flower power → dorian

Croyez-le ou non mais Noomi n’a jamais rien eu d’une hippie. Pour ce qui est de leur mentalité, surtout. Et pourtant, à une certaine époque de sa vie, elle aussi planait pas mal. Mais elle trouvait que c’était une vision un trop passive de la vie. Ce qui ne l’empêchait pourtant pas d’adorer leur musique. Ainsi que leur style quand l’occasion. Ce qui tombe bien, l’occasion s’y prêtait en l’occurrence puisqu’elle se rendait à un festival pas loin de Wellington. Quel est le rapport avec les hippies dans tout ça ? Le fait que ce festival cherche un peu à copier Coachella, un regroupement de hippies des temps modernes. Alors aujourd’hui c’était fleurs dans les cheveux et petite robe à dentelle. Sans oublier le flacon de crème solaire et les lunettes de soleil qui se trouvait au fond de son sac à franges car il faisait chaud. Et pas qu’en peu, on était en plein milieu de l’été néo-zélandais. Joie, ça signifiait que son maquillage – sur lequel elle avait passé des heures – allait fondre comme neige au soleil dès qu’elle se mettrait à danser mais elle avait également embarqué de quoi faire une retouche dans son sac. Ainsi que deux bouteilles d’eau. Parce qu’il n’était pas question de se laisser avoir ; elle qui répétait sans cesse à Sarah qu’il n’était pas question d’acheter quoi que ce soit sur place chaque fois qu’elles allaient au cinéma parce que tout était hors de prix et qu’on retrouvait exactement les mêmes produits dans des magasins classiques, cette règle s’appliquait à elle aussi. Ce qui faisait que son sac était aussi lourd qu’une brique. Mais ce n’était pas comme si elle n’en avait pas l’habitude, bienvenue dans le quotidien d’une mère.

D’ailleurs, la blonde aurait aimé pouvoir emmener Sarah aussi, partager cette expérience avec elle mais elle estimait que la petite était encore trop petite pour ça, justement. Aucune envie de l’exposer à la fumée des joints ou encore à la vapeur de vapoteuses puisque c’était apparemment le truc trop à la mode ces derniers temps ou encore à une musique qui résonnerait beaucoup trop fort dans ses petites oreilles. Non, elle attendrait encore quelques années avant de l’emmener avec elle. Ce qui fait que la grecque déposa sa fille chez Savalas père, comme d’habitude quand elle ne pouvait pas faire autrement avant de prendre la direction des hauteurs de Wellington.
La fête battait déjà son plein ; la foule s’amassait sous un soleil de plomb pour écouter des groupes qui, le restant de l’année, répétait dans leur garage façon Nirvana. Ce qui ne changeait rien au fait qu’ils ne leur sortaient jamais que des reprises. Tant et si bien que Noomi s’était souvent dit qu’elle aussi aurait sa place dans ce festival. En tant qu’artiste, s’entend. Mais bon, ça ne faisait pas vraiment partie de ses projets, raison pour laquelle elle n’avait jamais tenté sa chance. Se frayant un chemin parmi la foule, un peu en jouant des coudes, il faut bien l’admettre, la blonde reconnut alors un visage familier. Elle fonça alors sur lui, ravie de retrouver quelqu’un qu’elle connaissait

« Hé, salut Dorian ! Ça fait plaisir de te trouver ici ! »

Rien de plus vrai. Elle n’avait rien contre l’idée de venir écouter de la musique en solo mais c’était tout de même mieux de le faire en bonne compagnie si elle en avait l’occasion. Elle scruta une seconde les gens autour d’eux à la recherche d’un autre visage familier mais ça serait peine perdue étant donné qu’elle ne connaissait pas vraiment son entourage.

« T’es venu seul ? »

Non parce qu’elle n’avait pas envie de se la jouer pot de colle à lui tenir la jambe s’il était là avec des potes à lui, non plus.

Comment ça « il ne pensait pas qu’elle aimerait venir ici » ? Elle ne devait pas avoir la tête à participer à ce genre d’évènements. Peut-être qu’elle avait plus la tête de quelqu’un qui voyage à l’autre bout du monde pour assister au Hellfest. Chose qu’elle pourrait tout à fait faire, soit dit en passant tant sa passion pour la musique est étendue. Mais bon, passons. Pour en revenir au fait que Dorian était venu seul. Voilà qui l’intriguait. Parce que ce n’était pas la première fois qu’elle le croisait seul. Et loin d’elle l’idée de penser que c’était quelque chose de bizarre – ça serait le comble sachant qu’elle était également venue seule – mais il avait tout de même l’air très sociable comme garçon. Puis tout prit sens lorsqu’il lui expliqua qu’il aimait bien se faire des amis de cette façon. C’était une bonne idée. Elle allait donc les laisser entre jeunes lorsqu’il lui proposa de se joindre à eux. L’espace d’une seconde, Noomi hésita. Elle ne voulait pas non plus s’incruster dans un groupe de gens qui ne la connaissaient pas, qui étaient sensiblement plus jeunes qu’elle et à qui elle ruinerait la journée. Ce qui la fit changer d’avis fut de se dire qu’elle s’était toujours bien entendue avec tout le monde ; les plus jeunes comme les plus âgés, il n’y avait donc de raison qu’elle ne se sente pas à sa place dans leur groupe.

« Pourquoi pas, si la bande n’est pas déjà au complet alors j’me ferai un plaisir de me joindre à vous. »

Ses craintes s’envolèrent dès l’instant où les potes de Dorian lui fourrèrent un gobelet de bière entre les mains, signe que la fête pouvait commencer. Si sa mère lui avait autrefois appris qu’il ne fallait jamais quitter son verre des yeux en soirée sous peine de se retrouver sans le moindre souvenir de la veille mais exposée dans toute la ville le lendemain ou pire : se réveiller dans une baignoire remplie de glace avec un rein en moins – oui, les mères adorent effrayer leurs enfants pour être sûre que le message est bien passé -, là, en l’occurrence, la grecque estimait qu’elle ne risquait pas grand-chose. De toute manière, ça ne serait pas la première fois – même si elle ne s’était jamais réveillée dans une baignoire pleine de glace ou avec un rein en moins jusqu’ici évidemment, encore heureux d’ailleurs… oh bon sang, il faudrait absolument qu’elle mette Sarah en garde elle aussi – alors ce fut avec un petit air désabusé qu’elle prit une gorgée.
Noomi remuait en rythme, se laissant porter par les basses même si elle n’était pas spécialement fan de ce qu’elle écoutait, ça restait entraînant et c’était tout ce qu’on attendait d’un festival de ce genre. Elle bavarda un instant avec le reste de la bande avant de s’intéresser auprès de Dorian :

« T’es venu voir quelqu’un en particulier ? »

N’allez pas croire qu’elle serait jalouse s’il répondait positivement à cette question, elle acceptait tout à fait qu’il soit fan d’autres musiciens qu’elle, elle voulait juste savoir s’il y aurait quelqu’un digne d’intérêt ce soir et Dorian avait bon goût en règle générale.

Du Dorian tout craché, ça. Noomi le laissa la présenter aux autres comme si elle était une superstar internationale. Ce qui eut pour effet de leur en toucher une sans faire bouger l’autre, manifestement. Réaction à laquelle elle était habituée. Et tant mieux pour le coup, elle ne tenait pas à mettre une quelconque distance entre eux. Mais ça ne fut heureusement pas le cas ; au contraire, c’était déjà comme si elle faisait partie de la bande. Il faut dire que la blonde n’avait jamais eu le moindre mal pour se faire des potes, elle n’était pas du genre à rester sagement dans son coin. Ça lui rappelait l’époque révolue où elle était de tous les concerts, de tous les festivals. A cette époque-là, à l’instar de Dorian, elle s’en était fait aussi, des potes. Mais des potes de défonce, de ceux sur qui on ne peut pas vraiment compter une fois qu’on sort du cercle. Car il avait bien fallu en sortir, c’est qu’elle avait décidé de ne pas prendre son rôle de mère à la légère et si, elle ne s’interdisait pas toutes sorties non plus, force était de constater qu’elles étaient tout de même beaucoup plus calmes qu’avant. Enfin bref, inutile de ressasser le passé, elle était là pour profiter du moment présent. Et ça commençait par une bière. Un peu tiède mais qui se laissait tout de même boire, surtout par cette chaleur.

C’est alors qu’elle demanda à Dorian s’il était venu voir quelqu’un en particulier. Il fallait qu’elle se tienne un peu au courant puisqu’elle venait surtout pour l’ambiance. Et c’est alors aussi qu’il lui répondit que c’était elle qu’il voulait voir sur scène. Oui, certes. Mais non, ça serait absurde, si bien qu’elle en rit avec lui.

« Haha c’est dommage alors, parce que je n’ai pas été invitée. »

Ou elle ne s’était pas inscrite, elle ne savait pas trop comment il fallait s’y prendre exactement pour monter sur l’une de ces scènes. Et vous remarquerez qu’elle disait ça sans amertume aucune, juste pour souligner qu’elle ne faisait pas partie du programme. Elle finit par hausser les épaules et se remit à danser. Avec un peu tout le monde puisque c’est contagieux, ce genre de choses. Puis ils étaient tout de même là pour ça. Ainsi que pour voir d’autres artistes se produire. Ce qui était légèrement compliqué étant donné qu’ils n’étaient pas vraiment aux premières loges et que la foule avait commencé à s’agglutiner entre la scène et eux, mais tant pis, écouter c’était déjà pas mal.

C’était dommage qu’elle n’ait pas été invitée, oui. Enfin, surtout pour elle car ça faisait indéniablement partie des choses qu’elle aurait aimé faire au moins une fois dans sa vie mais bon elle n’en ferait pas une maladie, c’est qu’elle n’était pas vouée à devenir la star que sa mère aurait voulu qu’elle devienne. Bien sûr, fut un temps où elle trouvait ça horriblement frustrant mais de l’eau avait coulé sous les ponts depuis et puis il y avait eu Sarah. Sarah qui était devenue et resterait à jamais sa priorité. Pas facile de concilier la vie d’artiste et celle de mère, elle se voyait mal jongler avec des tournées dans tout le pays et l’éducation de sa fille. Enfin bref, dans une prochaine vie peut-être. En attendant, elle laissait parler Dorian. Evidemment que ça lui faisait plaisir de l’entendre s’extasier sur tout ce qu’elle faisait mais elle gardait néanmoins à l’esprit qu’il n’était sans doute pas des plus objectifs en tant que fan.

« Ça, c’est uniquement parce que j’ai les meilleurs fans alors il faut bien que sois à la hauteur. »

Le tout dit avec beaucoup d’exagération car c’était sans doute l’une des phrases les plus hypocrites qu’un chanteur puisse sortir. On chante d’abord pour soi ensuite pour les autres, voilà la vérité vraie. Le public compte, bien entendu, mais si l’on commence à faire de la musique en se demandant ce qui pourrait plaire aux gens au lieu de faire ce qu’on a réellement envie de faire, dans ce cas c’est voué à l’échec, trop de pression.
Puis, alors qu’ils s’étaient remis à danser, voilà que Dorian lui pose une question étrange. Au point qu’elle en arrêta de danser quelques secondes avant de se mettre à rire. Oui c’est ça, bien sûr, ils allaient s’incruster sur scène afin de prouver aux organisateurs qu’elle avait également sa place dans ce genre d’events. Le fait est qu’il n’avait pas l’air de trouver ça aussi drôle qu’elle, ce qui lui fit comprendre qu’il était sérieux, en fait. Effectivement, ça lui semblait être une idée folle. Mais le genre d’idée folle qu’elle aurait mise à exécution sans se poser plus de questions que ça et sans se soucier des répercussions, fut un temps.

« T’es sérieux ? Tu sais que c’est sûrement pas très légal, hein ? Il nous arrêterait. »

Trouble de l’ordre public ou quelque chose comme ça, c’était une de ses spécialités à une époque. Bon, ce n’était pas non plus obligé de se finir ainsi, s’ils étaient sympas avec eux, ils pourraient s’en tirer avec un avertissement. Ou peut-être une interdiction de revenir. Mais Dorian avait l’air d’un jeune homme sage, elle ne tenait pas vraiment à l’embarquer là-dedans bien que l’idée soit séduisante.

A entendre Dorian parler, des fois on avait l’impression que Noomi était une sorte de divinité ou Euterpe, la muse de la musique. Qu’il lui suffisait de s’asseoir à un piano pour que la magie opère. Et c’était une belle image à laquelle elle était parfois tentée de croire. Mais si c’était le cas alors elle serait célèbre à l’heure qu’il est et ils ne seraient pas obligés de comploter pour la faire monter sur scène, son nom serait depuis longtemps sur l’affiche. Et ça lui semblait important de toujours bien garder ça à l’esprit. Elle ne voulait pas devenir une de ces divas imbuvables qui se croient supérieures à tout le monde. Et l’ensemble de sa carrière était la leçon d’humilité dont elle avait besoin pour ne pas devenir comme elles, supposait-elle. Toujours est-il que cette fois-ci, son discours lui semblait des plus cohérents. Bien sûr, elle n’avait pas envie de monter sur scène afin de prouver à toute l’assemblée qu’elle le valait bien, non, c’était plutôt l’idée de faire quelque chose d’interdit qui la séduisait. Comme souvent. Ça lui avait valu des tas de problèmes par le passé, ainsi que bien des tracas à ses parents. Rien de bien grave, cependant. La blonde semblait toujours – ou à peu près – savoir où se trouvait la réelle limite.

Comme là en l’occurrence puisqu’elle était déjà en train d’évaluer l’ampleur des dégâts que ça pourrait causer. Non, ils ne voulaient pas aller en prison et il y avait de grandes chances pour qu’ils n’y aillent pas. N’est-ce pas ? On n’emprisonnait pas les gens aussi facilement en Nouvelle Zélande qu’aux Etats-Unis où les flics – surtout ceux du sud – se croyaient encore au temps des cow-boys et des indiens. Et encore, si vous étiez assez pâle pour ça, vous aviez de grandes chances de vous en sortir sans trop de soucis, même aux Etats-Unis. « Tenter une approche », voilà qui lui plaisait beaucoup. Ç’avait l’air amusant. Et radicalement différent de ce qu’elle avait l’habitude de faire : à savoir foncer dans le tas sans avoir le moindre plan en tête. Un petit sourire malicieux étira ses lèvres.

« Bon d’accord, on peut faire un repérage. »

Et s’ils voyaient que c’était techniquement possible, alors peut-être bien qu’elle se lancerait. Mais pour l’heure, ils allaient se la jouer Ocean’s Eleven et ça l’enthousiasmait beaucoup. Pour commencer, il leur fallait se rapprocher de la scène et pour se faire, elle kidnappa Dorian dans un premier temps en passant un bras autour de ses épaules et en l’embarquant avec elle. Pas qu’elle ne voulait pas mêler leurs nouveaux potes à tout ça mais partons du principe que toute une bande, ça se remarque bien plus que deux personnes dans une foule.

Un accès sur le côté gauche, compris. Il n’y avait plus qu’à se frayer un chemin jusque-là en jouant un peu des coudes – ce que Noomi avait toujours su faire avec talent – et voir comment ça se passait. Et lorsqu’ils arrivent sur place, c’est pour se rendre compte que la sécurité est bien en place. Il faut dire qu’il y a du monde et de l’alcool. Sans doute pas que ça, d’ailleurs. Si on rajoute la chaleur en plus, ça ne doit vraiment pas faire bon ménage, tout ça. Peut-être y avait-il une faille, une brèche au changement d’artistes dans laquelle ils pourraient se glisser ? Sinon, ils pourraient toujours tenter de créer une diversion. Si la première idée qui est venue à l’esprit de Dorian était de simuler un malaise – idée qu’elle aurait trouvée ingénieuse s’il l’avait formulée à voix haute -, celle qui vint à l’esprit de la blonde fut de démarrer une bagarre. Chassez le naturel, il revient au galop. Mais pour sa défense, ç’avait l’air si facile quand on voyait cet amas de gens, tout semblait propice à une bonne vieille bagarre et ce qui était sûr, c’est que ça délogerait la sécurité de son poste de surveillance.

Mais mieux valait peut-être garder cette option comme dernier recours, si rien d’autre ne marchait parce que bon, c’est sûr que ç’avait l’air fun dit comme ça – du moins de son point de vue - mais il ne se trouverait plus personne pour l’écouter et ça serait quand même dommage. Bref, ils attendirent le changement d’artistes tout en observant attentivement ces types. S’ils étaient vraiment dans Ocean’s Eleven alors ils auraient fait ce repérage longtemps à l’avance, peut-être même l’année dernière pour être fin prêts le jour J tandis que là, ça ne saurait qu’être bancal. La grecque s’en rendait bien compte et elle fit un peu la moue tout en commentant :

« Mouais… Si tu veux mon avis, ça va être compliqué, ils ont l’air aussi entraînés que la garde royale. A croire que la reine Elizabeth ou un de ses rejetons s’apprête à monter sur scène. Quel spectacle ça serait, quand même, je paierais cher pour voir Elizabeth s’époumoner au saxophone dans une reprise enflammée de Baker Street ou Careless Whisper. »

Pas de doute, ça en vaudrait carrément le détour. Mais mieux valait laisser tomber cette idée, elle ne voudrait pas que la reine finisse par casser sa pipe à cause d’un saxophone, surtout qu’elle a l’air bien partie pour rejoindre les immortels. Elle préféra revenir à ce qui les intéressait présentement.

« J’propose qu’on tente de créer une diversion. »

Dorian n’aurait plus qu’à la convaincre de ne pas démarrer de bagarre, il pouvait réussir cet exploit.

Non, bien sûr qu’elle ne voulait pas que la reine meure. Bien qu’elle s’en fichait au fond : en termes de longévité, Elizabeth ne se défendait pas si mal. Noomi se demanda d’ailleurs rapidement quel âge elle pouvait bien avoir – approximativement dans les cent sept ans – et si elle finirait par tous les enterrer. Perturbante, cette idée. Supposant qu’il y avait de grandes chances pour que la réponse soit positive – ce qui était d’autant plus perturbant -, elle préféra chasser la vision fugace d’une Elizabeth momifiée en train de jeter des poignées de terre à tour de bras dans un cimetière s’entendant à perte de vue pour se focaliser sur celle d’un dentier. Hum. Pas sûre que ça soit vraiment mieux, finalement, mais ç’eut le mérite de bien la faire rire en attendant. Elle pouffa avant de répliquer :

« Avoue que t’en meurs pourtant d’envie ! »

Mais, pour en revenir aux choses sérieuses, Dorian lui exposa alors son plan. Qui, comme prévu, lui parut tout ce qu’il y a de plus brillant. Et nettement moins risqué, voire dangereux que le sien. Oui, sauf que c’était apparemment à elle de jouer la comédie et ça, revanche, la blonde n’était pas convaincue le moins du monde d’y parvenir ; il y a bien une raison pour laquelle elle se faisait toujours gauler dès qu’elle essayait de mentir : elle n’était pas particulièrement douée pour ça. Mais bon, ça devrait pouvoir se tenter. Après tout, l’enjeu était un peu moindre tout de même, il n’était pas question de rejoindre son ex-petit-copain en douce pour une fois.

« Euh… t’es sûr de toi sur ce coup-là ? J’suis pas vraiment Kathy Bates, tu sais… »

Cependant, Dorian avait raison sur un point : avec la chaleur qu’il faisait, c’était tout à fait plausible. Et qu’importe si son jeu d’actrice n’était pas digne de se voir décerner un Oscar, il y avait trop de monde pour qu’ils y fassent véritablement attention, n’est-ce pas ? Autant partir là-dessus. Au bout de quelques secondes de réflexion intense, Noomi finit par hausser les épaules avant de se rapprocher davantage des types de la sécurité en faisant signe au jeune homme de la suivre. Elle but une gorgée de bière avant de lui mettre son gobelet entre les mains et de plaquer théâtralement une main sur sa poitrine en s’exclamant :

« Ciel, je défaille. »

On repassera sur la nécessité de cette réplique pour se concentrer sur le fait qu’elle venait de se laisser tomber au sol.

Hum hum, comme si Evan Rachel Wood jouait moins bien que Kathy Bates et que c’était plus facile de l’imiter. Rares sont les bons acteurs à Hollywood et force est d’admettre que la jolie blonde en fait indéniablement partie. Mais là n’était pas la question puisque Dorian semblait croire en elle. Remarque qui étira ses lèvres en un sourire sincère ; il semblait la croire capable de tout. Elle pourrait lui annoncer que demain, elle doit sauver le monde à elle toute seule qu’il croirait encore que c’est faisable. Juste parce que c’était elle. Heureusement que des deux, il y en avait quand même un pour garder la tête sur les épaules. Mais soit, en avant Guingamp. Si la grecque avait dû donner une note à sa performance, elle aurait donné un six. L’expression était complètement dépassée mais digne des meilleures pièces Shakespeariennes et puis elle était tout de même parvenue à tomber par terre au milieu de toute cette foule – elle s’était poussée pour lui en laisser la place, quelle gentille attention de leur part, vraiment -, elle avait littéralement donné de sa personne. Cela dit, quelques bleus et courbatures de plus ou de moins, personne ne verrait la différence, sûrement pas elle, ça faisait partie de son quotidien depuis toujours.

Enfin bref, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne déconnaient pas avec la sécurité dans ce festival puisqu’en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Noomi se retrouva sur une civière. Il faut croire qu’elle avait sous-estimé ses talents d’actrice – comme des tas de choses – puisqu’elle parvint à garder son sérieux et jouer la personne inconsciente à merveille. Bon bien sûr, elle ne sortirait pas de cette aventure avec la subite envie de prendre des cours de théâtre ou quoi que ce soit de ce genre car ça ne changeait rien au fait qu’elle n’était pas douée pour le mensonge mais en tout cas, ça l’amusait énormément. Comme quoi, elle avait bien fait d’accepter la proposition. C’est donc ainsi qu’ils se retrouvèrent en backstage. On lui tapota ensuite la joue en l’appelant et, après s’être fait la réflexion que ce n’était pas désagréable d’être le centre de l’attention, la blonde estima que c’était le bon moment pour faire semblant de revenir à elle. Puis, afin de se débarrasser de l’équipe affairée autour d’elle, il y avait une technique très simple :

« Pfiou, j’ai besoin d’un peu d’air. Ça vous ennuie pas de… »

Même pas besoin d’en dire plus, ils avaient tous hoché la tête de concert avant de s’éparpiller.