i want u, but you can't (craig)

Toujours les mêmes habitudes. Toujours la même manière de fonctionner. Toujours les mêmes envies. Rien n’avait changé depuis son départ de Londres, si ce n’est son statut civil et sa réputation. Il était passé de marié, à célibataire, à en couple. De connu, célèbre pour ses peintures, admiré de tous à.. un inconnu, que personne ne remarque, qui doit se faire une place dans le milieu. La seule chose bénéfique dans sa vie, actuellement, c’était sa relation avec sa petite amie. C’était récent, fragile, prêt à péter à tous moments et pourtant, il se sentait mieux qu’il ne l’avait jamais été. Mieux que lorsqu’il était en couple depuis de longs mois, la bague au doigt, vivant sous le même toit que son épouse. Il comprend rien à l’amour et à toutes ces choses, Craig. D’ailleurs, il n’y croit même pas, il pensait l’avoir trouvé jusqu’à se rendre compte que ce n’était pas le cas. Qui lui dit que ça n’allait pas arriver une seconde fois, avec sa petite rouquine ? Il ne doutait pas d’elle ni des sentiments qu’il commençait à éprouver à son égard, c’est quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti jusqu’à ce jour. Mais il ressent quand même ce besoin de prendre du recul, de se poser, de réfléchir et de comprendre ce qu’il veut vraiment. C’est le bon côté d’être un couple naissant, de ne pas être constamment avec l’autre, de ne pas vivre dans le même appartement et dormir dans le même lit. On peut faire des sorties, se retrouver seul, être là où on veut, quand on veut, sans devoir se justifier auprès de l’autre. Tant qu’on ne lui manque pas de respect, qu’on reste droit et fidèle envers sa moitié, tout passe. Enfin, ça, c’est ce que se dit Craig.

C’est pour ça qu’il s’était retrouvé ici, dans cette boîte de nuit. Il avait envie de décompresser, autant par rapport à son travail qui n’avançait pas que par rapport à sa relation. Il se foutait lui-même la pression, il savait très bien qu’il avait déjà merdé avec elle et que s’il recommençait, il risquait de la perdre. C’est sûrement pas le meilleur endroit pour se pencher sur une amourette déjà lancée, puisque ici, beaucoup cherchent à faire des rencontres. Et peut-être que c’est le cas de Malibu, qui vint le surprendre, se mettre à côté de lui, lui parler d’une manière qui aurait pu lui plaire, s’il avait toujours été célibataire. ▬ C’est toi. Répétait-il en la regardant, assez surpris de la voir ici. Cette femme, il l’avait voulu. D’une manière qu’il n’avait pas envie de se remémorer, maintenant qu’il était pris ailleurs. Elle avait refusé, il avait continué de la draguer, de chercher à ce qu’elle accepte ses avances et finalement, ça s’était terminé d’une manière décevante pour lui. Ça ne changeait en rien qu’il appréciait sa compagnie, s’il avait essayé de l’avoir dans son lit, ce n’était pas que pour son physique. Mentalement aussi, elle avait un petit truc qu’il appréciait. Mais là, il n’était plus question pour lui d’y penser, il avait presque même envie de la fuir. ▬ Qu’est-ce que tu fais ici ? Londres, c’est loin. Il fronçait les sourcils en prenant le verre qu’elle venait de leur commander, buvant une gorgée de celui-ci. Il allait certainement avoir besoin de beaucoup d’alcool pour discuter avec elle, l’air de rien.

Elle est la dernière personne sur laquelle il pensait tomber ce soir. Malgré le temps qui a passé, elle n’est pas devenue déplaisante à regarder. Et il n’aime pas cette sensation d’être toujours légèrement attiré par elle. Il sait que ce n’est pas grave, qu’il n’est pas obligé de répondre aux signes que son corps s’acharne à lui envoyer. Il peut très bien ignorer ses vieilles envies et se contenter de bavarder, comme à l’époque où c’était elle qui refusait ses avances. Plaire à quelqu’un et ne pas la fuir à l’autre bout du monde, ce n’est pas de la tromperie, tant qu’on ne passe pas à l’acte, qu’on ne dépasse pas la ligne. Cette ligne, c’est une fondation de son couple, une image qui veut dire qu’une seule femme peut l’avoir. ▬ J’savais pas que tu vivais ici. Dit-il finalement avant de boire une nouvelle fois. Il sait que l’alcool ne l’aidera pas à mettre des barrières en lui et elle, entre lui et le reste du monde, entre lui et ses vieux démons. Il n’a pas été en couple très souvent, mais il a toujours réussi à rester fidèle. Pourquoi deviendrait-il l’un de ces connards aujourd’hui ? Il se le demande, alors qu’il regarde Malibu flirter avec le barman. Peut-être qu’elle le fait avec tout le monde, ce soir, pas qu’avec le serveur de boissons et le peintre. Il hausse ses épaules à sa réflexion, son air torturé, c’est sa marque de fabrique. ▬ Ouais j’sais. T’es pas trop mal toi non plus. Il entre petit à petit dans son jeu, se fixant cette limite des paroles. Si elle veut le complimenter, il peut en faire de même, tant qu’il ne se laisse pas aller, tant qu’il ne commence pas à en vouloir plus. Le brun termine lui aussi son verre, assez rapidement, et ne tarde pas à faire un signe au barman pour en avoir un second. Il a compris qu’elle vit ici, qu’elle aime passer ses soirées dans ce bar, mais il y a une question qui lui traverse subitement l’esprit. Une qui concerne cet échange qu’ils partagent depuis quelques petites minutes. ▬ J’peux savoir pourquoi j’ai la sensation d’te plaire, d’un coup ? Il a été longuement vexé à l’époque, de ne pas réussir à la charmer. Elle représentait un défi pour lui, elle était l’inaccessible et finalement, elle est partie sans qu’il puisse y arriver. La revoir aujourd’hui ravive en lui une vieille frustration et quelques questionnements, comme celui-ci.

Elle joue à un jeu dangereux. Ou est-ce lui qui joue avec le feu, finalement ? Elle ne sait pas pour Nahla et malgré ses rapprochements insistants, malgré cette drague lourde, il ne lui a toujours pas dit que quelqu’un partage sa vie. Est-ce une manière de s’avouer à lui-même que quelque chose ne va pas dans son couple, ou est-ce qu’il apprécie seulement l’idée de plaire à d’autres femmes, sans pourtant aller jusqu’à tromper celle qu’il a envie de retrouver chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure, de toutes ces longues journées ? Tout se bouscule dans sa tête, et c’est dur de faire le point. D’autant plus dur lorsqu’elle se rapproche comme elle le fait, lorsqu’elle lui avoue ce qu’il aurait aimé entendre il y a quelques années. Il lui plaît. Et ce n’est pas un rêve, c’est la réalité, c’est ce qu’ils vivent en cet instant. Est-ce qu’il est prêt à gâcher sa relation naissante pour un coup d’un soir, pour calmer une frustration qui remonte à des années en arrière ? Sûrement pas. Le brun secoue légèrement sa tête, s’il lui plaisait réellement à l’époque, il l’aurait su. ▬ Les femmes attirées par moi ne me laissent pas galérer comme tu l’as fait. Il sait qu’il marque un point, mais il ne s’arrête pas là. ▬ Et généralement, ces femmes récoltent ce qu’elles veulent. Il fait allusion à lui-même, il a arrêté de compter le nombre de femmes avec qui il a passé une seule et unique soirée. Malibu aurait pu être l’une d’entre elles, ou peut-être plus que ça, si elle avait accepté ses avances. Finalement, la brune lui demande si l’idée qu’il puisse lui plaire le dérange. Les deux tabourets sont proches, trop proches. Leurs corps aussi, et les lèvres de la jeune femme sont dangereuses, également trop proches du visage du brun. Il louche sur celles-ci, cette manie qu’elle a de se mordre la lèvre, ça le rendait déjà fou à l’époque. ▬ Non.. Il répond doucement, presque prêt à se laisser attaquer par des démons qui n’ont jamais été les siens. L’infidélité, il ne connaît pas ça et il n’a pas envie de se sentir coupable à ce point. Il a dégoté la perle rare, il ne peut pas tout gâcher. Le genoux du tatoué vient se coller contre le bar pour pouvoir appuyer sur celui-ci et faire reculer son tabouret, s’éloignant d’elle de la même manière. ▬ Faut toujours que tout s’passe trop tard. Il souffle en se levant du tabouret pour se rapprocher du bar, il s’est éloigné plus que nécessaire, finalement. Le brun se remet aux côtés de Malibu, elle sait être sage, il se doute qu’elle ne lui sautera pas dessus s’il a refusé l’idée. ▬ J’ai quelqu’un et j’peux pas tout faire foirer. Si elle avait pas été là, crois-moi que toi et moi on serait plus ici à l’heure actuelle. Mais j’peux pas, j’ai b’soin d’elle. Il sait que ça ne se dit pas, ce genre de choses, quand on est en couple. Que ça ne se fait pas d’avouer qu’il aurait pu se passer quelque chose s’il n’avait pas été pris. Mais il reste lui-même, totalement honnête, même quand ça peut sembler irrespectueux pour sa compagne. Le tatoué hausse ses épaules en regardant Malibu, il ne se passera sûrement jamais rien entre les deux, peut-être est-ce le destin qui veut ça.