Blowin with the wind of change (+) Livia & Teddy

Se tenant à l’une des fenêtres du loft pour regarder à l’extérieur, Teddy pousse un léger grognement. Il ne fait pas beau, mais alors pas beau du tout. Et ça n’arrange pas du tout ses affaires, parce qu’il s’apprête à sortir. Il n’a pas envie d’attraper son téléphone portable pour décaler ce rendez-vous. Parce que ce rendez-vous, c’est un rencard, du moins l’espère-t-il. Ce n’est pas le premier rendez-vous qu’il a avec elle, mais il y tient. Alors comme elle n’a pas envoyé de texto pour annuler, il retourne dans sa chambre pour se préparer. Comme c’est un habitué des rencards, il sait à peu près comment s’habiller. Ce qu’il appréhende le plus avant d’arriver au point de rendez-vous, ce n’est pas sa tenue ni même la météo, mais bel et bien ses colocataires. Il espère bien échapper à leurs questions, parce que c’est bien connu, les meilleurs amis sont les champions pour s’embêter entre eux. Lui-même n’y manquait pas quand c’étaient les autres qui avaient des projets un tant soit peu romantiques. Mais bien entendu, il voudrait bien y couper. Il réussit même à les éviter, élevant la voix pour annoncer qu’il est de sortie ce soir. Mais s’il est soulagé de se retrouver en-dehors du loft, il déchante vite. Parce qu’il pleut littéralement des trombes. Parce qu’il est hors de question qu’il se balade avec un imperméable, il trouve que ça lui donne l’air débile. Et parce que dans sa précipitation à ne pas croiser l’un de ses meilleurs amis, il a oublié d’emporter le seul parapluie qui n’est pas rose dans le loft. Et dans le centre-ville, les rues sont exclusivement piétonnes. Il a donc l’air bien stupide, à attendre une accalmie.

Puis il se rend compte qu’il ne pourra pas y couper, alors il se lance. Il court, il se mouille, il tente de rester le plus possible à l’abri des boutiques ou des arbres, il manque de trébucher une bonne demi-douzaine de fois. Et une fois arrivé dans un des petits restaurants du centre-ville, il n’a pas fière allure. Un peu dépité, il essaye de se sécher près du radiateur. La serveuse lui adresse un sourire, ils étaient dans la même classe au lycée. En fait, il a l’habitude de venir ici. C’est l’un des restaurants qui n’appartiennent pas à une chaîne, c’est un local d’Island Bay qui l’a fondé et c’est l’un de ceux que Teddy préfère. Il espère que ce sera aussi le cas de son invitée. Mais avant tout, il espère qu’elle sera là tout court. Parce qu’il se sent un peu bête, à l’attendre comme ça. Une fois qu’il se sent à peu près présentable, il se laisse conduire à l’une des tables du fond. Il commande à boire et patiente encore quinze bonnes minutes, commençant à se dire qu’elle lui a posé un lapin, avant de la voir arriver. Et il sourit immédiatement, se levant pour l’accueillir. « Je suis désolé, j’aurais peut-être dû annuler… Dire que j’avais prévu une sortie en plein air de base. Ce sera pour une prochaine fois. » Parce que si ça se passe bien, il espère qu’il y aura une prochaine fois. « Tu as dû laisser ta voiture loin d’ici ? En tout cas, que ce soit parapluie ou imperméable, tu as été plus prévoyante que moi. » Il la laisse s’installer avant de lui tendre la carte des boissons. « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? »

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La météo avait décidé que la journée serait pluvieuse et son lapin avait quant à lui, décidé que sa maîtresse n'irait pas à cette soirée dans cette belle robe, de petits trous un peu partout dans le bas de sa robe, mais également sur le bustier. Elle lui en voulait, mais en même temps, comment en vouloir à une bête aussi innocente et puis, même si elle préfère les tenues plus simples et moins encombrantes, Liv n'abandonnait pas pour autant, laissant de côté celle-ci, pour en prendre une autre, parce qu'il faut être prête à toute éventualité, même si elle n'aime pas les rendez-vous galants, préférant les lieux tels que les bars ou les boîtes de nuit, mais sa maman lui a dit qu'il est temps qu'elle fasse des rencontres avec des gens plus matures et par mature, tout ce qui n'est pas Colt. Quoi qu'il en soit, elle était enfin prête à quitter les lieux, mais avant cela, elle demanda l'avis à sa colocataire, qui semblait approuver le choix et lui souhaitant bonne soirée. C'est en quittant la maison et à se rendant à sa voiture, que la jeune femme s'est rendu compte de cette nervosité qui venait de complètement l'envahir, le téléphone à la main, prête à annuler, cherchant même un prétexte bidon, elle reposa finalement son portable. Après tout, ce n'est que la deuxième fois qu'ils se voient, la première fois, elle n'était pas aussi stressée, mais c'est sûrement parce qu'elle a l'habitude que cela se termine après une soirée, elle prolonge rarement les relations d'un soir, bien que cette fois-ci, tout était différent, aucun contact physique, que des échanges entre deux adultes. Elle secoue doucement la tête pour reprendre ses esprits, elle repense à sa première robe, puis elle regarde à l'extérieur, la pluie ne cesse pas, loin de là, finalement, c'était une bonne idée d'avoir abandonné l'autre qui était d'une couleur pâle, assez pâle pour que l'on puisse voir à travers sous cette averse. D'ailleurs, l'avantage pour la brune, c'est qu'elle venait en voiture et qu'elle n'avait donc pas besoin de parcourir la ville pour se rendre au rendez-vous et puis, ce n'est pas la pluie qui arrête Livia, sinon elle serait déjà sous pieds sous terre si elle commençait à se soucier de tout et de rien.

Une fois au centre-ville et garée pas loin du restaurant, elle jette un dernier coup d'œil dans le rétroviseur avant de se dépêcher à entrer à l'intérieur de l'établissement, elle frissonne légèrement face aux gouttelettes sur sa peau, qu'elle s'empresse de se débarrasser avant de parler à la femme qui l'accueille et qui la conduit à la table où se trouve déjà Teddy. Elle sourit, puis rit face à ses propos. « Ce n'est pas si pas mal dehors ! » Qu'elle dit pour plaisanter un peu. Elle sourit à nouveau et elle s'installe enfin sur sa chaise, prenant quelques secondes pour trouver le bon confort. Elle n'est pas mécontente d'être là, plutôt qu'à l'extérieur en train de suer ou tout simplement sous cette pluie incessante. « Non, pas très loin et toi, tu es arrivé ici comment ? » À en juger par son allure, sûrement pas en voiture, mais elle se trompe peut-être. Livia prend la carte, son regard se glisse sur la catégorie des bières, ce qui la laisse hésitante, lui remettant plutôt la carte, il doit probablement mieux s'y connaître en vin. « Tu sais quoi ? Je te fais confiance, je ne suis pas difficile en alcool. » Elle lui adresse un sourire avant de regarder alentour d'eux, des couples plus âgés, un homme plus vieux avec une femme plus jeune, ou étonnamment, même le contraire et des gens qui sont venus en solitaire, un peu de tout. « Tu avais vraiment prévu une journée plein air ? » Qu'elle lui demande, une fois qu'elle s'est concentrée sur lui.

Le trentenaire n’a pas l’habitude d’être à l’heure, mais il a essayé de faire un effort pour une fois. Et c’est peut-être quand même un problème lors d’un rencard, surtout si l’autre personne ne s’est pas encore manifestée à l’heure donnée. Teddy espère que ce sont seulement les aléas de la météo qui ont retardé la belle brune. Alors il se sent vraiment soulagé quand il la voit apparaître. Pourtant, c’est loin d’être son premier rendez-vous avec une jeune femme. Mais il ne sait pas pourquoi, il se sent un peu nerveux. « J’ai juste envie d’une bière pour l’instant. Mais si je peux me permettre, rayon cocktails, il paraît que les Pina Colada sont très bonnes ici. » Il préfère ne pas préciser que s’il a souvent eu l’occasion de manger avec des filles ici, c’était avec ses meilleures amies. Sa proximité avec Alexie, Hannah et Luana en a souvent refroidi plus d’une. « J’ai juste marché. Je n’habite pas très loin d’ici, en colocation dans un loft. » Après avoir fait signe à la serveuse, il commande leurs boissons avant de se concentrer à nouveau sur Livia. « Oui. J’adore être à l’extérieur et je manquais pas d’idées, d’ailleurs. Mais je t’en dis pas plus, comme ça, tu seras peut-être assez curieuse pour accepter de m’accompagner à un autre rendez-vous. » Il lui adresse un sourire. Il la trouve absolument renversante, même s’il n’ose pas encore le lui dire, du moins pas comme ça. Il faut dire qu’il ne se sent pas encore totalement à l’aise avec elle. C’est seulement leur deuxième rendez-vous, après tout. Mais après tout, le courant passe plutôt bien entre eux. En fait, ils ont même passé une très belle soirée ensemble, la dernière fois.

Le Tremblay remercia la serveuse qui leur avait apporté à boire en même temps que le menu. « Est-ce que tu as déjà mangé ici ? Sinon, si tu hésites, leurs spécialités sont bien signalées. » Il jette un coup d’oeil à la carte, même s’il est à peu près certain de son choix. Même s’il aime tester de nouvelles saveurs, c’est aussi un homme d’habitudes. Alors une fois que Livia a fait son choix, il commande pour lui-même du gigot d’agneau avec des patates douces au four. « Alors, raconte-moi. Comment s’est passée ta semaine, depuis la dernière fois qu’on s’est vus ? » Il est décidément très intrigué par ce bout de femme bourrée de charme. Lors de leur premier rendez-vous, ils ont pas mal parlé de l’un et de l’autre et il a notamment appris qu’elle est mécanicienne, ce qui l’a impressionné. Loin de lui l’idée de vouloir être macho, mais il a grandi dans une famille plutôt traditionnelle même si sa soeur et lui ont fini par dévier du chemin originellement prévu par leurs parents. « En tout cas, je suis bien content que le mauvais temps n’ait pas été là toute la semaine. Il y a encore beaucoup de touristes qui sont là exclusivement pour profiter de l’océan et j’ai donné pas mal de cours de surf cette semaine, dont deux ou trois qui sont déjà assez bien avancés dans ce domaine. D’ailleurs, tu devrais venir faire un tour, un de ces quatre. Si ça t’intéresse, je te montrerai deux ou trois trucs après mes heures de boulot. »

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Livia ne pouvait pas demander mieux, elle préfère la bière, sa réponse la fait donc sourire. « Une bière, c'est parfait pour moi. » Parce qu'elle n'est pas très Piña colada ou encore Cosmopolitan, elle préfère quand c'est sans mélange, mais elle aime également le whisky ou encore la vodka, c'est même une habituée au point d'avoir une certaine résistance, en tout cas, plus que la moyenne des femmes, parce que ça finit toujours par lui donner mal au crâne. Elle hoche la tête, elle vit aussi en colocation, mais elle, c'est parce qu'avec son salaire, elle n'arrivait plus à tout payer à la fin du mois, il ne lui restait plus grand-chose pour s'amuser, argent qui s'envole souvent dans des soirées au bar, mais bon, elle va éviter de mentionner ce petit détail qui pourrait lui faire croire qu'elle est alcoolique et qu'elle n'a aucune joie de vivre. « Sache que je n'aime pas les surprises, ce qui est étonnant quand on sait que je n'aime pas tout prévoir à l'avance. » C'est vrai que tout prévoir à l'avance, ce n'est pas son truc, elle pourrait oublier la moitié des choses à faire, puis les surprises, c'est différent, ils ne sont pas tous à la hauteur. « Mais je suis certaine que ça sera super comme activité ! » Qu'elle s'empresse d'ajouter.

« Non, jamais, je n'ai pas l'habitude de ce genre d'endroit. » Ce n'est pas la première chose qu'elle s'offre lorsqu'elle reçoit son salaire, elle préfère les choses plus simples, donc, pas les restaurants chics, c'est plus une première qu'autre chose, les autres occasions, c'était parce qu'elle avait été invitée par la famille pour une occasion banale comme un anniversaire de mariage, puis rare les fois qu'elle acceptait de s'y rendre, elle n'est pas très proche d'eux, excepté de sa mère. Elle commande le poulet de cornouailles rôti dans le jus de cuisson, qui est accompagné par les légumes de saison, elle remet le menu à la serveuse avant d'attraper son verre de bière pour en boire quelques gorgées. « C'était plus calme comme semaine. J'ai travaillé, j'ai fait des soirées cinémas avec ma colocataire et avec mon lapin. » Oui, bon, cela peut paraître ridicule, mais elle n'a ni chien ni chat et c'est peut-être mieux ainsi, elle n'a pas le temps pour cela, ni la patience d'éduquer un chien. Tout ça pour dire que sa semaine n'a pas été très mouvementée. « Et ça va me coûter combien ? » Elle rit légèrement, même si elle connaît sûrement la réponse, c'est surtout pour le taquiner. Elle serait ravie de pouvoir tenter le coup avec une planche à surf. Elle pose son verre sur la table, pour éviter de tout boire, préférant y aller plus lentement sur la boisson, les assiettes qui arrivent à la table après un moment. « Bon appétit ! » Dit-elle en français, ce qui n'a rien de sorcier à dire. Elle prend une première bouchée, s'attardant surtout sur le poulet, bien que les légumes ne soient pas mauvais. « Je peux savoir ce qui t'a poussé à demander un deuxième rendez-vous ? Dis, tu n'es pas un sadique qui aime les jeux malsains par hasard ? » C'est peut-être ce qu'elle aurait dû demander la première fois, mais comme dit, elle ne va pratiquement jamais au-delà du premier rencard. Elle est franche, mais elle est également curieuse de savoir et elle espère qu'il sera tout aussi honnête qu'il semble l'être.

« On va essayer de faire en sorte que ce soit une bonne surprise, alors. » Il n’a pas la prétention de lui donner le goût aux surprises, mais il préfère ne pas en parler pour l’instant. Si la soirée ne se passe pas comme il voudrait, c’est probablement inutile de continuer à y penser pour l’instant. Alors il préfère se concentrer sur le moment présent, même si ça ne l’empêche pas de lui proposer d’autres choses parce que ce qu’il est trop spontané pour ne pas partager une partie de ses idées. « Dis-moi un peu, qu’est-ce qui te branche, comme activités ? Quels sont tes hobbies ? » Si elle-même n’aime pas les surprises, il est certain qu’elle est pleine de bonnes surprises. En fait, ça fait longtemps que Teddy n’a plus pris plaisir à apprendre à connaître quelqu’un comme ça. Ce n’est pas comme s’il n’a pas l’habitude des rencards, pourtant. Mais d’habitude, c’est assez vite expédié. Sauf que là, il a envie que ça se prolonge. Mais il ne sait pas s’il s’y prend très bien. Il prend simplement de ses nouvelles et il apprend qu’elle a passé une semaine calme. C’est aussi son cas, même si avec trois colocataires et deux autres personnes qui débarquent si souvent qu’on a l’impression qu’elles vivent là aussi, le mot calme prend un sens tout relatif. « Un lapin ? J’ai jamais eu d’animaux et j’aimerais bien avoir un chien, mais je sais même pas si je suis prêt à m’en occuper. Un lapin, c’est mignon aussi et ça doit demander moins de temps. » Il reprend son verre en se disant qu’avaler une ou deux gorgées l’empêchera peut-être de débiter ce qui, après coup, lui paraît horriblement banal.

« Ça te coûtera un autre rendez-vous avec moi, alors c’est gagnant-gagnant, tu trouves pas ? » Il lui adresse un nouveau sourire. « Tu es déjà montée sur une planche de surf ou ce serait une première ? » Il sait très bien que ce n’est pas le sport de prédilection des Néo-Zélandais, sauf peut-être de ceux qui vivent à Raglan ou dans d’autres spots réputés. Ce n’est pas non plus le sport de prédilection des Canadiens ni des Américains, d’ailleurs. Mais il a fini par trouver sa passion en s’essayant un peu à tous les sports. « Merci beaucoup » répond-il en français à son tour, quand ils sont servis. Il est parfois surpris de constater que cette langue qui est aussi un peu la sienne retrouve des échos ailleurs plus souvent qu’on ne le croirait. « Pourquoi, tu aimes les jeux malsains ? » plaisante-t-il en reposant sa fourchette. Il a failli s’étouffer avec un morceau de patate douce en entendant sa question. Mais en fait, ça le fait sourire. « Parce que tu penses qu’un homme qui a eu un premier rendez-vous avec toi n’aura pas envie de te revoir ? » Il reprend une gorgée de bière. « J’ai bien aimé notre premier rendez-vous. Je ne t’ai pas seulement trouvée belle, mais aussi drôle et intéressante. Tu me plais, tout simplement. » Mieux valait la franchise que l’espèce de malaise commune aux premiers rencards. « Et toi ? Je peux savoir ce qui t’a poussé à accepter un deuxième rendez-vous, surtout si tu as eu peur que je sois un sadique ? » ajoute-t-il en plaisantant.

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« J'adore les voitures ! J'allais souvent au salon de l'auto avec mon beau-père. » Peut-être qu'il l'avait déjà remarqué avec la bagnole qu'elle traîne partout où elle va et le fait qu'elle soit mécanicienne, mais comme ça, c'est fait. Ce n'est pas une activité en soi d'aimer les voitures, mais se promener à l'intérieur et faire des road trip, ça peut l'être. « Je suis quelqu'un qui aime autant les soirées Netflix que les journées où ça bouge réellement. Je touche un peu à tout, habituellement, je préfère vivre la nuit plutôt que le jour. » Il faut dire qu'elle bosse le jour, mais parce qu'elle a toujours apprécié la nuit, les étoiles, un temps plus paisible selon elle. « J'aime faire des virées en voiture et parcourir le pays, à défaut de voyager à travers le monde. D'ailleurs, avec ma coloc, on a visité le village des Hobbits ! » Là, il allait peut-être la prendre pour une fille immature, mais elle n'en a que faire, c'est une fan des bouquins et c'était vraiment amusant de découvrir les lieux. « Je ne sors jamais sans mon appareil photo aussi, enfin, sauf aujourd'hui. » Elle se replace une mèche de cheveux en souriant, rare les fois où elle parle et parle encore et encore, ce n'est pas une femme qui aime bavarder, il faut croire qu'il a un certain effet sur elle. « Et du coup, c'est comment le Canada ? » Elle se souvient l'avoir entendu mentionner ce pays et elle est curieuse de connaître ses aventures. « J'aimerais bien un chien aussi, mais je ne crois pas pouvoir m'en occuper comme une personne responsable. » C'est peut-être l'épisode du poisson rouge quand elle était gamine qui l'a traumatisé aussi, puis le fait qu'elle ne soit pas toujours présente à la maison. « Rien que ça ! » Elle sourit, pas contre l'idée de le revoir une troisième fois, même si la soirée ne fait que commencer pour eux.

« J'ai déjà fait du surf ! Mais le succès n'était pas forcément au rendez-vous. J'imagine que tu vas pouvoir m'apprendre deux ou trois trucs ? Par contre, j'ignore si je vais être une bonne élève. » En tout cas, loin d'être une championne des vagues et ce, malgré la volonté qu'elle montrait à vouloir les dompter et à réussir à tenir assez longtemps sur la planche. Elle se met à rire. « Mais qui sait ? J'aime peut-être me faire attacher ou peut-être même me transformer en dominatrice. » Ouais, bon, c'est peut-être pas ce qu'il aimerait entendre, de toute façon, elle n'a jamais eu besoin de se déguiser pour s'amuser au lit. « C'est plutôt le fait que je m'arrête souvent après le premier soir, tu vois, je ne fais pas vraiment ce genre de plan. » Elle n'est pas une pro des relations amoureuses, les relations courtes qui ne durent qu'une nuit, c'est une autre histoire, mais là, c'est complètement différent. « J'avais justement envie de découvrir ton sous-sol de sadique. Quel dommage ! » Qu'elle dit pour plaisanter. Elle boit quelques gorgées de son verre de bière et puis une bouchée de poulet avant de pouvoir lui répondre plus sérieusement. « Écoute, je t'avoue que je n'ai pas du tout l'habitude.. tu sais, tout ça, restaurant chic, parler pendant plus de quinze minutes, c'est un peu nouveau. J'ai peut-être seulement envie de voir ce que ça fait d'être en compagnie d'un homme qui ne souhaite pas retirer mes vêtements dès la première minute. » Elle pourrait en avoir honte, sûrement qu'elle devrait, mais elle n'a jamais cherché plus loin que cela. « Je suppose qu'on peut oublier notre troisième rendez-vous. »

La réponse de Livia amène un nouveau sourire sur les lèvres de Teddy. Au vu de son choix de métier, il aurait pu s’en douter. « Sans vouloir être macho, tu es la première femme que je rencontre qui se passionne autant pour les voitures. Alors, comment est la tienne ? » Ce n’est pas spécialement son truc parce qu’il préfère les avions, mais son père a essayé de l’initier aussi alors il s’y connaît un peu, un minimum on va dire. « Netflix, c’est la vie… Même si j’avoue que je préfère bouger. » Il vaut peut-être mieux qu’elle le sache maintenant, histoire qu’elle ne s’étonne pas trop s’il y a une suite. « Tu as l’air d’avoir adoré le village des Hobbits. C’est vrai que ça a l’air trop beau ! Parfois, je me dis que c’est un peu la honte que des touristes d’ailleurs s’y précipitent alors que des habitants d’ici l’ont pas fait. » Mais c’est peut-être comme ça partout, au fond. « Par contre, j’ai pas mal visité l’île du Sud, quand j’étais plus jeune. C’était l’époque où j’avais pas encore vraiment de chez-moi et j’alternais avec des petits boulots, alors je me suis dit que c’était le moment de saisir ma chance pour découvrir un peu plus ce pays. J’ai travaillé dans deux ou trois villes touristiques et j’en profitais pour découvrir les alentours. » Il a l’impression de parler comme un vieux. En fait, assis en face d’elle, il se fait justement l’impression d’être un vieux. Il ne sait pas exactement quel âge elle a, mais il la situe autour de la petite vingtaine - la majorité depuis plusieurs années, en tout cas. Mais lui, il a l’impression qu’il aura quarante ans demain. « Le Canada, c’est vraiment très beau. Mais en fait, je connais pas très bien ce pays, à mon grand regret. J’y ai jamais vécu et j’y ai jamais rien fait hors des sentiers battus. Mais si, comme la plupart des gens d’ici, tu aimes les montagnes et les lacs, le parc national de Banff est le paradis sur terre. C’est carrément magique. » Il reprend une gorgée de bière, un peu nostalgique. « Si tu veux, je peux te montrer des photos après. J’aime aussi beaucoup prendre des photos. Mais rien de professionnel, j’essaye seulement de m’appliquer et j’adorerais m’améliorer. Je suis sûr que les tiennes sont bien plus belles. Tu as eu l’occasion de prendre des cours de photographie ou tu as appris à t’améliorer par toi-même ? » La conversation est agréable et se déroule d’elle-même. Parler de sa passion permet généralement de rester naturel. « Je pourrais te montrer deux ou trois trucs, oui… Et t’en fais pas. Je donne aussi des cours aux débutants et si tu en as déjà fait, c’est déjà plus ton cas. »

Sur un registre un peu moins léger, la brunette a l’air un peu intriguée de savoir pourquoi il l’a invitée à nouveau. Même s’ils font tous les deux des plaisanteries, Teddy comprend qu’il s’agit d’une discussion plus ou moins importante. « Oui, je vois. En fait, pour être honnête avec toi, moi non plus, je ne fais vraiment ce genre de plan d’habitude. » Il ne sait pas très bien comment expliquer ça sans passer pour un goujat ni lui donner envie de s’enfuir en courant. Ce qu’il sait, c’est qu’il trouve ce qu’elle a dit mignon et il a envie de détendre un peu l’atmosphère. « Tu trouves que c’est un restaurant chic ? Je suis désolé si je te déçois, mais c’est pas en étant moniteur de surf que je pourrais t’inviter dans des endroits hauts de gamme. Non, c’est… Le patron est un ami de mes parents, on venait souvent donc je me sens à l’aise ici. » Il repose sa fourchette en la regardant. « Pourquoi on oublierait ? Pas de restaurant tout court, cette fois, on avait dit à l’extérieur, à la mer. » Elle a dévoilé une partie de sa vie et il sait qu’il devrait peut-être faire de même. Mais il cherche un peu ses mots, parce que s’il avait l’habitude de s’en vanter avant, il sait qu’il n’y a pas de quoi être particulièrement fier d’avoir une réputation de dragueur. « Je suis mal placé pour juger, tu sais. J’ai rarement eu des relations sérieuses. Une seule, en fait, de toute ma vie. Moi non plus, j’ai pas l’habitude des rencards qui s’enchaînent. Mais… Je sais pas, je saurais pas t’expliquer ça, c’est juste que… Je trouve que le courant passe plutôt bien. J’ai envie d’apprendre à mieux te connaître, si t’en as envie aussi. » Même si ce qu’il dit est sérieux, il a toujours envie que ça reste un peu léger. « Sinon, je peux toujours construire un sous-sol de sadique quelque part. »

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Il n'est pas le premier à lui dire et il n'est sûrement pas le dernier, à croire que les femmes qui aiment autant les voitures sont rares, bien que certaines femmes s'y intéressent uniquement dans le but de repérer des hommes fortunés, ce qui n'est pas du tout son cas. « Je possède une Cadillac Deville de l'année 1964, je l'ai acheté dans une enchère et j'ai retapé la voiture sans l'aide d'un mécanicien ! Tu peux aussi considérer la voiture comme mon bébé. » Elle est passionnée, elle adore ce qu'elle fait et cette voiture est sa première bagnole, mais également sa première grosse acquisition avant la maison. On lui a souvent demandé si elle comptait la vendre un jour et à chaque fois, elle répliquait en les envoyant balader, il n'est pas question qu'elle s'en débarrasse, elle a mis son âme là-dedans, les pièces n'étaient pas toujours faciles à trouver et ni son bras de fer avec la ville pour avoir la permission de rouler avec une voiture qui date de l'époque où les Beatles étaient au sommet de leur palmarès. « Je préfère bouger aussi. » Néanmoins, il n'y a aucun mal de regarder Netflix avant de s'endormir ou durant une journée merdique et pluvieuse. « C'est clair, surtout que ce n'est pas si loin en bus. » Il suffit de dormir sur place et le tour est joué. Livia l'écoute parler tout en continuant de manger son fameux poulet et ses légumes, elle fait descendre le tout avec sa bière. Elle hoche doucement la tête, elle aime bien les montagnes, mais pas au point de s'y balader pour une journée entière, ça serait sûrement que pour photographier le paysage. « Elles sont plutôt pas mal, je pense, mais je suis certaine que les tiennes le sont aussi. » Après tout, chaque photographe semble avoir sa propre technique et ses propres angles et un sujet préféré. « Non, toute seule. Les cours que j'ai pris en génie mécanique m'ont suffi ! » Elle se met légèrement à rire, l'école n'a jamais été son truc et si elle a fait l'effort, c'était par passion et éviter de se retrouver comme Colt. « Super, j'ai surtout hâte de voir quel genre de professeur que tu es. » Elle sourit.

Finalement, la conversation devient plus sérieuse et Livia se doit d'être honnête, bien qu'elle n'aille aucun compte à lui rendre, elle se ressent quand même le besoin de lui dire qu'elle n'est pas une experte des rencards et des relations à long terme. « Merde, je ne suis pas tombée sur le bon pigeon, désolée, mais ça sera tout pour nous ! » Elle se met à rire, car évidemment Livia n'est pas ce genre de femme qui court après l'argent, mais elle trouve ça drôle et à la fois, elle se sent un peu rassurée qu'il ne soit pas un expert dans ce genre de plan. Elle hausse doucement les épaules sans savoir quoi lui réponde, elle ne sait même pas si c'est véritablement sérieux ou s'ils ne sont là que pour finalement s'amuser et rien d'autre. Elle le regarde, elle l'écoute, sa nervosité commence à se dissiper après tout ce temps, elle est heureuse que ça se passe aussi bien, soulager de pouvoir en parler avant d'aller plus loin et d'être déçue, certes, elle ne veut pas se faire trop d'idées et elle prend donc le moment comme il vient. « J'en ai envie aussi. » Elle repousse doucement son assiette qu'elle n'a pas entièrement terminée, préférant se garder une place pour le dessert. « Je veux dire, construire le sous-sol hein, pas apprendre à te connaître davantage. » L'humour semblait être un moyen de briser la glace et également d'éviter d'être trop sérieux, parce qu'elle ne veut pas se projeter dans le futur, préférant vivre le moment présent. « J'ai envie de voir où tout cela mène et puis, pour être honnête, tu me plais aussi. » Elle le regarde sincèrement avant de terminer son verre de bière. « Peut-être qu'un jour on pourra se faire une virée aussi et apporter nos appareils photo pour se juger. » Elle adore se promener, découvrir de petits coins où personne n'ose mettre les pieds, parce que ce n'est ni une grande ville, ni très connu, elle aime ce qui sort du commun, tout ce que les autres redoutent. La serveuse vient retirer l'assiette de Livia, alors que celle-ci lui demande la carte des desserts, bien que pour le moment, elle va digérer un peu. « Du coup, tu es un adepte des applications de rencontre ? J'ai toujours détesté, c'est arrivé deux fois de m'inscrire pour me désennuyer, je préfère faire des rencontres en dehors de l'écran. »

« 1964 ? Pour une passionnée, je comprends tout à fait que ce soit ton bébé. Est-ce qu’avec une voiture aussi ancienne, tu as souvent des réparations ou des retouches de carrosserie à faire ? » Du coup, il est intrigué, parce qu’il se demande s’il a déjà vu une voiture des années 60 - sans doute, mais pas de près. « Tu me présenteras ton bébé, à l’occasion. » C’est drôle, mais il ne l’aurait jamais imaginée en mécanicienne. Il s’en veut d’ailleurs un peu pour cette pensée, parce que les clichés ont la vie dure. Pourtant, sa petite soeur est prof de self-defense, ce n’est pas non plus très conventionnel comme travail dans la gent féminine, quand bien même on est bien loin de l’ère où les métiers étaient nettement catégorisés. « Je comprends. Et j’avoue que je suis très heureux de ne pas avoir eu besoin de passer des diplômes supérieurs pour travailler. C’était pas trop mon truc, d’étudier. Ça me dérange pas d’apprendre, mais… Des trucs pratiques, quoi. Comme comment bien doser les fruits pour faire un bon smoothie. » Il a dit le premier truc qui lui est passé par la tête, mais en fait ça résume assez bien la situation. « Dans le cadre de ta formation, tu as aussi eu l’occasion de travailler sur des engins nautiques ou ce sont deux cursus bien distincts ? » Ils ont bien un mécano au centre, mais comme il ne s’occupe pas des jet-ski, il ne discute pas vraiment boulot avec lui. « J’ai hâte de voir quel genre d’élève tu es aussi, plutôt attentive ou plutôt dissipée » la taquine-t-il. Mais en vrai, il se réjouit seulement à l’idée de la revoir tout court et encore plus dans son élément à lui.

« Tu rigoles, mais je suis sûr que ça existe en vrai, des femmes qui fuient quand elles comprennent qu’il n’y a pas assez d’argent à la clé ! » Il le devine, mais il n’en a jamais fait l’expérience. Parce qu’en fait, la seule femme pour laquelle il a éprouvé des sentiments sincères n’est pas du tout comme ça. Quant à toutes les autres, ce n’est jamais allé assez loin pour que la question se pose, tout simplement. C’est d’ailleurs un peu ce dont ils sont en train de parler, à présent. Apparemment, ils ont un passé relationnel relativement similaire. Mais il essaye d’être honnête, même s’il est difficile d’avouer de but en blanc qu’il a l’habitude de coucher avec les femmes plutôt que des les inviter à nouveau à dîner. Il espère qu’elle a plus ou moins compris, mais il veut justement éviter de la faire fuir. Parce qu’il a voulu la revoir, c’est qu’il y a une raison et il choisit de l’exprimer sans détours. Alors quand elle lui dit à son tour qu’il lui plaît, Teddy se sent soulagé. Pour l’instant, ils sont sur la même longueur d’ondes et, quelque part, ça l’étonne. « J’adorerais faire une virée pour qu’on juge mutuellement nos capacités de photographes. Est-ce que tu as déjà visité le lac Taupo ? » Il repose finalement sa fourchette. Il a l’impression d’avoir mangé comme un ogre, ce qui ne donne sûrement pas une très bonne image, mais correspond très bien à la réalité. « Non, en fait, je préfère aussi les rencontres… En vrai, on va dire. C’est une de mes meilleures amies qui m’a inscrit sur ce site, je sais toujours pas si c’était pour m’embêter, se moquer de moi ou me filer un coup de pouce. En tout cas, vu que ça nous permet d’être là ce soir, je ne regrette pas. Je devrais même la remercier. » Il lui adresse un sourire avant de se pencher sur la carte des desserts. « Tu as de la place pour du chocolat ? »

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C'est vrai qu'on pourrait croire que posséder une vieille voiture, c'est dix fois plus d'entretien et beaucoup plus pénible à conduire sur l'autoroute, or, ce n'est pas vraiment le cas, certes, les pièces se sont plus rares, plus précieuses, mais en tant que mécanicienne, elle a l'avantage d'avoir des contacts et puis, elle en prend grand soin. « Pas si souvent qu'on pourrait le croire, je vais quand même éviter d'avoir un accident et de tout bousiller, je crois que ça me ferait plus rager de voir ma voiture dans un tel état que ma propre tête. » Elle se met à rire. Liv a passé beaucoup de temps à la remettre en marche et à faire d'elle la version qu'elle était dans les années soixante. « Le bébé est dehors. » Et bien sûr, à ses mots, une femme dans la cinquantaine se tourne vers la brune pour la dévisager. « Oui madame, j'ai laissé mon bébé dehors, comme on le ferait avec un chien. » Évidemment, elle exagère, elle n'oserait jamais laisser un chien sur le trottoir sous cette pluie, hum, ni un enfant non plus, ça va de soi. Elle se paie la tête de l'inconnue qui semble outrée, quelle idée d'écouter les conversations des autres. « Il est vrai que c'est très pratique de savoir doser les fruits pour une telle boisson. » Qu'elle dit pour le taquiner. « Seulement les véhicules terrestres, mais j'imagine que je pourrais me débrouiller, selon le problème du transport. » Oui, parce qu'elle n'irait pas bosser sur un avion ou bateau de croisière non plus. « Ça dépend, tu comptes bosser en torse nu ? Parce que ça se pourrait que je ne sois pas la plus concentrée. » Elle sourit légèrement en coin, elle pourrait très bien le faire même s'il l'était, mais elle aime bien plaisanter.

« Je n'en doute pas une seconde. » Il y a des gens pour tout, rien d'étonnant, on ne voit pas ça que dans les films, comme les coups de foudre et les sentiments, c'est même plus facile à la télévision. Livia n'a jamais été le genre de personne à se dévoiler, à être sentimentale, un peu comme si elle se refusait d'être heureuse, de peur d'être trop déçue. Pour l'instant, tout va bien, bien qu'elle reste méfiante, elle peut se détendre pour le moment. « Non, mais on dirait un coin paumé, j'aime déjà. » Pour ne pas dire que c'est l'endroit idéal pour commettre un crime et parce qu'elle aime bien visiter des endroits où les gens n'osent pas mettre les pieds. Elle lève les yeux avant de rire. « Allez, je suis certaine que tu n'as aucun mal à rencontrer des femmes et on sait tous que les applications, c'est pour s'envoyer en l'air. » On dit que certaines personnes se sont mariées grâce aux sites de rencontres, mais bon, honnêtement, elle a beaucoup de mal à croire à cela. « Si on partage, je veux bien. » Ce qui serait sûrement l'idéal pour éviter le gaspillage, mais elle le laisse décider, peut-être qu'il a envie d'avoir sa propre portion, elle comprendrait. « Dis-moi un truc que tu n'as jamais dit ou à peu de gens. » Elle pose ses bras sur le bord de la table, prête à l'écouter, curieuse d'entendre une nouvelle chose sur lui.

Face au regard scandalisé de la cinquantenaire que Livia semble avoir offensé avec sa plaisanterie, Teddy baisse la tête pour cacher un sourire. « S’il ne pleut plus quand on aura fini de dîner, j’aimerais bien y jeter un coup d’oeil. » Mais il a quand même un doute sur la possibilité que la météo s’améliore d’ici là. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas très important. Comme ils ont a priori prévu de se revoir, il aura bien d’autres occasions, comme au centre nautique par exemple. « J’aimerais bien bosser torse nu en plein été, mais d’après mon patron, ça ne fait pas très professionnel. Je suis censé porter un lycra ou une combinaison » explique-t-il, après avoir ri à sa plaisanterie. Il n’ose pas la lui renvoyer, parce qu’un homme passe tout de suite plus pour un pervers que l’inverse. Et comme toute personne normalement constituée, il essaye de faire bonne impression pour leurs premiers rendez-vous, sous peine qu’il n’y en ait pas d’autre ensuite. « C’est pas une très grande ville, mais ça dépend des saisons, ça peut vite devenir touristique. Il y a une station de ski et un lac… Donc de quoi satisfaire un peu tous les goûts. Ça fait longtemps que j’y suis pas allé, mais c’est un paradis pour la photographie. » Avant que la serveuse s’approche, il accepte de partager le dessert avec la brunette. Il n’a plus faim, il veut seulement finir avec une touche sucrée par gourmandise. « Moelleux au chocolat ? Profiteroles ? Ou crème brûlée si tu veux justement faire l’impasse sur le chocolat. Tout me va. » Le Tremblay remercie la serveuse qui prend leur commande avant de les débarrasser.

Alors qu’il termine sa bière, il manque de toussoter face à la réflexion de Livia. « Euh… Non, en effet, pour être honnête, je n’ai pas de mal à rencontrer des femmes. » Il a tout de suite l’impression, en disant ça, d’avouer qu’il est un obsédé. Du coup, même s’il sait qu’elle l’embête, il ne sait plus très bien quoi ajouter. Sauf qu’il est encore plus surpris devant sa requête suivante. La fixant dans les yeux, Teddy s’adosse de sa chaise et croise les bras contre son torse. Que peut-il bien dire qui ne soit ni trop banal, ni trop intime au point d’en devenir bizarre ? Faut-il qu’il exprime des sentiments ? Il ne s’est jamais encore retrouvé dans cette situation et il est quelque peu hésitant. « D’accord. J’en ai même jamais parlé à ma soeur, ni à mes meilleurs amis qui pourtant sont comme ma famille. Mais quelque part, j’ai peur de faire honte à mes parents. Mon père est un ancien militaire et il aurait adoré que je suive sa voie. J’en ai jamais voulu, alors à défaut, ma mère a voulu que j’étudie à l’université. Comme je te disais, c’est pas mon truc, alors j’ai tenu moins d’un an. J’aime le mien, mais j’ai jamais eu des boulots prestigieux ou qui donnent l’impression d’être intéressant. Les enfants des amis de mes parents sont ingénieurs, ou professeurs, ou ce genre de métiers d’intellectuels et ils ont fondé leur famille, ils leur ont donné de petits-enfants, bref tu vois le topo. Alors… Même si j’ai l’impression que je mène une vie bien plus amusante… Je me dis que mes parents ne sont sûrement pas fiers de voir ce que leur fils est devenu et encore moins d’en parler autour d’eux. Moniteur de surf, célibataire et vivant avec ses meilleurs amis. Bref, si j’apprenais que je les déçois, ça me rendrait triste. » Il a l’impression d’avoir trop parlé et il se sent même stupide de s’être confié. « Bon, à ton tour… Qu’est-ce qui se cache derrière cette belle crinière ? »

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Livia a toujours été le genre de personne qui offense et non, celle dont les belles-mères souhaitent avoir comme belle-fille et franchement, ça lui convient parfaitement, elle préfère choquer en étant franche que de cacher des choses en jouant les parfaites idiotes. Elle hoche la tête face à sa demande, après tout, ce n'est que jeter un coup d'œil, pas mettre les mains sur le volant. « Oui, je vois, c'est peut-être mieux ainsi, vaut mieux éviter les accidents. » Après tout, le but étant d'apprendre, pas de mater des hommes en torses nus, mais quoi qu'il en soit, la conversation dérive sur leur prochaine sortie. -s'il y a- « Ça l'air chouette comme endroit, j'ai hâte de découvrir cette destination. » Pour le ski, on repassera, mais elle est toujours partante pour découvrir un nouveau lieu et y faire de la photographie par la même occasion. Finalement, ça sera des profiteroles, c'est beaucoup moins lourd qu'un moelleux au chocolat. Pendant qu'ils préparent la commande dans la cuisine, Liv lui demande de se dévoiler un peu, ce n'est pas obligé d'être quelque chose de super secret, mais elle a envie de le connaître davantage. Elle se doute bien qu'il n'ait aucun mal à se brancher avec des filles, mais ce n'est pas vraiment ce qu'elle veut savoir, loin de là.

Il met un peu de temps à répondre, mais elle comprend, alors dès qu'il se lance, elle est attentive, elle le regarde, l'écoute et sourit même un peu. Il a quand même de la chance d'avoir un père, enfin, d'une certaine façon, parce que la mère de Livia s'en est très bien sortie sans papa à la maison, dont Liv ignore toujours l'identité et elle ne cherche pas à le voir, ni à le chercher, qu'il reste où il se trouve, c'est-à-dire loin de sa maman et d'elle. Il termine sa révélation. « Wow, c'est tout ? » Il est vrai qu'elle ne peut pas comprendre, mais selon elle, ce n'est pas vraiment la fin du monde, après tout, il sera toujours le fils de maman et de papa. « Enfin, je veux dire, je crois que tu t'inquiètes un peu pour rien. D'accord, je ne connais pas tes parents, mais tu sais, tu aurais pu mal finir, drogues, alcools, même dans la rue, je pense qu'ils peuvent en être heureux, tu ne crois pas ? Tu ne devrais pas avoir honte de cela. » Elle ne le juge pas, elle ne critique pas ses parents non plus, mais c'est sa façon de voir les choses et parce que Liv avait commencé les études pour cette raison, pour avoir un avenir, quand même que ça ne soit pas médecin ou psychologue, ce n'est pas vraiment important. « Je t'ai déjà dit que j'ai l'interdiction formelle d'approcher à moins de cent mètres Leonardo DiCaprio ? J'ai volé son golden globes durant des vacances à Los Angeles. » Elle sourit, c'était quand même des vacances d'enfer avec sa demi-sœur. « Eh bien voilà, c'est tout. » Elle n'a rien d'autre à lui confier, ni concernant sa famille, ni son passé, sinon elle aurait l'air d'être à plaindre, ce qui n'est pas le cas, elle n'a aucun secret, cette révélation, c'est plutôt qu'elle n'en a parle jamais aux autres, il n'y a qu'Hollywood qui sait tout ça. « Désolée, je n'ai aucun secret, je pourrais te parler du fait que je n'ai aucun père, que mon ex était un homme mûr qui se droguait et qui buvait comme un trou, que j'ai fait des études après l'avoir abandonné, mais bon, ce n'est pas vraiment intéressant et c'est du passé. Je n'aime pas regarder en arrière. » Il est un peu tôt pour parler de cela aussi. La serveuse revient à leur table avec le dessert et Livia attrape une profiterole qu'elle fourre dans sa bouche, pas question d'être sentimental à propos de tout ça.

« C’est sûr qu’il y a pire, mais l’être humain a toujours tendance à voir qu’il y a mieux aussi, non ? » Il hausse légèrement les épaules, un peu songeur. « Mes parents sont des gens bien. J’ai de la chance de les avoir. Je me dis juste que… C’est pas tout à fait le genre de vie qu’ils auraient voulu pour leur fils. Enfin, j’en sais rien, peut-être que même si on aime bien ce genre de vie, justement, c’est quand même facile de se faire refiler des complexes. » Il a la nette impression qu’il ferait mieux d’arrêter de parler. Peut-être qu’il dit des bêtises. Peut-être qu’il se confie un peu trop. Heureusement, ce que Livia a à raconter est bien plus léger. Elle part sur un tout autre sujet, une anecdote que Teddy n’aurait peut-être jamais crue possible dans la vraie vie et il éclate tout simplement de rire. « T’es sérieuse ? Maintenant, il va falloir que tu m’en dises plus. C’était un pari, un gage ? Ou alors tu es la plus grande fan de DiCaprio du monde entier ? C’est forcément une des deux options, non ?  » En tout cas, il ne voit pas d’autre explication possible. « Attends, tu veux dire que t’as jamais raconté ça à quelqu’un ou que très peu de gens sont au courant ? Parce que sinon, tu triches ! » Ceci dit, il sait qu’à chaque fois qu’il va y repenser, ça va le faire sourire. « Remarque, ça fait une belle histoire à raconter lors d’un repas de famille ou une soirée entre amis. » Il remercie la serveuse et accueille avec plaisir les profiteroles. Il adore ce dessert, mais en fait il faut dire qu’il aime beaucoup de choses, ses pâtissières de meilleures amies en sont témoins.

« On dit que les gens qui ont des secrets sont intéressants parce qu’il y en a toujours plus à découvrir et autres mystères à percer, mais en fait, c’est peut-être l’inverse. On n’a pas forcément envie d’être toujours surpris par les gens qui nous entourent. » En tout cas, c’est son avis, même si ça n’engage que lui. « Tu peux parler de ce que tu veux… Seulement, je trouve aussi que l’avenir est plus intéressant. » Il ne sait pas très bien quoi dire quand elle évoque un père inconnu et un ex visiblement tout sauf à la hauteur. Il sait réconforter ses proches, mais moins les gens qu’il ne connaît pas très bien. Au lieu de ça, il l’observe, plus ou moins discrètement. Il ne sait pas exactement quel âge elle a, mais elle lui paraît bien jeune pour avoir traversé des épreuves comme celles citées. En même temps, c’est peut-être lui qui a vécu dans une sorte de cocon. « Alors on parle pas du passé. Enfin en tout cas, pas ce soir. Dis-moi, qu’est-ce que tu espères d’un homme ? Ce serait quoi, pour toi, si tu devais tirer leçon de tes erreurs ou t’inspirer de bons modèles dans ton entourage ? » Peut-être qu’en fait, même si c’est maladroit, c’est une question intéressante à poser, comme ça il peut tout de suite savoir s’il colle ou s’il peut oublier tout de suite. « Et si on continue sur la lancée de… Euh… L’avenir… Tu es bien installée dans le coin ou tu as envie de découvrir d’autres horizons ? » Parce qu’au début de la vingtaine, son envie c’était le tour du monde, même s’il n’a fait que quelques voyages par-ci par-là selon ses disponibilités et son portefeuille.

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« Je vois ce que tu veux dire, mais parfois, il faut arrêter de vouloir plaire à tout le monde et vivre sa propre vie sans se soucier de tout et de rien. » Encore une fois, elle ne le critique pas, mais elle ne se soucie pas de l'opinion des autres et c'est peut-être mieux ainsi, plutôt que de vouloir être parfait aux yeux de tout le monde, mais encore une fois, on n'est pas tous pareil. Quoi qu'il en soit, elle se met à raconter une anecdote, qui est loin d'être personnelle, mais qui reste aussi farfelue que marrante. « Ni l'un ni l'autre, certes, j'adore DiCaprio, mais ce n'était pas prévu, c'est en trouvant sa maison que tout s'est passé, on s'est retrouvé à l'intérieur en train de voler un trophée. » Elle se met à rire à son tour, on dirait une plaisanterie, mais c'est pourtant la vérité et si c'était à refaire, elle le referait encore. « J'ai l'impression que si je le dis sur tous les toits, on va dire que je me vante ou que je ne suis qu'une menteuse, or, tout ça est vrai et je ne me vante pas ! Remarque que je pourrais, c'est quand même Jack !! » Même si elle n'était qu'un bébé à l'époque, elle a quand même pu voir le Titanic sur copie numérique. « Oui, avec ma famille, on continue d'en rire. » Elle a quelques photos planquées dans un coffre de cette fameuse journée, s'il met les pieds chez Liv, un de ses jours, elle pourra toujours le ressortir pour lui.

Elle se contente de hausser les épaules et de manger le dessert. Elle préfère éviter de répliquer, elle n'aime pas les mensonges, il n'y a pas besoin de le dire, il saura bien assez tôt s'ils venaient à aller plus loin. Au moins, il n'aura pas besoin de poser la question familiale, elle vient d'y répondre. « Je suis bien d'accord, n'en parlons pas. » Cela ne ferait que raviver une relation dont elle préfère éviter de penser. « Tant qu'il est sobre, ça devrait le faire. » Elle est sarcastique, bien qu'elle préfère avoir un homme avec les idées claires et qu'il sait ce qu'il veut dans la vie. « Comme je disais, les relations sérieuses ne font pas partie de mon passé, je n'ai donc pas de liste où j'ai décrit l'homme parfait, je préfère éviter de mettre la barre trop haute. Si tu me plais, alors je n'ai pas besoin d'aller chercher tes pires défauts et de fouiller dans ton passé pour savoir si un truc ne va pas. Je ne suis pas très compliquée, soit tu te présentes sous ton vrai jour, soit tu joues les faux culs et je risque de te rejeter assez vite. » Elle espère qu'en étant honnête, elle ne va pas le faire fuir, elle sait que tous les hommes n'apprécient pas une telle franchise, qu'ils préfèrent les femmes qui se contentent de sourire et de dire oui à tout, tout le contraire de Livia. « J'aime ce que je fais, je ne prédis pas l'avenir, si je me fais virer, j'irais voir ailleurs. Et si ça ne fonctionne pas, il y a toujours l'option d'ouvrir mon propre garage, pourquoi pas, d'ailleurs, j'aimerais bien, un jour. » Finalement, Liv cesse de manger, elle a l'estomac plein qui n'accepte plus rien, elle attrape une serviette de table pour s'essuyer la bouche. « Je vis au jour, le jour. Je n'aime pas tout planifier ma vie, alors qu'on sait tous que ça ne marche jamais comme on veut. Il faut prendre des risques et c'est ce que j'aime. » Sinon, elle n'aurait jamais volé le trophée de DiCaprio, encore moins fait des études. « Merci pour le repas, c'était agréable comme soirée, mais sache que je parle rarement autant de moi. » Elle dit ça en riant.

Il se contente de hocher la tête en signe d’assentiment, parce que même s’il est d’accord sur le fond, il a en fait déjà suffisamment l’impression de mener sa vie sans trop se soucier des conséquences puisque le reproche lui a été fait à plusieurs reprises. Il préfère largement s’attarder sur l’histoire d’un acteur cambriolé à Los Angeles parce que c’est bien plus drôle. « J’espère que t’as pris une photo dans sa maison ! D’abord parce que c’est la maison de Jack et ensuite pour qu’on te croit si tu décides de raconter cette histoire. » Même s’il a eu beaucoup d’idées folles quand il était plus jeunes, Teddy ne s’est jamais introduit dans une maison et n’a jamais rien volé. Il ne pense pas en être capable. « Est-ce que je dois comprendre que tu es fichée aux Etats-Unis ? Perso, c’est pas le pays que j’aurais choisi pour commettre des délits » ajoute-t-il en plaisantant. Sa mère est originaire de là-bas et, lors de ses voyages là-bas, notamment quand il rendait visite à sa soeur sur la côte est, il a eu l’occasion de voir que leurs services sont plutôt stricts. « Je crois qu’en fait, on aurait dû prendre deux desserts » plaisante-t-il, parce qu’il doit se freiner pour en laisser à la brunette.

Leur repas touchant à sa fin, le surfeur a encore une fois l’occasion de constater qu’il a face à lui une femme très franche, qui n’a pas de filtres quand elle s’exprime. Même si c’est parfois assez déstabilisant, il espère que c’est le cas aussi quand elle entretient une relation, parce qu’il a un peu trop l’habitude du contraire. Il sait à quel point une femme peut devenir fouineuse, jalouse et horriblement silencieuse lorsque quelque chose la froisse. Mais plutôt que de rebondir sur la menace d’être rejeté s’il est « faux cul », il préfère prendre les choses à la légère. « Ce serait bien la première fois que je rencontre une femme qui n’est pas compliquée » rigole-t-il. En réalité, ce n’est pas tout à fait le cas. Même si les relations familiales et amicales sont différentes, il est entouré de femmes qu’il adore tout simplement et qu’il trouve plutôt faciles à vivre. « Merci de ne pas mettre la barre trop haut, c’est rassurant » ajoute-t-il, toujours sur le ton de la plaisanterie. « Alors est-ce qu’accepter de venir surfer au centre ou de partir en road trip faire des photos avec moi, c’est prendre des risques ? » sourit-il. « Pas de quoi pour le repas. C’était sympa… Même si tu as beaucoup parlé de toi » la taquine-t-il. « Non, c’est cool d’en apprendre plus sur toi. » Comme il n’a pas vraiment l’habitude des rendez-vous qui s’enchaînent, il se sent toujours un peu emprunté à la fin. « Je te raccompagne ou ta voiture est tout près ? »