pas vu. Peut être qu’il m’évite, j’en sais rien… Il en avait parfaitement le droit, après la manière dont elle l’avait traité. Qui était-elle pour lui reprocher de ne pas avoir envie de la voir ? Sawyer soupira, ramenant en arrière ses cheveux balayés que le vent ramenait devant son visage. Ryan détesterait ça… De voir tout le monde se disputer comme ça, ajouta-t-elle d’une petite voix, le regard perdu sur l’horizon. Il aurait détesté la voir s’en prendre à Cade comme ça, elle le savait, même s’il aurait sûrement compris que sur le coup, elle n’avait pas vraiment les idées claires.  

S awyer n’avait jamais été du genre rancunier. S’accrocher à de vieilles rancunes était, à ses yeux, une véritable perte de temps. La situation avait été tendue dernièrement avec la moitié de la fratrie Braxton. Un fossé s’était creusé, séparant en deux cette famille unie mais dans le fond, maintenant qu’elle avait eu le temps de prendre du recul, Sawyer ne se positionnait ni d’un côté, ni de l’autre. La famille, c’était important pour elle, et c’était justement dans des moments pareils que l’unité était importante. Elle avait sa part de responsabilité dans les tensions qui s’étaient établies, mais cela n’enlevait rien au fait qu’elle le regrettait amèrement et qu’elle aurait voulu changer tout cela. Pour elle, parce qu’elle les aimait ces Braxton. Pour Ryan, qui n’aurait pas voulu les voir se déchirer… Mais pour eux, aussi. Pour toute la fratrie. Parce qu’ils avaient besoin les uns des autres, besoin de se soutenir, maintenant plus que jamais. Alors les rancœurs inutiles, pour elle, c’était terminé. Elle ne voulait plus se battre avec Iris. Ils avaient tous bien mieux à faire que se cracher des horreurs au visage. C’était une perte de temps et d’énergie et Sawyer n’avait pas la force de continuer ainsi.  La hache de guerre était enterrée, en tout cas en ce qui la concernait. Elle n’avait plus qu’à espérer que les autres sauraient en faire autant.

T'imagines, si ça se trouve tu rates de merveilleux moments comme cette bouille parfaite. Suite aux paroles d’Iris, Sawyer ne perdit pas de temps et leva rapidement son appareil pour capturer la bouille de sa belle sœur. J’ai encore de la place pour quelques clichés, répondit-elle dévoilant un sourire lorsqu’elle abaissa son appareil photo. Iris plaisantait. Souriait. Elles étaient sur la bonne voie ou en tout cas, c’est l’impression qu’avait Sawyer. Si c’était vraiment le cas, ce serait un poids en moins sur ses épaules. Et puis, il était agréable de voir la demoiselle garder son humour malgré les circonstances. C’était important, de garder le sourire et un tant soit peu de joie de vivre dans de pareilles circonstances. C’était ça qui leur permettrait d’éviter de sombrer.

Je pense que Ryan doit t'entendre. Je veux dire, tu es sa femme après tout, ça doit lui faire du bien d'écouter une voix familière et qu'il aime. Sawyer ne pouvait que l’espérer. Il n’y avait pas grand-chose d’autre qu’elle puisse faire, de toute façon. S’il l’entendait, Ryan finirait certainement par en avoir marre de l’entendre parler. Elle n’était pourtant pas particulièrement bavarde, pas du genre à vouloir combler le moindre silence avec des mots inutiles, mais au moins, il saurait qu’il n’était pas seul dans son malheur. Qu’il leur manquait. Qu’il avait des raisons de se battre et de leur revenir. Je crois que je ne lui ai jamais autant parlé qu’en ce moment. La première chose qu’il va me dire en se réveillant, c’est que je parle trop, plaisanta-t-elle. Peut être que si elle parlait assez et l’agaçait suffisamment, il finirait par ouvrir les yeux juste pour lui dire de se taire, qui sait ? Ca lui irait aussi. L’important, c’était qu’il se réveille, la raison lui importait peu. Et puis, peut être qu’une fois qu’il serait de retour parmi eux, le soulagement suffirait à apaiser les tensions.

Il n'est pas du genre rancunier, il a seulement besoin de voir qu'il a le soutien de toute la famille. Déjà que Kara n'arrive pas à lui pardonner, Swan qui s'est rangée de votre côté puis toi étant la femme de Ryan, c'est sûr qu'il doit se sentir un peu lésé, lui expliqua Iris en ce qui concernait Cade, la « bête noire » de la famille, ces derniers temps. Sawyer ne le voyait pas – ou plus – comme ça. Elle se doutait bien que les choses pouvaient être difficiles à gérer pour lui, plus encore que pour les autres peut-être car pour lui, la culpabilité s’ajoutait à tout le reste, et Sawyer n’avait jamais été du genre à s’acharner sur quelqu’un qui était déjà à terre. Ce n’était pas sa rancœur qui l’empêchait d’aller lui parler. C’était plus la honte, l’appréhension d’une nouvelle dispute qu’elle ne désirait pas. Il ne devrait même pas y avoir de « côté ». C’est ridicule… soupira Sawyer. Ce n’était pas ça, sa vision de la famille. Le pire dans tout ça c’est que je lui en veux même pas. C’était juste une cible facile et je me suis passé les nerfs sur lui. En colère elle l’avait été. Contre le monde entier. Mais c’avait été plus simple de passer cette colère sur Cade, et il l’avait laissé faire. Il l’avait provoquée, même, devenant un véritable punching-ball sur pattes sur lequel elle s’était défoulée sans la moindre pitié. Elle avait été une vraie harpie. J’irai lui parler, promit-elle à Iris. Et c’était sincère. Elle s’était déjà promis de le faire, il fallait juste qu’elle trouve le courage de passer ce mauvais moment. Ca viendrait. Sawyer avait des défauts, mais la lâcheté n’en était pas un.

On a nos différends, on pense peut-être autrement et tu as sans doutes les épaules de Kara et Swan sur lesquelles tu peux te reposer mais je veux être là à nouveau pour toi.  Tu as des liens plus fort avec les filles, elles ont été bien plus présentes pour toi que je ne l'ai été mais… Tu fais toujours partie de notre famille, quoiqu'il arrive tu es une Braxton. lui dit Iris, qui avait pris sa main comme pour la réconforter. Sawyer la serra doucement en retour, un mince sourire étirant ses lèvres. Je peux ? demanda-t-elle, désignant la place à côté d’Iris sur le rocher. Si elles devaient discuter, elle pouvait au moins s’asseoir. Elle serait moins ridicule que plantée là, son appareil photo à la main. Elle attendit la réponse d’Iris avant de prendre place à côté d’elle. C’est vrai que j’ai toujours été plus proche des filles. De Kara surtout. Elle et Ryan sont très proches, donc on a forcément passé beaucoup de temps toutes les deux. Mais ça veut rien dire. Regarde, j’étais proche de Cade et aujourd’hui… Aujourd’hui, c’était la guerre froide. J’ai pas de préférence pour qui que ce soit. Vous êtes tous ma famille et je veux être là pour vous, aussi. Toi, Kyan, Cade… Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis là. Sawyer avait toujours tenu a entretenir de bonne relation avec la famille de son mari. Avec certains ça avait été simple, comme avec Kara et Cade. Avec d’autres, ça avait pris du temps, comme avec Kyan. Ce n’était que lorsqu’elle s’était opposé à Ryan en lui apportant son soutien alors qu’il affrontait des ennuis judiciaires qu’il avait réalisé que son comportement n’avait rien d’intéressé. Bien sûr, il était préférable pour le bien de son couple qu’elle s’entende avec la famille de son petit ami, devenu depuis son mari, mais ce n’était pas pour cela qu’elle avait fait tant d’efforts, et qu’elle était prête à en faire encore aujourd’hui.