grand theft hasbro - noomi

S’il y a bien une chose pour laquelle Frank n’était pas préparé en demandant la garde de sa fille, c’était les petites crises – qui se transformaient souvent en grandes tornades. C’était le cas en ce dimanche soir : il avait fait quelques finitions dans sa chambre, l’avait récupérée dans le courant de la journée avant de finir par commander des pizzas qu’ils avaient tout deux dégustées devant un film d’animation. Ce n’était pas vraiment son truc, mais il pouvait bien faire tous les efforts du monde s’il pouvait voir un sourire sur le visage de sa fille. Le soucis, c’est qu’après tout ça il faut la mettre au lit et que Sarah, quand elle n’est pas décidée, elle n’est pas décidée. Trop chaud ? Trop froid ? Trop de lumière, ou pas assez ? Ça, ce sont les motifs habituels, mais ce soir, c’est différent : en rassemblant ses affaires, Noomi aurait oubliée de récupérer la peluche de sa fille, et dieu sait qu’elle est incapable de s’endormir sans. Frank avait bien essayé de la convaincre que son sommeil ne pouvait pas dépendre d’un morceau de tissu, qu’il pourrait aussi bien lui trouver autre-chose, mais il avait finit par se rendre à l’évidence : même s’il trouvait la perle rare, il n’allait quand-même pas la rembourrer avec la laine de roche qu’il utilisait pour isoler la maison pendant ses travaux. Ce serait irresponsable.

Et en fin de compte, il trouva plus irresponsable encore : il promit à Sarah de ramener sa peluche en échange de quelques dizaines de minutes seule à la maison. Il avait verrouillé tout ce qui était à verrouiller, avait laissée son arme de service dans la boîte où il la rangeait habituellement et avait prit la route jusque chez Noomi. En chemin, il avait aussi essayé de jongler entre les fréquences à la radio, histoire de savoir si la grecque était possiblement chez elle et ce sans même savoir à quelle heure elle naviguait sur les ondes, sans jamais trouver l’émission qu’elle animait. Il ne voulait pas emmener Sarah alors qu’elle devait à tout pris dormir, et il ne pouvait pas non plus expliquer à Noomi qu’elle était restée seule à la maison au beau milieu de la nuit, alors Frank se décida à rentrer en douce chez la blonde. Après tout, qu’est-ce qui pouvait déraper ? Il ressortirait comme il était entré, avec la précieuse peluche, et puis fin de l’histoire. Ce qui fut plus compliqué en revanche, c’était de grimper à la gouttière sur deux étages pour, finalement, tomber sur une fenêtre entrouverte. Il eut comme un pic d’adrénaline à l’idée d’entrer par effraction dans l’appartement : pas qu’il prenait son pied à l’idée de stalker son ex, il n’était quand même pas tordu à ce point, mais ça lui rappelait quand même vachement l’époque où il était dans l’armée. Il cala une petite torche entre ses dents, puis se mis à la recherche de la peluche tout en priant pour ne pas réveiller Noomi, ou l’amant d’une nuit qui pouvait potentiellement dormir à ses côtés. Oh, et pour que la-dite peluche ne soit pas non plus dans la chambre, ce qui, au fur et à mesure de l’avancée des recherches, semblait se confirmer.

En théorie, Noomi aurait dû se trouver à la radio en ce moment-même si elle ne s’était pas sentie grippée toute la soirée. Au lieu de ça, elle se retrouvait au lit. Et ça pourrait sonner coquin – elle aurait préféré – mais au final, ça n’avait vraiment rien de glamour. Après avoir à moitié vidé sa pharmacie, la blonde était néanmoins parvenue à trouver le sommeil et c’était une chance parce qu’elle avait lu elle ne savait plus où que c’était à ce moment-là que le corps combattait la plupart des agressions externes. Elle aurait tout aussi bien pu ne jamais se rendre compte que quelqu’un se trouvait dans son appartement si seulement elle ne s’était pas réveillée pour aller aux toilettes. Sans prendre la peine d’allumer les lumières, elle se releva, sortit de sa chambre, marcha sur un lego qui traînait et qu’elle envoya valdinguer d’un coup de pied à l’autre bout de la pièce en lâchant un juron et traversa presque tout l’appartement pour se rendre dans la salle de bains. Le tout à moitié endormie. Ce qui ne l’empêcha pas d’apercevoir une silhouette. Qu’elle aurait reconnue entre mille, soit dit en passant mais ça ne lui parut pas louche sur le moment, la faute à son esprit embrumé.

« Tiens salut, Frankie ! »

Comme si c’était normal qu’il soit là, comme autrefois. Ce n’est qu’une fois dans la salle de bains que la grecque prit conscience de ce qui était en train de se passer. Et en fait non, ça n’avait rien de normal. Son ex-mari n’avait pas les clefs de son appartement, avait-il seulement le code de la porte d’entrée ? Même pas sûre. Après s’être lavé les mains – si, c’est important -, Noomi ressortit, alluma toutes les lumières comme si c’était Versailles et, d’un pas calme, prit la direction de la cuisine pour se saisir d’une arme. En l’occurrence un couteau à beurre parce que c’était le premier objet qui lui tomba sous la main. Et c’est nul, on est d’accord mais ça serait une grave erreur de la sous-estimer pour autant. Elle menaça Frank avec.

« Mais bordel qu’est-ce tu fous là ?? Comment t’es entré ? »

Cette question l’obnubilait un brin alors qu’elle aurait pu penser à des tas d’autres choses comme le comment du pourquoi, par exemple mais chaque chose en son temps. C’est alors que ça la frappa : Sarah n’était pas là, elle.

« Et où est Sarah ? »

S’il l’avait seule avec une pouffe ou quelque chose dans ce goût-là, ça serait la fin. La sienne.

Récupérer la peluche de Sarah se révélait en fin de compte ne pas être une mince affaire : il y avait de ses jouets partout dans l’appartement, mais aucune trace du précieux trésor que Frank était venu subtiliser. Oh, et Frank n’avait pas non plus eu l’impression de faire le bruit d’un troupeau d’éléphants lorsqu’il vit la silhouette de Noomi traverser l’appartement dans le noir. Ce serait mentir de dire qu’il n’était pas sur le point de crever de peur. Puis, c’est là qu’il y eut comme un moment de flou : Noomi salua Frank, avant de continuer sa petite affaire comme si de rien n’était. Il retira sa torche d’entre ses dents, avant d’orienter la torche vers Noomi. Est-ce qu’elle était ivre ? Est-ce qu’elle allait compliquer la tâche déjà ardue qu’était venu accomplir Frank ? Toujours est-il qu’il était pris sur le fait, même si c’était de façon bizarre. Alors il se décida à éteindre sa torche avant de soupirer, tandis que Noomi, qui finit par réaliser, alluma toutes les lumières comme si une alarme venait de se déclencher avant d’aller se saisir d’un couteau à beurre. Rien que ça. Frank plissa les yeux le temps que ses yeux s’adaptent à la lumière, et se décida à faire un petit commentaire comme il les aime à défaut de répondre aux questions de la grecque.

- Si tu comptes me planter, prends un autre couteau, que je ne mette pas quatre heures à me vider d’mon sang. Tu t’armais mieux que ça à l’époque.

Il leva lentement les mains, comme pour rajouter un côté dramatique à la scène, avant de lâcher la torche à ses pieds. Quelle situation, vraiment. Il s’imaginait déjà Noomi raconter ça à ses potes, il venait encore de lui donner une occasion de le faire passer pour un con. C’est alors qu’elle l’interrogea à propos de Sarah. Elle devait probablement s’inquiéter de ne pas la voir, ce qu’il pouvait bien comprendre, mais il n’était pas réellement convaincu de la façon dont il devrait s’expliquer. Il fit au plus simple, sans oublier de remercier son ex-femme pour avoir rendue sa fin de soirée aussi pénible.

- Tu fais chier, Noomi. Elle est dans son lit, elle m’a fait une crise pour son doudou, tu l’as oublié.

Oui, elle était toute seule à la maison et il savait que ça ferait péter les plombs à la grecque, mais qu’importe. Elle pouvait bien crier tant qu’elle veut, elle ne lui ferait pas bien mal avec un couteau à beurre si l’envie lui prenait de l’assassiner ce soir.

Le planter mais oui, c’était bien ce qu’il méritait. Et d’agoniser pendant quatre heures aussi, tiens. Alors certes, Frank n’avait pas tort quand il disait qu’elle s’armait mieux que ça avant mais elle avait des circonstances atténuantes. Et puis, malgré tout, c’était la première fois qu’il entrait chez elle par effraction. Ainsi que la dernière, Noomi y veillerait. Ne trouvant rien de cinglant à répondre là, tout de suite, elle se contenta de le singer, ce qui pouvait être tout aussi horripilant en fin de compte. Bref, comme ça lui arrivait parfois, son ex-mari s’amusait à éluder ses questions et à reporter la faute sur elle. Ainsi, c’était elle qui faisait chier parce qu’elle avait oublié le doudou de sa fille. Mais bien sûr, c’était elle qui avait des problèmes de mémoire mais c’était de sa faute s’il ne pensait pas à vérifier qu’il avait tout ce qu’il fallait pour Sarah avant de décamper en emportant sa fille sous le bras.

« Alors tu t’es dit que t’allais entrer chez moi sans mon autorisation pour le récupérer au lieu d’appeler comme tout le monde, normal. J’devrais prévenir les flics. »

Ou non, mieux, c’est son avocat qu’elle devrait appeler parce qu’on ne peut jamais trop faire confiance à la police, la preuve, ce n’était pas un hasard si c’était précisément là que Frank avait échoué. Mais ce n’était pas un problème dans l’immédiat, peut-être qu’elle le ferait plus tard, si elle ne l’oubliait pas comme tant d’autres choses. Le problème c’était surtout que Sarah n’était pas là et qu’aux dires de son ex-mari, elle était actuellement dans son lit. Chez lui évidemment. Voilà qui ne répondait pas entièrement à sa question, encore une fois.

« Attends, t’es en train de me dire que ma fille est toute seule dans ta maison en travaux, là ? T’es inconscient ! La prochaine fois appelle, bon sang, je l’apporterai. »

La grecque se rendit compte qu’elle le menaçait toujours avec son arme de fortune – se faire tartiner à mort, c’est original – qu’elle finit par baisser. Il pouvait se moquer tant qu’il voulait mais il l’avait échappé belle. C’est que Noomi avait pensé à mieux se protéger que ça depuis qu’elle vivait seule.

« Et si c’est parce que t’as peur que je m’incruste alors n’aie crainte, je le balancerai par la fenêtre en passant. »

Parce que c’était ridicule, là. Elle ferait changer toutes les serrures à la première heure demain matin. Bref, puisque la simple idée de savoir Sarah seule chez lui la rendait malade, elle se mit à la recherche de la peluche à son tour. Si seulement sa fille n’avait pas un million de jouets.

Comme début de réponse, Frank fit un rapide signe de main en roulant des yeux, puis il soupira. C’est vrai que pour le coup, on ne pouvait pas appeler ça autrement qu’un cambriolage. Il aurait dû vérifier si la voiture de Noomi était là, jeter un caillou ou deux à la fenêtre à la limite. Là, il passait pour un véritable taré et son ex-femme avait raison : elle pourrait très bien appeler la police, ce serait un motif suffisant pour lui sucrer la garde de Sarah, ça. Et encore, elle n’était toujours pas au courant que la petite était seule à la maison. Pour le coup, ce n’est pas le poste du grand brun au commissariat qui le sauverait.

- Ouais, je pensais seulement me faire repérer au bout de trois alarmes. Je voulais pas t’effrayer, je pensais que tu travaillais en fait, et... ouais, j’ai pas vérifié si ta voiture était là.

Ça ne l’excuserait pas pour autant, loin de là, mais au moins il essayait de dresser Noomi dans le sens du poil. Maintenant, il fallait annoncer la mauvaise nouvelle, expliquer à la louve que sa fille est toute seule dans une maison en chantier. Frank a au moins la bonne habitude de débrancher et de ranger tous ses outils lorsqu’il arrête pour la journée, mais pas sûr que ce soit un argument de taille pour sa défense. Enfin, ce n’était pas un champs de mines non plus.

- Noomi, elle va pas se blesser ! On a veillés tard, tout ce qu’elle veut c’est dormir. J’ai tout fermé à double-tour, elle sait où trouver tout ce qu’elle a besoin et j’ai tout mis à sa hauteur. Et je fais chantier propre, aucun risque qu’elle marche sur une vis, ou un truc comme ça. Alors la prochaine fois, tu n’oublies pas sa peluche et puis c’est tout.

Frank savait pertinemment qu’il n’était pas tendre avec elle, il était bien au fait de ses problèmes de mémoire mais savait tout aussi bien qu’il pouvait se servir de ça pour toucher une corde sensible chez la grecque. C’était le prix à payer pour avoir ruinée la fin de sa soirée, et il ne semblait pas avoir énormément de scrupule à ce sujet. Il souffla un coup quand Noomi lâcha son couteau, convaincu jusqu’au bout qu’elle allait essayer de s’en servir pour l’agresser, puis pris appui sur le bord de la table. Il s’énerva un peu à la remarque de la blonde, haussa un peu le ton.

- Putain de merde Noomi, arrête un peu ! J’ai qu’à appeler quelqu’un pour aller veiller sur elle en attendant si c’est vraiment ce qui t’inquiètes, la voisine s’est déjà proposée.

Il souffla un bon coup et, voyant la blonde s’activer à la recherche de la-dite peluche, se décida à faire de même dans les recoins de la pièce à vivre qu’il n’avait pas explorés. Plus les minutes passaient, et plus son comportement envers Noomi devenait et agressif, et injustifié. Il serait probablement dans le même état à sa place, et elle n’avait pas l’air dans sa meilleure forme. Alors, pour apaiser la situation, il déclara, sans même lever les yeux :

- Excuse-moi. T’as pas l’air au top, et je suis en infraction. T’en fais pas pour Sarah, ça va aller.  

Ne pas vouloir l’effrayer en s’introduisant chez elle, ça n’a tout simplement pas de sens. C’est justement en agissant de la sorte qu’il la fait flipper. Mais soit, Noomi pouvait concevoir que sous la pression, on ne réagit pas toujours de façon logique. Elle le savait pour avoir déjà oublié le doudou de Sarah par le passé, c’était toujours la catastrophe, comme si on venait de tuer en membre de sa famille sous ses yeux. On perdait rapidement ses moyens. Et puis c’est vrai qu’elle aurait dû se trouver à la radio. M’enfin, ça n’excusait quand même pas tout. Enfin bref, selon Frank, elle n’avait pas à s’inquiéter parce qu’il avait tout fermé à double tour. Ouais super, c’est fou comme ça la rassurait. Et s’il y avait le feu, hein ? Mais inutile de voir le pire, tout se passerait bien s’ils se dépêchaient de retrouver la peluche. La blonde eut une seconde de panique, au moment où il parla de vis en se demandant si elle n’avait pas aussi oublié de faire faire son rappel de vaccin anti-tétanos à Sarah. Certes, tout le monde était au courant pour ses problèmes de mémoire et était censé lui rendre la tâche plus facile jusqu’à ce qu’elle aille mieux mais est-ce qu’on pouvait leur confiance à eux aussi ?

Soit, une fois de plus elle se força à ranger ça dans un coin de sa tête, pour plus tard. Et pendant ce temps-là, son ex-mari ne cessait de la houspiller comme si c’était la chose à faire. Il lui expliqua néanmoins qu’il pouvait demander l’aide d’une de ses voisines au cas où et ça, ça la rassura un peu.

« Et toi, arrête de me parler comme ça, Frank. Ça va pas aider, tu sais. »

Son ex-mari dut le comprendre par lui-même étant donné qu’il s’excusa et lui assura que tout irait bien pour Sarah. La grecque se contenta de répondre par un « hum hum » en songeant que ça valait effectivement mieux pour lui. Et puis, alors qu’ils étaient en train de retourner tout son living, le bruit de pattes qui avancent sur son parquet se fit entendre. Hades. Quel chien de garde celui-là… Cependant, maintenant qu’il était réveillé, le labrador entendait bien faire ce que l’on attendait de lui ; il se planta devant Frank, eut l’air de se demander ce qu’il devait faire, peut-être bien qu’il avait perçu l’odeur de Sarah et se décida finalement à montrer les dents malgré tout.

« Laisse, Hades, c’est rien. T’arrives un peu tard. »

Oui, sauf que l’ordre de Noomi n’était peut-être pas suffisamment clair parce qu’il s’assit et ne lâcha pas Frank des yeux, au cas où.

Quelle plaie aussi, celle-là. La situation en elle-même était déjà assez stressante, mais lorsqu’il s’agit de sa fille, Noomi a le don de rendre les choses encore plus invivables. C’est probablement à ça que devait s’apparenter l’instinct maternel, du moins c’est comme ça que le voyait Frank. Il n’avait rien contre le fait qu’elle le juge, parce qu’il savait qu’il n’était pas tout blanc dans l’histoire, au contraire, et que rien ne pouvait l’aider à se défendre. Mais la grecque n’était pas non plus décidée à faire un effort, loin de là. Et autant dire que le fait qu’elle soit malade n’aide pas. Frank balança la tête de gauche à droite lorsqu’elle avança le fait que son ton désagréable ne mènerait nul part, comme si elle faisait la leçon à un gosse. Elle avait raison, et c’est peut-être de ça que Frank a besoin au fond, qu’on lui fasse la leçon parce qu’il faut toujours qu’il change les règles, qu’il sorte du cadre. C’est pourquoi il s’excusa de son comportement, avec sincérité mais sans en faire des couches, il n’était pas là pour ça.

Enfin bref, tout ça pour dire qu’ils auraient pu s’en tenir à ça, continuer de chercher après ce foutu doudou et aller faire leur nuit chacun de leur côté. Mais Frank avait oublié que Noomi avait, à défaut d’un nouveau compagnon, fait l’acquisition d’un chien maintenant qu’elle vivait seule avec Sarah. La petite lui en avait parlé quelque fois, et il lui avait semblé sentir le poil animal lorsqu’il venait la redéposer. Le grand brun se crispa à la vue de l’animal, dans l’attente de savoir s’il comptait se jeter sur lui, sur demande de Noomi ou non – et ce fut un non, puisqu’elle expliqua au chien qu’il arrivait après la bataille, ce qui voulait en quelque sorte dire que son aide n’aurait pas été de refus un peu plus tôt. Toujours est-il que le chien n’avait pas l’air de vouloir bouger de là, et Frank se redressa alors simplement avant de camper sa position, par sécurité.

- Nooms, tu peux pas le mettre dans une autre pièce ? S’il te plaît, Sarah va s'inquiéter.

Pour le coup, il n’était pas rassuré. Il soupira, le regard fixé sur l’animal, et tenta de faire quelques pas pour se rapprocher de l’autre côté de la pièce. Comme ça, il aurait pu au moins continuer les recherches de la peluche du regard. Mauvaise idée, puisque le chien se mit à grogner de plus belle, ce qui fit encore monter le stress d’un cran.

- Eh, du calme mon grand. Je reste pas pour la nuit.

Il tenta d’offrir quelques caresses à l’animal mais, une fois de plus, se ravisa. Il devait être d’un ridicule à mourir, en ce moment même, mais bon. Vaut mieux ça que quelques points de suture.   

Ça alors, maintenant qu’Hades était là, Frank faisait beaucoup moins le malin. Sans trop y faire attention non plus, si elle ne se comportait pas normalement, le labrador aurait d’autant plus de raisons de se sentir sur la défensive, elle le vit se figer. Le problème, c’est que ça non plus, ça ne faisait pas avancer les recherches vu qu’il n’osait plus bouger d’un millimètre. Il lui demanda de mettre le chien ailleurs histoire de pouvoir s’y remettre, faisant appel au fait que Sarah allait finir par s’inquiéter et c’est avec un certain amusement qu’elle regarda la scène. Elle le laissa encore faire une tentative pour que le chien l’accepte – mais ce fut peine perdue – avant de l’appeler en tapotant sa cuisse.

« Viens mon chien, t’es un bon toutou ! »

Encore cette hésitation de la part du labrador qui avait à la fois l’air ravi d’être un bon toutou et incertain quant à l’idée de lâcher ne serait-ce que du regard cet intrus. Ça avait assez duré, la blonde savait très bien comment le faire céder. Elle s’avança une fois de plus vers la cuisine et farfouilla dans ses placards à la recherche d’un biscuit. Elle en trouva un sans trop tarder et attira l’animal avec dans la salle de bains où elle put l’enfermer le temps qu’ils mettent enfin la main sur le sacrosaint doudou. De retour dans le living, la grecque pouffa en vérifiant entre les coussins du canapé qu’il ne s’y cachait pas. Comme quoi, elle avait eu une bonne idée le jour où elle avait décidé de prendre Hades. Non seulement c’était le meilleur ami de Sarah mais il n’était pas non plus une si mauvaise garde que ça, finalement.
Bref, de toute évidence, la peluche ne se trouvait pas dans cette pièce. Noomi décida donc d’aller voir dans la chambre de sa fille. Elle aurait pu demander un coup de main à Frank mais c’était bizarre de voir son ex-mari fouiller tout son appartement, quand même, aussi annonça-t-elle :

« J’vais voir dans la chambre de Sarah, j’reviens. »

Inutile d’être plus explicite, ça l’était suffisamment comme ça. Elle se faufila donc dans ladite chambre en songeant, comme à chaque fois qu’elle y entrait sans que Sarah soit là qu’une chambre d’enfants c’est triste quand l’enfant qui l’occupe habituellement est absent et, contrairement au reste de l’appartement qu’elle pourrait remettre en ordre, s’obligea à remettre tout ce qu’elle avait pu déplacer à sa place dans l’immédiat.

Comme Frank le voyait, son ex-femme profitait – non, mieux, se délectait – de la situation. Il n’était pas en confiance avec Hades dans les parages, et ça valait aussi pour les autres animaux. Pas qu’il en avait une peur bleue, non, mais il préférait les apprécier de loin plutôt que d’avoir à les subir de près. Heureusement, Noomi ne fit pas durer le plaisir trop longtemps et se décida à tenter par un habile subterfuge d’isoler le chien dans la salle de bain. Frank paru sceptique lorsqu’elle affirma que le labrador était un bon chien et ne manqua pas de l’exprimer par un roulement d’yeux. Il n’allait pas non plus la ramener, par crainte que la grecque ne déchaîne la fureur du maître des enfers pour de bon.

Toujours est-il qu’il avait écouté sa maîtresse, le fameux molosse. Ils pouvaient reprendre leurs recherches et, enfin, trouver le doudou perdu. Enfin, ils auraient pu s’y mettre tous les deux si Noomi n’eut pas fait comprendre à Frank de manière détournée qu’elle préférait inspecter le reste de l’appartement elle-même. Il le comprenait très bien, à vrai dire il considéra qu’il en avait déjà assez fait en rentrant en douce. Il leva les mains pour faire comprendre à Noomi qu’il n’allait pas bouger puis, alors que la blonde retournait pour on ne sait quelle raison la chambre de Sarah. Frank en profita pour observer un peu ce qu’il trouvait dans la pièce, s’attarder sur de la décoration ou des bouquins. Il lisait les post-it de la blonde, fit glisser ses doigts sur la coque de bois qui protégeait les notes du piano, bref, s’intéressa un peu à son petit monde. Puis, comme pour faire abstraction du bruit que faisait Noomi en rangeant, il s’essaya à faire la conversation.

- T’es plutôt bien installée. Le quartier est tranquille, l’école est pas loin… C’est bien pour Sarah.

D’ordinaire, Frank avait plus de conversation que ça. Il brodait simplement dans l’espoir que le supplice aille plus vite, qu’ils finissent enfin par retrouver la peluche de Sarah pour que chacun puisse aller profiter de sa nuit pour se reposer. Ça aurait pu paraître ridicule de se donner autant de mal à cette heure à la recherche du doudou d’une petite qui dormait probablement déjà, mais en tant que parents, ils savaient tous deux très bien que Sarah se réveillerait en entendant son père – comme ça aurait pu être sa mère – rentrer. Toujours pas de traces du doudou, alors Frank enchaîna.

- Alors, tu trouves ?

Il posa simplement la question, par véritable intérêt. Puis, il croisa les bras avant de prendre de nouveau appui contre la table, en attendant le retour de la grecque.   

Tandis qu’elle poursuivait les recherches seules – c’était drôlement similaire à leur relation tout entière comme situation : à un moment Frank était là et puis pouf, il n’y était plus et elle n’avait plus qu’à se débrouiller solo -, son ex-mari lui fit la conversation. C’est vrai qu’il était vraiment bien en tout point, cet appartement. Et de ce fait, on pourrait croire qu’il avait fallu tuer quelqu’un pour en hériter mais en fait non. Pour peu qu’on connaisse les bonnes personnes, les gens se montrent relativement gentils avec vous quand votre mari vous plaque un peu avant la naissance de votre enfant. Ce qui tombe bien puisque son père, à force d’avoir réparé et amélioré les voitures d’un peu tout le monde, en connaissait pas mal des gens bien qui avaient toujours été prêts à aider. C’est aussi à eux qu’elle devait sa place à la radio, soit dit en passant.

« Ouais je sais. Ça va peut-être te surprendre mais je m’en occupe bien. »

De Sarah, s’entend. Enfin, un peu moins depuis son accident de voiture, fatalement mais quand même suffisamment bien pour trouver ça totalement abusé qu’on lui ait retiré momentanément la garde de sa fille pour le confier à quelqu’un qui n’avait encore jamais été présent en tant que père jusque-là. Mais bon, elle n’était pas juge après tout et elle savait pertinemment que la justice faisait souvent n’importe quoi.

Puisque la blonde avait méthodiquement tout déplacé pour le remettre à sa place ensuite et qu’il n’y avait toujours point de doudou en vue, elle se glissa sous le lit, quitte à faire serpillère. Et, comme pour clouer le bec à Frank, mit finalement la main sur le Graal.

« Ouais, je l’ai. »

Enfin, encore fallait-il parvenir à s’extirper de sous un lit pour enfants, maintenant. Mais Noomi était forte et pratiquement indépendante, elle pouvait y arriver. Et c’est ce qu’elle fit, à force de contorsions. C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte qu’on est malades ; quand on fait un effort pas fou et qu’on en ressort pourtant à bout de souffle. La grecque aurait dû prendre quelques secondes, voire minutes pour récupérer si elle n’avait pas eu en horreur cette idée de laisser Sarah seule trop longtemps. Si elle s’était écoutée, elle lui aurait même passé un coup de fil pour savoir comment elle allait. Ce qui était aussi un peu ridicule. Bref, elle se précipita hors de la chambre, tendit la peluche à Frank, sentit le sang se faire la malle de son visage et dût s’asseoir rapido.

« Tu m’excuses si je te raccompagne pas jusqu’à la porte mais j’suis sûre que tu connais la sortie. »

Ainsi que les sorties de secours, manifestement.

Frank pouffa à la remarque de son ex-femme. C’est qu’elle avait toujours autant de répondant, et à vrai dire, le grand brun se demandait depuis le mariage quand est-ce qu’elle viendrait mettre ça sur le tapis. Cette fois encore, il chercha à se convaincre que ce n’était pas le bon moment : d’abord parce qu’elle l’enverrait se faire voir à cause de la maladie, mais aussi et surtout parce que, à quelques minutes d’ici, Sarah attendait probablement avec impatience l’arrivée de son doudou. L’ancien militaire soupira, avant de s’exprimer comme un adulte qui fait la leçon à une enfant en insistant sur le fait que s’il avait la garde, c’était pour une bonne raison.

- C’est mieux comme ça pour tout le monde, même si tu t’en rends pas encore compte. Que tu le veuilles ou non.

Oh bien sûr, il savait aussi que Noomi reviendrait à la charge dès que sa mémoire se serait totalement rétablie, mais d’ici là, peut-être avait-il encore un peu de temps pour réfléchir à une contre-attaque, continuer de rattraper le temps perdu avec Sarah pour, au moins auprès d’elle, prouver qu’il est capable de s’en tenir à son rôle de père maintenant. Et puis, des experts en Floride – ça vaut ce que ça vaut – avaient savamment insisté sur le fait qu’une petite fille qui grandit avec deux parents séparés qui passent leur temps à essayer de s’entre-tuer, c’était quand même plus sain que de ne jamais connaître l’un de ses deux parents. Il était un peu sceptique à ce sujet, mais quelque part, il se persuadait que ça valait le coup d’essayer.

Quelques minutes plus tard, la blonde parvint enfin à mettre la main sur le doudou de Sarah. Frank balança les bras et se détendit en lâchant avec cynisme :

- Amen. On va pouvoir aller se coucher.

Il plissa les yeux lorsque le boucan dans la chambre parvint jusqu’à ses oreilles, se demandant ce que pouvait bien foutre Noomi. Il eut sa réponse en la voyant revenir, lui tendre le peluche puis s’asseoir avant de faire une syncope. Il balança la peluche d’une main à l’autre pendant quelques instants avant de traîner les pieds jusqu’à la porte. Il se retourne néanmoins une dernière fois, histoire de s’assurer qu’il ne va pas en plus falloir appeler les urgences.

- Eh, ça va aller ? Tu veux que j’appelle quelqu’un, ou que je t’apporte un truc ? Tu fais peine à voir.

Et il jura intérieurement que ce n’était pas méchant.   

Comment ça, pour tout le monde ? La seule personne pour qui c’était mieux, c’était lui. Sans vouloir se vanter, pendant cinq ans, Noomi avait très bien géré le côté mère célibataire de la chose. Sarah ne s’était jamais sentie mal à cause de l’absence d’une présence paternelle à ses côtés, c’est bien simple, elle ne parlait jamais de lui, ne posait jamais de questions à son sujet. La blonde avait essayé tant bien que mal de s’y préparer car elle se doutait que ça serait le cas un jour ou l’autre mais jusque-là, rien. Ça devait probablement venir du fait que la plupart des enfants ont des parents divorcés de nos jours et que ça ne choque plus personne quand un enfant vit seulement avec son père ou avec sa mère. Et puis aussi, ils étaient encore un peu jeunes pour se poser ce genre de questions, ce qui était une bonne chose. Moins de gamins en thérapie. Alors oui, le seul qui y avait à gagner dans tout ça, c’était Frank. C’est entre ses dents qu’elle lâcha :

« Qu’est-ce que tu peux en savoir. »

En revanche, il ne se gêna pas pour lui faire remarquer qu’elle ne pourrait rien y changer de toute manière. Maintenant qu’il avait refait surface dans sa vie, la grecque ne s’attendait pas à l’en voir sortir d’aussitôt, surtout maintenant qu’il n’était plus militaire. Autrefois, qui sait ce qui aurait pu arriver ? Dieu sait qu’elle en avait passé des nuits blanches à attendre son appel pour être sûre qu’il ne lui était rien arrivé fut un temps mais tout ça, c’était du passé. Cela étant, Noomi laissa tomber l’affaire au même moment où elle mettait la main sur le doudou de sa fille. Voilà qui allait écourter cette conversation. Elle reconnut tout de suite le cynisme dans la voix de son ex-mari mais il n’empêche qu’elle était tout à fait d’accord avec lui : elle avait hâte de retourner se coucher. Surtout qu’elle s’était déjà sentie en meilleure forme que ça, comme le prouva son retour hasardeux dans le living. Quoi de plus normal, elle n’avait pas vraiment été ménagée pour quelqu’un qui couvait quelque chose mais ça serait idiot d’en vouloir à Frank pour ça, elle avait tout un tas d’autres raisons bien plus valables de lui en vouloir. Elle se serait attendue à ce qu’il mette les voiles sans se retourner une fois qu’il eut en sa possession ce qu’il était venu chercher et c’est bien ce qu’il commença par faire avant de s’inquiéter de son état. En lui signalant qu’elle faisait peine à voir. Ce dont elle ne doutait pas une seule seconde. Elle considéra un moment la question une seconde.

« Non merci, j’aime autant que tu retournes auprès de la petite. En revanche, je peux te demander de me déposer chez mon père ? J’vais m’habiller. »

Enfin, s’il acceptait. Auquel cas elle espérait qu’Hades serait sage parce qu’elle ne pouvait pas le laisser ici.

Pour le coup, Noomi visa juste. Qu’est-ce qu’il pouvait bien en savoir, après tout, puisqu’il n’avait pas hésité une seule seconde avant de mettre les voiles, il y a quelques années de ça. Ce n’est pas comme s’il avait toujours eu l’occasion de voir Noomi à l’œuvre en tant que mère de choc. Il n’était sûrement pas légitime de la juger, encore moins de considérer que ce qu’il faisait était juste, et c’est pourquoi il eut, comme seule réponse, un haussement d’épaules qui voulait à la fois dire beaucoup de choses et rien du tout. S’aventurer sur une pente raide comme celle-ci serait du suicide dans le contexte actuel, une fois de plus, et puis il avait simplement envie d’aller dormir, le plus tôt possible étant le mieux.

Quoi qu’il en soit, le doudou fut retrouvé quelques minutes plus tard, escorté par la grecque hors de la zone de danger et remis en main propre à Frank qui fut gentiment invité à prendre la porte. Non pas qu’il s’attendait à ce qu’on l’invite pour rester prendre le café, loin de là. Néanmoins, il tourna quand même une dernière fois les talons afin de s’assurer que Noomi n’allait pas faire une faiblesse au milieu de son salon une fois qu’il aurait claqué la porte. Avec l’atmosphère qui plane entre eux deux, il avait quand même pensé une microseconde qu’elle serait capable de se servir de ça contre lui à un moment ou à un autre. Une sorte de non-assistance à personne en danger, en sorte, et là, il serait dans de beaux draps. Elle avait raison en affirmant qu’il valait mieux que Frank retourne auprès de Sarah. Ça faisait un moment maintenant qu’il était parti, et traîner encore un peu plus s’assimilait à jouer avec le feu. Mais déposer Noomi chez son père, en partant du principe qu’il n’avait pas changé d’adresse puisque la grecque ne précisa rien à ce sujet, ça ne lui ferait faire qu’un petit détour, une rue ou deux à tout casser. Enfin, elle ne lui laissa pas vraiment le choix puisque dans tous les cas, elle était déjà prête à enfiler quelque chose pour prendre la route. Frank entrouvrit la bouche un instant, le temps de réfléchir, avant de se raviser. Il leva les mains avant de donner sa réponse.

- Ouais bien sûr.

Puis, il lui laissa le temps de s’habiller, de récupérer quelques affaires ainsi que son chien avant de honteusement ressortir par le couloir. Une fois en bas, il ouvrit la portière arrière pour laisser monter le chien, le coffre pour les affaires de Noomi et considéra que si elle avait descendu l’escalier sans tomber dans les vapes, elle pouvait très bien se débrouiller pour tirer sa portière et grimper dans la voiture. Une fois derrière le volant, Frank démarra et baissa le son de la radio pour demander son avis à la blonde.

- Je peux garder le chien si tu ne veux pas en plus être emmerdée avec ça. S’il dort avec Sarah, ça devrait pas trop poser de problème. Ton père est toujours dans le même coin ?  

Elle n’avait pas prévu de ne pas lui laisser le choix, c’est juste qu’elle se voyait mal sortir dans la rue en shorty s’il acceptait. Ce qu’il fit, par chance pour elle. Sinon, elle aurait passé un coup de fil à son père et lui aurait demandé de venir la chercher mais elle avait la sensation de lui demander un peu trop, ces derniers temps. Noomi remercia donc Frank pour ne pas avoir à le faire une fois de plus et, toujours tant bien que mal, se rendit dans sa chambre pour se changer. Elle ne prêta même pas attention à ce qu’elle enfilait, tout ce qui lui tombait sous la main faisait l’affaire. Puis elle alla libérer Hades qui devait bien sentir que quelque n’allait pas étant donné qu’il snobait son ex-mari pour se concentrer sur elle. Inutile de lui mettre sa laisse, c’était un chien qui écoutait. Une fois qu’elle eut jeté deux-trois affaires dans son sac, elle fut prête à partir. Et laissa Frank prendre les escaliers tandis qu’elle appelait l’ascenseur. Le suivre serait sans doute la meilleure façon de se rompre le cou actuellement alors non merci. De toute façon, pour être tout à fait franche, elle ne les a jamais beaucoup utilisés, ces escaliers alors encore moins là, tout de suite, évidemment.

Une fois dehors, elle put constater que l’air frais lui faisait un peu de bien tout comme elle remarqua également que Frank avait ouvert toutes les portières à l’exception de celle côté passager, c’est-à-dire la sienne. Ça la fit plus rire qu’autre chose et elle se hâta de balancer son sac dans le coffre et de faire monter le labrador à l’arrière pour pouvoir prendre place à son tour. Elle ouvrait sa fenêtre pour avoir un peu d’air quand son ex-mari lui proposa de garder le chien. C’est vrai qu’il ne devrait pas y avoir de problèmes s’il retrouvait Sarah mais à quoi bon prendre de telles habitudes ? A moins qu’il ne veuille lui voler son chien, après sa fille ?

« Oh non, t’embêtes pas avec ça, mon père a l’habitude que je débarque avec. »

C’était même souvent lui qui insistait, il l’attendait même régulièrement à la sortie de la radio, n’aimant pas le moins du monde l’idée de la laisser seule trop souvent. Et force est d’admettre qu’il n’avait pas tort.

« Toujours, il n’a pas bougé. »

D’ailleurs ça serait quand même bien qu’elle le prévienne de son arrivée. Mais en fouillant ses poches, elle se rendit compte qu’elle avait oublié son téléphone. Tant pis, ce n’était même pas plus mal et puis si Frank devait la contacter d’urgence à cause d’un problème avec Sarah, le numéro de son père était toujours dans l’annuaire.
La tête d’Hades reposait sur son épaule et la blonde se demandait s’ils allaient passer le trajet à ne pas trouver quoi dire comme quand on demande un Uber et qu’on se met subitement à parler du temps qu’il fait juste pour que ça soit moins gênant.

Bonne nouvelle, Frank n’aura pas à s’encombrer avec le cerbère pour ce soir. Un jour, se montrer plus poli qu’il ne l’est finira par lui attirer des problèmes, et à vrai dire, il ne sait toujours pas pourquoi il a fait cette fleur à Noomi. Comme pour balayer le sujet pour de bon, il se pencha vers le siège passager pour ouvrir la boîte à gant. Il tira le paquet de cigarette posé juste à côté d’une boîte de munitions en essayant de garder un œil sur la route, puis amena le-dit paquet jusqu’à ses lèvres avant d’en tirer une cigarette.

- Pas la peine de t’en proposer une, j’imagine. T’as du feu ?

Il haussa un sourcil et jeta quelques regards dans l’habitacle à la recherche d’un briquet. C’est qu’il ne fumait pas beaucoup, pour ne pas dire jamais. Et voilà que l’ancien couple était en route vers chez le père de la grecque. Il espérait ne pas avoir à le croiser, convaincu que le vieillard chercherait à lui refaire le portrait, et plutôt deux fois qu’une. Frank alluma la radio pour se changer les idées, tomba sur un petit Labrinth qui suffit à le satisfaire et à combler l’absence de conversation que peut provoquer un divorce. Ils auraient pu arriver chez le patriarche Savalas en un rien de temps, si à quelques coins de rue plus loin, la voiture ne s’était pas décidée à lâcher Frank. Il retira les mains du volant le temps de réaliser la chose, avant de taper un bon coup sur son klaxon et de jurer. A croire qu’il était maudit. Il sortit, claqua la portière derrière lui avant d’aller ouvrir le capot et de remonter ses manches. Le problème, c’est que contrairement au bricolage, il n’y connaissait pas grand-chose à la mécanique. Il fit quelques pas le temps de réfléchir à une solution, puis s’écria, afin de se faire entendre à travers le capot :

- Nooms ? Tu t’y connais en moteurs toi, pas vrai ?

Encore fallait-il qu’elle accepte de lui prêter main forte. Et qu’elle se sente en état de le faire. Il soupira, avant d’ajouter :

- Sinon, on aura qu’à continuer à pieds jusqu’à chez ton père. Et puis, ben… je sais pas, je courrais jusqu’à chez-moi ou quoi, je trouverai bien une solution.

"Mon cul", qu’il se répétait intérieurement. Traîner sa carcasse jusqu’au centre-ville était vraiment la dernière chose dont il avait envie actuellement, et il en devenait malade rien que d’y penser. Il s’appuya un instant sur la carrosserie de la voiture, tapotant dessus du bout des doigts pour essayer de faire passer la frustration.