i don't wanna start a fight but (aussie drama crew)

Le football. Ce n’était pas le sport favori en Nouvelle-Zélande et pourtant, même sans avoir leur pays dans la compétition, la World Cup faisait des vagues. Alice faisait partie de ces gens qui se souvenaient subitement de l’existence de ce sport à l’approche des grands tournois, la preuve en était sa présence ce soir-là dans un bar de la ville. Réaménagé pour l’occasion, les écrans branchés sur le direct du match et le stock de bière prêt à être descendu derrière le bar, l’ambiance était à son comble. C’était bruyant, pour sûr. Les discussions allaient bon train, coupées seulement lorsque le ballon s’approchait de trop près d’un but. La brune était arrivée bien avant le début du match, avait eu le temps de se mettre à l’aise et de choisir l’une des meilleures tables dans la salle, l’une de celles qui ne l’obligeraient pas à se dévisser la tête pour pouvoir suivre ce qui se passait sur le terrain vert. Puis, le bar s’était rempli, les gens étaient arrivés avec un soutien quasi unanime pour l’Australie. Ce soir, c’était bien l’une des rares fois où Alice allait se montrer un peu patriote. Le fait est que le premier but de la part du Pérou à la 18ème minute la fit se désintéresser rapidement du jeu pour préférer le bar et les tonneaux de bière. Avec un peu de chance, ce serait en ayant le dos tourné que les Aussies décideraient de faire une belle action et de générer des cris et des applaudissements dans la salle. Alors la brune prit son temps au bar pour demander les deux pintes, les payer, échanger deux trois banalités avec le barman.

En théorie, ce n’était pas une soirée qui devait encore réserver une mauvaise surprise. Tout aurait dû se dérouler de la plus simple des manières, elle aurait dû regarder le match, sentir son sang s’échauffer sous l’alcool, puis rentrer à la maison. Peut-être risquer un message à James avant de s’endormir. Il n’y aurait pas dû y avoir de retournement de situation. Et pourtant, dans la foule en revenant à sa table, il fallu qu’elle fasse du rentre-dedans à un homme. Pas n’importe lequel. Celui qu’elle retenait depuis la soirée de ses retrouvailles avec Christopher, celui qui apparemment se foutait bien de l’accuser pour toute la merde qui avait suivie leurs coucheries. Un sacré culot compte tenu du fait qu’il n’avait rien dit quand elle avait atterri chez lui par la suite. « Putain, mais vous avez vraiment un sacré don pour me pourrir mes soirées récemment ! » Elle s’exclame, peste tout en regrettant de ne pas lui avoir remboursé de bière dessus. Elle aurait dû le bousculer plus fort. « Mais tu tombes bien, j’avais vraiment envie de te recroiser. T’es une belle ordure, tu sais ça ? »

Il avait attendu cet événement. Il l’avait attendu pendant quatre longues années. La Coupe du monde de football. Grand fan de sport, qu’il s’agisse de le pratiquer ou de le regarder, le football faisait partie de ces sports que le trentenaire suivait avec ferveur. C’était d’autant plus vrai cette fois-ci parce que l’équipe australienne avait réussi à se frayer un chemin jusqu’aux matchs de qualification. Alors ces dernières semaines, plus que d’habitude, il retrouvait rapidement la compagnie de sa télévision et de son sofa, ainsi que de l’alcool. Visiblement, Joseph n’avait toujours pas retenu la leçon et il attendait que le ciel lui tombe sur la tête pour enfin prendre conscience des effets néfastes du liquide nébuleux.

Néanmoins, cette Coupe du monde était la distraction parfaite pour éviter de méditer sur les nombreux sujets épineux dont sa vie était malheureusement composée. Il y avait, par exemple, sa nuit en compagnie de la personne qu’il considérait être sa meilleure amie ; qui était également celle qui l’avait convié dans ce bar, pour regarder le match Australie-Pérou, comme si de rien n’était. Tout était parfaitement normal dans le meilleur des mondes, obviously. Le brun esquissa une moue dépitée, avant d’avaler quelques gorgées du breuvage belge qui trônait fièrement sur la table. Peut-être qu’il aurait mieux valu décliner l’invitation, à laquelle étrangement, il associait le terme « désastre ».

Blame it on the alcohol. L’excuse facile. Joseph aurait beaucoup aimé ne pas avoir à recourir à la même justification une seconde fois, d’autant plus en sachant pertinemment que cela n’en était pas une. Et pourtant… pourtant. Il y réfléchissait très souvent ces derniers jours et n’arrivait cependant pas à trouver une explication rationnelle à ce qui s’était passé sous le toit de cette amie de longue date ; si ce n’est l’action combinée du vin et de la tequila sur son métabolisme (et sur celui de Dawn, il présumait). Retour à la case départ, aucune piste pour avancer sa réflexion.

Aussi loin qu’il s’en souvienne, Joseph n’avait jamais considéré sa meilleure amie sous un angle affectif – voire sexuel, en l’espèce -, tout comme il ne lui serait jamais venu à l’esprit de coucher avec Christopher, son alter ego masculin. D’ailleurs, le brun n’osait même pas imaginer la réaction du blond s’il venait à l’apprendre. Et si Dawn lui en avait déjà parlé ? Peut-être était pour cette raison que Chris lui avait paru plus bougon que d’habitude en s’adressant à lui au travail ? Tant de questions, auxquelles il n’avait aucune réponse claire, puisque la jeune femme l’avait littéralement ghostée depuis la fameuse soirée… En allait même jusqu’à fuir son propre appartement pour éviter de le croiser au réveil. D’ailleurs, il avait peur de deviner la signification de ce silence, ce qui ne faisait rien pour arranger son état mental et sa relation avec l’alcool. Le football, la bière et ceux qui appréciaient l’un et/ou l’autre étaient ses seuls véritables compagnons à l’occasion de ce match que l’Australie était en train de perdre. What a life.

Le trentenaire décida de quitter son siège pour remplir tranquillement son verre, pour la deuxième fois de la soirée. C’était sans compter la foule de supporters venus encourager l’équipe australienne…et Alice Waltham. Il écarquilla ses yeux, la surprise inondant ses traits. Pas pour longtemps cependant, en entendant les douces paroles que l’ex-femme de son meilleur ami avait à son égard. « Alice, quel accueil. Toujours aussi gracieuse. Il est trop tard pour changer les bonnes habitudes, n’est-ce pas ? » ironisa-t-il en levant les yeux au ciel face au moment drama queen de la brune. Joseph n’était certainement pas prêt à une confrontation avec cette tornade, et ne comprenait d’ailleurs pas vraiment la raison pour laquelle elle se déchaînait sur lui. « Comment est-ce que tu vas depuis le temps ? Moi je vais bien ! C’est gentil de t’y intéresser. » Il jeta un coup d’œil vers son verre totalement vide, regrettant un peu de ne pas avoir laissé un petit fond pour se réhydrater la gorge. « Une ordure, tu dis ? Qu’est-ce qui me vaut cette douce appellation ? Qu’est-ce que j’ai bien pu te faire cette fois ? » Le sarcasme mis de côté, Joseph avait juste envie de comprendre pourquoi Alice était aussi agressive, alors que c’était elle qui était partie du jour au lendemain.

bitch face:

Dawn et ses mauvaises idées... Chris a légèrement en travers cette soirée, il doit bien l'admettre. Oublier de la prévenir que Joseph allait s'incruster est plus que moyen surtout vu les circonstances, mais il est un peu tard pour partir maintenant. Sur l'échelle des coup de poignards qu'on a pu lui asséner par le passé, cet oubli malencontreux n'est certainement pas un drame somme toute. Obligé de fréquenter Joseph au travail, il peut bien se le farcir le temps d'un match en faisant un léger effort. Dans un pub grouillant de monde, il n'aura qu'à l'ignorer, grogner à chaque but passant à travers les mailles du filet australien, et surtout boire sans ajouter quoi que ce soit d'autre. Il serait regrettable de se fâcher avec sa dernière amie n'est-ce pas ? Une fois sur place, Chris s'installe le plus loin possible de Joseph, qu'il salue d'un vague coup de tête qui sera bien suffisant. L'hypocrisie est réservé aux longues conversations créatives dans la staff room, pas aux soirées « entre amis ». Dawn savait à quoi s'attendre. Il ne fera pas de scandale, mais il ne fera pas d'effort non plus, c'est le deal.

Ce qui aurait pu être une soirée tout à fait chiante et guindée, se retrouve cependant bouleversé par l'arrivée d'une nouvelle intruse. L'ironie est trop belle et Chris qui aurait pu se retrouver franchement agacé par la présence d'Alice dans le même pub que Joseph, se trouve presque amusé de la situation. Alice est hors d'elle, et Joseph joue à l'autruche de façon absolument détestable, ce qui lui vaudra beaucoup d'ennuis. Comme ce n'est pas son combat, Chris décide de hausser un sourcils avec aucune intention aucune de lui venir en aide. Il va même jusqu'à aller de son petit commentaire en portant le liquide doré jusqu'à ses lèvres. « Tu te poses sérieusement la question ? L'audace. » Chris est conscient de foutre la merde, mais il n'est pas venu ici pour faire attention à son langage et ses piques. « Tu t'en remets un peu trop bien à son goût, un avis qu'Alice et moi partageons probablement pour une fois. » Il ignore si il s'agit là d'un mécanisme de défense douteux, une bonne psy pourrait très certainement donner son avis sur la question, mais son ex meilleur ami joue un jeu dangereux avec son ex-femme. Le foutage de gueule dans ces conditions, n'est pas quelque chose qu'il recommande.

Loin d'avoir envie de se mêler plus que ça à cette altercation musclée qui finira très mal à coup sûr, Chris se tourne vers Dawn à qui il lance une petite remarque chargée d'ironie mais pas bien méchante. « Moi qui pensait qu'on allait vraiment s'ennuyer ce soir... » Petit regard vers l'écran. L’Australie se fait déjà laminer sévèrement.