beach party (zoë)

C'est un peu comme si le temps s'était arrêté. Tu es là, à côté d'elle, et tu te demandes ce qui va arriver en suite, le temps s'étire et comme ça, tu es enfin bien. Il ne te fallait qu'elle à tes côtés pour que tout le reste semble dérisoire. Même ton oncle, ta tante et Newt n'ont jamais réussi à te faire te sentir aussi bien en si peu de temps. Mais si Zoë est là, il n'empêche que vous êtes toujours à des années lumières l'un de l'autre, les années ayant creusé des fossés sur qui vous êtes désormais. Tu la regardes devant son téléphone, un sourcil baissé. Tu ne sais même pas où est le tien et, comme tu es venu seul et que tes colocs ne t'attendent pas, faut dire que t'en as pas vraiment besoin non plus. Tu la regardes laisser son appareil avec nonchalance à quelques centimètres d'elle et intérieurement tu souris. Tu ne sais pas ce qu'elle a vu ou pas, du moins pas dans l'immédiat, et tu vis ça comme une victoire, bien qu'un peu bête. Elle l'a laissé et à peine quelques secondes après elle te met au courant. Comme si tu le lui avais demandé. C'est pas le cas mais tu le vis de la même façon. Sans doute que l'alcool te fait plus d'effet que ce que tu ne le crois désormais. Tu souris un peu à tout, bêtement, c'est ça que ça te fait, oui. « Je te reconduirai si tu veux ! » Pas exactement dans l'état dans lequel tu étais, certainement pas, mais tu étais capable de tout laisser sur place et de la ramener à pieds. Au moins, tu saurais aussi où elle habitait. Quitte à jouer les stalkers, au moins que tu saches où elle habite. On sait jamais. « Soit quand j'aurais décuvé, soit à pieds. »

Tu laisses un peu les minutes passer avant de te tourner vers elle. T'as envie de tout lui déballer. Absolument tout. Mais tu le sais, tu ne peux pas, et c'est comme ça. « Alors euh... tu... tu es en couple ici ? » T'as perdu toute notion. Tu as la sensation de le lui avoir déjà demandé, mais tu n'es même pas certain que le sujet ait été évoqué. En fait, tu l'as juste pensé, mais tu t'en souviens à peine comme d'une simple idée qui te traverse l'esprit. Alors, tu as juste envie d'assouvir une curiosité pour ne pas trop vite te jeter à l'eau. Tu risquerais de le regretter après tout, selon sa réponse.

Tu l'écoutes attentivement. Sa solution aussi n'est pas si mal en fin de compte. Au moins, tu aurais l'occasion de ne pas non plus finir en état d'ivresse sur la voie publique avec une grosse amende à ton actif. « On verra, oui. » Un sourire sur le visage, ça te convient tellement que tu n'oses même pas ajouter quoi que ce soit. Et puis, ce n'était pas comme si ce n'était pas tentant, au moins pour renouer les liens avec ton amie, à défaut d'en dire plus sur tes sentiments envers elle. Car même si quatre ans s'étaient écoulés, rien n'avait changé à tes yeux et, étonnamment, personne n'avait réussi à te faire l'effet que Zoë t'avait fait dès le moment où tu l'as rencontrée.

D'ailleurs c'est sans doute pour cette raison que tu n'as pas pu réprimer ta question. Savoir si elle était accompagnée ou non, ça te démangeait terriblement. Tu avais envie de savoir si tout était fichu ou si, peut-être, un jour, tu finirais par faire un pas vers elle. Un pas pour exprimer ne serait-ce qu'un dixième de tes sentiments envers elle. Et tu n'as pas pu t'empêcher d'ajouter un "ici", qui, visiblement, l'a faite rire. Tu ne répondis pas au pourquoi du ici, par ailleurs. « Ne dis pas ça comme ça, on croirait entendre que tu es malheureuse en étant seule... » Égoïstement et secrètement, tu espérais qu'elle le soit, ça te donnerait au moins une chance de pouvoir changer les choses. Au lieu d'en rajouter une couche, comme elle, tu bois un peu du contenu de ton verre.

Tu hausses un sourcil, pas certain de comprendre pourquoi elle te dit ça ni ce que ça veut dire. « Culpabilité étouffante ? Tu as tué quelqu'un ou quoi ? » Bon, c'est pas drôle. Mais tout le monde a l'habitude de ton humour très spécial, de tes vannes houleuses et tout ça. Sauf que ça te laisse perplexe. Tellement que tu te retiens de la prendre dans ses bras : tu sais pas de quoi il s'agit, peut-être que tu n'as pas besoin de la consoler, ou peut-être juste qu'elle ne le veut pas. Pas nécessaire de te mettre dans l'embarras, de ce fait. Cependant t'as pas l'occasion d'en savoir plus, pas vraiment, que déjà elle s'est relevée pour te poser la question en sens inverse. Tu te mords la langue. Il y a quelques temps de ça, tu aurais donné n'importe quoi pour lui faire du mal, quitte à lui faire croire que t'en avais plus rien à faire de votre amitié, t'aurais donné n'importe quoi pour qu'elle regrette d'être partie. Mais lui mentir sur ta vie amoureuse, si ça l'intéresse pas, à quoi bon ? « Aucun risque ! Les seuls personnes qui s'étonneront de mon absence sont Reid, Ava et Jay. Vu qu'ils sont mes colocs, désormais. » Elle était partie avant que tu ne t'installes avec eux. Donc elle pouvait pas savoir que tes meilleurs amis étaient devenus tes camarades de maisonnée, enfin pas vraiment. Faut croire que le célibat et la solitude sont faits pour moi, ton canapé ne craint rien ! Tu souris, un peu triste tout de même par cette révélation. Non pas que tu aurais aimé avoir quelqu'un à tout prix. Mais la vérité était tout de même plutôt triste à dire.

Tu la regardes un instant, sans comprendre. Si elle n'a pas tué quelqu'un, pour quelle raison se sentirait-elle coupable à un tel point ? Toi, tu comprends pas, bien sûr, alors tu te contentes de faire l'intelligent, comme si tu comprenais et tu arrêtes aussitôt tes questions sur ce point. Mieux vaut faire comme si tu étais suffisamment au courant pour saisir l'enjeu de ses paroles, ça fait trop longtemps que tu ne l'as pas vue et tu as l'impression que ce soit ces années qui t'empêchent de savoir. Quatre ans, c'est suffisant pour qu'il s'en passe des choses et pour qu'elle ait de quoi penser, aussi.

Tu lui racontes donc un peu l'évolution de ta vie, tout en ne manquant pas de répondre à ses questions qui, il faut le dire, te font un peu de bien. Elles te donnent la sensation d'être toujours aussi important dans sa vie, alors que tu en doutes très sérieusement. Un sourire fend ton visage en deux. « J'espère bien que tu ne te réjouis pas de mon malheur tout de même ! » Tu éclates de rire. Non seulement parce que tu abuses, mais aussi parce que tu réalises à quel point cette phrase est stupide. Elle ne sait rien de ton malheur, ni même de la difficulté de la retrouver en te disant que, comme auparavant, rien n'est possible avec elle parce qu'elle reste ta meilleure amie. Et tu as trop peur de gâcher ça, c'est vrai.

Tu aurais rêvé lui dire que depuis tout le temps, il n'y a eu qu'elle. Enfin, à l'exception d'une potentielle, mais tu n'as aucun souvenir de ce qu'il s'est passé entre elle et toi, et ça te va très bien comme ça, tant qu'il reste à l'esprit de tout le monde que rien ne s'est passé... alors que tout semble indiquer le contraire. Tu te tais donc en regardant bêtement la mer, incapable d'amorcer le moindre geste vers elle, ce pour quoi tu te maudis carrément. Sans doute l'alcool qui te paralyse encore plus, ou le manque d'imagination. Heureusement, avec Zoë à tes côtés, l'imagination, c'est pas ce qui manque. Même pour des choses aussi futiles que retourner à la fête.

Elle t'aide à te lever et vous marchez au pas relevé vers la fête. Peut-être seras-tu moins gêné à l'idée d'être au milieu de tout le monde ? Et si tu viens à prendre ton courage à deux mains pour faire un geste vers elle, sans doute qu'il passera silencieusement et qu'elle l'aura oublier, si ça te met dans l'embarras par la suite. « M'accorderez-vous cette danse, jeune demoiselle ? » Lui demandes-tu alors qu'elle vient juste d'annoncer qu'elle aimait cette musique. Tu es clairement pas le meilleur danseur de la planète, bien au contraire, mais après tout, dans une fête, peu nombreux sont les professionnels, tant qu'on s'agite, non ? Enfin, même si en ce qui concerne le fait de t'agiter, t'es pas très doué non plus. Tu te rapproches d'elle pour prendre ses deux mains et, sans attendre réellement sa réponse, tu commences à bouger avec elle et à la faire tourner, pas trop vite ni trop souvent, ce serait dommage qu'elle te vomisse dessus après tout ! Et alors, avec ta mère, ça s'est bien passé là-bas ? Au moins, tu fais un peu la conversation, vu que tu as mis du temps avant de dire un mot de plus.

L'alcool commence sérieusement à faire effet et tu ne comptes plus les verres. À vrai dire, tu n'as jamais autant bu. Tu connais tes limites, et même si tu t'es déjà pris des murges à ne plus t'en souvenir, ce qui t'a porté préjudice à ton plus grand damn, il faut dire que malgré tout, ça t'a servi de leçon. Pour ne plus recommencer, c'est vrai, mais aussi pour que ton corps réussisse à en accepter davantage. À tel point que, l'espace d'un instant, tu as réussi à te convaincre que tu étais encore pleinement maître de toi-même et que l'alcool n'avait aucun effet sur toi ce soir. Pourtant, tu n'as même pas remarqué qu'elle a fait un pas vers toi, tu as juste cru qu'elle dansait... comme toi, quoi.

Tu l'écoutes te répondre mais c'est à sa proposition de t'enfiler un verre de plus que tu prêtes le plus attention. Parce qu'après tout, tu peux encore te permettre quelques verres, non ? Si tant était que tu arrivais à trouver le chemin de la maison du grand-père de Reid et ce sans vomir une fois dans l'entrée. Reid te tuerai et tes deux autres colocataires te prendraient probablement pour cible dans les moqueries des dix prochaines années. « Tu... hum... tu devrais peut-être penser à boire de l'eau pour... hum... te désaltérer, hm ? » C'est vrai, après tout, ta phrase, tu as eu du mal à la pondre. Tu hausses les épaules. La même chose que toi !


Tu la regardes faire et une fois qu'elle te passe ton verre, tu le poses. Tu fais un pas un avant et, après cette "danse" effrénée ou pas, tu passes une de ses mèches échappée derrière son oreille. Tu n'as peut-être aucune idée de l'effet que ça pourrait subir sur elle, mais toi, les battements violents de ton coeur te brûlent la poitrine. Mais moins que tu ne l'aurais cru, sans doute que tu t'angoisses un peu moins à cause de tout ce que tu as ingurgité. Tu n'as pas idée de combien tu m'as manqué, Zoë...