sail the seven seas → charlie

Plus elle y pense, plus Vesper a l’impression que ça fait une éternité qu’elle n’a plus vu Charlie. Pourtant, c’est important pour elle qu’elles gardent le contact ; celles qui ont fui le culte. Charlie bien plus tôt que Vesper mais c’est normal, elle n’était pas aussi impliquée en ce temps-là. Et c’est tant mieux. Aujourd’hui, la blonde comprend qu’un culte, qu’il soit pacifique et rempli de hippies ou de gens moins bien intentionnés n’est jamais une bonne chose. D’autant moins lorsque vous vouliez être libre-penseur, tout ce qu’une secte ne vous permettra jamais d’être, évidemment. Enfin bref, puisqu’elles ont toutes deux décidé de refaire leur vie au pays des kiwis, il faut en profiter. D’autant qu’elles peuvent enfin se voir en tant que femmes libres, si ce n’est pas beau, ça. C’est pour cette raison qu’un beau jour, alors que les jours ensoleillés se faisaient encore nombreux, la texane avait contacté son amie pour faire un petit tour en mer. Non seulement elle a l’impression que ça fait des lustres qu’elle n’a plus vu Charlie mais elle a également l’impression que ça fait encore plus longtemps qu’elle n’a pas navigué et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça lui manque. Cela dit, ça fait partie des avantages de vivre à la côte : pas besoin de sortir le bateau pour sentir la brise maritime jouer dans ses cheveux.

Bref, ce jour-là, la blonde a quitté sa maison de bonne heure pour se rendre au port en bus. Longtemps avant que Charlie n’arrive car il fallait avant tout qu’elle prépare le bateau. Pour ce qui est de l’entretien, Vesper y passait une bonne partie parce que, comme dirait le docteur Green, de la rouille sur un bateau, c’est comme un cancer et il n’était pas question que son Billy Blue ait le cancer des bateaux. Non, il s’agit plutôt de l’aspect technique dont je vous passerai les détails afin que vous ne mourriez pas d’ennui. Bref, elle est à présent dans la cabine, posée sur la banquette, un paquet de chips à la main, en train de regarder la télé en attendant Charlie lorsqu’elle entend du bruit dehors et se décide à aller voir s’il s’agit bien de son amie. Le soleil tape pas mal alors la texane enfile sa part de lunettes de soleil et accueille sa compatriote.

« Welcome on board ! Prête pour la virée de ta vie ? »

Bon, peut-être bien qu’elle s’emballe un peu, elle n’a rien prévu de particulier mais toujours est-il que bronzer avec l’océan à perte de vue, c’est pas mal non plus.

L’enthousiasme de Charlie fait plaisir à voir. Vesper de son côté observe les cartes maritimes du coin. C’est que, comme dit précédemment, elle n’a pas encore eu trop l’occasion de naviguer dans ces eaux mais ça ne lui fait pas peur. Au contraire, elle adore partir à la découverte de nouvelles contrées, elle se sent un peu comme Christophe Colomb dans ces moments-là. Des tas de points négatifs en moins, bien sûr. Elle n’a pas par exemple aucune intention d’aller saillir des indigènes – déjà ça serait un peu compliqué pour une femme, oui - pour mêler leurs gênes si jamais elle venait à en rencontrer, par exemple. Ni de leur fournir des couvertures pleines de virus mortels pour eux. Non, elle, c’est uniquement la découverte qui l’intéresse. Pendant ce temps-là, Charlie s’installe avant de lui parler d’une excellente idée pour la prochaine fois : emprunter du matériel de plongée était vraiment un truc à faire. D’ailleurs, elle s’en veut un peu de ne pas y avoir pensé avant car elle n’a rien prévu d’autre pour aujourd’hui que d’errer sur les flots. Bien sûr, elles pourraient toujours jeter l’ancre quelque part pour aller nager ou encore faire un tour sur les petites îles alentours.

« Oh t’as raison, j’aurais dû y penser plus tôt. Mais oui ça marche, on fera ça la prochaine fois ! Ici j’ai masques, palmes et tubas s’il faut. On pourra pas descendre bien bas mais ça peut être fun aussi. »

Son amie lui demande alors ce qui est prévu au programme. Et la blonde a toujours un peu peur de faire paniquer la personne en face d’elle lorsqu’elle annonce :

« C’est une des premières fois que je sors le bateau hors du port depuis que je suis arrivée, alors je me suis dit que c’était l’occasion de découvrir un peu les environs. »

Puis elle désigne les cartes posées devant elle.

« Mais t’en fais pas, j’ai eu le temps de bien étudier ça pour être sûre de ne pas nous jeter dans un tourbillon ou encore dans le triangle des Bermudes néo-zélandais, rassure-toi. »

En tout cas, elle serait rassurée à sa place. Enfin, sûrement un peu. Puis elle s’enquiert :

« T’as des notions de langage de marins ou pas du tout ? Genre si je te dis bâbord et tribord, t’arrives à les différencier ? »

Vesper n’a pas non plus l’intention de la faire bosser comme un moussaillon, elle peut très bien diriger le bateau toute seule, c’est juste histoire qu’il n’y ait pas d’accident car c’est déjà arrivé.

Etrangement, l’océan a toujours eu le don d’attirer Vesper. Sans doute parce qu’au Texas, il n’y a que sable et poussière. Une aridité que l’on ne retrouverait que dans le Sahara. Ou peut-être sur Mars, éventuellement. C’est une des raisons pour lesquelles elle n’avait pas hésité une seule seconde à quitter son ranch pour partir vivre à Los Angeles ; le fait de vivre au bord de l’eau. D’ailleurs, il y a également des chances pour que la brise maritime dans ses cheveux ait été un facteur déterminant dans le choix de sa ville de fuite. Certes, Island Bay est très différente de Los Angeles mais il y a néanmoins l’une ou l’autre similitude si on regarde bien. Tout ça pour dire qu’elle a appris à naviguer dès l’instant où elle a pu poser les mains sur une barre, lors d’une fiesta sur un voilier. Bref, la blonde expose alors son plan pour la journée à Charlie qui le valide. Après tout, l’essentiel c’est de prendre l’air et le soleil tout l’après-midi ; se ressourcer en quelque sorte. Vesper rit à l’évocation du radar anti-tourbillon. Bon sang ce que ça pourrait être pratique d’en avoir un… en attendant, il faut se contenter de faire confiance aux cartes qui recensent ce genre de trucs autant que possible. Bien qu’on ne soit jamais réellement à l’abri de tomber sur un qui aurait échappé à la vigilance des garde-côtes. Mais la texane n’a pas non plus l’intention de faire du hors-piste, elle serait prudente.

Charlie lui apprend ensuite qu’elle s’y connaît pas mal en matière de bateaux et qu’elle peut même aller jusqu’à lui donner un coup de main si elle en a besoin. Quel soulagement, d’habitude, elle a affaire à des gens riches qui n’ont l’habitude que de naviguer à bord de yacht luxueux. Ce qui est tout de même sensiblement différent mine de rien.

« Oh non, t’en fais pas, ça devrait aller j’ai l’habitude. C’est juste que j’ai tendance à m’exprimer comme un vieux loup de mer quand je suis à bord et je pense pas toujours que tout le monde ne comprend pas. »

Bref, Vesper largue les amarres et le bateau quitte alors le port, laissant la ville derrière eux ; bientôt, il n’y aurait plus que l’océan à perte de vue. C’est alors que son amie fit une légère entorse à la règle : à savoir qu’on ne boit pas à bord d’un bateau. Ça ne dérange pas Vesper cependant puisqu’elle sait quand s’arrêter ; l’alcool n’a jamais été un problème pour elle contrairement à d’autres substances, fut un temps. Elle prend le gobelet qu’elle lui tend pour le siroter.

« Tchin ! Merci, il est pas mal du tout ! Ça vient de chez nous ? »

Une fois qu’elles se furent suffisamment éloignées, la blonde commence à chercher le bon endroit des yeux.

« Surtout, si tu vois un spot où on pourrait jeter l’ancre, fais-moi signe. »

Un cadeau des Barrow, ça ne se refuse pas, d’autant qu’ils savent y faire ; ce whisky est au top. Selon ses goûts en tout cas, bien qu’elle ne soit pas une grande experte, préférant planer un peu quand l’occasion se présentait – les mauvaises habitudes ont la vie dure – mais hé l’essentiel c’est que ça lui plaise après tout.

« C’est super, si jamais il y a de trop, tu sais où tu peux l’envoyer. »

Chez elle, évidemment. Après quoi elles voguent et Vesper précise à Charlie qu’elle peut lui faire signe si jamais elle entrevoit un spot qui lui plaît où elles pourront jeter l’ancre. C’est qu’elles ont déjà commencé à s’éloigner pas mal d’Island Bay et qu’il y a pas mal d’autres petites îles alentours à visiter. Si ça se trouve, c’est une star différente qui a acheté chacune d’elles histoire de pouvoir y faire construire une villa de rêves sans personne pour les emmerder. Ça doit être le pied d’être riche à ce point, tout de même. Enfin, la blonde estime qu’elle est suffisamment riche comme ça – bien qu’elle ne le soit pas vraiment -, ça ne serait pas très utile de l’être plus mais juste avoir de quoi se payer une île ainsi que la villa qui va avec lui paraît tout ce qu’il y a de plus raisonnable. Bref, son amie lui désigne alors un endroit et elle hoche la tête, un petit sourire aux lèvres. Parfait. Elle jette dont l’ancre avant Charlie et d’aller troquer ses vêtements contre son maillot de bain. La détente peut commencer.

Elle étend une serviette de bain sur le pont, attrape sa crème solaire et enfile sa paire de lunettes de soleil avant de s’installer.

« Y a des fruits, des chips et des rafraîchissements dans le frigo, tu fais comme chez toi. »

Puis elles commencent à papoter comme des filles, ce qu’elles sont. Enfin, des femmes mais on ne va pas trop s’étaler là-dessus, ça ne les empêchera de toute façon pas de commérer comme des collégiennes.

« Ça se passe bien ! Ça commence à faire un moment que Rafa et moi on sort ensemble, maintenant. On prévoit rien, on laisse faire les choses. C’est vraiment quelqu’un de bien. »

Et pas qu’en opposition à Luis, c’est quelqu’un de bien tout court, comme il y en a peu.

« Et alors ? Du neuf de ce côté-là ? »

Il est vrai que la vie sentimentale de Vesper avait jusqu’ici été quelque peu chaotique ; il y avait d’abord eu Chris, le fils du shérif d’Abernathy qu’elle avait plaqué devant l’autel en se rendant compte qu’ils n’étaient clairement pas faits l’un pour l’autre, suivi d’une longue traversée du désert entrecoupées de l’un ou l’autre flirt en passant et puis Luis. Si tant est qu’on puisse réellement mettre Luis dans cette case, c’est un cas tellement particulier, celui-ci. Et voué à l’échec, ce qu’elle avait compris dès le départ, évidemment. Alors on peut dire que c’est la première fois qu’elle se sent réellement à sa place dans son couple avec Rafa, assez rare pour qu’on le souligne et qu’elle le partage avec Charlie qui a l’air sincèrement heureuse pour elle. Ça fait plaisir.

« C’est gentil, merci. »

Du côté de l’autre texane en revanche, il semblerait que sentimentalement parlant, il n’y ait rien de neuf à l’horizon mais qu’à cela ne tienne, elle avait des projets professionnels bien plus intéressants. Une émission de télé, c’est sensas !

« Non, sérieux ?? Wow c’est génial, je croise les doigts pour que ça se passe bien ! »

Vesper imagine totalement Charlie en reine des speakerines, un rôle qui lui irait à la perfection. Puis elle lui parle de l’y inviter et elle comprend que ça sera donc une espèce de Vis ma Vie, plutôt sympa comme concept d’émission, le genre qui intéresse les gens au lieu de les abrutir.

« Avec plaisir ! En plus, ça tombe bien, tu n’as jamais été du genre à avoir froid aux yeux, pile ce qu’il faut pour tester ce métier. »

Ainsi, Vesper n’aurait pas peur de la secouer un peu afin de lui montrer au mieux à quoi ça ressemble exactement de faire son métier de casse-cou. Puis son regard se reporte sur l’île la plus proche comme s’il était aimanté.
« Ça serait cool que cette île soit privatisée par Brad Pitt ou quelque chose comme ça et qu’on le voit se promener sur sa plage privée, tu trouves pas ? »
Bon okay, aucune des deux n’a réellement besoin de voir des stars, c’était un peu leur quotidien de temps à autre mais ça serait tout de même intéressant à regarder, comme scène. Une idée lui vient alors.

« Tu voudrais qu’on aille voir ? »

Pas forcément s’il y avait bien Brad Pitt. Mais qui sait ?