looking out for love → priam

Priam voulut en savoir un peu plus sur l’une des plus grosses erreurs de toute sa vie – et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle en avait fait d’autres – et Noomi n’avait pas trop de mal à en parler. Au contraire, si ça pouvait aider les autres à ne pas faire les mêmes erreurs qu’elle alors c’était tant mieux.

« On a quand même attendu que j’aie mes dix-huit ans pour se marier. Et on a divorcé il y a six ans. Mais on se connaissait depuis mes quinze ans, ce qui fait qu’on est resté dix ans ensemble. »

Peut-être même qu’ils seraient restés ensemble plus longtemps que ça encore s’il n’y avait pas eu Sarah. Avoir un enfant n’avait jamais fait partie de leurs projets, ils étaient assez conscients que leur mode de vie ne conviendrait pas à un bébé alors le jour où elle lui avait appris qu’elle était tombée enceinte malgré les précautions qu’ils prenaient, Frank avait fait ses valises et était parti vivre à Miami. Et la blonde ne lui en avait même pas voulu.

Bref, elle lui parla ensuite d’Adam qu’il semblait confondre avec Frank. Elle ne lui en voulait pas, ses relations sérieuses étaient loin d’être nombreuses et encore plus loin d’être son sujet favori.

« Non, le père de Sarah c’est mon ex-mari. Adam c’est le gars avec qui je suis sortie il y a environ trois ans. »

Il voulut alors savoir pourquoi ça n’avait pas marché et c’était plus compliqué, voire délicat qu’avec Frank alors Noomi ne sut pas tout de suite par où commencer. Mais lui tendit une perche en lui demandant si c’était parce qu’il s’était mal comporté avec elle. La grecque sourit en secouant la tête.

« Oh non, pas du tout, Adam était adorable avec moi. Si on a cassé la première fois c’est justement parce que je trouvais qu’on était trop proches. C’était une erreur de ma part mais bon, c’est la vie. La seconde fois c’est parce qu’il a dû partir. Lui aussi est militaire, comme Frank. D’ailleurs si je peux te donner encore un conseil c’est de ne pas sortir avec un militaire. »

Hé oui, il y a même des secteurs professionnels à éviter. Soit, Priam la questionna ensuite sur les raisons pour lesquelles c’était plus compliqué depuis son accident. Car oui, il y en avait plusieurs, sinon ça ne serait pas « drôle ». Bien sûr, il y avait ses problèmes de mémoire mais ce n’était pas le plus gros problème en soi. Alors évidemment, elle avait eu tout le loisir de remarquer que les gens n’aiment pas du tout qu’on ne se souvienne pas d’eux, ce qui l’obligeait à faire passer la tête de certaines personnes dans une autre partie de sa mémoire et une fois passé ce cap, ça se passait plutôt bien. Le problème était donc ailleurs. La blonde haussa vaguement les épaules.

« Ça doit sûrement venir du fait que j’suis pas très fun ces derniers temps. »

C’était le moins que l’on puisse dire, sans compter que sa dépression avait fait ressurgir chez elle un comportement un rien autodestructeur qui n’aidait en rien, clairement.

Si elle voit encore Frank ? Noomi aurait sincèrement préféré que ce ne soit pas le cas mais étant donné que c’est lui qui a la garde de Sarah en ce moment, elle n’a pas trop le choix. Et ça arrive d’autant plus souvent maintenant qu’il est revenu s’installer à Island Bay. Par sa faute, d’accord, sinon il était bien tranquille à Miami mais elle ne pouvait pas se permettre de faire l’aller-retour Floride-Nouvelle Zélande un week-end sur deux, elle ne s’appelait malheureusement pas Crésus. La blonde fit donc la grimace avant de répondre :

« Oui bien sûr, on se voit tous les quinze jours quand on s’échange Sarah. Et il arrive qu’on se croise un peu plus souvent depuis qu’il est revenu en ville. »

Ce qui rendait le tout un rien plus compliqué que ce qu’elle n’aurait cru. Ne pas savoir ce qu’était devenu son ex-mari durant toutes ses années l’avait plutôt pas mal aidée mais maintenant les choses étaient différentes.
Quoi qu’il en soit, Priam rebondit sur son conseil de ne pas sortir avec des militaires et lui demanda la raison. Si quelque chose en particulier les rendait différents des autres. C’était une bonne question et la grecque eut beau chercher elle ne parvint pas à mettre le doigt sur le dénominateur commun entre ses relations avec des soldats.

« J’peux pas vraiment dire. Peut-être que c’est le fait d’avoir vu la mort de près qui les rend bizarres. Et inaptes à avoir une relation avec un autre être humain. »

A moins que le problème vienne d’elle. C’était une possibilité également. Ce n’était pas parce qu’elle était gentille que ça la rendait facile à vivre pour autant. Loin de là. Si elle s’était un peu calmée, c’était grâce à sa fille. Sarah était sa pierre angulaire et sans elle, elle s’amusait à faire n’importe quoi. Comme quoi, une simple discussion avec un ami veut cent fois mieux qu’un paquet d’heures en thérapie. Après quoi, Priam lui fit savoir qu’il la trouvait très bien telle quelle. Ça la fit sourire d’entendre ça. Mais s’il pensait ça, c’était d’abord et avant tout parce qu’il était adorable. Ensuite parce qu’il ne l’avait pas vue au plus bas. En compagnie d’autres personnes, Noomi souriait, elle essayait de s’amuser, agissait comme si demain n’existait pas. Mais tout ça changeait rapidement une fois qu’elle n’avait plus à faire bonne figure. Elle se leva pour venir ébouriffer les cheveux de son ami, un vieux réflexe qu’elle ne perdrait pas de sitôt.

« T’as raison, les gens ont du mal à sortir de leur zone de confort alors ils préfèrent se fier à leur première impression plutôt que de creuser un peu. »

Ce dont elle ne pouvait même pas leur en vouloir parce que c’est bien plus facile de choisir la facilité.

Bien sûr que si, c’était dur de revoir Frank aussi souvent. Et pas qu’un peu. D’autant que Noomi avait cette fâcheuse tendance à ne se rappeler que des bons moments, il fallait qu’elle se raccroche au fait qu’il avait du jour au lendemain décidé que finalement, hé, il avait envie d’être père, cinq ans après la naissance de sa fille, une fois que le plus dur avait été fait, pour continuer de le détester. Mais elle ne pouvait en vouloir qu’à elle-même, c’était elle qui l’avait fait revenir à Island Bay alors qu’il était bien tranquille à Miami. Parfois elle se disait qu’elle aurait mieux fait de l’y laisser mais bon, elle n’était pas riche non plus et l’aller-retour pour aller voir Sarah toutes les deux semaines, ça commençait à revenir pas mal cher. Bref, tout ça pour dire qu’elle n’avait pas vraiment eu le choix et qu’elle ne l’avait toujours pas, soit dit en passant.

« J’vais pas te mentir ; si, c’est compliqué mais il faut bien faire avec. »

Puis Priam voulut savoir pour quelles raisons il ne fallait pas sortir avec des militaires. C’est que la grecque en avait côtoyé un paquet et elle était sortie avec plusieurs d’entre eux. Bien sûr, il y avait toujours des exceptions et celle qui confirmait la règle portait le doux nom de Rafael. Rafa avait fait l’armée, lui aussi, il avait tué des gens, en avait sauvé des tas d’autres mais il restait un ange avec qui elle adorait passer du temps, contrairement aux autres. Comme quoi, il en faut. Quoi qu’il en soit, ça n’a pas l’air d’être un métier qui plaît à Priam de toute façon et il lui fit savoir qu’il n’avait pas du tout l’intention de sortir avec quelqu’un de cette engeance. Ce qui la fit sourire. Bien sûr, les militaires sont très utiles et comme tout le monde, ils ont droit au bonheur mais ça n’empêche que oui, ce genre de métiers vous change clairement une personne. Elle haussa les épaules.

« Après, ils ne sont sans doute pas tous pareils et ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit d’être apprécié à leur juste valeur mais tu fais bien. »

Après quoi, il lui fit part de son aversion pour les gens qui ne prennent pas le temps de connaître quelqu’un avant de le juger. Ça la fit doucement rire parce que c’était justement ce qu’ils étaient en train de faire avec les militaires plus de quelques secondes auparavant. Néanmoins, la blonde était d’accord, les gens ouverts d’esprit sont quand même mieux et elle s’efforçait d’en faire partie la plupart du temps. Il lui demanda alors son avis sur la question et une fois de plus, la jeune femme haussa les épaules : tout ce qu’elle disait n’était pas non plus parole d’évangile.

« Je pense surtout que l’important c’est de ne pas se fermer avant de bien connaître quelqu’un et ça devrait être le cas avec ces gens-là, également. »

La vie ainsi que les êtres humains sont complexes.

Du courage, oui, il lui en fallait. Enormément, ne serait-ce que pour ne pas céder à la tentation de prendre un jour le volant de la Mustang, de partir à la recherche de Frank pour le faire passer sous ses roues et enfin être tranquille. Mais peut-être qu’elle se répétait ? Dans tous les cas, ça restait une envie très présente. La jeune femme acquiesça d’un mouvement et sortit une cigarette du paquet qui traînait sur la table basse. Elle ne le présenta pas à Priam parce qu’elle n’avait clairement pas envie de l’encourager à fumer s’il ne le faisait pas mais si jamais, il pouvait se servir. Bref, une chose en amenant une autre, c’est ainsi qu’on en vient à parler de fréquenter assidument des militaires. Chose que Noomi ne recommanderait à personne de sain d’esprit. Même s’il y a effectivement des exceptions, elle en connait. Une nouvelle fois, la blonde hocha la tête. C’est vrai que de faire un métier qui vous éloigne autant que possible de votre chez vous, ce n’est clairement pas idéal pour un couple. Rétrospectivement, elle se demandait si ça ne faisait pas partie des éléments qui avaient contribué à creuser un fossé entre son ex-mari et elle. Puis en venait au contraire à penser que ça leur avait été plus bénéfique qu’autre chose.

« Ouais, ça se comprend. »

Ils changèrent à nouveau de sujet et la remarque de Priam la fit rire. Il campait sur ses positions en jugeant les gens qu’il n’apprécie pas parce qu’ils jugent. C’était assez drôle comme situation mais il n’avait pas l’air de s’en rendre compte. D’où le fait que c’était encore plus drôle finalement. La grecque finit par hausser les épaules ; elle ne prétendait pas non plus détenir toutes les vérités et ne faisait jamais étalage que de ce qu’elle croyait être pertinent.

« Là, c’est toi qui les juges. Je doute qu’ils se croient tous parfaits. C’est pas forcément ça qui pousse quelqu’un à juger quelqu’un d’autre si tu veux mon avis. Mais tu fais comme tu veux, si tu trouves que c’est une perte de temps de leur accorder du temps alors tu peux tout aussi bien les ignorer. Parfois c’est sûrement le mieux à faire de toute façon. »

Une leçon qu’elle devrait retenir elle aussi mais que voulez-vous, Noomi était du genre à vouloir aider si c’était dans ses cordes.

Oh, loin d’elle l’idée de se fustiger comme le jeune homme avait l’air de le croire. Seulement, elle s’efforçait de juger qui que ce soit. Pas uniquement ceux qui le méritaient. Tout le monde. Car de son côté, Noomi avait compris que personne ne le méritait. Pas même ces gens-là que Priam semblait détester avec tant de hargne. Sans vouloir non plus passer pour la vieille conne de service, c’était la fougue de la jeunesse, ça et elle comprenait que ça ne servait à rien de lui faire entendre raison ou même tout simplement d’essayer d’expliquer son point de vue, c’était comme de parler à un mur. Tant pis, viendrait un moment où il apprendrait certainement par lui-même. Dès lors, la blonde ne vit pas l’intérêt d’argumenter à ce sujet et se contenta d’hausser les épaules. Puis il formula l’espoir qu’il ne soit pas comme ça. Le jeune homme du cinéma, évidemment. Elle pourrait essayer de le rassurer, de lui dire que probablement pas mais ça ne serait pas lui rendre service, d’autant qu’elle ne le connaissait pas le moins du monde et qu’elle ne pouvait donc sûrement pas affirmer une telle chose.

« Ça, tu ne le sauras jamais si tu n’apprends pas à mieux le connaître. »

Déjà. Puis quand bien même ; s’il était aussi mordu qu’il en avait l’air alors il l’accepterait avec ses défauts. Se bercerait d’illusions sur le fait qu’il peut le changer. Peut-être bien que c’était ce qu’elle avait fait elle aussi, à un moment donné. Et puis, même s’il existe pas mal d’exceptions à la règle, les gens peuvent changer, la grecque en était la preuve vivante. Bien sûr, il faut un bon prétexte à cela et dans son cas, elle avait le meilleur prétexte à ça : sa fille. Cela dit, c’était pas mal déprimant comme sujet de conversation. Pourquoi fallait-il donc toujours que les histoires d’amour soient si compliquées, hum ? Voilà bien une question qu’on devait se poser depuis la nuit des temps

« Vaut sans doute mieux que tu ne penses pas à ça maintenant. Chaque chose en son temps. »

Ah, c’est sûr qu’encore une fois, c’était plus facile à dire qu’à faire.

Noomi aimerait pouvoir rassurer Priam parce qu’elle voyait bien que c’était ça qu’il attendait et qu’elle n’aimait pas le décevoir mais d’un autre côté, elle se disait également que rien ne blessait plus que les faux espoirs alors elle ne voulait pas lui en donner et préférait être franche. De toute façon, la blonde était toujours tiraillée entre les deux : dire la vérité toute nue ou bien s’efforcer de faire plaisir. En fonction de la situation, il fallait s’adapter ; parfois une de ces options était mieux que l’autre. Et pas toujours l’honnêteté, si vous voulez savoir. Si c’est pourtant quelque chose de très important, on sait tous que toutes les vérités ne sont pourtant pas bonnes à dire. Bref, tout ça pour dire qu’il fallait s’adapter. Ce qui fait que oui, elle voyait bien qu’elle décevait mais c’était pour le mieux. Elle hocha donc la tête en entendant Priam lui assurer qu’il savait déjà tout ça. Il ne lui manquait donc plus qu’une sacrée bonne dose de courage pour enfin oser aller discuter avec ce jeune homme. Puis comme elle l’avait mentionné, pas besoin que ça soit pour lui dire de grandes déclarations tout de suite. Au contraire, ça serait plutôt quelque chose qu’il pourrait regretter par la suite. Mais pour apprendre à le connaître, c’est comme ça que ça marche et, la grecque en était certaine, c’était ainsi que les plus belles relations voyaient le jour. Qu’elles soient amicales ou amoureuses. En clair, la balle était dans son camp et il le savait. Que dire de plus ?

« Tu veux jouer un peu à GTA ? »

Certes, la console était pour Sarah et il y a quelques mois à peine, elle n’avait en sa possession que des jeux vidéo adaptés à son âge sauf que Noomi s’ennuyait parfois le soir, quand elle n’était pas accompagnée, qu’elle ne travaillait pas et que ses insomnies ne lui laissaient pas de répit, ce qui explique qu’elle se soit acheté quelques jeux à elle aussi.