hell's kitchen → liam

Ce qu’elle fabrique là ? Cleo se le demande toujours tandis qu’elle souffle la fumée de sa cigarette en direction du ciel. Un atelier cuisine… quiconque la connaît un tant soit peu vous dirait que c’est de la folie. La seule et unique chose que la rouquine maîtrise à peu près dans une cuisine sont les plats surgelés qu’elle n’a besoin que de passer au micro-ondes et les pâtes. Au beurre, il ne faut pas lui en demander de trop non plus. Donc à moins de se découvrir des tendances pyromanes sur le tard, c’est une mauvaise idée. Pourtant, ça ne l’empêche pas d’être là, sur le parking de cette école qui commence tout doucement à lui filer de l’urticaire. Faudra qu’elle fasse attention, si elle reste trop longtemps, elle risque de prendre feu spontanément. Elle attend le prof. Jusqu’à présent, il faut dire que Cleo n’a encore jamais ressenti le besoin de cuisiner plus que ça. Il faut dire que les plats surgelés, il y en a plein des différents, que Wes ne se débrouille pas si mal et puis maintenant, elle a même les moyens de commander quelque chose quand l’envie l’en prend alors pourquoi s’ennuyer avec ça ? Alors disons qu’elle cherchait une activité et qu’elle n’avait rien trouvé de mieux que ça.

C’est alors que le prof arrive. Du moins elle le croit. Notamment parce que sa tête lui est familière. Sans doute l’a-t-elle vue sur l’annonce. Ou alors en se baladant dans Island Bay, c’était possible aussi puisque ça commençait à faire quelque temps qu’elle vivait là maintenant. Mais non, ça ne peut pas être ça, sinon elle n’aurait aucun moyen de savoir qu’il était cuistot, ce n’était pas non plus marqué sur son front. Bon. Elle lui fait un vague signe de la main pour le saluer et le suit à l’intérieur. L’urticaire s’intensifie mais elle tâche de faire abstraction. Et puis ça lui revient. Enfin plus ou moins mais elle est pratiquement sûre d’avoir déjà vu ce jeune homme dans l’entourage de Wesley. Cool alors, est-ce que ça ferait d’elle sa chouchoutte ? Rien n’est moins sûr vu ses capacités… Bref, elle dépose ses affaires sur l’un des bancs et demande.

« On est beaucoup à faire cet atelier ? »

Pour l’instant elle est seule mais elle ne s’attend pas à le rester bien longtemps. Ça l’a toujours intriguée mais le fait est que les cours de cuisine, ça trouve toujours son public.


Refermant la porte de sa voiture derrière lui, Liam ouvrit son coffre pour en sortir un large bac. Il serait bien venu à pieds pour profiter des rayons de soleil estivaux, mais il avait besoin d’un minimum de matériel pour avoir l’air d’un professeur potable. En réalité, il était probablement très nul pour transmettre ses connaissances… D’ailleurs, le jeune homme avait rarement participé à des ateliers de cuisine, la dernière fois devait bien remonter au lycée. Il aimait beaucoup faire la cuisine sans avoir besoin de parler plus que ça, ou du moins en échangeant uniquement un minimum de mots avec d’autres professionnels. Alors pourquoi avoir accepté d’animer cet atelier ? La raison était simple : la mairie l’avait engagé. La paye n’était pas trop mauvaise et depuis le mariage et la lune de miel, il avait bien besoin de renflouer le compte en banque. Et puis après tout, puisqu’il envisageait de se mettre à son compte, il fallait bien qu’il se fasse un minimum connaître. Il ne s’était donc pas senti de refuser cette proposition et, depuis, il avait réussi à se motiver. Ce n’était pas bien difficile. Il s’agissait de sa passion. Il pouvait la partager même avec des débutants.

Ce fut donc avec le sourire aux lèvres que Liam s’avança dans le parking, remarquant qu’une jeune femme à la chevelure de feu lui faisait un signe avant de le suivre dans la cantine. Pour l’occasion, la mairie avait réquisitionné les cuisines de l’école. Il avait vaguement été question d’un atelier en plein air, idée que Liam avait trouvée absolument stupide étant donné tout le matériel nécessaire pour cuisiner correctement. Heureusement, ils étaient ici. Le Millstone avait visité les lieux la semaine d’avant, pour se préparer. Posant son bac par terre, il commença à inspecter les lieux. C’était nickel. Il releva la tête en entendant une voix. « Vous êtes cinq en tout. Comme je suis le seul à m’en occuper, c’est largement suffisant. » Car il s’agissait d’un atelier uniquement dédié aux débutants. Liam ne pouvait donc pas se consacrer à un trop grand nombre de personnes à la fois. Affichant sa liste au-dessus de l’évier, il fronça légèrement les sourcils. « Oh, vous êtes… Carter, c’est ça ? Enfin Mrs Carter, excusez-moi. » Il s’avança vers elle en lui tendant la main. « Je m’appelle Liam. On ne se connaît pas, mais… Votre mari et ma femme sont amis. Des amis de bouquins. » Il avait dit ça presque comme si c’était une langue étrangère pour lui, en bon cliché d’homme plus doué de ses mains. « Content de faire votre connaissance. » Dans une petite bourgade, il était très facile de mettre un nom sur une tête et de connaître les uns et les autres de vue, mais avoir une conversation et développer un lien à proprement parler, c’était autre chose.

« Je pense que les autres vont bientôt arriver. Si j’ai bien compris, vous n’avez pas vraiment de notions dans ce domaine ? » Tout en parlant, Liam avait commencé à disposer le matériel sur le plan de travail en inox.

Cinq personnes c’était pas mal. Même si en l’occurrence, la cantine de l’école pouvait accueillir plus de futurs Top Chefs que ça mais Cleo ne va sûrement pas trop en demander parce que si elle met accidentellement le feu à l’école et qu’il y a des victimes, ça fait tout de même moins de cadavres sur les bras. Car oui, c’est quelque chose qui peut très bien arriver. Bref, puisqu’elle est d’accord avec monsieur le prof, elle hoche la tête lorsqu’il précise que c’est suffisant. Le pauvre, il a l’air de croire que ses cinq élèves seront des calamités. Et peut-être bien qu’il a raison après tout. En tout cas, il ne se trompe pas à son sujet. En revanche, la rouquine tique un peu lorsqu’il lui demande de confirmer son identité. Pas qu’elle prenne mal le fait qu’il l’appelle d’abord par son nom de famille mais parce que ça a beau faire bientôt trois ans qu’elle est madame Carter mais qu’elle ne s’y est toujours pas faite. Elle aurait dû garder son nom à elle, quelle idée ; ç’aurait évité cette confusion et ce léger moment de flottement qui précède toujours sa réponse. Il lui tend alors la main qu’elle serre et lui explique c’est sa femme qui connaît Wes. Tout s’explique. Et ça n’a rien de surprenant, soit dit en passant ; contrairement à elle, son mari connaît des tas de gens. Son boulot aide grandement, il faut dire. Un petit sourire étire ses livres en voyant la moue qu’il fait en évoquant les bouquins.

« Cleo. Ravie aussi. »

Plus qu’à attendre que les autres élèves daignent montrer le bout de leur nez. Ce qui ne devrait pas tarder selon Liam qui s’enquit alors des bases qu’elle possède en cuisine.

« Loin de moi l’idée de vous effrayer mais ce que j’appelle faire la cuisine, c’est retirer le film plastique de ma pizza surgelée pour la mettre au four. »

Sans l’avoir préchauffé au préalable et sans avoir aucune idée de si c’était à la bonne température. Elle n’a encore jamais été malade à cause de ça, donc ça doit être le cas. Elle pouvait également faire ça avec des lasagnes mais ça s’arrête là. Même en ce qui concerne les pâtes, elle est capable de les foirer. Pauvre garçon, l’écossaise espère tout de même que les autres seront au moins capables de se faire une omelette ou ce genre de trucs.

Parce qu’il la regarde bien en face, Liam ne manque pas de remarquer une drôle d’expression sur le visage de Mrs Carter. Il a l’impression qu’il a dit quelque chose qu’il ne fallait pas, mais ses capacités de « discernement » s’arrêtent net à ce niveau-là. Comme le dirait Lily, il n’est pas du tout doué pour décrypter les émotions humaines. Il se demande si ce n’est pas parce qu’il a mentionné l’amitié entre Lily et Wesley. Il est assez bien placé pour savoir qu’une femme peut se montrer très jalouse, alors il a un peu peur d’avoir mis les pieds dans le plat. Et il espère qu’il n’a pas involontairement mis sur le tapis une discussion qui fâche dans un autre ménage que le sien. Mais le sourire de la dénommée Cleo le rassure un peu, en ce qui le concerne en tout cas. En fait, sa réplique suivante le fait même spontanément rire. « Je vais essayer de ne pas fuir en courant. » En réalité, ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve en cuisine avec des débutants. Ça ne lui fait pas peur, ça lui demande plutôt des capacités d’attention décuplées, surtout quand ils sont plusieurs comme aujourd’hui. D’ailleurs, d’autres personnes commencent à arriver. Liam les salue tous avec enthousiasme en se présentant. Il y a deux hommes et deux autres femmes en plus de Cleo, tous plus âgés qu’eux. Une fois que tout le monde est là, il leur demande de se présenter à leur tour et de dire quelques mots sur les raisons pour lesquelles ils sont là aujourd’hui. L’une des dames est là parce qu’elle est fatiguée de servir du poisson pané à ses enfants, l’un des hommes est là par curiosité et les deux autres sont un couple bientôt marié qui espèrent apprendre à cuisiner petit à petit.

« Parfait, merci beaucoup de nous avoir dit quelques mots. Maintenant, c’est à mon tour de parler, je vais ré-expliquer le menu au cas où ça n’aurait pas été clair. Comme vous l’avez compris, on va cuisiner italien, un plat principal et un dessert. On a laissé l’entrée de côté parce que… Eh bien, parce que deux choses à préparer, c’est déjà très bien. » Il les place chacun sur un plan de travail. « Escalope milanaise et panna cotta aux fruits rouges. » Il se met bien en face d’eux, pour être sûr qu’ils l’entendent tous. « Je vais donner les premières instructions à haute voix, mais comme vous pouvez les oublier et que chacun peut progresser à un rythme différent, vous avez tous une feuille d’instructions précises et détaillées en haut de votre plan de travail. Il vous suffit de lever la tête pour les relire. Bien entendu, je suis là si vous avez la moindre question et je vais passer entre les plans de travail sans interruption pour vous apporter l’éventuelle aide dont vous aurez besoin. » Il leur adresse un sourire qui se veut rassurant. « Je vais d’abord vous expliquer de quel matériel nous aurons besoin. » Tout en mentionnant le matériel, il pointe du doigt chaque instrument pour être sûr qu’ils savent de quoi il parle. « D’accord, vous êtes prêts à commencer ? Ce sera la panna cotta d’abord, pour que la crème prenne un peu au réfrigérateur. On va d’abord faire ramollir les feuilles de gélatine dans de l’eau froide. » Il commence déjà à passer entre les plans de travail. « Ça va, Cleo ? »

Le répondant de Liam lui plaît bien et ça la rassure un peu de savoir qu’il fera de son mieux pour ne pas fuir. Parce que ce n’est clairement pas exclu que cette leçon se termine en espèce d’escape game dont le but serait d’échapper aux flammes. Mais soit, l’arrivée des autres élèves interrompt leur petite discussion et là, c’est comme de retourner à l’école : il faut se présenter et expliquer pourquoi on est là. Pas très douée pour prendre la parole en public, la rouquine bafouille pour uniquement expliquer qu’elle s’ennuyait et qu’elle s’était dit « bah pourquoi pas faire ça, alors ? » avant de se mettre à juger un peu les autres. Non, ce n’est pas bien mais elle arrive tout de même à se faire la réflexion que la femme et l’homme qui sont venus seuls ont des motivations similaires aux siennes. En revanche, elle se retient tout juste de ne pas lever les yeux au ciel face au couple présent. On ne va pas se le cacher, elle trouve ça un peu pathétique plutôt que mignon mais bon, chacun son truc après tout, elle se contentera de les ignorer.
Cleo se place donc au plan de travail qu’on lui désigne et écoute le cours. La vérité c’est qu’elle ne sait même pas ce qu’est la panna cotta, si ce n’est qu’il y aura manifestement des fruits rouges dedans. Et que c’est par ça qu’ils commencent parce qu’il faut que ça « prenne » au réfrigérateur. C’est à ce moment-là qu’elle regrette un peu de ne pas avoir mieux suivi Top Chef ou Masterchef peu importe, elle n’aurait probablement pas l’air d’une parfaite débile à cet instant. Cela dit, jusqu’ici, ça n’a rien de très compliqué, il suffit de faire tremper les « feuilles de gélatine » - dieu merci jusqu’ici les noms de tout ça sont assez explicite, c’est quand on lui demanderait d’utiliser la mandoline ou la marquise qu’on risque de rire – dans de l’eau froide. Pas besoin d’utiliser les becs à gaz, n’importe qui pourrait y arriver. Liam passe alors comme il a expliqué qu’il le ferait pour lui demander si tout se passe bien et l’écossaise décide d’être cash, au risque de passer pour la dernière des incultes.

« Oui, pour l’instant c’est pas bien compliqué. Mais je sais pas ce que c’est que ce dessert, en revanche. »

Ce qui veut dire que ça risque de se compliquer ensuite.

Face à l’aveu sans détours de Cleo, Liam se sent soudain un peu honteux. « Oh… Je suis désolé. » Parce qu’il se rend compte qu’il aurait dû y penser. Pour lui, c’estévident, pas seulement parce qu’il sait cuisiner (il n’était même pas spécialisé en desserts), mais plutôt parce qu’il a l’habitude de tester différentes options dans les restaurants et aussi de regarder des émissions culinaires. Et c’est peut-être la plus grande difficulté, de se remettre dans la peau d’un débutant pour être capable de mieux transmettre. Après tout, c’est peut-être le cas dans tous les domaines. Le jeune homme est certain que s’il s’essaye à quoi que ce soit d’autre que la discipline dans laquelle il s’est spécialisé, il sera tout bonnement perdu. « Attends, deux secondes et c’est réglé. » Il sort son téléphone portable et tape tout simplement sur Google ce qu’il recherche, puis va dans les images avant de tourner l’écran vers Cleo. « Tu visualises mieux ? » Elle n’en a peut-être jamais mangé de sa vie. C’est un peu délicat, parce qu’il ne veut surtout pas la vexer en lui donnant l’impression de la prendre pour une cruche. « C’est sûr que ce n’est pas très Néo-Zélandais. Mais je crois qu’ici, le dessert le plus consommé est la pavlova et j’ai hésité, d’ailleurs. »

Le voilà qui se met à trop parler. Mais en vérité, il passe pas mal de temps auprès de la rousse. Bien sûr, il continue à passer dans les rangées en donnant quelques explications aux instructions qui posent problème à l’un ou à l’autre et surtout des conseils personnalisés. Mais il s’arrête plus longtemps au plan de travail de Cleo pour l’aider à continuer. « Ne te décourage pas, c’est bientôt fini et l’étape la plus facile, c’est de laisser reposer au réfrigérateur. » Il continue à encourager les uns et les autres, où qu’ils en soient dans leur progression. « Vous verrez, vous serez enchantés de déguster vos propres créations ! » Bien entendu, comme c’est la première fois qu’ils s’essayent à ce dessert, la texture ou le goût ne sera peut-être pas exactement comme ils le voudraient. Mais préparer soi-même sa nourriture a quelque chose de très gratifiant. « Tu es prête à passer à la suite ? » demande-t-il à Cleo, après qu’elle a réfrigéré ses verrines. « Un dessert, c’est pas mal du tout, mais imagine la tête de ton mari quand tu lui annonceras que tu peux lui préparer une escalope milanaise. Ce sera une occasion supplémentaire de s’évader un peu en Italie, je veux dire, en-dehors de la pizza, qui est sûrement leur plus belle contribution à la société. »

Manifestement, avant de préparer son cours, l’idée qu’un de ses élèves ne connaissant pas un des plats qu’il avait prévus ne lui avait même pas traverser l’esprit. Et dans le fond, peut-être que c’est Cleo l’inculte, pour le coup. Tout le monde doit savoir ce qu’est la panna cotta. Elle se sent un peu bête sur le coup mais après tout, elle a prévenu qu’elle n’y connaît rien en cuisine. L’écossaise secoue la tête pour faire comprendre qu’il n’y a pas besoin de s’excuser et attend sagement qu’il lui montre à quoi doit ressembler le produit fini. Ça ressemble vaguement à une crème anglaise ultra pâlotte avec un coulis de fruits rouges sur le dessus. Bon. Elle n’est pas du tout sûre de pouvoir arriver à ce résultat mais elle va faire de son mieux, c’est déjà ça. Peu convaincue, la rouquine hoche pourtant la tête lorsqu’il lui demande si elle visualise mieux. Puis il enchaîne sur le fait que ça ne soit pas trop locale comme dessert et elle ne peut que le croire sur parole puisqu’elle n’est pas du tout du coin. Ce qui fait que, si elle ne savait pas à quoi ressemblait la panna cotta, elle en avait déjà entendu parler au moins alors que la pavlova… grands Dieux mais qu’est-ce que c’était que ce machin ? Et ça sonne quand même plus russe que néo-zélandais. Elle chercherait plus tard ; pour l’instant, ce qu’elle veut c’est avoir le visuel de la panna cotta sous les yeux alors elle sort son téléphone à son tour.

« Doit quand même pas y avoir des masses de spécialités par ici, si ? »

Non parce que bon, même dans le reste du monde, on entend très peu souvent parler de restaurants néo-zélandais tout de même. Et si on entend quelqu’un dire « tiens, j’me ferais bien un néo-zélandais » on ne parle plus de cuisine. Mais heureusement, même ça c’est assez rare. Bref, elle laisse Liam aider les autres et tâche de s’en sortir toute seule. En reversant aussi bien la crème fraîche que le sucre en peu partout sur son plan de travail en voulant mélanger comme une brute. Et donc le résultat est… pour le moins approximatif, en dépit des encouragements de Liam mais Cleo se dit que ce n’est pas parce que c’est moche que ce n’est pas bon. Elle s’essuie machinalement le front du revers de la main en songeant que maintenant ils vont passer au plat principal. Haha, son mari, ugh. Enfin pas ugh lui, mais ugh le fait qu’elle puisse lui faire la cuisine, c’est tellement cliché. Et pourtant, ça ne l’empêche pas de sourire.

« Prête ! »

Tu parles… en revanche, elle se fait tout de même la réflexion que ça ne serait pas mal qu’elle puisse apprendre à faire des pizzas aussi, un jour ou l’autre.

« Non, en effet. On se retrouve principalement avec la même nourriture que nos ancêtres british, dont la cuisine n’est pas forcément réputée non plus. Avec beaucoup d’agneau et des patates douces à gogo, le plat globalement préférée de la nation. » Lui-même est un fan absolu de cette tubercule, localement baptisée « kumara » en maori, qu’il aime décliner de mille façons au restaurant comme à la maison. « Je suis bien sûr allé à l’école ici, mais par la suite j’ai suivi des stages en France et j’ai aussi été formé en Italie. Niveau gastronomie, c’était le top. » Il ne sait même pas s’il a besoin de le préciser. En plus, il pense déceler chez Cleo un accent qui n’est pas local, ni même londonien où il a passé quelques années de sa vie - il aurait d’ailleurs bien aimé s’exprimer avec autant de classe qu’eux. « Bon, j’arrête de t’embêter, je voudrais pas te faire rater quelque chose. » Le jeune homme la laisse quelques minutes le temps d’aller voir les autres participants. Ils sont prêts à passer à la suite et, cette fois, il leur donne des instructions individuellement. Il leur rappelle aussi qu’ils ont toujours leur recette affichée devant eux au cas où, mais qu’ils peuvent bien évidemment se tourner vers lui au moindre problème ou s’ils ont une question. « N’oubliez pas que l’esthétique est surtout une histoire de professionnels. Bien sûr, on aime avoir quelque chose de beau dans son assiette, on aime aussi poster ça sur les réseaux sociaux pour certains. Mais l’essentiel est d’avoir le goût, surtout quand on n’a jamais reçu de formation en cuisine. Alors pas la peine de vous juger sévèrement si votre nourriture n’est pas la plus jolie à regarder. On espère surtout que le goût y sera et, pour ça, je vous prie de suivre la recette à la lettre. »

Au final, Liam revient vers la rousse, parce que même s’il ne le dirait jamais à haute voix, c’est elle qui a le plus besoin de son aide. Il s’efforce de l’encourager. « Une assiette avec de la farine, une assiette avec un oeuf battu et une assiette avec la chapelure. Ensuite, tu fais passer tes morceaux d’escalope. » Il lui montre l’exemple, puis la laisse faire avec les autres morceaux. « Petite astuce, on va réfrigérer ça pendant quinze minutes, sinon la croûte ne tiendra pas bien à la cuisson et on se retrouverait… Pas avec une escalope milanaise en tout cas, si ce n’est pas croustillant. » Il est content de voir que tout le monde semble s’en sortir. Le plat de résistance est plus facile à cuisiner que le dessert. « On les accompagnera de pâtes à la sauce blanche, qu’on fera au dernier moment, parce que les pâtes réchauffées, non merci… » Ça leur laisse donc un petit temps de pause. Mais ils n’en sont pas loin d’avoir terminés et le Millstone est déjà content du chemin parcouru. Satisfait, il s’adosse contre le comptoir pendant que Cleo met son plat d’escalopes au réfrigérateur, où les desserts sont en train de prendre. « Ça va, tu n’iras pas raconter à ton mari que je te torture ? » plaisante-t-il.

En effet, le moins qu’on puisse dire c’est que la cuisine anglaise n’est pas réputée pour faire envie, c’est même plutôt l’inverse. Et elle a beau être très fière de ses origines, Cleo ne va certainement pas militer en faveur de la cuisine écossaise. C’est qu’il faut être sacrément tordu pour avoir l’idée d’inventer l’haggis. Une spécialité qu’étrangement, personne ne leur envie. Non, tout ce qui ressort de bien de son petit pays en termes d’alimentation, c’est le whisky, vous pouvez lui faire confiance à ce sujet. Quoi qu’il en soit, Liam se met ensuite à parler de patates douces car il s’agirait de quelque chose qu’on utilise beaucoup dans le coin. La rouquine connaît le mot, elle pense même en voir à peu près la couleur mais pour ce qui est du goût en revanche, cette fois encore, c’est un total mystère. Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’elle apprend qu’il est également parti étudier en France et en Italie. Autant elle n’est pas une grande fan de la gastronomie française, autant les pizzas et les lasagnes surgelées lui parlent plus. Sans elles, son alimentation se limiterait très probablement à des céréales. Ce qui serait tout de même un peu triste. Bien que ça le soit déjà.

« D’où la panna cotta et l’escalope milanaise, je comprends mieux ! »

Puis il repart aider les autres et leur rappelle qu’il n’est pas utile de s’en vouloir si ce qu’ils font n’est pas très beau. Elle se doute qu’il parle de sa panna cotta affreusement moche mais elle ne se vexe pas car il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Et elle essaye de se convaincre que ce n’est pas parce que ça a l’air vomitif que ça l’est pour autant. Puis vient le moment de passer au plat principal. Elle a de la chance parce que c’est auprès d’elle que Liam passe le plus de temps. Ce qui ne l’empêche quand même pas de laisser tomber son escalope dans la farine qui la fait tousser puis dans l’œuf quand c’est à son tour d’essayer. Non, elle ne le fait même pas exprès. Il faut donc qu’une escalope milanaise croustille, ça tombe bien, elle aime bien ça, le croustillant. On peut dire qu’elle s’en sort moyennement bien pour l’instant mais moyennement bien ce n’est pas mal donc c’est déjà ça. La remarque du jeune homme la fait rire.

« Oh tu sais, dans notre couple c’est moi qui règle les comptes alors si jamais tu t’avises de me torturer, je trouverais bien vite une autre utilité à l’un de ces couteaux. »

C’est qu’elle n’a pas besoin que Wes vole à son secours, tout musclé soit-il, elle se débrouille très bien toute seule. Bien mieux que derrière les fourneaux en tout cas.

« Il semble que les femmes en général aient pris le pouvoir au sein du couple » répond Liam en plaisantant, poursuivant sur le même ton que Cleo. Faisant mine d’avoir peur des couteaux, il en profite pour s’éloigner d’elle pour aller voir les autres. Globalement, en tant que professeur de la journée, il trouve qu’il n’a pas à se plaindre. Même s’ils ne se débrouillent pas forcément bien, même s’ils font des erreurs de débutants parce que c’est ce qu’ils sont, ceux qui assistent à son atelier sont quand même attentifs et appliqués. Personne ne proteste et il en est soulagé, parce que les contestations, aussi légères soient-elles, sont ce qu’il y a de plus déstabilisant à ses yeux. Il ne faut pas croire que les amateurs n’ont rien à dire, c’est parfois même le contraire, quand bien même ça peut paraître aberrant. « Les quinze minutes sont écoulées, alors on va passer à la cuisson. On fait ça à feu doux, c’est important. » Le cuisinier explique pourquoi, mais il n’est pas sûr que tout le monde l’écoute. En fait, ils sont concentrés sur ce qu’ils font, ce qui est plutôt bon signe. Il continue donc à passer entre les tables, personnalisant ses conseils selon ce qu’il voit et ce que chacun fait ou ne fait pas. « On a passé le plus difficile. En fait, on a bientôt fini. » Liam lit le soulagement sur les visages et ça le fait sourire. Certains ont presque l’air aussi stressés que quand lui-même participe à des concours de cuisine.

« On va passer au dressage des plats. » Rien qui ressemble à un restaurant gastronomique, mais le jeune homme est sûr qu’ils vont réussir à faire quelque chose de joli. Et au pire, même si ce n’est pas le cas, ce sera sûrement bon. Avec des pâtes, du veau et un dessert à la fois sucré et acidulé, il pense qu’on peut difficilement se tromper. « Alors, qu’est-ce qu’on vous en pensez ? » Certains sont en train de prendre des photos qui atterriront probablement sur Instagram. La plupart ont l’air plutôt fier d’eux. « En tout cas, moi je suis vraiment satisfait de vous et de vos plats. C’est pas évident de se lancer, vous verrez qu’on peut prendre goût à cuisiner et que vos plats pourront vous paraître meilleurs qu’à l’extérieur. » Bien sûr, ça dépend de leur niveau de pratique, mais en ce qui le concerne, c’est devenu le cas. « Le moment le moins plaisant, c’est qu’on doit faire la vaisselle et nettoyer les plans de travail. Ensuite, vous aurez le choix entre manger ici et emporter vos plats chez vous. Le dessert tiendra sans problème. » Lui-même s’active pour ranger, mais c’est assez rapide. « Si vous voulez manger sur place et appeler quelqu’un pour vous accompagner, il n’y a pas de problème. » Liam pense notamment aux conjoints. Il s’approche à nouveau de Cleo. « Alors, prête à renouveler l’expérience ? »

Si elle n’a qu’une très, très vague idée de ce à quoi peut bien ressembler la femme de Liam, ça ne l’étonne guère d’apprendre que ça serait elle qui mènerait la barque dans leur couple. C’est toujours ainsi de toute façon, non ? Ou presque ; les femmes font croire aux hommes qu’ils ont les choses en main alors que ce sont elles qui tirent les ficelles dans l’ombre. Ou en pleine lumière, ça, ça dépend. Enfin soit, c’est un sourire sincère qu’elle lui adresse avant de le laisser reprendre son cours. Et de retourner à ses poêles lorsqu’il leur annonce que le temps d’attente est écoulé. Si les autres ont l’air tout aussi concentrés qu’elle sur ce qu’ils font, elle se doute qu’ils n’ont pas tous le même objectif en tête. Les autres doivent s’efforcer de faire quelque chose de présentable ou même juste comestible tandis qu’elle se répète, au point que ça en devient une litanie, de ne pas mettre le feu. A ce stade, Cleo se fiche bien de la tête que son plat aurait et même du goût, il n’y a que le fait de ne pas mettre le feu à cette école qui compte.

A feu doux : le terme est assez simple, il dit bien ce qu’il veut dire. Et pourtant, Cleo galère. Alors sur quel bouton on appuie pour obtenir ce résultat ? Ils devraient distribuer des modes d’emploi qui expliquent comment faire fonctionner les plaques électriques à tous les gens nuls comme elle. Précautionneusement, l’écossaise appuie sur l’un ou l’autre bouton pour voir ce que ça donne. Et elle ne voit aucune différence, c’est super. Bon, il ne reste qu’à croiser les doigts pour qu’elle ait appuyé là où il fallait et se lancer. Ce qu’elle fait. Jusqu’ici, ça a l’air d’aller, un léger crépitement en provenance de la poêle se fait entendre et l’escalope commence tout doucement à changer de couleur. Et puis il y a les pâtes. C’est fou comme elle peut être multitâche dans son métier alors que là, elle est complètement dépassée. Sa poêle se met à fumer beaucoup mais elle ne voit pas de flammes, bien qu’elle se tienne prête à les étouffer si jamais. Tandis que Liam annonce qu’il est temps de passer au dressage, elle se rend compte qu’elle a laissé cuire trop longtemps. Ou bien le feu était trop fort, elle ne saurait dire mais au moins, son escalope a l’air hyper croustillante. Evidemment, elle n’essaye pas de faire d’efforts en ce qui concerne le dressage et tape le tout dans une assiette. Si les autres prennent des photos, elle non. Personne de sensé ne voudrait toucher à ça alors le voir en photo… de toute façon, elle n’a pas instagram. Au moins c’est fait.

« Hum, pas sûre que ça soit très indiqué dans ce cas-ci. » répond-elle lorsque Liam lui demande si elle est prête à renouveler l’expérience.

Autant se rendre à l’évidence, elle est douée pour les headshots dans les jeux vidéo, elle ne peut pas être douée pour tout.

Du coin de l’oeil, Liam a bien l’impression de voir Cleo se débattre avec le four. Il hésite un peu à aller l’aider : certains prennent cette intervention comme un affront, d’autres en sont vraiment soulagés, ça dépend vraiment des personnes. Il s’approche tout de même, ne serait-ce que par précaution - il serait dommage que ses cheveux roussissent davantage. Mais au final, elle semble s’en sortir toute seule, même si elle n’a peut-être pas le résultat escompté. Quoi qu’il en soit, le cours touche à sa fin et comme personne ne s’est blessé et ne s’est plaint, il estime que c’est déjà une réussite quelque part. Quant aux plats en eux-mêmes, il verra bien ce que ça donne (ou pas, d’ailleurs). Mais il tient à les rassurer en quelques mots et, quand il demande finalement à Cleo si elle se sent prête à renouveler l’expérience un de ces quatre, elle n’a pas l’air convaincue. Le jeune homme hausse légèrement les épaules. « Si j’ai bien compris, c’est la première fois que tu te lances dans quelque chose d’un peu élaboré, on va dire… Alors c’est plutôt pas mal, non ? » On ne peut pas vraiment s’attendre à un repas digne d’un restaurant, après tout. « Tu sais, quand j’ai voulu trouver la recette parfaite pour des cookies vegan aux pépites de chocolat, j’en ai raté, des fournées… Bon, on les mangeait quand même, mais je crois que j’ai dû tester plus d’une dizaine de recettes avant de trouver les doses parfaites. Enfin, tout ça pour dire que même avec des années d’école et d’expérience, on rate aussi des trucs. » Bon, souvent, ça reste mangeable, c’est seulement que ce n’est pas idéal ; mais ce n’est pas le point.

La plupart des élèves ont quasiment terminé de faire la vaisselle des plats et, en attendant, Liam a commencé à ranger ses affaires. Bien sûr, il doit attendre que tout le monde parte pour finir de tout remettre à sa place derrière eux, mais il fait déjà ce qu’il peut. Puis il passe à nouveau dans les rangées, répondant à quelques questions (certains veulent savoir pourquoi leur sauce n’est pas assez épaisse ou pourquoi leur escalope a l’air cramée par exemple), distribuant quelques compliments sincères, bref échangeant avec les uns et les autres leurs impressions et autres remarques. Quand il arrive au niveau de Cleo, le cuisinier émet une idée qui lui est venue en tête un peu plus tôt. « On devrait manger tous les quatre ensemble un de ces quatre, hein ? J’avoue que je connais pas vraiment Wesley parce que je suis assez largué au milieu de leurs conversations intellectuelles… Et aujourd’hui ça m’a fait plaisir de te rencontrer, alors je me dis que ça pourrait être sympa. » Une sortie en couple. Ça fait un peu vieux, c’est vrai ; mais après tout, il est peut-être temps d’accepter l’inéluctabilité de la chose. Tant que ça fait plaisir à tout le monde, c’est l’essentiel. « Enfin, si ça vous tente, je suis sûr que Lily serait contente aussi, donc tenez-nous au courant. »

Alors qu’elle trouve que c’est proche de la catastrophe, Liam semble trouver que le résultat qu’elle a obtenu est okay, lui… Mouais, Cleo resterait dubitative et surtout, elle ne forcerait personne à y toucher. Sauf peut-être son ou sa pire ennemi(e). Néanmoins, elle écoute ses histoires de cookies vegan ratés parce que ça a un petit quelque chose de rassurant, tout de même. Bien évidemment, on n’est jamais à l’abris d’une erreur même quand on s’y connaît mais il y a erreur et foirage total. Un petit sourire pas même moqueur étire ses lèvres.

« Ma foi, s’ils étaient un peu brûlés, ça ne pouvait en être que meilleur. »

Parce que c’est ainsi qu’elle les aime, presque durs à s’en casser les dents et surtout pas moelleux comme c’est à la mode ces derniers temps. C’est à se demander ce qui peut bien passer par la tête des gens par moment. Enfin bref, tout ça pour dire que les cookies brûlés, ça passe crème, tandis que les escalopes… rien n’est moins sûr. Puis elle laisse Liam répondre aux questions des autres, songeant une fois de plus qu’elle n’est définitivement pas comme eux étant donné qu’elle n’a pas la moindre question, de son côté. Mais qui sait, peut-être que certains se sont trouvé une nouvelle passion cet après-midi et auraient envie de remettre ça, eux.

Histoire de passer le temps, elle se met à ranger le bordel qu’elle a mis et nettoie son plan de travail ; c’est qu’elle a été bien élevée en dépit de ce qu’on pourrait croire. C’est alors que Liam revient vers elle pour lui proposer d’organiser une éventuelle sortie à quatre. Argumentant qu’il n’y comprend pas grand-chose quand sa femme et son mari se mettent à parler de choses intellectuelles. Allons, comme s’il était le dernier des idiots… et venant de Cleo, c’est un compliment : elle trouve tout le monde idiot, à quelques exceptions près. L’écossaise songe alors que ça serait pas mal awkward, un rencard en couple mais d’un autre côté, n’importe quelle rencontre avec un autre être humain est toujours incroyablement awkward pour elle alors pourquoi pas ? Puis ça devrait plaire à Wesley, lui il est plutôt du genre sociable.

« Seulement si c’est toi qui cuisines ! »

Quitte à avoir un chef dans son cercle d’amis plus ou moins proches, autant que ça serve.

Même si Cleo affiche une moue dubitative, elle semble néanmoins rassurée par les histoires de ratés de Liam. Elle sourit même en parlant de cookies brûlés et visiblement, elle les affectionne. C’est la première fois que Liam entend ça, mais il a l’habitude des clients aux préférences différentes, voire extravagantes. Il a déjà entendu des choses surprenantes, comme des demandes d’associations d’aliments soit qu’il n’aurait jamais envisagées, soit qui pour le commun des mortels sont tout sauf appétissantes. D’ailleurs, certains clients semblent se plaire à venir en cuisine pour faire des suggestions, voire leur apprendre leur métier : cuire plus le poulet, ou encore mettre de la moutarde à la place de la mayonnaise dans telle sauce, bref ce genre de choses. « Chacun ses goûts, on ne juge pas. » Même s’il prononce les derniers mots sous forme de plaisanterie, le jeune homme n’en pense pas moins. Les palais des uns et des autres sont différents, ce qui n’est pas plus mal. C’est peut-être même, quelque part, ce qui rend son travail intéressant. Encore mieux, il aime que tout le monde accepte ses choix alimentaires, alors il fait volontiers de même pour les autres.

En tout cas, tous les « élèves » présents semblent assez contents - pas forcément du résultat final, mais au moins de l’atelier en général. Un à un, ils le remercient et finissent par s’en aller en emportant leurs réalisations. Pendant ce temps, Liam passe derrière eux pour tout ranger. Ça ne devrait pas lui prendre trop de temps. Comme Cleo est la dernière à rester, il en profite aussi pour lancer une invitation au couple Carter. Il se dit que ce serait l’occasion non seulement de revoir la rouquine, mais aussi d’apprendre à connaître un peu mieux son mari que Lily semble apprécier. Toutefois, Cleo pose une condition, laquelle fait sourire le Néo-Zélandais. « Ce sera avec plaisir. Si vous avez des préférences, n’hésitez pas à me le faire savoir.  Il suffirait de passer commande, en fait. » Jetant des coups d’oeil autour de lui, Liam vérifie qu’il n’a rien oublié. Il passe un dernier coup d’éponge sur les plans de travail tout en échangeant quelques dernières paroles avec Cleo. Enfin, tandis qu’il ramasse ses bacs et elle sa nourriture, ils quittent la cuisine de la cantine pour se diriger ensemble vers le parking. « En tout cas, c’était un plaisir de te rencontrer, merci. Salue ton mari de ma part et bon retour chez toi ! »

« On ne juge pas » haha oui, c’est peut-être vrai en ce qui concerne Liam – sûrement même, il a l’air d’un jeune homme bien sous tous rapports -, mais ce n’est certainement pas le cas pour Cleo qui ne peut s’empêcher de juger tout et tout le monde. Très certainement son plus gros défaut, soit dit en passant mais bon, il est un peu tard pour changer. Puis encore faudrait-il qu’elle le veuille mais non, ça lui va parfaitement d’être ainsi. Bref, la rouquine saisit néanmoins la plaisanterie et répond par un sourire elle aussi alors qu’elle n’en pense pas moins. Puis, tandis qu’elle aide à remettre un peu d’ordre dans le désordre qu’elle a elle-même fichu, ils en viennent à parler d’une sortie entre couples. Voilà qui serait une première dans la vie de l’écossaise mais pourquoi pas ? Si ça peut faire plaisir à Wes… Ce n’est pas si souvent qu’elle se pose la question. Liam accepte alors volontiers sa condition en lui suggérant de passer commande. Le pauvre, il n’est pas au bout de ses peines sans même le savoir. Si elle est difficile, son mari l’est aussi. Enfin non, de son côté on parle clairement de mauvaise volonté : « je ne veux rien goûter de nouveau », un vrai caprice alors que de l’autre, il s’agit plutôt d’allergies et d’intolérances. Lui semble-t-il tout du moins. Enfin bref, oui, s’ils se décident vraiment à faire ça alors elle en parlerait avec Wes, qu’il puisse passer commande.

« Super alors, on fait comme ça. »

Puisqu’elle en a terminé avec le plan de travail qu’elle laisse à peu près dans le même état qu’elle l’a trouvé, Cleo peut à présent rassembler ses affaires et rentrer chez elle. Mais avant cela, il lui faut encore échanger l’une ou l’autre formule de politesse.

« Pour moi aussi. »

Ça, ce n’est pas tout à fait un mensonge pour une fois.

« Et autant de ma part. A la prochaine ! »

Elle lui adresse même un dernier signe de la main avant de sortir pour récupérer son vélo où elle n’a plus qu’à atteler tout ça. Franchement, elle aurait dû demander à Wes de passer la prendre mais il doit bosser à l’heure qu’il est puis elle devrait cesser de le prendre pour son chauffeur personnel et essayer de récupérer son permis de toute façon.