blinding lights → rafa

S’il y a bien un réalisateur avec lequel Vesper a toujours voulu travailler sans en avoir jamais l’occasion encore, c’est Spielberg. Pourtant, elle se serait totalement vue en soldat russe hyper vénère dans un décor de fond du dernier Indiana Jones, par exemple. Mais non, ça n’est jamais arrivé. Elle a eu la chance de bosser avec Tarantino, Mendes ainsi que d’autres grands noms d’Hollywood mais jamais avec Spielberg. Spielberg qui est en train de tourner son prochain film. Un remake de West Side Story aka la comédie musicale la plus cucul qu’on ait jamais vue mais c’est Spielberg. Et, bien qu’elle soit très mauvaise chanteuse et une piètre danseuse – enfin, ça va mais rien de professionnel -, elle se dit que bon, pourquoi pas tenter sa chance ? A priori, il aurait fallu qu’elle se déplace jusqu’à Los Angeles pour pouvoir auditionner mais il faut croire que la chance est de son côté puisqu’un de ses contacts l’a prévenue expressément que le réalisateur était actuellement en vacances à Wellington. Ce qui fait que la texane s’était un peu – beaucoup – renseignée à ce sujet. Oh bien sûr, pas au point de le prendre en filature comme la dernière des fans ou le pire des stalkers mais disons qu’étant elle-même du milieu, elle sait à qui s’adresser. Et ce qui en est ressorti c’est que Monsieur Jurassic Park organise une grande soirée dans sa villa à flanc de colline. Rien de public évidemment. Et Vesper n’a pas reçu d’invitation. Plus qu’à ruser pour s’y incruster, donc.

Et qui appelle-t-on lorsqu’on a envie de ruser ? Rafael Rodríguez, évidemment. Bien sûr qu’elle lui avait parlé de son plan, comme souvent, ça avait l’air de le brancher. Une chance qu’elle soit tombée sur un homme qui n’a pas de balai dans le derrière. Car ç’aurait pu être le cas avec un ancien militaire. Mais non, s’infiltrer dans une soirée privée en passant par-dessus la clôture en risquant de se faire mordre les fesses par des chiens de garde ne lui fait pas peur. Ce dont il faut profiter. Tant qu’ils ont encore la souplesse nécessaire pour escalader une palissade. Tout ça pour dire que, comme la soirée avait un thème et que celui-ci était les 70’s, la blonde a fait péter le mini-short pailleté doré ainsi que les lunettes à la John Lennon histoire de ne pas dénoter puis qu’elle avait sagement attendu que Rafa passe la prendre. D’ailleurs, maintenant qu’elle se retrouve planquée dans un buisson non loin de la villa, elle se rend compte que le short était une mauvaise idée. Tant pis, il faudrait faire avec les égratignures.

« On passe par là ou bien on attend que des invités se pointent et on les dragouille un peu pour leur subtiliser leurs invit’ ? »

Tu parles d’un super plan.

Il faut croire que ces derniers temps, Rafa était le pro des infiltrations, entre l'école et puis, maintenant ça. La seule différence, c'est que ce soir, il y a des gens et qu'il n'a pas besoin d'une tenue de voleur et d'une lampe poche, mais le tour n'est pas encore joué, ils ne sont pas encore dans le feu de l'action. Tout cela pour dire qu'il n'avait pas hésité à accepter la demande de Vesper, même si cela reste de la folie, mais remarque qu'entrer illégalement dans une école, ce n'est pas vraiment ce qu'il y a plus de classe à faire non plus. Maintenant quand on regarde tout cela de plus près, on pourrait croire que Rafael n'a rien de mieux à faire de sa vie que de commettre des infractions, même dans un centre-commercial avec Noomi, après la fermeture, mais ça, ce n'était pas vraiment de leur faute. Il pourrait presque écrire un livre sur ses aventures après la vie militaire, m'enfin, après ce n'est pas dit que cela se vendrait, mais peu importe, il préfère vivre pleinement les aventures et il ne recule jamais devant un défi, voilà pourquoi il est là et parce que Vesper a bien voulu l'avoir comme partenaire sur ce coup. Rafa est vêtu d'un pantalon blanc serré à pattes d'éléphant et d'une chemise en soie qui lui colle pratiquement à la peau, laissant même quelques boutons détachés, comme accessoire la ceinture à la grosse boucle dorée. Bref. « On passe par là et on fait comme si on était invité ? » Parce qu'une fois la garde sécurité passée, ils ne vont tout de même pas se faire demander les invitations, si ? Enfin, il espère bien que non, il n'y a qu'une façon de le savoir et c'est de foncer dans le tas. « Si ça ne fonctionne pas.. bah va falloir courir, je suppose. » Mais bon, on dit qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, alors, ça passe ou ça ne passe pas. Il aide la blonde à traverser la palissade et Rafael la rejoint de l'autre côté, encore une fois, avoir fait l'armée, ça quand même des avantages, même si ce n'est pas vraiment dans son intérêt. Quoi qu'il en soit. « On se la joue comment ? On se dirige directement vers Spielberg ou attend le bon moment ? » La question est: quel est le bon moment pour ça ?

Vesper n’en a jamais douté : Rafa est le partenaire idéal pour ce genre de missions. Il est le partenaire idéal pour bien d’autres choses encore mais quand son imagination s’emballe et qu’elle se croit dans un Mission : Impossible, il est là pour la rappeler un peu à l’ordre. Notamment en lui rappelant qu’il est inutile de blesser ou de voler qui que ce soit dans cette affaire. C’est pas faux. D’autant que, s’ils se faisaient choper, ça ferait déjà quelque chose qu’on ne pourrait pas leur reprocher. Le fameux « oui mais personne n’est mort, monsieur le juge » qui fait bien. Va pour sauter la palissade et se fondre dans la masse ensuite, alors, les doigts dans le nez. La texane aurait pu sauter d’un seul bond au sommet de ladite palissade mais elle laissa Rafa l’aider. Teamwork. Une fois de l’autre côté, il n’y a pas besoin de courir ; pas de Doberman à leurs trousses, personne ne s’est aperçu de rien, pas même un serveur qui passe par-là et qui a l’air drôlement captivé par l’écran de son téléphone portable. Tant mieux, ça leur épargnerait quelques billets pour acheter leur silence. Là-dessus, ils discutent un peu de ce qui convient de faire. La blonde fouille donc le jardin des yeux. Des invités en veux-tu en voilà ; certaines stars mais pas que, également le commun des mortels. Pour peu que le montant de leur compte en banque se monte à au moins six chiffres, évidemment. Vesper aimerait se tromper sur le fait que les riches aiment passer du temps et faire la fête entre riches mais elle connaît trop bien Hollywood pour savoir qu’elle ne se trompe pas le moins du monde.

Mais bref, focus ; pas de Spielberg à l’horizon. La première étape est donc de mettre la main sur lui. Puis de l’isoler. Enfin, juste le temps d’avoir une petite discussion avec lui et de s’assurer qu’il écoute bien, pas trop longtemps, sinon quelqu’un pourrait s’apercevoir de son absence et avertir les gardes.

« Déjà, il faut qu’on le trouve. On va faire un tour au bord de la piscine, si on l’y trouve pas, on entre dans la villa. »

Et là, la texane aurait aimé en avoir un plan même si elle avait la salle de projection comme cible. Encore que, s’il s’agit d’une villa de location, il n’existe peut-être pas de salle de projection.

« On part chacun d’un côté puis on se retrouve de l’autre côté ? »

C'est vrai qu'avoir ses propres invitations, cela aurait peut-être été mieux, mais si ça se trouve, ce sont tous des invités super connus et que tout le monde se connaît assez bien pour savoir qu'ils ne sont ni madame Smith, ni monsieur Smith. Bref, ils allaient d'abord tenter la première technique, se fondre dans la masse et se mélanger aux autres, pourvu qu'ils ne ressortent pas de là, par la force. Rafael était en train de se dire qu'il aurait préféré enfiler un pantalon plus confortable, qui ne le démange pas, mais il est trop tard pour se changer et il allait devoir s'y faire, ça gratte un peu en bas du ventre, mais également au niveau des cuisses, ce n'est sûrement pas un très bon tissu, mais à la vite fait, c'est tout ce qu'il a pu se procurer et qui lui faisait à peu près bien et qui fonctionnait pour le thème de la soirée. « Ça marche, on fait comme ça. » Il regarde alentour, pour être honnête, il n'est pas vraiment à l'aise, il a beau avoir une grande maison sur le bord de la plage, ça ne fait pas de lui un bourgeois, ce n'est pas un actionnaire, il n'est pas né avec une cuillère en or dans la bouche, il s'est débrouillé tout seul, il s'est battu pour son pays et oui, l'armée paie très bien les services rendus, mais n'empêche, que c'est mérité. Tout ça pour dire qu'il préfère être avec des gens qu'il connaît bien et qui ne se la pète pas. Rafa part de son côté, il regarde un peu partout, pas de Steven Spielberg dans son champ de vision. Il s'apprête à rebrousser chemin, mais une femme, probablement la cinquantaine ou plus, entourée de ses potes aux bijoux extravagants. « Excusez-moi, jeune homme, on ne s'est pas déjà croisé ? » Déjà, il ne se considère pas comme un jeune homme, mais bon, ça doit sûrement dépendre de l'écart d'âge, il suppose. « Non, cela m'étonnerait. » Mais la dame insiste, posant sa main sur son épaule, le scrutant bien. « Mais oui, c'était au club, à l'anniversaire de ma petite-fille, vous étiez vêtu d'une tenue bien légère. Faites-nous donc une petite danse, Jorge ! » Qu'elle dit en gloussant, avec ses copines. Il secoue la tête. « Désolé, j'ai pris ma retraite ! » Il s'éclipse rapidement pour retrouver Vesper, bousculant sans le vouloir des personnes, heureusement, personne ne prête attention au fait qu'il soit pressé. « Bon, pas de Spielberg, mais un groupe de femmes me prennent pour un danseur barbu qui offre des danses érotiques. J'espère que tu as plus de chances de ton côté ! » Il remarque les dames en question le relook, mais continuant de rire. « Elles voulaient que je danse ! »

Ainsi fut validé le plan de Vesper. De plus, ça leur permettrait de se fondre d’autant mieux dans la masse. La blonde prend à droite et laisse Rafa s’occuper de la rive gauche de la piscine. Tandis qu’un serveur passe à côté d’elle, elle se saisit d’une coupe de champagne et d’un petit-four. Voilà, on est tout de suite plus dans l’ambiance. Et commence à sonder la foule du regard. De têtes connues, d’autres beaucoup moins. Est-ce qu’elle ne vient de croiser Tom Cruise ? Son petit cœur d’adolescente se serre. Fut un temps où elle était fan. Beaucoup moins maintenant mais ça fait tout de même quelque chose. Cependant, elle n’est pas là pour ça mais pour trouver Steven. Ce bon vieux Steven qui a organisé cette petite sauterie mais qui ne se trouve pourtant pas parmi les convives.

« Ça alors, Vesper Vane, toi ici ! »

Oups, grillée. La texane se fige, va même jusqu’à faire la grimace avant de se tourner vers la voix. Le tout premier agent qu’elle avait eu en débarquant à Los Angeles : Al Marston, une espèce de vieux libidineux qu’il fallait constamment remettre à sa place. Il venait du Nevada, se vantait d’avoir un jour serré la main de Sinatra – c’est dire comme il est vieux -et était convaincu que ça lui donnait tous les droits. Vesper s’en était accommodée durant des années car il n’aurait jamais osé lever la main sur elle mais elle avait connu des filles qui n’avaient pas eu cette chance.

« Tiens, salut, Al. Je pensais que les maisons de retraite avaient un couvre-feu. »

On peut dire qu’ils sont restés en froid tous les deux et qu’elle n’a jamais eu peur de lui dire sa façon de penser. D’ailleurs, elle ne souhaite pas vraiment s’attarder et le lui fait comprendre en tournant les talons.

« - C’est étrange, je pensais que cette soirée était réservée aux proches de Steven. Je ne te savais pas dans ses petits papiers.
- Il y a un tas de choses que tu ignores, Al. »

Cette enflure doit bien se douter qu’elle n’a rien à faire là et cherche encore à en profiter mais si elle parvient à disparaître parmi tous ces gens, il n’y a pas de raison qu’il appelle les chiens de garde de Spielberg. La jeune femme s’enfuit donc au plus vite pour retrouver Rafa comme convenu, de l’autre côté de la piscine. Qui lui raconte qu’il n’a pas croisé le réalisateur mais une bande d’hystériques qui voulaient qu’il danse pour elle. Dévêtu, manifestement.

« Sérieux ? Mais qu’est-ce que tu leur as répondu ? »

Parce que si elle avait été à leur place, elle aurait très certainement un peu insisté. Le sourire qui s’était dessiné sur ses lèvres s’efface assez vite.

« En revanche, j’ai une mauvaise nouvelle. J’ai croisé mon ancien agent qui se doute qu’on a rien à faire là alors j’espère qu’il ne va pas tout faire capoter. Le mieux c’est qu’on reste en mouvement pour qu’il ait plus de mal à nous trouver. »

Il n'avait pas du tout prévu qu'on le prendrait pour une sorte de chippendale, maintenant qu'il repense à cette scène, c'est plutôt drôle, mais irréaliste aussi, parce qu'il n'a pas la taille d'un stripteaseur, ni la tête en fait, c'est surtout cela, il ne ressemble à rien à un gogo. Enfin, il s'empresse de rejoindre Vesper, histoire qu'ils en finissent au plus vite, il n'a pas tellement envie de retomber sur ses folles qui veulent à tout prix le voir se déhancher et danser. Il vaut quand même mieux que cela, même si c'est pour faire plaisir à des femmes sûrement en ménopause, il n'ira pas jusque là. « Que je n'étais pas l'homme dont elles parlaient ? Elles avaient quand même l'air super convaincu que c'était moi le type qui avait dansé à l'anniversaire de sa petite-fille, il faut croire que j'ai une sorte sosie qui se balade dans les rues de la Nouvelle-Zélande. » Il hausse les épaules et il espère ne pas tomber sur cette personne, ce qui l'étonnerait bien évidemment, car il ne fréquente pas les bars à danseurs, d'ailleurs, ni même les danseuses. « Ah, merde. Allons voir à l'intérieur ? » Peut-être que le réalisateur est toujours à dedans, en train de savourer un cocktail ou même un café, à vrai dire, il ne connaît pas ses goûts, mais quoi qu'il en soit, ils se faufilent à travers la foule pour éviter le fameux agent et entrer à l'intérieur de la maison, le seul hic, c'est qu'il n'y a personne à première vue, donc, on va supposer qu'ils ne devraient peut-être pas être là. Ils passent par la pièce la plus proche, la grande cuisine de monsieur Spielberg. « Il est peut-être à l'étage ? Tu crois qu'il va appeler sa garde rapprochée s'ils nous voient dans sa maison ? » Il vaut quand même mieux qu'ils ne se retrouvent pas avec une interdiction de l'approcher, ça serait bête. Il regarde un peu partout, pour l'instant, aucun signe de son côté, la maison est plutôt grande, ils vont bien finir par tomber sur le réalisateur, enfin, avant qu'ils se fassent jeter dehors de la propriété.

A l’évocation de cette bande de quinqua – voire plus – réclamant une danse suggestive à Rafa, Vesper ne peut que rire à gorge déployée. D’un côté c’est rassurant de voir que même avec le temps on ne perd pas le nord et de l’autre, elle est pour le moins intriguée par le double maléfique de son petit ami qui propose des danses exotiques pour l’anniversaire de petite jeune. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a envie de voir ça !

« Ça serait marrant qu’on le croise un jour par hasard ! »

A moins que ça ne soit malaisant pour lui, ce qu’elle pourrait tout à fait comprendre. Si l’idée ne lui plaît pas, elle fera des recherches de son côté. Pas pour avoir un prétexte pour aller mater des strip-teasers, ça n’a jamais vraiment été son truc puis elle a donné avec les Enfants de la Lune car il faut savoir que les hippies, ça se balade en espèce de toge ou alors à poil la plupart du temps. Ce qui avait autrefois posé un léger souci à la texane. Pas qu’elle soit complexée ou quelque chose de ce genre mais elle était tout de même un rien plus pudique en ce temps-là.

Bref, phase 2 du plan : aller voir à l’intérieur. Vesper hoche la tête et suit Rafa dans cette immense cuisine qui fait à peu de chose près la taille de l’entièreté de sa maison, ça en donnerait presque le tournis. Tout ça pour s’apercevoir qu’il n’est pas là. Rafa suggère alors qu’il est peut-être à l’étage et la blonde fait la grimace. Ce n’est pas la première fois qu’elle se rend à ce genre de soirée et presqu’à chaque fois, il se passe des choses qu’elle n’a pas spécialement envie de revoir de sitôt dans les chambres et les salles de bains. Vous auriez tort de de croire que tout n’est que glamour et paillettes à Hollywood.

« J’espère pas. On va plutôt croiser les doigts pour qu’il y ait une salle de projection au sous-sol et qu’il s’y trouve. On gardera l’étage pour la fin. Et en théorie non, il y a trop de monde ici pour qu'il sache qu'on n'est pas censés être là. »

Il ne reste donc plus qu’à le trouver, ce fameux sous-sol. Les serveurs vont et viennent entre la cuisine et la piscine et elle en intercepte un au passage pour lui demander s’il a vu le réalisateur. Non. S’il sait s’il y a un sous-sol. Oui mais il ne se rappelle pas de quelle porte y mène. Bon, elle en ouvre plusieurs au hasard avant de tomber sur la bonne. Et bonne nouvelle, on entend une bobine tourner là en bas.

À vrai dire, il ne sait pas trop comment il pourrait réagir face à l'homme, ce serait vraiment étrange quand même, mais bon, tant en réalité, ils ne se ressemblent pas du tout et les femmes sont un peu pompettes et s'imaginent des choses qu'elles ne devraient peut-être pas, bien évidemment, c'est l'option qu'il préfère, qu'elles pensent que c'est lui, alors qu'en réalité, pas du tout, deux personnes qui ne ressemblent aucunement, peut-être juste un barbu ou un homme hispanique ? Quoi qu'il en soit, il passe un peu trop de temps sur la question, il chasse cette idée de la tête pour penser à la raison pour laquelle ils sont présents dans cette soirée, pas du tout hollywoodienne, pas le genre d'endroit qu'il aime être, il a beau avoir une maison sur le bord de la plage avec une belle piscine, tout ça, ce n'est pas lui, soirée cocktails et petits fours, d'ailleurs, la plupart ont tous l'air d'avoir un balai bien coincé, là où la lumière ne brille jamais. Maintenant qu'ils sont à l'intérieur, manque plus qu'à trouver le réalisateur, enfin, encore faut-il qu'il y soit et encore, faut-il qu'il soit accessible aussi. Les sous-sols, ils ont pas mal donné la dernière fois, ça remonte, mais ça marque les esprits, du coup, il espère qu'ils ne vont pas monter sur une autre scène du genre, surtout que même s'ils ne sont pas à Hollywood, certaines choses se passent, peu importe l'endroit où ils se trouvent, mais passons, ils sont censés trouver Spielberg et c'est ce qu'ils vont faire. Une fois au sous-sol, Rafael voit la tête du réalisateur et il ne sait pas pourquoi, mais il se met à parler en espagnol, un peu de nervosité devant cette grande vedette. « Hola, cómo estás ? » Et maintenant, il va croire que c'est un pauvre serveur mexicain qui s'est perdu dans la grande baraque dans laquelle ils se trouvent, aussi, il est ni l'un ni l'autre. Il secoue doucement la tête, il reprend ses esprits pour parler plus calmement. « Bonjour, monsieur Spielberg, veuillez me pardonner pour cette intrusion, mais voici Vesper Vane, c'est la meilleure cascadeuse, vous n'en trouverez pas une autre comme elle. » Il faut bien qu'il vante sa copine, maintenant, c'est à elle de jouer.

Vesper suit Rafa dans le dédale des couloirs du sous-sol de la villa jusqu’à ce qu’ils croisent la route du fameux réalisateur. Comme ça, au détour d’un couloir. Celui-ci n’a pas l’air pressé ni affairé, un peu comme s’il voulait montrer sa dernière œuvre à certains de ses amis mais qu’il a préféré prendre un peu de recul afin de mieux observer leurs réactions. Un brin impressionnée tout de même, la texane ouvre la bouche pour dire quelque chose mais la referme bien vite. D’abord parce qu’elle a un peu de mal à trouver les mots mais ce n’est apparemment pas le cas de Rafa qui s’exprime alors dans sa langue natale. C’est un peu médusée qu’elle le dévisage. Parce qu’elle ne s’y attendait pas le moins et sûrement pas parce que ça lui paraît déplacé. Ce qui serait vraiment surréaliste comme scène maintenant, ça serait que Spielberg réponde à son tour en espagnol. Pourtant, elle est à peu près sûre qu’il le peut. Après tout, la plupart des américains ont de vagues notions de cette langue, ne serait-ce que pour pouvoir ordonner à leur bonne à tout faire de récurer les sols un peu mieux que ça, n’est-ce pas ? Puis dans le cas du réalisateur, il faut tout de même bien qu’il sorte deux ou trois mots dans la langue des pays où ses films sortent et qu’il visite, ça fait toujours bien.

Un sourire se peint sur le visage de Spielberg et Vesper peut à nouveau respirer. C’est qu’elle a douté l’espace d’une fraction de seconde qu’il n’appelle réellement la sécurité et que c’en soit fini de leur petite escapade en amoureux mais non, tout va bien. Et Rafa la présente alors comme la meilleure cascadeuse qui soit. C’est qu’il est si mignon quand il veut. Peut-être pas tout à fait dans le juste mais adorablement mignon tout de même. Et ça lui donne la confiance en elle nécessaire pour prendre la parole à son tour.

« - Oui, on est vraiment désolés de s’être invités à votre petite fête mais quand j’ai su que vous veniez en Nouvelle-Zélande, je me suis dit que c’était une occasion on ne pas manquer. Comme Rafael vient de le dire, je m’appelle Vesper Vane et je suis…
- Cascadeuse ? Celle qui a travaillé avec Quentin il y a quelques années, c’est ça ? »

Incroyable, elle ne se doutait pas qu’il aurait entendu parler d’elle parce qu’elle n’était pas la seule à avoir travaillé avec Quentin Tarantino, il y a également Zoe qui a réussi à se faire un nom, elle. La blonde opine du chef, les joues un peu rosies. Il balaye leurs excuses d’un geste de la main et ajoute :

« Vous êtes les bienvenus. Venez assister à la projection ! »

Ça alors, si on lui avait dit que cette soirée se terminerait de cette façon, elle n’y aurait jamais cru !

Heureusement, tout semble bien se passer, ils ne se sont pas fait mettre dehors de la propriété, parce que Rafael avait décidé de s'exprimer en espagnol, ce qui aurait été un peu offusquent, d'ailleurs, lorsqu'il est arrivé à Island Bay, il ne parlait qu'avec cette langue, rencontré Nathan, c'était conserver sa langue, ainsi qu'avec sa famille, qui depuis, est retournée en Colombie pour vivre leurs derniers jours, d'ailleurs, c'est un peu grâce à Penali, qu'il a pu apprendre mieux l'anglais et communiquer avec les autres. Quoi qu'il en soit, c'est toujours utile pour insulter les gringos de ce monde et même lorsqu'il se frappe le petit orteil, mierda lui vient toujours en premier. Pour l'heure, il avait décidé de faire profil bas pour laisser Vesper se charger de la suite, après tout, même s'il venait de faire des éloges à son sujet, c'est surtout elle qui doit en mettre plein la vue face au réalisateur. Pendant ce temps, il regarde la salle, qui est plutôt grande pour un seul homme, il y a quelques sièges, comme dans un véritable cinéma, c'est vrai que c'est plus confortable que de simples chaises en bois, d'ailleurs, cela lui fait penser qu'il doit toujours aménager sa salle de studio, maintenant qu'il a fait l'acquisition d'une nouvelle guitare et d'un piano, elle a besoin d'un nouveau regard et il a déjà quelques idées pour cela. Bref, ce n'est pas le sujet pour le moment, il revient vers eux, il était seulement à quelques pas d'eux, il y a Spielberg qui leur propose d'assister à la projection, ça, ça ne se refuse pas et puis, combien de personnes peuvent se vanter d'avoir regardé un film aux côtés d'un des plus grands ? Sûrement pas beaucoup, du moins, pas du côté du commun des mortels comme eux. Il hoche la tête, ils prennent place, c'est quand même intimidant, mais ça se passe bien durant le reste de la soirée, ils terminent la journée en beauté, il n'y a pas à dire.