wash that brush, just beat the devil out of it - jenny

Lentement mais sûrement, l’indienne continuait à prendre ses repères à l’appartement, à s’adapter à la vie en colocation et, d’un œil plus général, à tous les changements qui avaient pu se produire à Island Bay en son absence. Son tout nouveau projet professionnel était également en train de germer, même s’il était encore à un stade embryonnaire. Il y avait du mieux en ce qui concerne sa jambe, les progrès n’étaient pas phénoménaux non plus, mais c’était toujours ça de pris. Bref, tout allait comme la brune le voulait, à une exception près : la couleur des murs de sa chambre commençait à l’écœurer au plus haut point, tout comme celle de certains meubles qu’elle avait commandés et dont le revêtement ne ressemblait en rien à ce qui était promis sur les photos. Jenny s’était gentiment portée volontaire pour aider Mathangi dans ses travaux, ce qui n’avait pas manqué de la réjouir : elle allait pouvoir passer un peu de temps avec l’une de ses colocataires et, pourquoi pas, commencer à mettre en place l’une de ces blagues auxquelles elles avaient réfléchi la dernière fois avec Maya.

Pour ne pas trop abuser du temps de la danseuse, Mathangi insista pour que Jenny aille à sa répétition. Si leur timing était bien calculé, elle serait revenue avec les seaux de peinture à peu près en même temps que la blonde. Et c’est ce qui arriva, justement. Mathangi poussa la porte d’entrée et glissa les clés entre ses dents avant de poser les seaux dans le salon. Elle tendit l’oreille, n’entendit rien. Bon. Elle s’essaya à appeler sa colocataire.

- Jenny ?

Une fois, puis deux, puis… oh. C’est vrai, elle ne risque pas de l’entendre. Manque d’habitude, c’est un détail auquel Mathangi a encore parfois du mal à se faire : il serait peut-être temps d’y remédier, car elle se demande parfois même si Jenny ne le prend pas mal. Enfin, la blonde débarqua dans le salon à son tour, alors Mathangi appliqua la même technique que Maya, en espérant que ce ne soit pas trop précipité avec sa deuxième colocataire : une bonne étreinte.

- J’essayais de t’appeler, comme une idiote. J’ai la peinture, et une sacrée veine parce qu’elle était en promo. Du coup, j’en ai profité pour prendre des rouleaux, des bacs à peinture et des combinaisons. On va avoir un petit côté Casa de Papel.

Elle ignorait si Jenny comprendrait la référence, mais elle ne pouvait pas faire l’impasse sur sa série du moment. Même si les combinaisons étaient blanches.

Mathangi était vraiment bien tombée, en voyant l’annonce de la colocation sur internet. Elle aimait la proximité et le côté un peu maman de Maya, mais elle adorait la quantité d’énergie que Jenny pouvait parfois extérioriser sans dire quoi que ce soit, sans faire le moindre bruit. Pas qu’elle aimait qu’elle soit silencieuse, mais c’était quand même assez impressionnant. L’indienne laissa échapper un grand sourire en lui lançant sa combinaison avant de s’attacher les cheveux.

- Moi non plus, mais je suis sûre qu’on pourrait faire de super coups à trois. On déménagera la colocation sur un grand yacht, et là-bas, on aura même pas à faire de peinture.

Elle adressa un clin d’œil à sa colocataire.

- C’est gentil à toi de m’aider. Je sais que c’est un peu chiant, mais je te promets que je te le revaudrai.

Puis elle enfila sa combinaison, tendit les bras pour s’assurer qu’elle était bien à sa taille. Parfait. En fin de compte, elle se perdit quelques instants dans ses pensées en réalisant qu’elle ressemblait bien plus à White ou Pinkman qu’à l’un des braqueurs de la Maison du Papier. Cependant, elle sort du flou lorsque Jenny l’interroge en lui demandant s’il ne faut pas couvrir les surfaces sur lesquelles ne pas dépasser. Pas bête. Pas bête du tout.

- Heureusement que t’es là, j’y avais pas pensée. Ça devrait marcher si on met du ruban adhésif, ou un truc comme ça. Attends, je dois avoir ça dans un coin.

La brune alla fouiller dans les tiroirs de sa commode, avant de tomber sur ce qu’elle cherchait. Elle commença à appliquer du ruban sur les murs adjacents, ainsi que sur les plinthes. Puis, elle ouvrit le premier pot de peinture avant de commencer à le verser dans des bacs. Mathangi lève les pouces, comme pour signaler que tout est ok, puis tend un rouleau à Jenny.

- Allez, Miss Holway. Il est temps de faire des étincelles. Les mains en l'air, c'est un hold-up.

Oh, la vie de rêve. Mathangi s’imaginait parfaitement la scène par le biais des mots de Jenny, cette grande maison et tout son personnel. Beaucoup de monde devait en rêver, et l’indienne n’y échappait pas ; l’argent, elle l’avait. Peut-être pas assez pour s’offrir autant de choses, mais elle pourrait se permettre de vivre convenablement jusqu’à la cinquantaine, environ. Mais cette vie là, ce n’était pas fait pour elle : elle aimait le contact avec les gens, pas rester enfermée dans une forteresse où on ne voit passer que des gens qui sont payés pour le faire et qui jalousent secrètement sa fortune. Oh, et c’est sans compter le besoin malsain qu’à la brune de se compliquer la vie. Elle se mordit la lèvre, haussa les épaules avant d’attirer l’attention de la blonde pour lui répondre.

- Je pense qu’on s’ennuierait vite. Personnellement, j’aime bien être fière d’avoir fait quelque chose, un peu comme la peinture tu vois. Je trouve ça dommage de tout relayer parce qu’on a de l’argent.

Question de point de vue. Enfin, mieux vaut ne pas trop s’attarder sur des sujets comme ceux-là quand on souhaite rester en bon terme avec les gens, alors l’indienne préfère subtilement orienter la conversation en remerciant Jenny de venir l’aider aujourd’hui. C’est qu’elle est modeste la blonde.

- Peut-être, mais c’est pas ta chambre. Si il te faut un coup de peinture un de ces quatre, monter un meuble ou un truc comme ça, tu sais où frapper. C’est de l’autre côté du couloir.

Maya n’aurait probablement pas hésité à la reprendre : difficile de ne pas réussir à la situer vu qu’il arrive parfois qu’elle regarde une série sans ses écouteurs en fin de soirée. Enfin, les deux colocataires préparent leur chantier : un peu de chatterton trouvé dans un tiroir, ce qui est un peu bizarre puisque personne ne range jamais de chatterton dans le tiroir de sa chambre, mais c’est une vieille habitude. Mathangi agite fièrement le rouleau devant elle, avant d’ajouter :

- On trouve tout chez Dhury.

Puis, il est temps de s’y mettre. La peinture est prête, l’indienne passe un rouleau à la blonde en mimant un braquage à main armée qui ne manque pas de les faire rire toutes les deux. Jenny en profite pour lui partager une idée intéressante, à laquelle Mathangi répond par un grand hochement de tête.

- Qui te dit que je les ai pas déjà appelés ? Ils arrivent même avec la pizza.

Mathangi adresse un clin d’œil à sa colocataire, puis essaya de se montrer chaleureuse lorsque Jenny souligna la difficulté qui allait se présenter pour faire la conversation. Dhury posa son rouleau dans le bac à peinture, avant de remonter les manches de sa combinaison, puis répliqua :

- T’en fais pas pour ça. On peut s’arrêter pour parler, c’est nul si on peint pour peindre. Il faudra que tu m’apprennes quelques signes un de ces quatre, les bases au moins.

Jenny laissa entendre que ça ne la gênait pas de donner un coup de main avec la peinture, et ajouta même qu’elle n’avait besoin de rien en retour. Ça la gêna un peu Mathangi, parce qu’elle n’aime pas vraiment être redevable trop longtemps à quelqu’un sans pouvoir faire quoi que ce soit, mais ça la rassurait aussi de savoir qu’elle n’était pas tombée sur une rapace de première. Elle était certaine qu’il y en avait des comme ça. Enfin, toujours est-il qu’elle leva les mains histoire de dire qu’il n’y avait pas de problèmes, que c’était bien compris. Elle pourra toujours l’emmener manger un Big Mac à Wellington, à l’occasion. Ou lui faire une soirée surprise avec des policiers sexy, puisque c’est de ça qu’elles discutèrent ensuite. L’indienne se pinça les lèvres en entendant parler de boîte de chocolats plutôt que de pizza.

- C’est sûr, c’est moins sexy. Mais je préfère quand-même me gaver de pizza, surtout si la police la partage avec nous. Ça a un côté plus convivial, non ?

Elle exprima un bête sourire. Elle savait ce qu’en penserait Jenny, et elle partageait déjà son avis : la convivialité, ce n’est vraiment pas ce qu’elles attendraient d’un moment comme celui-là. Mathangi partagea avec Jenny son envie d’apprendre quelques bases en langue des signes, histoire de pouvoir faire la conversation avec elle plus aisément et, au fond, afin de montrer qu’elle avait envie de voir marcher cette colocation. La blonde répondit par l’affirmative, et c’est tant mieux. Puis, pendant leur première pause, Mathangi glissa ses mains dans les poches de la combinaison. Jenny voulut savoir s’il y avait du mobilier qui devait continuer d’arriver, ce à quoi la brune répondit en balançant la tête de gauche à droite et en ouvrant son armoire, dévoilant quelques babioles et le gilet en kevlar usé qu’elle portait en Syrie, un souvenir ultra glauque s’il en est.

- Il n’y a que ça. Je suis pas très déco, tu sais. Je dois bien avoir quelques photos dans mes affaires, il faut que je regarde, mais vraiment… non, ça s’arrête là.

Elle hocha lentement la tête pour mettre un terme à ses explications, puis entreprit de s’asseoir contre un mur encore vierge de toute peinture.

- Vous vous connaissiez, avec Maya ? Avant la colocation, je veux dire.

Tant que Mathangi avait sa pizza, Jenny pouvait bien prévoir ce qu’elle voulait pour la suite du programme : elle ne dira pas non à quelques policiers ultra-sexy pour les aider dans leurs travaux – et plus si affinités, qui sait ? Cependant, elle se refusera à essayer le chocolat, déjà parce qu’elle n’en raffolait pas et surtout parce que perdre la ligne était bien la dernière chose qu’elle souhaitait en ces temps troublés – oui, c’est un peu comme ça qu’elle voyait sa période de convalescence, et non, la pizza n’est certainement pas calorique. Elle hocha la tête à la remarque de Jenny concernant le côté bon enfant d’une soirée pizza.

- Tellement vrai, Jenny. Tellement vrai. Ça y est, mon estomac commence à grogner.

Elle proposera sans soucis d’offrir un truc à manger à la blonde une fois qu’elles en auront finies avec cette tâche ingrate qui, mine de rien, permet quand même d’en apprendre un peu plus sur les gens avec qui on vit. Toujours est-il qu’elles en viennent à parler décoration, et autant dire que la chambre de Mathangi n’est pas du genre à donner envie. C’est qu’elle n’y vient que quand il s’agit de regarder des séries ou de dormir, mais la remarque de Jenny lui fait comprendre qu’elle pourrait tout de même faire un effort.

- Je vais y penser. C’est vrai que c’est pas très jojo, actuellement.

Et puis, c’est pas comme si elle aurait du mal à trouver quoi que ce soit pour parfaire sa décoration : un coup de fil à ses parents, et ils la couvriraient en un rien de temps de babioles indiennes qui font croire à tout le monde qu’on est à fond dans le spiritisme. Elle leur enverrai un message le lendemain, à l’occasion. Et puis, elle se débarrassera aussi de ce maudit kevlar, puisque ça appartient maintenant au passé.

Maintenant, Jenny lui explique ne jamais avoir rencontrée Maya avant de tomber sur l’annonce concernant la colocation. Et elle n’a pas tort en parlant de prix, puisque pour le coup, c’est une vraie affaire. Mathangi hoche vivement la tête tout en écoutant ses explications, totalement d’accord avec la blonde. Puis, on lui répète une nouvelle fois que les personnes qui sont passées par ici avant elle, dans l’espoir de récupérer la chambre, étaient de vrais phénomènes de foire.

- Oui, j’ai eu l’occasion d’en discuter un peu avec Maya. Je t’avoue que j’aurai aimée être là, ça me fait toujours rire de tomber sur des zigotos comme ça.

Elle recula de quelques pas pour faire état des lieux, puis dirigea son regard vers Jenny.

- Alors, qu’est-ce que t’en dis ? C’est pas trop dégueux, non ?

C’est qu’elle n’était pas vraiment experte en la matière, un peu comme tout le monde, elle avait fait ses recherches sur internet tout en se disant que ça irait très bien comme ça. Elles discutaient beaucoup, mais mine de rien, ça avançait quand même.  

Se faire un bon truc ? Pour le coup, Rakhee avait plutôt à l’idée de dégainer le téléphone pour se faire livrer une bonne pizza : plaisanter à ce sujet plus tôt lui a creusé l’appétit, et elle ne se voyait certainement pas préparer un truc avec les restes du frigo maintenant que le mal était fait. Elle n’aurait qu’à payer, ce n’était pas bien grave. Se faire offrir une pizza, c’est quelque chose qu’on ne peut pas refuser. Toujours est-il qu’en attendant, les deux donzelles abordent la question de la décoration, Jenny offrant quelques précieux conseils à l’indienne qui, il faut bien se l’avouer, n’a plus vraiment la notion de ce qu’est une chambre accueillante depuis son retour à Island Bay. Quelques plantes, des photos souvenirs ou quelques toiles, voilà qui devrait faire l’affaire. En attendant, comme le dit si bien la blonde, elle n’aura qu’à squatter le salon. Elle n’est vraiment pas contre l’idée, sans pour autant dire de passer ses nuits sur le canapé, parce que c’est quand même tout de suite plus sympa de voir les choses bouger autour de soi, quand il y a de la vie, en somme.

- Oui, avec une super tente sous la table. Il faudra un mot de passe pour entrer, bien sûr.

L’idée l’aurait probablement séduite pendant ses années étudiantes, mais elle était maintenant bien trop attachée à son lit. Tout ça pour dire que oui, elle passerait du temps auprès de ses colocataires, même lorsque sa chambre sera accueillante.

Les voilà maintenant à discuter des quelques aventures des deux blondes, lorsqu’elles étaient à la recherche de colocataires et qu’elles faisaient passer des espèce d’entretiens, comme celui qu’avait vécue Rakhee. Le fait que Jenny distingue le blanc et le noir entre le macho et la clopeuse fit plisser les yeux à l’indienne durant sa lecture, avant que les multiples points d’interrogation ne la fassent éclater de rire. Pour le coup, elle était bien plus amusée par la colère de Jenny qu’elle ne l’était auparavant pour le cauchemar qu’elle avait dû vivre.

- Jamais. Mais je donnerai n’importe quoi pour avoir ta réaction sur le coup, ça devait être remarquable ! Aller, c’est fini. Tout ira bien, maintenant.

Et elle le pensait vraiment. Quel bon moment elle aurait passé. La peinture avait bien avancée, assez pour que l’indienne ne demande son avis à Jenny. Le résultat était plutôt propre, ce qui inspira la blonde à partager une anecdote, qui rappelait aussi quelques souvenirs à Rakhee.

- Je connais ça. Mon père a toujours été un grand fumeur, alors le papier-peint jaunissait généralement dans le salon. C’est difficile, parfois, de garder des murs intacts. C’est généralement notre faute, mais faut dire que le temps fait son effet aussi.

Elle haussa les épaules, avant de lâcher son rouleau dans le bac en plastique. Dehors, le soleil avait déjà entamé sa descente et l’indienne jugea que le moment était idéal pour se remplir l’estomac. Elle se laissa tomber sur son lit, avant de lever les yeux vers sa colocataire.

- Alors… Cette pizza supplément agents de police, on la commande ? C’est moi qui offre.