Do you have something to tell me ? | Mia & Augustus.

L’automne ayant pointé le bout de son nez dans l’hémisphère sud, Mia tient à profiter encore de l’extérieur tant que c’est possible. En grande frileuse, elle a horreur de se promener quand il s’agit d’affronter le froid hivernal. Alors pour l’instant, elle saisit encore les occasions qu’elle a de se balader en flânant dans les rues de sa ville natale - elle ne s’en lasse pas, ça lui a trop manqué. Il faut dire que des occasions, elle en a. Même si depuis qu’elle est mariée, elle passe son temps cloîtrée à la maison, elle n’a jamais eu autant de temps libre que maintenant. C’est peut-être tout simplement parce qu’en-dehors du fait qu’elle n’a toujours pas repris le travail, la vie est tellement plus simple avec Gus qu’avec Nathan. D’abord, elle n’a pas besoin de préparer à manger tous les jours pour Gus, parce qu’ils ne se prennent pas la tête. Ensuite, il n’est pas aussi maniaque que Nathan, qui semblait avoir en horreur le moindre grain de poussière qu’elle aurait osé oublier. En bref, les tâches ménagères lui prennent beaucoup moins de temps, même si elle les accomplit quand même. Elle essaye même d’en faire le plus possible pour faciliter la vie de Gus, parce que même si elle est parfaitement la bienvenue chez lui, elle n’a pas envie d’abuser de sa générosité sans borne à son égard. C’est d’ailleurs avec l’idée de remettre de l’ordre dans la maison que la cadette des Fletcher rentre finalement, très contente de sa longue promenade.

Elle ne s’attend pas à ce que son frère soit déjà rentré et encore moins à la retrouver dans sa chambre. « Oh, super, tu as fini plus tôt ! Ça te dit, une partie de badminton ? » Elle aime beaucoup passer du temps avec lui, comme si elle cherche à rattraper le temps où son cher mari l’a forcée à s’éloigner de sa famille. Cependant, la joie de Mia est de courte durée. Parce qu’elle se rend compte que Gus tient dans sa main quelque chose de très spécial… Une échographie. Son échographie. Il n’a probablement aucun doute sur la réalité de la situation, dorénavant. « Tu veux dire que tu fouillais dans mes affaires ? Est-ce que tous les grands frères sont constitués ainsi, ou est-ce que c’est seulement moi qui aies hérité d’un aîné comme ça ? » Pour dissiper un peu son malaise, elle le taquine. Parce qu’elle se sent bel et bien mal à l’aise. Ce n’est pas exactement le genre de sentiment qu’on éprouve normalement devant une échographie, mais c’est juste parce que ce n’était pas censé se passer comme ça. « Gus, je suis désolée. Je me disais que j’attendais le bon moment pour t’en parler, mais la vérité, c’est que je repoussais ça sans cesse parce que c’est tellement… Tellement énorme. » Elle s’approche et finit par s’asseoir sur le lit, avant de tapoter le matelas pour qu’il s’assoit à côté d’elle. « Alors je te présente mon mini-moi. Enfin, peut-être qu’il te ressemblera plus, parce qu’apparemment, c’est un petit garçon. » Elle pose les yeux sur l’échographie que son frère tient encore. « C’est pour lui que j’ai trouvé la force de m’enfuir. »

Si elle avait été un peu moins tendue, Mia aurait sûrement éclaté de rire en entendant Gus se justifier. En réalité, elle cherchait seulement à l’embêter un peu, parce que son tour allait venir bien assez tôt. « Relax. Je sais que tu fouillais pas dans mes affaires. Il vaut mieux que tu évites, on sait jamais quelles mauvaises surprises on peut avoir, hein » plaisante-t-elle, sans avoir rien de bien précis à l’esprit. « Ouais, ça doit être un truc de grand frère. » Elle fait semblant d’être un peu agacée alors qu’en fait, elle sait qu’elle a d’avoir un grand frère. En plus, comme ils ont beaucoup d’années d’écart, ils ne se sont jamais disputés et elle a toujours pu compter sur lui. Elle sait que ce sera toujours le cas, alors ce n’est peut-être pas plus mal que Gus soit tombé sur son échographie. Bien entendu, elle aurait préféré le lui annoncer elle-même. Mais comme elle ne savait pas comment s’y prendre, c’est finalement le hasard qui l’a devancée. « Oui, merci de me rappeler que je vais être plus grosse qu’une baleine » soupire-t-elle d’un air désespéré. Comme l’écrasante majorité des femmes peuplant cette planète, la cadette des Fletcher peut être très sensible à la question de la masse. « Je suis même un peu étonnée que tu l’aies pas déjà remarqué, mais bon… Il va falloir que je le dise aux parents, parce que c’est sûr que maman va pas tarder à voir mon ventre. Tu voudras bien m’accompagner… Quand j’irai leur dire ? » Il a toujours été son meilleur allié, même par rapport à leurs parents.

« Oui… Bien sûr que tu as le droit de dire félicitations. » Un sourire éclaire enfin son visage. Si elle appréhende à l’idée d’en parler autour d’elle, ce n’est pas à proprement parler parce qu’elle attend un bébé, mais plutôt à cause de sa situation compliquée. Mais le fait d’être enceinte, ça, c’est effectivement une bonne nouvelle pour elle. « C’est la plus belle chose qui soit. La meilleure des nouvelles. Tu te rends compte que si je n’avais pas appris qu’il était là, je serais encore à Sydney, malheureuse comme une pierre ? Tu sais… Je l’aime déjà beaucoup. » Sans doute plus qu’elle ne peut l’exprimer. « Je suis contente que tu le prennes bien toi aussi. J’avais un peu peur que tu t’inquiètes au point d’en oublier que… Que normalement, un bébé, c’est une bénédiction. » Elle ne parle pas comme ça parce qu’elle est croyante ou quoi, mais simplement parce que c’est ce qu’elle ressent. Comme quoi il peut parfois ressortir le meilleur même d’une des pires situations. « Non… Nathan n’est pas au courant. Je me suis enfuie sans rien dire. Je sais qu’il va bien falloir que je l’affronte un jour, mais… N’empêche que j’aimerais tellement qu’il n’ait rien à voir dans l’éducation de ce bébé. Un enfant a besoin d’un père, mais… Pas comme lui. Il aura d’autres modèles. Comme son tonton et son grand-père. » La blondinette sourit rien qu’en les appelant comme ça. « Parce que c’est sûr que tu vas être un tonton qui assure un max ! »

« J’adore les baleines. Elles sont super gracieuses aussi. Mais l’idée de ressembler à une baleine humaine, c’est-à-dire avec nettement moins de charme, ne me réjouit pas vraiment. » Elle lui tire la langue quand il dit qu’elle sera toujours la plus belle des enfants Fletcher. Elle trouve qu’il raconte n’importe quoi, mais c’est gentil quand même. En fait, il a toujours le bon mot pour la réconforter, même si c’est à coup de pitreries. « Non, je ne lui ai pas encore parlé… J’ai l’impression qu’elle se transforme en espion du KGB dès que je me retrouve seule avec elle. Du coup, je la vois rarement sans toi, en fait… Tu penses qu’elle va devenir hystérique ? » s’inquiète-t-elle tout d’un coup. Elle sait qu’au final, sa maman va raffoler de son petit-fils, elle sera une mamie gaga (même si on va éviter ce terme devant elle), la nouvelle lui portera peut-être un coup au début. Pourtant, même si c’est surprenant, même s’ils ont du mal à l’encaisser, même s’ils vont forcément s’inquiéter pour elle, Mia compte quand même sur leur soutien. Les débuts ne seront peut-être pas évidents, mais elle ne doute pas du fait qu’elle est entourée par une famille aimante, à commencer par son frère aîné qui la félicite en l’enlaçant. « Merci beaucoup. Je ne sais pas si ce que tu dis est vrai, même si j’aimerais croire en tes dons de prophète… Mais c’est adorable de ta part. »

Mais bien entendu, la bonne nouvelle d’une grossesse n’éclipse pas toutes les préoccupations. La future maman se retient d’avouer à Gus qu’elle a sûrement encore plus peur que lui, parce qu’il le sait déjà. « Bien sûr… Je te promets de te le dire. Je pense que même si j’avais voulu, j’aurais eu bien du mal à te le cacher. Si ça se trouve, il va sonner à ta porte. » Elle laisse échapper cette idée en riant un peu, mais c’est un rire nerveux. « J’en ai parlé à un agent de police. Il fait des rondes parfois… Juste au cas où. » Elle espère que ça le rassurera un peu. Visiblement, il prend les choses très au sérieux et c’est vraiment une bonne chose pour elle. « T’as pas besoin de bosser le sujet, si ? Je veux dire, tu vas l’aimer et j’imagine que le reste se fera naturellement, non ? C’est pas comme si j’allais te demander de changer ses couches ou quoi. » Elle-même devra apprendre sur le tas. Elle ne s’est jamais vraiment occupée d’un bébé et cette perspective est un peu effrayante, c’est vrai. « Tu seras le tonton super cool et moi la maman sorcière qui doit veiller au grain. » Puisqu’il n’aura pas de papa, son rôle sera sûrement d’autant plus compliqué, mais elle reste assez confiante parce qu’elle ne se sent pas seule. « D’ailleurs, ce sera sûrement bruyant, d’ici quelques mois… Pour ne pas te déranger, je vais commencer à chercher autre chose. Petit, sympa, pas trop loin de chez toi. »